Je me levais. Encore. Je refaisais les mêmes gestes : passez une main dans mes cheveux, me rincer la figure et commencer à m'habiller. Mais même si le lever était toujours pareil, je savais que, comme d'habitude, ma journée serait extraordinaire. Elle serait extraordinaire pour la simple et bonne raison que j' étais esclave. Esclave... non, plutôt domestique, mais bien traité. Mes petits maîtres étaient adorables et leur parents justes et aimables. Mon rôle au château de Ségur était de m'occuper des enfants, qui avaient pris l'habitude de me surnommer "le gentil Blaise", comme d'ailleurs tous les enfants de la région. Camille, Jean et Jaques étaient toujours gais, gentils et attentionnés.
Je me levais donc de bon cœur, près à entamer une nouvelle journée. Aussitôt que je fus près, je me dirigeais  vers la chambre de la petite Camille, qui était déjà éveillée et qui me sauta au cou dès qu'elle me vis. Les deux garçons, attirés par ce tumulte, vinrent à nous et nous descendîmes petit-déjeuner. En chemin, nous devions traverser le salon de Madame, qui y était installée et y lisait tranquillement. Lorsqu'elle nous vis, elle nous salua, embrassa ses enfants et me donna ses recommandations pour ce jour.
Le petit-déjeuner était excellent, le nouveau cuisinier, Marc, voulait se faire bien voir par ses maîtres, et il travaillait donc avec zèle. J'accompagnais ensuite les enfants et Madame faire leur promenade matinale jusqu'au château de Manne, où demeuraient les cousins et la tante des enfants, puis aidait Marc à fendre les marrons du goûter.
Les enfants allèrent enfin travailler, avec leur préceptrice, Miss Loris.
En cachette, j'écoutais, comme à mon habitude, la leçon de mes petits maîtres. Nous, domestiques, n'avions pas eu droit à une éducation correcte, mais grâce à Camille, Jean et Jaques, je savais écrire, lire et compter. Ce que je ne savais pas, pourtant, était que ma petite vie bien tranquille allait basculer, et tout ça à cause d'une seule phrase :
- Vous allez être vendu au marché de Licras, demain.