Chapitre 13
> Mardi 24 novembre
— Les acquéreurs seront ravis que leur offre soit acceptée. Ils ont eu un réel coup de cœur pour votre appartement.
Son client, de son côté, était enchanté que la transaction ait été si rapide et rondement menée.
Ils parlèrent encore quelques minutes, échangèrent des papiers supplémentaires puis l'annonce du notaire chargé du dossier crispa légèrement Aaron.
— Maître Banner. Demandez Noah quand vous apporterez le dossier, il est déjà informé.
Aaron répondit avec un sourire, ignorant totalement le petit emballement de son cœur avant de finalement accompagner son interlocuteur jusqu'à la porte de l'agence ; moment que choisit Mark pour pénétrer dans les locaux.
— Salut ! s'exclama Mark.
Il traversa le petit hall pour aller jeter sa veste sur la chaise de son bureau, puis revint rapidement vers celui d'Aaron.
— Encore une négociation réussie ?
Aaron approuva derechef, tout en saisissant une enveloppe pour y écrire le nom de Noah.
— Une affaire qui va te permettre d'aller voir ton tout beau ! enchaina Mark avec un clin d'œil, en désignant l'enveloppe annotée d'un signe de tête.
Aaron soupira en levant les yeux au ciel. L'enveloppe finit sa course dans la bannette intitulée « courrier » sous le regard surpris de son associé.
— Qu'est-ce que tu fais ? Toi qui cherchais une occasion de le voir depuis votre première rencontre, tu vas juste envoyer le dossier par voie postale ? D'ailleurs, tu sais qu'Internet et les mails existent ? Bien sûr que tu sais, vu que tu l'as invité à boire un verre par mail, termina-t-il moqueur.
— Tu comptes me charrier avec ça encore longtemps ?
— Combien de temps t'étais-tu moqué quand je me suis retrouvé à poil sur le palier devant ma toute nouvelle voisine très mignonne et son père ?
Aaron fut incapable de retenir un sourire à ce souvenir.
— Voilà ! Tu vas en entendre parler encore longtemps !
— Ce que tu considères comme une bourde de ma part est quand même moins honteux.
— N'empêche qu'aujourd'hui je suis marié avec ladite voisine, se vanta Mark en pavanant l'alliance placée sur son annulaire gauche. Est-ce que tu peux en dire autant avec ton sexy clerc de notaire ?
Pour toute réponse, Aaron grogna puis se concentra sur l'écran de son ordinateur, ignorant totalement son associé et ami.
— Quoi ? Pas de petit bisou lors de ta petite soirée, rien du tout ? demanda Mark en s'affalant sur le fauteuil face à Aaron.
— C'était bizarre.
— Bizarre ?
— Au début ça se passait bien et puis je lui ai demandé si je lui faisais peur pour qu'il ait été si réticent à l'idée d'un verre en ma compagnie.
A son tour, Aaron s'affaissa dans son fauteuil, repensant à la soirée passée en compagnie de Noah.
Il avait eu peur de rester silencieux, trop occupé à fantasmer sur son invité, mais finalement il en venait à regretter d'avoir voulu rompre le silence pour cesser d'imaginer le corps nu de Noah, gémissant sous ses caresses.
— T'oses pas l'inviter boire un verre en face à face, par contre lui poser une question légèrement embarrassante pour lui ça tu oses ?
— C'est bon, je me passe de tes commentaires.
Devant l'air grognon de son ami, Mark l'incita à continuer ses explications et cessa ses petites moqueries.
— Il n'a pas répondu et puis il est devenu...
Il chercha ses mots quelques dizaines de secondes avant de poursuivre.
— Froid, distant, hautain.
Le visage de Mark afficha une mine étonnée.
Aaron était sous le charme de Noah depuis le premier rendez-vous qu'il avait eu en sa compagnie. Et les adjectifs qu'il avait employés aujourd'hui étaient loin de ceux qu'il avait utilisés jusqu'à présent. Ces mots ne correspondaient pas - ou plus - au Noah charmant, rassurant, doux et attentif dont il avait entendu parler.
Aaron semblait parti dans ses récents souvenirs.
Il raconta à Mark la façon dont Noah s'était tendu après sa question, avant de le toiser comme s'il n'était qu'un moustique dont on voulait se débarrasser, celui que l'on entendait voler à proximité de nos oreilles mais qu'on est incapable d'écraser.
Bien évidemment, il avait ignoré sa question et s'était rassasié d'une nouvelle gorgée de son cocktail. Aaron avait tenté de relancer la discussion, mais Noah s'était contenté de répondre de façon très brève, enchaînant les « oui », « non », « Hum », « Ok » et autres onomatopées. C'est tout ce qu'Aaron avait réussi à récolter.
Leurs regards ne s'étaient plus croisés une seule fois, Noah ne cessant de s'échapper à celui d'Aaron, alors que lui ne faisait que chercher à rencontrer ses prunelles dans l'espoir de le décrypter.
Les silences qui s'étaient installés entre eux étaient devenus lourds et gênants, puis Noah avait fini par fuir la soirée, abandonnant Aaron dans une totale incompréhension avec un simple « Merci, salut ».
Encore une fois, Aaron avait imaginé plusieurs scénarios, mais pas que cette soirée pourrait s'avérer si gênante.
Il avait ressassé, rejoué toute la soirée dans son esprit le lendemain.
Il devait reconnaître qu'il avait été un peu direct par sa question - son impatience le perdra un jour ! Il ne s'attendait pas pour autant à ce que cette dernière jette un froid digne de celui qui avait recouvert le royaume d'Arendelle dans le dessin animé « La Reine des Neiges ».
Pourtant, malgré cette soirée catastrophique - la pire de toutes ces premières sorties avec un potentiel futur copain - il n'arrivait pas à se persuader que Noah n'était pas, dans la vraie vie, comme il se comportait sur son lieu de travail.
Comparer leurs rencontres lors de rendez-vous professionnels et celle chez Aaron avait également occupé une bonne partie de son dimanche. Puis la veille, seul à l'agence, il s'était plongé dans le travail pour éviter d'y penser encore.
Il avait longuement hésité à adresser un message à Noah, pour s'excuser... mais de quoi ? Il n'en était pas réellement sûr. Ses doigts l'avaient démangé, mais cette fois-ci, il avait résisté.
Sa décision semblait être la bonne puisque Noah n'avait pas non plus cherché à le contacter. Certainement un signe qu'Aaron ne l'intéressait pas.
Il soupira une nouvelle fois puis avala plusieurs gorgées d'eau, la gorge sèche après avoir raconté le moindre détail de son week-end à Mark.
— Et donc tu ne veux pas apporter ce dossier, dit Mark en désignant les papiers du doigt, parce que tu ne veux pas le revoir ?
— Je sais que c'est pas professionnel comme réaction mais si je pouvais attendre encore quelques jours, ça m'arrangerait. Sinon, je suis capable de lui demander pourquoi il a fui.
Mark esquissa un léger sourire.
— Je dois admettre qu'avec lui tu sembles décidé à mettre les pieds dans le plat !
Il tapota amicalement l'épaule d'Aaron avant d'aller prendre place à son bureau. Il était temps pour lui de se mettre à travailler !
☆
La matinée fila à toute vitesse et Aaron se rendit compte qu'il était temps pour lui d'aller déjeuner lorsque Mark quitta l'agence avec un joyeux « Bon appétit, à toute ! ».
Il sauvegarda son fichier, saisi sa fine veste noire qu'il enfila sans la fermer, s'empara de son trousseau de clés et quitta l'agence direction la supérette pour aller faire quelques courses et notamment s'acheter à manger.
— Bonjour.
Surpris, ses clés s'échappèrent de sa main après qu'il ait fermé pour aller s'écraser sur le sol.
Son regard détailla la silhouette face à lui.
Ses converses fourrées aux pieds, un manteau noir long et épais, une écharpe enroulée autour de son cou et un bonnet vissé sur la tête, Noah se tenait face à lui, un sourire timide sur les lèvres. Ses mains recouvertes de leurs gants en cuir tenaient un sac sortant tout droit de la boulangerie du coin.
— Salut, répondit Aaron.
Un léger silence s'installa entre eux.
Aaron s'interrogeait quant à la présence de Noah dont il était plus que surpris, et celui-ci ne savait pas réellement comment commencer la discussion.
Il avait quitté son bureau à midi tapante sous le regard surpris de ses collègues, non habitués à ce que Noah quitte les lieux si rapidement et surtout à l'heure, pour se précipiter dans la petite boulangerie qu'il affectionnait tant et prendre la direction de l'agence d'Aaron.
Il avait écouté les conseils de Gaëtan, réfléchi à ce qu'il pourrait faire pour arranger la situation, et offrir un déjeuner à Aaron lui avait semblé une bonne idée et un premier pas. Cependant, maintenant qu'il se tenait face à l'objet de ses pensées, il devenait hésitant et timide.
— Je... J'ai... Je, bégaya-t-il alors qu'Aaron tombait un peu plus sous le charme de ce garçon réservé. Désolé pour samedi soir. Je me suis dit que pour me faire pardonner pour mon comportement, on pourrait déjeuner tous les deux.
Noah se rendit compte que sa respiration était coupée uniquement lorsqu'il termina sa tirade. Les joues rouges, le cœur palpitant, il était sur le point de jeter le sac dans les mains d'Aaron pour faire demi-tour, ce qui semblait devenir une de ses spécialités.
— Excellente idée. Tu as le temps de venir jusqu'à chez moi ?
Noah jeta un coup d'œil à sa montre et acquiesça.
Ils auraient pu prendre le bus, pour gagner quelques minutes et se trouver dans l'appartement chauffé d'Aaron plus rapidement, mais aucun des deux ne le proposa, préférant profiter de cette courte marche agréable.
— J'ai paniqué, lâcha Noah sans préambule après plusieurs minutes de silence. Je m'attendais pas à ta question et du coup, je me suis fermé comme une huître. C'est quelque chose que je fais souvent d'après Gaëtan.
Aaron entendit ses explications, mais tout ce qu'il retenu de la phrase de Noah fut le prénom "Gaëtan".
— Qui est Gaëtan ?
Encore une fois, Noah pouvait le juger intrusif et indiscret, mais Aaron avait été incapable de retenir sa pensée.
— Mon meilleur ami.
Le cœur d'Aaron s'allégea à cette réponse et à la constatation que peut-être s'était-il trompé. L'éventualité qu'il plaisait à Noah autant que lui, lui plaisait, revenait au galop.
— Qui, accessoirement, me donne souvent des coups de pieds au cul à cause de mon comportement, baragouina Noah, une moue boudeuse sur le visage.
Aaron le trouva encore plus mignon et adorable avec ce petit air grognon.
— Est ce que ça signifie que je devrais lui dire merci ?
Noah stoppa sa progression et Aaron se mordit la lèvre inférieure. Il réalisait qu'il venait de se précipiter en supposant qu'il pourrait remercier Gaëtan dont il avait tout juste entendu parlé et alors qu'il connaissait à peine Noah.
Finalement, Noah repris sa marche puis haussa les épaules en répondant.
— Oui mais si tu pouvais éviter ça m'arrangerait. Il a déjà les chevilles bien assez grosses !
Aaron lâcha un petit rire, heureux d'échanger avec Noah qui semblait bien plus enclin à la discussion que lors de leur précédente soirée.
☆
Noah s'était senti, encore une fois, très à l'aise dans le loft d'Aaron.
Leur déjeuner s'était déroulé dans une ambiance simpliste et enfantine. Ils avaient mangé, tout en discutant, allant même jusqu'à se chamailler et se taquiner.
Aaron avait été attiré par Noah qui, contre toute attente, s'était avéré un vrai moulin à parole.
Il lui avait parlé de son neveu, Mattéo, avec les yeux pétillants et remplis de fierté. Il avait aussi appris qu'il avait longtemps travaillé avec sa mère avant qu'elle ne prenne sa retraite, qu'il n'échangerait sa sœur pour rien au monde malgré leurs querelles et qu'il était admiratif de la reconversion professionnelle engagée par Arnaud, son beau-frère.
Gaëtan aussi avait été évoqué dans leur conversation, mais Noah avait du s'interrompre sur sa lancée s'ils ne voulaient pas tous les deux retourner travailler avec du retard.
Ils avaient donc repris la route, tous les deux sereins, détendus et repus.
— Merci pour le déjeuner.
Le trajet était passé aussi vite qu'à l'aller et ils se trouvaient déjà devant le lieu de travail d'Aaron.
— Avec plaisir, répondit Noah, les joues se teintant d'une jolie couleur rose.
Sa timidité revenait au galop alors qu'il s'interrogeait sur la manière adéquate de saluer Aaron.
Son interrogation cessa lorsque ce dernier lui adressa un léger signe de la main avant de pénétrer dans les locaux, puis de fermer la porte de ceux-ci sur un Noah toujours aussi stoïque et ses joues n'ayant rien perdues de leur couleur.
Noah, qui avait été si réticent jusqu'à présent, se trouvait déçu qu'Aaron se contente d'un simple signe de main pour lui dire au revoir.
Il aurait aimé goûter à ses lèvres.
☆
> 6 janvier 2021 : cette date restera une date importante pour Noël au boulot.
Ce chapitre n'était pas prévu pour aujourd'hui mais je me suis mis un coup de pied aux fesses pour le sortir pour vous dire Merci !
Merci pour les 1K vues et pour le classement en #1 de la catégorie mxm
C'est peu pour certains, mais beaucoup pour moi. Alors Merci !
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