Acte III - VII
Holmes arpentait le chemin escarpé d'un pas fiévreux.
Il n'avait qu'une idée en tête. Un visage.
Moriarty.
C'était le seul sens qu'il voyait à sa quête. Son seul but.
La seule personne qui avait la moindre signification sur terre.
Moriarty.
Un grondement lointain attira son attention. Il n'était plus très loin des chutes.
*
-OÙ EST-IL ALLÉ ? Hurla Watson au pauvre aubergiste, qui n'en menait pas large.
-Je vous l'ai déjà dit, bredouilla l'homme, je n'en sais rien... Je ne l'ai pas vu sortir...
-Vous devez forcément vous souvenir de quelque chose ! Un détail ! Un bruit ! N'importe quoi ! Où est Holmes !
-Mais puisque je vous dis que je n'en sais rien...
-REFLECHISSEZ !
-Mais...
Au comble de la frustration, dévoré par l'angoisse, Watson ferma son poing et l'envoya heurter la cloison, arrachant un sursaut à l'aubergiste.
Le docteur fit volte face et monta les escaliers, décidé à aller fouiller les affaires de Holmes à la recherche d'un indice, n'importe quoi qui puisse le mettre sur la voie. N'importe quoi.
À cet instant, si le diable était apparu pour lui demander son âme en échange de la localisation de Holmes, il aurait accepté dans la minute.
Ironie cruelle. Le diable était bien là.
Adossé à la porte de la chambre de Holmes se trouvait Sebastian Moran.
Watson fronça les sourcils.
-Nous nous connaissons ? Votre visage me semble familier...
-À peine, répondit le chasseur en vissant ses yeux dans les siens.
Il ouvrit la porte et invita le docteur à entrer. Ce dernier n'hésita qu'une seconde. L'étranger savait peut-être quelque chose...
La porte se referma derrière le deuxième homme le plus dangereux de Londres.
Une étrange tension envahit la pièce. Watson déglutit, peu rassuré.
Moran avança un pas vers lui.
Le docteur recula.
Encore un pas.
Un pas en arrière... Jusqu'au mur.
Sebastian tendit sa main. Ses doigts abîmés par la chasse vinrent caresser la joue du docteur, qui retint sa respiration, à la fois stupéfait et pris d'une angoisse sourde.
-Vous êtes le seul homme bien de toute cette histoire, déclara soudain Sebastian Moran.
Les sourcils de Watson gagnèrent quelques degrés d'incrédulité.
-Holmes est un imbécile. Moriarty aussi. Moi de même, sans doute...
-Qui êtes-vous ? Souffla le médecin.
-Sebastian Moran. Ancien chasseur de tigre. Ancien bras droit de Moriarty.
-Vous savez où est Holmes ? S'exclama Watson dans un sursaut d'espoir.
Moran fit la grimace.
-Oui.
Sa peur soudain évaporée, Watson saisit les deux épaules de l'homme qui lui faisait face.
-Dites-moi ! Dites-moi où il est ! Je vous en prie !
-À quoi bon ?
-Je vous en prie !
-Au point où il en est, Holmes ne peut plus être sauvé...
-Je le sauverai !
-Moriarty vous tuera.
-Je m'en fiche !
-Vous seriez prêt à mourir pour Holmes ?
-Bien sûr que je serais prêt à mourir pour lui ! Et même pire ! Dites-moi simplement où il est.
-Et même pire... répéta Moran, pensif. Je vous dirais où il est, cher petit docteur, souffla-t-il. Mais vous devrez m'en payer le prix.
-Quel prix ?
Pour toute réponse, Sebastian se pencha en avant de telle manière que ses lèvres heurtent celles de Watson. Le médecin chercha à se défaire de l'étreinte, mais Moran fit pression de toute sa force pour le coincer contre le mur, le temps de prolonger son baiser dévorant.
Il ne consentit à le relâcher qu'au bord de l'asphyxie, mais le garda prisonnier dans la cage de ses bras.
-Que voulez-vous ? Murmura Watson.
-Tout, répondit l'autre. Vous.
Le docteur lui jeta un regard terrorisé. Une proie à attraper. Et quelle proie... songea Moran.
-Vous n'avez qu'à imaginer que c'est Holmes, continua-t-il. En échange, je vous donne sa localisation. Un marché simple. Mais dépêchez-vous, il ne reste...
-D'accord.
Moran sourit.
Watson ferma les yeux pour ne pas voir les lèvres qu'il sentit se poser sur son cou. Un instant, il fut tenté de s'imaginer que c'était Holmes. Mais c'était salir l'image de son détective. Hors de question.
Des mains pressantes, envahissantes, vinrent défaire les boutons de sa chemise. Il essaya de ne pas se crisper lorsqu'elle descendit le long de son dos.
Une poussée le fit basculer en arrière. Sur le lit.
Il garda les yeux fermés, et attendit ce qui allait inévitablement suivre...
Et ne vint pas.
Sebastian étouffa un rire cynique en se relevant. Après tout ce qu'il avait fait dans sa vie... Tous les actes abominables qu'il avait commis...
Il se trouvait incapable de blesser un pauvre petit docteur trop amoureux.
Watson ouvrit les yeux, le souffle court.
-Je m'en vais, dit simplement Sebastian.
-Non, attendez ! Holmes...
-Est aux chutes du Reinchenach, termina Moran. Mais si vous y allez, Moriarty va réellement vous tuer.
Le docteur reboutonna précipitamment sa chemise, les mains encore un peu tremblantes.
-Qu'importe, murmura-t-il en bondissant hors de la chambre. Qu'importe...
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