Acte III - VI
-Les chutes de Reinchenbach ! S'exclama l'homme grassouillet qui monta leurs valises à l'étage. Je vous le conseille, monsieur Holmes, et vous aussi, docteur Watson, c'est l'attraction de la région ! Un panorama magnifique !
-Certes, répondit Watson, qui avait l'esprit ailleurs. Nous irons y faire un tour.
-Vous pouvez prendre la chambre de droite, repris l'aubergiste. Votre ami prendra celle qui se trouve au fond du couloir !
-Merci, répondit le docteur. Nous nous débrouillerons.
D'habitude, lorsqu'ils étaient en voyage, Holmes prétextait des problèmes d'argent pour demander à l'aubergiste une chambre pour deux. Il leur suffisait ensuite de coller les lits...
Mais le détective lui avait à peine adressé la parole depuis l'accident dans la montagne, et avait d'office demandé deux chambre pour une durée indéterminée.
Fini de courir.
Il avait trouvé le lieu du dernier affrontement.
-Watson ? Lança-t-il.
-Oui ? Répondit aussitôt le docteur, plein d'espoir.
-Je ne vous retiens plus.
-Pardon ?
-Vous vous êtes absenté un long moment sans prévenir, vos patients doivent vous attendre. Je n'ai plus besoin de vous. Vous pouvez retourner à Londres.
-Si vous imaginez que...
Mais le détective avait déjà refermé derrière lui la porte de sa chambre.
*
-Pas mal, pas mal, apprécia Moriarty, assis sous les chutes d'eau. Je dirais même plus : un décor parfait.
-Légèrement mégalomane, tout de même, répliqua Sebastian qui se tenait à l'écart, son fusil négligemment jeté sur l'épaule.
Moriarty explosa de rire.
-En effet, mon cher Sebastian, en effet ! Mais qui, de lui ou de moi, est le plus orgueilleux ? Dites-moi ? Chacun espère battre l'autre à son propre jeu... Chacun dans la même démesure, et pour chacun les mêmes enjeux...
-Les mêmes enjeux ?
-La vie ou la mort, Sebastian. Mais je ne me fais pas trop de soucis. Le pauvre est déjà bien affaiblis. Ça risque de s'avérer moins difficile que prévu...
Sebastian ne répondit rien.
Le grondement de l'eau, au pied des chutes, lui évoquait le hurlement de quelques monstres antiques.
Quelqu'un allait mourir.
Il en était certain.
-Sebastian, lança soudain Moriarty d'une voix étrange.
Le chasseur se retourna à temps pour rattraper la sacoche de cuir que venait de lui lancer le génie du crime. Il l'ouvrit pour la trouver remplie de billets sagement rangés.
Il adressa à son employeur un regard perplexe.
-Tes émoluments, répondit Moriarty. J'ai la tristesse de devoir te congédier.
-Pardon ?
-Quoi qu'il arrive, je n'aurais plus besoin de toi. Soit Holmes me bat, ce qui est hautement improbable, et je meurs, soit je marque une bonne fois pour toute ma domination sur son esprit.
-Et vous auriez un amant de trop, comprit le chasseur.
-Exactement, mon cher Sebastian.
Moran baissa les yeux sur la fortune qu'il tenait entre ses mains. Toutes ses années... Résumées à cela ? Ne représentait-il rien d'autre qu'un petit tas d'argent ?
Un souvenir affleura à la surface de sa mémoire. Le seul acte de gentillesse qu'on avait jamais eu à son égard.
Il jeta la sacoche de cuir sur son épaule, à côté de son fusil, fit volte face et s'en alla sans prendre la peine de se retourner.
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