Chapitre 14
> Mardi 24 novembre
Noah franchit la porte de son bureau à quatorze heures pétantes ! Pas une minute d'avance, ni une minute de retard. Le souffle court, les joues rougies par le froid, il arborait un immense sourire aux lèvres.
Certes, ces dernières n'avaient pas eu la chance de goûter la saveur de celles d'Aaron, mais il était plutôt fier d'avoir fait le premier pas et d'avoir réussi à rattraper son comportement du samedi.
Il n'avait été ni froid, ni distant, ni hautain. Il avait été tout le contraire. Il avait mangé de façon posée avec Aaron, avait évoqué sa famille puis rapidement Gaëtan avant de devoir reprendre la direction du travail.
Toujours un sourire accroché sur les lèvres, il se dirigea vers la cuisine pour aller se servir un café bien chaud.
— La pause déjeuner semble avoir été bénéfique. Tu es bien moins grognon que ce matin, le taquina Sylvie qui sortait de la pièce une tasse de thé à la main.
En réponse, il haussa simplement les épaules sans que son sourire ne diminue.
Il était rassuré qu'Aaron ne l'ait pas envoyé promené et d'avoir échangé avec une telle facilité avec lui. Il avait parlé. Beaucoup. Enormément. Trop ?
Son souffle se coupa et son sourire disparu. Leur repas lui revint en mémoire et il prit conscience que lui avait énormément parlé. Tellement qu'il n'avait pas laissé Aaron placer un seul mot dans leur conversation.
En quelques enjambées, il retrouva son bureau et s'empara de son téléphone qui trainait sur ce dernier.
«— J'ai tout gâché. »
La réponse de Gaëtan ne fut pas longue à arriver.
«— Je croyais que tu t'étais décidé à lui offrir un déjeuner pour te faire pardonner ? »
«— C'est ce que j'ai fais. Mais j'ai tout gâché. Encore. »
«— Qu'est-ce que t'as fait ? »
«— J'ai parlé. Un vrai moulin à parole. Tellement que je ne me suis pas aperçu que je ne l'ai pas laissé placer un seul mot de la conversation. »
A mesure que les messages s'échangeaient avec Gaëtan, Noah prenait conscience de son comportement et de la raison qui l'avait rendu si éloquent.
Il avait tellement eu envie de se faire pardonner son comportement froid et distant, qu'il avait eu peur qu'un blanc s'installe entre eux et qu'Aaron lui pose encore une question qui l'aurait embarrassé. Il avait donc pris les devants, abordé un sujet sur lequel il était intarissable et ne s'était pas arrêté.
Après l'avoir trouvé antipathique, Aaron devait le trouver égoïste et narcissique. Il devait penser que Noah ne s'intéressait qu'à lui-même et à personne d'autre. Il souffla fortement tout en tapant un nouveau message pour Gaëtan sans attendre sa réponse.
«— Il va penser que je suis imbu de ma personne et que je me moque de ce qui l'intéresse lui. Il va pas vouloir me revoir. Tu crois que je dois lui envoyer un message ? »
Ses doigts tapaient nerveusement le bord de son bureau alors qu'il mordillait sa lèvre inférieure. La réponse de Gaëtan tardait à venir rendant Noah encore plus nerveux. Il devait se remettre au travail mais la concentration ne semblait pas vouloir faire son apparition. Il était trop angoissé pour envisager de bosser sans faire de conneries.
Résigné, il décida de se contenter d'archiver des dossiers terminés.
Noah s'empara du cinquième dossier, jeta des feuilles sur le tas déjà présent sur le sol - destiné à passer à la broyeuse - puis le reposa sur la pile de ceux épurés. Il allait s'emparer d'un sixième dossier lorsque la sonnerie de son téléphone retentie.
Il se jeta sur ce dernier comme un camé se précipiterait sur sa dose.
«— Détends-toi ! Arrête de t'angoisser et de tirer des conclusions hâtives. Tu ne sais pas ce qu'il pense. D'accord, tu es passé d'un extrême à l'autre. Un coup tu es froid et muet, la fois suivante tu es une vraie pipelette, mais ça ne signifie pas qu'il va t'ignorer. Il a accepté de déjeuner avec toi après que tu aies été un vrai con ! Alors je ne pense pas qu'il te tienne rigueur d'avoir été un moulin à parole. Il faut que tu arrêtes de stresser, de te poser des questions inutiles et surtout d'imaginer le pire ! Il faut que tu prennes confiance en toi Noah. Soit juste toi. Si tu veux lui écrire, tu lui écris. Si tu ne veux pas alors ne le fais pas. Soit toi-même et tu verras que tout se passera bien et qu'il tombera sous le charme. Cesse de penser au passé et de ressasser. Fais lui confiance. Fais-toi confiance et tout ira bien. Tu en vaux le coup mon loulou ;) Je t'aime <3 »
Un poids quitta les épaules de Noah. Un léger sourire revint doucement sur ses lèvres et il délaissa les dossiers à archiver pour se remettre sur ses dossiers en cours. L'angoisse le quittait peu à peu.
Gaëtan était un meilleur ami parfait.
☆
Un sac imprimé de la mention « McDonald's » à la main, il pénétra dans son appartement.
Noah ôta ses chaussures sans délicatesse, laissant ces dernières au milieu du couloir, puis posa sa veste sur une chaise du salon. Il s'affala sur une de ces dernières puis croqua une bouchée de son hamburger préféré.
Il avait fini par réussir à se concentrer après ses échanges avec Gaëtan. Tellement qu'il n'avait pas vu l'heure passer et s'était retrouvé à quitter son bureau un peu après vingt heures et avait commandé son repas sur une application, croisant les doigts pour que les livraisons ne soient pas terminées. Il était arrivé au pied de son immeuble à peine trente secondes avant le livreur.
Avachi sur sa chaise, la télévision allumée, il ne lui fallut que quelques minutes pour dévorer son menu. La fatigue tombait sur ses épaules et, même s'il était rentré chez lui depuis moins d'une heure, il ne rêvait que d'une chose : se blottir dans ses draps pour une bonne nuit de sommeil.
Il ne tarda pas à mettre son plan à exécution. Après une douche bien chaude pour réchauffer son corps, et surtout ses pieds qu'il recouvrit d'une paire de chaussettes, il se laissa tomber comme une masse dans son lit.
Un léger sourire se dessina sur lèvres aux souvenirs de son déjeuner, avant que la vague de doute que Gaëtan avait balayé ne revienne.
Il avait hésité et avait finalement opté pour l'absence de message. Noah estimait qu'il avait été barbant en déblatérant ainsi sa vie à Aaron. Alors lui envoyer un message ne ferait que confirmer l'image de lourdaud qu'Aaron devait désormais avoir de lui.
Son ventre se gonfla à l'extrême, rempli d'oxygène, avant qu'il ne relâche ce dernier dans un soupir à fendre l'âme.
Il avait beau crier à tort et à travers qu'il avait tourné la page et que Robin n'était désormais plus qu'un souvenir, il ne pouvait pas s'obstiner à fermer les yeux. Certes, il n'avait plus aucun sentiment pour son ex-compagnon, mais son départ ne s'était pas fait sans perte.
Les années avaient beau passer, les incertitudes, les doutes et l'absence de confiance étaient toujours bien présents. Son entourage - Gaëtan le premier - avait beau tenter de le rassurer, cela ne semblait pas durer éternellement.
Il suffisait qu'il se retrouve seul au fond de son lit pour que la confiance et la tranquillité instaurées par Gaëtan l'après-midi même se dissipent. Ses craintes revinrent aussi vite qu'un boomerang, envahissant son subconscient.
La fatigue, pourtant si présente et accablante, s'envolait aussi vite que les feuilles balayées par le vent d'automne.
Ses dents mordillaient sa lèvre inférieure sans relâche. Les « Et si » devenaient encore une fois ses meilleurs amis. Peut-être aurait-il dû juste s'arrêter à cette soirée catastrophique ? Après tout, si elle s'était si mal passée, ça devait être un signe.
Son portable vibra sur sa table de nuit mettant fin à ses rengaines incessantes.
«— Merci pour ce midi. J'ai apprécié l'attention. »
Un sourire se dessina sur ses lèvres à la lecture du message d'Aaron.
Une nouvelle vibration annonça l'arrivée d'un second message avant qu'il n'ait eu le temps de répondre.
«— Vraiment. »
Ses lèvres s'étirèrent un peu plus. Il pouvait entendre le rire de Gaëtan et ses moqueries si son ami voyait la moue niaise qu'il devait arborer à cet instant.
Il souffla puis pris son courage à deux mains pour taper une réponse.
«— J'ai apprécié de passer du temps avec toi. »
Il avait envie d'ajouter « Désolé d'avoir été un vrai moulin à parole » mais s'abstint.
«— Un ciné vendredi ? »
Noah haussa un sourcil. Un cinéma ?
«— As-tu oublié que les cinémas sont fermés ? »
«— T'occupes. Alors ? D'accord ou pas d'accord ? »
«— D'accord. »
«— Chez moi à 19h. A vendredi ;) »
Intrigué, Noah se demandait ce qu'Aaron pouvait bien lui réserver. Les salles de cinémas étaient toujours closes, tout comme bon nombre d'autres commerces. Le confinement était peut-être bénéfique pour leur santé, mais pas pour les économies et activités de la population.
Malgré cette situation, Noah sourit un peu plus.
D'abord parce que, si Amélia venait à savoir ce qui se tramait, elle ne pourrait pas s'empêcher de lui faire subir un interrogatoire et de l'embêter avec ses infractions au confinement, lui qui avait été pourtant si assidu lors de celui imposé au printemps.
Et surtout parce qu'Aaron ne semblait pas avoir été vexé - une nouvelle fois - par son comportement, mais plutôt décidé à le revoir.
Ses peurs disparurent pour ce soir et il s'endormit d'un sommeil du juste, toujours le sourire aux lèvres.
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