Réunion
M. se leva comme tous les matins. Il fit sa toilette, déjeuna d'une simple galette d'orge, puis se dirigea vers sa commode.
Aujourd'hui serait un grand jour. Aujourd'hui serait le grand jour. SA volonté venait enfin de se manifester. Il en avait eu l'intime conviction cette nuit. Dans ses rêves. Aucun doute n'était permis. Il devait se mettre en route sans plus tarder.
Il n'irait pas travailler. Il n'appellerait pas pour s'excuser. A quoi bon, son destin venait de basculer.
Il ouvrit le tiroir du haut, fouilla parmi son linge d'intérieur, en ressortit une photographie qu'il plia soigneusement dans la poche intérieure de son veston, puis sortit.
***
B. ne s'attendait pas à une telle nouvelle. Il avait été visité cette nuit par l'ESPRIT qui l'avait prié de se mettre en route dès l'aube venue.
Il lui fallait quitter son village, sa famille, ses compagnons de pêche... Il ne devait rien emporter, hormis cette photo vieillotte qu'il gardait jalousement dans un coin de la case. Il eut du mal à mettre la main dessus, tant les années s'étaient écoulée. Il avait même fini par renoncer, se demandant s'IL ne l'avait pas oublié.
Mais aujourd'hui était un grand jour, il le savait. Il jeta un dernier regard à sa femme endormie et à son jeune enfant, se dirigea d'un pas décidé vers la plage de sable fin, tira sa pirogue à la seule force de ses bras, puis, d'un coup de pagaie volontaire, s'éloigna du rivage.
***
G. venait de passer une nuit blanche. Comme cela ne lui était plus arrivé depuis des années. Que signifiaient tous ces signes indistincts qui s'étaient bousculés dans son esprit? Ce n'était pas les quelques verres de saké qu'il avait distillé la veille qui pouvaient s'en trouver la cause. Il supportait parfaitement l'alcool, depuis que son père...
Mais ces images à la fois floues et familières annonçaient la bonne nouvelle. De cela , il était certain. Le Grand jour venait d'arriver. Il se leva, comme un automate, avala sa bouillie de riz blanc, puis se prépara minutieusement en vue du long voyage qui l'attendait.
Il contacta la secrétaire de la multinationale qui l'employait, s'excusant de son absence pour la journée, annula sa réservation sur le Shinkansen, puis se dirigea vers l'aéroport de Narita. Dans sa précipitation, il faillit oublier son sésame. Une photographie en couleur qu'il cachait entre deux piles de livres.
Il referma la porte derrière lui sans regret. Une nouvelle vie l'attendait.
***
Il arrivèrent presque en même temps. C'est B. qui posa en premier le pied sur la banquise. Suivi de près par G. M. mis un peu plus de temps, il est vrai qu'il venait de fort loin.
Ils ne s'étaient jamais rencontrés mais pourtant toute bonté rejaillissait en eux. Ils se donnaient l'accolade, se prenaient par le bras, s'embrassaient, le regard bienveillant. Un visiteur anonyme aurait pu croire qu'ils venaient de se quitter la veille. Ils marchèrent longtemps sur la banquise déserte. M. se mouvait avec difficulté, tant ses rhumatismes le faisaient souffrir. Ils ne rencontrèrent âme qui vive. Pas même un ours blanc.
Ils aperçurent dans le lointain, un majestueux iceberg dont la cime se perdait dans un ciel sans nuages. B. pointa un doigt noir dans sa direction. Le voyage touchait à sa fin.
Ils contournèrent l'imposant bloc de neige et LE virent enfin. IL se tenait immobile, agenouillé face à un immense mur de glace sur lequel étaient gravés une infinité de signes religieux.
A leur approche, IL releva la tête et les fixa d'un regard clair et avenant.
- Je vous attendais...
***
IL les invita à s'asseoir en face de lui. B. prit place au milieu d'un cercle imaginaire, entre M. et G.
IL les salua une nouvelle fois puis s'adressa à M.
- Melchior, as-tu amené ton offrande?
Melchior sourit, puis sortit son cadeau qu'il déposa à même le sol gelé.
- L'Or... Le grenier de la Terre.
IL se tourna ensuite vers B. , encadré par ses deux compagnons de voyage.
- Et toi, Balthazar, as-tu amené ton offrande?
Balthazar sourit à son tour, puis déposa son cadeau à même le sol gelé.
- La Myrrhe... L'onguent de la Terre.
IL se tourna enfin vers G.
- Gaspard, connaissant ton étourderie légendaire, as-tu pensé à nous amener ton offrande?
Gaspard partit d'un rire nerveux avant de sortir de sa poche son cadeau, qu'il déposa à même le sol gelé.
- L'Encens... Le poumon de la Terre.
Melchior, en tant que patriarche, s'adressa à leur hôte.
- Et toi, étranger, comment t'appelles-tu?
- Je me nomme Artaban.
- Et qui es-tu?
- Je suis le quatrième Roi Mage.
FIN
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