CHAPITRE II .Lui&Elle.
Lundi 03 décembre
Réunion d'entreprise. Bilan de fin d'année. Pas terrible, le chiffre d'affaire. On risque de licencier. Pourvu que je ne fasse pas partie de la charrette.
J'ai horreur de ce type de réunion. Tous les cadres "dynamiques" sont là. J'en connais même pas la moitié. Je me tiens le plus à l'écart possible. Près de la baie vitrée. Ainsi je peux voir sans attirer l'attention.
J'étouffe sous cette perruque. Ils ont pas dû mettre la clim. Et mon tailleur trop sexy... Je me demande si tous ces mecs qui me zieutent, ont compris qui je suis vraiment.
J'ai quand même repéré un petit blond dans la trentaine, les cheveux taillés en brosse. Un petit bouc à la D'Artagnan. Beau mec. Le sosie de David Beckham. Encore un tombeur, certainement, même s'il porte une alliance. Rien ne les arrête. J'ai horreur de ce type d'individu.
De toute manière, j'ai d'autres chats à fouetter en ce moment...
Le plus marrant, c'est qu'à un certain moment, il a levé les yeux vers moi. J'ai soutenu son regard. Je l'ai même obligé à baisser la tête. Je jubilais.
Et puis, tout ça m'a gonflé, et je suis parti. Je n'étais pas tenu d'assister à cette foutue réunion. Je n'étais qu'en C.D.D.
Mardi 28 décembre
ça y est! J'ai reçu les analyses du labo. Tout parait OK. Aucun risque de coagulation sanguine. Tout va bien également du côté de l'ionogramme sanguin.
Aucune contre indication, en vue de ma prochaine intervention chirurgicale.
Par contre, j'ai plus de boites de Cyprolex. Et sans ça, ma testostérone va repartir de plus belle.
Bon, demain, après le boulot, rendez-vous chez mon médecin traitant. J'espère qu'il n'y aura pas trop de monde.
Samedi 1er janvier
J'ai passé le réveillon sans personne. Devant la télé. Je ne voulais pas sortir. Trop obnubilé par ma prochaine opération. C'est là que tout va se jouer. Là, que je redeviendrai moi-même.
Je dois être concentré. C'est mon seul objectif.
Et tant pis si mes résultats dans l'entreprise sont en baisse.
Jeudi 6 janvier
La secrétaire du docteur Keller vient de m'appeler. L'opération est prévue dans deux semaines.
Je vais poser un mois d'arrêt maladie. ça devrait suffire.
Je suis passé au bureau. Gwandha m'avait laissé un petit mot. Je l'aime bien. C'est la seule à qui je me sois confié. Elle est la seule qui sait, pour moi.
Mardi 11 janvier
Je viens d'obtenir mon arrêt-maladie. Il prend effet demain. Je préviens Gwanda que je ne rentrerai que dans trois semaines. Je sais qu'elle prendra soin de mes plantes pendant mon absence.
Je lui ai laissé une boîte de chocolats sur le bureau.
Et comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule, j'ai appris que je ne faisais pas partie des 67 licenciés.
Il me tarde de mettre mon nom sur ma porte, juste au dessus du numéro 138. Mais pour ça, il faudrait que je sois titulaire.
Samedi 15 janvier
Plus que trois jours d'attente, avant LE grand jour. Je n'aurai plus besoin de porter ces horribles prothèses mammaires. Je vais enfin avoir de véritables seins.
Déjà, les hormones de croissance font leur effet. J'observe une perte de masse musculaire et mes cheveux repoussent. Dans quelques mois je pourrais jeter cette hideuse perruque à la poubelle.
Mardi 18 janvier
ça y est. Je rentre à la clinique en fin de matinée. L'opération est prévue pour demain. Si je ne me contrôle pas, je sens que je vais me mettre à pleurer.
Voilà, je t'abandonne pour quelques jours, mon cher journal adoré. Souhaite-moi bonne chance.
Vendredi 28 janvier
Youppie, je suis de retour. ça fait un bien fou de revenir à la maison. Tu m'as manqué. J'ai un tas de choses à te raconter.
Tout d'abord, l'opération a été un succès. J'appréhendais, tu sais. L'équipe médicale a été aux petits soins avec moi. J'ai même sympathisé avec Mauricette. Je te raconterai plus tard.
Ensuite, j'ai de nouveaux seins. Qu'est-ce qu'ils sont beaux. Fini mes complexes, à présent. Je peux jeter mes deux ballons de baudruche sans regret.
Enfin, j'ai reçu en recommandé, une lettre me disant de passer à la préfecture pour récupérer mes nouveaux papiers. Tu te rends compte, j'ai une nouvelle identité. Un nouveau passeport, une nouvelle carte. Fini ce stupide prénom américain que m'avait donné ma mère parce qu'elle adorait Spielberg.
Désormais, il faudra m'appeler Belinda. Mademoiselle Belinda Wolf.
Reste plus qu'à me trouver un mari.
Lundi 7 février
Une chose étrange s'est produite, durant mon absence. Une personne de l'entreprise s'est introduite dans mon bureau pendant que Gwandha faisait le ménage.
Il a cassé le cadre qui contenait ma photo. Celle du temps où j'étais encore un ...
J'y tenais à ce cadre. Un cadeau de ma mère. Du coup, j'ai déchiré la photo. Je ne voulais plus garder de lien avec mon passé.
J'ai tenté de questionner Gwandha sur cet homme. Elle a été incapable de me renseigner.
Je dois prendre un nouveau traitement. Ils veulent doubler les doses d'oestrogènes pour accélérer la redistribution des graisses et diminuer ma pilosité. Remarque, déjà que j'avais eu un mal fou à me faire pousser la barbe...
Du coup, je risque d'être encore plus fatiguée. Et ne parlons pas de mon désir sexuel. Il est proche de zéro.
Bon, on verra bien.
Mardi 22 février
Que c'est dur, mon cher journal. C'est un traitement de cheval, qu'ils m'infligent. Je passerais mes journées à dormir.
Et à pleurer. ça me rend trop émotive. En plus, Emily est malade. Du coup, je dois me farcir toute sa compta.
Pfff !!! Vivement les vacances.
Ah! Par contre, je trouve que depuis, j'ai la peau beaucoup plus douce. Et ma voix devient plus aiguë. C'est bon signe, non?!
Lundi 16 mars
J'ai eu le docteur Muller au téléphone. Je lui ai fait part de toutes les complications dues aux nouveaux traitements.
Il m'a rassurée. Je lui ai dit que je me transformais à vue d'oeil, et que, paradoxalement, ça me troublait plus qu'autre chose.
Là aussi, il a eu les mots qu'il faut. Si mon corps changeait, dans ma tête j'étais toujours restée un homme. J'accepterais progressivement l'image que me renvoyait le miroir. Mais pour cela, il me fallait un suivi.
C'est pourquoi, il m'a demandé de prendre rendez-vous avec le psychologue de l'établissement. De son côté, il ferait le nécessaire pour que je n'ai pas trop à attendre.
Ah, oui, j'allais oublier. J'ai revu l'autre mec. Oui, rappelle toi, celui de la réunion de fin d'année. Le "David Beckham".
On était dans l'ascenseur. Je me demandais d'où j'avais bien pu le voir. Il draguait une grosse blonde. En tous les cas, ils étaient bien collés-serrés. Faut dire qu'il y avait foule.
Figure-toi, qu'à un certain moment, il s'est rapproché de moi. Oui, je te dis, jusqu'à me frôler la main. J'ai failli lui foutre une gifle. Manque pas de toupet, celui-là.
Mais bon, j'étais arrivée à mon étage.
Mercredi 25 mars
Je viens d'avoir un mail à trois heures du matin. Un type qui voudrait des renseignements sur la partie compta des produits dérivés.
Je crois qu'il s'adresse à la mauvaise personne, j'ai changé de service. Je suis affectée à un autre poste au douzième étage. C'est un peu galère parce qu'il faut que je partage mon bureau avec deux autres collègues.
ça fait plusieurs nuits que je dors mal. J'ai comme des bouffées de chaleurs. C'est quand même pas la ménopause. Pas à vingt-huit ans. Mdrrr.
Mercredi 03 avril
Je crois que j'ai affaire à un fou. Il n'arrête pas de me harceler par mail. Je sais même pas qui c'est, ce mec. ça commence à me chauffer grave, cette affaire. Tu ferais quoi, toi, à ma place, cher journal?!
Oh, et puis, merde. Je lui donne rendez-vous au café du coin, à l'angle de la Tour. Je vais le remettre à sa place, le bonhomme!
Jeudi 04 avril
Mon cher journal, la nuit porte conseil. Je suis moins remontée que hier soir.
Ce matin, j'apporte un soin tout particulier à mon maquillage. Un fond de teint beige qui rehaussera la couleur sombre de mes yeux.
J'ai envie de plaire.
Et puis, j'ai opté pour un jean noir moulant. Marre de ces robes longues. La saison hivernale ne s'y prête vraiment pas.
PS: rien que pour toi, mon journal adoré.
Devant ma table de maquillage.
Il est beau mon nouveau pull, hein !?
Et là, avec ma perruque, en train de me parfumer. Fatal Diva!
A ce soir. J'ai hâte de te raconter.
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Jeudi 04 avril
Tu devineras jamais qui c'était. Oui, le sosie. J'aurais du m'en douter, après le coup de l'ascenseur.
J'ai fait exprès d'arriver en retard. Il m'a fait signe de la main. J'ai failli faire demi-tour. Morte de trouille.
Mais avant, je devais avoir une explication avec lui. J'ai attendu qu'il penne la parole. Il ne disait rien. Il me regardait étrangement. Un peu comme une apparition. J'avais posé ma main droite le long de la table. Il l'a effleurée. Comme dans l'ascenseur.
J'ai remarqué qu'il ne portait plus son alliance.
A cet instant, il ne me regardait plus. Il se contentait de caresser ma main. Puis, il a levé lentement son regard à nouveau vers moi, et m'a demandé mon prénom.
Je n'ai pas su quoi répondre. Il m'a prise de court. voilà ce que j'aurais voulu lui dire:" Je m'appelle Belinda. Belinda la trans. "
Ou j'aurais dû partir...
Mais j'ai eu pitié de lui. Je ne voulais pas lui donner de faux espoirs. Juste avant de répondre, j'ai aperçu par dessus son épaule, une femme avec de grosses lunettes de soleil, et un foulard dans les cheveux. Elle se levait.
J'ai reporté mon attention sur lui. J'ai soutenu son regard.
- Steven, lui ai-je dit.
Alors sa main a glissé. S'est détachée tout doucement de la mienne...
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