Le Père Hamel.
Le Père Hamel en imposait par sa prestance.
C'était à la fois un homme grand et sec. Il avait l'air si distant que s'en était intimidant. Sa figure se refusait à la vue et certains de ses traits semblaient avoir été dessinés exprès pour produire cette impression d'évanescence.
C'était cela qui l'avait frappée, au tout début.. Il avait la physionomie aussi inachevée qu'imposante, un faciès en suspens, suspendu au temps qui menaçait de l'emporter à tout instant.
Car le Père Hamel était âgé.
Pris entre quatre rangées de cils délicatement courbés, à la limite de la féminité, ce regard clair, fragile, suggérait davantage les écorchures d'un forçat que la quiétude du sacerdoce.
Les yeux faisaient comme mentir la raideur de la mâchoire et du menton; il en émanait presque de la douceur. Paradoxalement, les sourcils au dessus, fournis et bruns, ciselés et pointus, imprimaient à l'ensemble du visage un relief de supériorité. Le nez, pour sa part, avec ses rondeurs poupines, y ajoutait un zeste de malice. L'étroitesse de sa bouche signifiait définitivement son mépris pour les paroles .
Il ne souriait pas. Ou peu. Perdu ici bas, ses yeux scrutaient l'envers du décors, nos autres facettes. Celles des bêtes que nous étions devenues.
Oui, il scrutait l'envers du décors qui tenait lieu de réalité et en transperçait le voile.
S'il avait l'air à ce point distant, c'est qu'il venait d'ailleurs. Un ailleurs qui nous était inconnu. Cela expliquait cet écart infranchissable entre lui et nous. Et ce spleen que je surprenais parfois au fond de ses paupières.
Au fond de lui, il connaissait la fin tragique qui serait la mienne. C'était à la fois l'essence même de la tragédie qui me frappait, quand, dans l'urgence de se savoir condamnée, celui qui en est l'acteur principal semble hâter votre propre trépas, de telle sorte que l'on n'arrive pas à savoir s'il concrétise ou s'il devance l'irrémédiable.
Sans doute l'angoisse que révélait mon regard provenait de cette intuition morbide.
Il ne me fut pas facile de l'aborder. Pour lui demander de m'entendre en confession.
***************
Il existait une petite chapelle tout au fond de la prison. Et un confessionnal.
- Ma fille, vous avez souhaité que je vous entende en confession?
(plutôt gênée) - C'est cela mon Père.
- Depuis combien de temps êtes-vous incarcérée dans cet établissement?
- Cela va faire bientôt quatre ans.
- Et vous n'avez jamais désiré soulager votre conscience?
(baissant la voix) - J'ai voulu le faire bien avant, Dieu m'est témoin. Mais je n'ai jamais osé franchir le pas.
- Jusqu'à aujourd'hui!
- C'est cela, mon Père.
- Qu'est-ce qui vous a donc décidé, mon enfant?
(se rapprochant de la grille)
- Je n'en peux plus. Je n'en peux plus de ce lieu, de mes codétenues, des gardiennes. Mon Père, aidez-moi.
- Mais comment...
- Aidez-moi à sortir d'ici, je vous en prie. Vous êtes mon seul secours.
(prenant une voix douce) - Voyons, mon enfant, ce n'est pas raisonnable. Je n'ai aucun pouvoir pour accéder à votre demande. Il vous faut être forte, et le Seigneur, par ma présence, est là pour vous aider à supporter cette douloureuse épreuve.
- Vous ne comprenez donc pas. J'ai longuement réfléchi et vous êtes le seul qui puisse m'aider à m'échapper.
- ...
- J'ai en ma possession une chose unique que vous ne pourrez refuser.
Je possède le "Lesedi La Rona".
(se rapprochant à son tour de la grille)
- Qu'est-ce donc?
- C'est le plus gros diamant actuellement au monde. Il a une valeur inestimable.
- Mais comment donc vous l'êtes-vous procuré?
- C'est une longue histoire. Disons que c'est l'héritage d'un vieux monsieur. Ce diamant sera à vous si vous m'aidez à sortir d'ici.
(après un long silence)
- Il serait peut-être, en effet, possible de...
- Vous acceptez?
- Je n'ai point dit cela. La difficulté serait énorme. Cependant, j'ai besoin de plus de précisions.
- Le "Lesedi La Rona" se trouve actuellement en sécurité, dans un coffre-fort en Suisse. Je vous communiquerai le code d'accès.
Je vous demande juste de me sortir de là, et le diamant est à vous.
- La tâche n'est pas aisée. Si cela se fait, vous ne pourrez rester en France. Il va me falloir réactiver les réseaux du Vatican. Ceux qui ont permis à de hauts dignitaires nazis de s'enfuir en Amérique du Sud.
- Je suis prête à partir.
- Il me faut aussi connaître vos antécédents. Notamment la raison pour laquelle vous avez été condamnée.
( après une longue pause)
- Jurez-moi que cela restera entre nous.
- Ma fille, je suis un homme de foi. Rien de ce qui se dit ne sortira d'ici.
- J'ai tué mon mari et sa maîtresse.
- ...
- Dans un café.
- Le Vatican sera particulièrement sensible à votre histoire, je n'en doute pas. Vous n'étiez qu'une épouse bafouée qui a voulu se venger afin de préserver sa dignité.
- C'est cela.
- Par contre, vous comprendrez qu'il me faut le code afin de récupérer le... notre bien si précieux. Il va me falloir graisser la patte de quelques cardinaux récalcitrants et réactiver la filière des passeurs. Tout cela coûte cher.
(elle, passant un bout de papier roulé sur lui-même à travers la grille)
- Voilà le numéro de code et la banque à laquelle vous devez vous présenter.Dites que vous venez de la part de monsieur Victor. Les portes vous seront grandes ouvertes.
(après une hésitation)
je vous fait confiance, mon Père. Tous mes espoirs reposent sur vous.
- Vous pouvez en effet vous reposer sur moi. Votre captivité n'est plus qu'affaire de quelques jours.
¤¤¤
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro