Acte III - V
La neige, au sommet des montagnes, réfléchissait le soleil avec bienveillance, faisant chatoyer l'air de reflets mordorés. En bas de la pente, le lac de Daubensee faisait danser la lumière, apportant au paysage déjà magnifique un air rafraîchissant.
Holmes avait retrouvé tout son allant. Watson, en bon docteur, savait que l'humeur changeante faisait partit des symptômes d'une dépendance à la drogue mais, en désespoir de cause, s'était décidé à profiter un maximum de cet état d'euphorie de son cher détective, fut-il passager.
Le détective en question attrapa soudain sa main pour attirer son attention sur une fleur colorée, ou butinait une abeille solitaire.
-Regardez, Watson ! Chuchota-t-il, ses lèvres presque collées contre l'oreille du docteur. C'est une espèce très rare, qu'on ne croise que par ici ! Ah, si j'avais mon matériel d'apiculteur... Quelle recette j'aurais fait !
-Vous n'avez qu'à revenir ici un de ses jours, répondit Watson en souriant. Les abeilles vous attendront !
-Ah, mais tous seul, ça n'aurait pas le même intérêt !
-Qui vous parle de solitude ? Je les aime bien, moi, ces montagnes. Il n'y a personne à des miles à la ronde...
-En effet, commenta le criminologue avertit. Si quelqu'un criait, personne ne l'entendrait.
-Et si je vous embrassais, personne ne le verrait.
-Deux crimes bien différents ! Plaisanta le détective.
-Lequel est le plus grave ? Répondit l'autre en se rapprochant de lui.
-Le plus grave, je ne sais pas, mais le plus tentant, ça je puis vous dire...
Les mains aux longs doigts agiles se perdirent dans les cheveux du docteur, qui rayonnait. Holmes approcha ses lèvres des siennes pour un baiser léger... Mais Watson ne l'entendait pas de cette oreille. Il saisit à bras le corps le détective, et le fit basculer dans l'herbe tendre, où ils roulèrent quelques mètres, collés l'un à l'autre, avant de s'arrêter.
Watson avait peur que l'instant disparaisse. Que quelque chose arrive, qui lui vole son Holmes. Moriarty. La drogue. N'importe quoi.
Il s'allongea sur le détective et l'embrassa encore, plus fort, dans une étreinte presque désespérée. Holmes y répondit avec plus de modération, mais tout autant de passion. Qu'ils étaient loin, les échos de la nuit !
-Watson, vous avez entendu ? Lança soudain Holmes.
Le docteur se figea, ses sens aux aguets. Ses yeux montèrent vers le chemin qu'il venait de quitter. Il lui sembla apercevoir, l'espace d'un instant, une silhouette floue.
-Ne bougez pas, souffla-t-il à Holmes. Restez allongé.
Il sortit de sa poche le couteau qu'il avait acheté au village et grimpa lentement la pente douce.
Il n'y avait personne.
Son regard fut attiré par un mouvement, à la lisière de son champ de vision. Il tourna la tête à temps pour voir un animal, qu'il identifia comme un chamois, prendre la fuite.
La chèvre des montagnes, dans sa course, heurta un gros rocher posé sur le bord du chemin.
Watson vit distinctement le vénérable caillou osciller, hésitant entre la terre et le vide... Puis lâcher prise et retrouver sa liberté.
-HOOOLMES ! Hurla le docteur pour prévenir son ami.
Le rocher roula quelques mètres, heurta une racine découverte, fit un bond impressionnant, et finis sa course dans le lac.
-HOLMES ! S'exclama une nouvelle fois Watson en dégringolant les quelques mètres qui le séparaient le l'endroit où il avait laissé son ami.
Le détective était debout, l'air grave.
-Vous n'avez rien ? Souffla Watson, profondément soulagé.
-Si j'étais resté où vous l'aviez dit, commenta l'autre d'une voix monotone, j'aurais été proprement écrasé.
-Dieu du ciel, vous vous êtes déplacé à temps ! Ce n'était qu'un accident ! Un stupide chamois...
-Un chamois ? Releva Holmes en haussant un sourcil sceptique. Ces bêtes sont plutôt farouches, habituellement.
-Nous n'étions plus sur le chemin. Il n'a pas dû sentir notre présence...
-Bien sûr, bien sûr... un chamois a tenté de me tuer.
-Holmes, personne n'a tenté de vous tuer !
-Qui pourrait l'avoir fait, en effet, puisque vous avez si bien souligné, à l'instant, que personne n'était présent à des milles à la ronde. Personne, à part vous et moi.
-Mais...
-Je crois que nous en avons d'ailleurs déduis qu'un meurtre passerait inaperçus...
-Holmes ! Bon Dieu, mais qu'allez-vous supposer là ?
-Mais rien du tout, mon cher Watson, rien du tout...
Il avait mis dans ce mot une intonation qui fit reculer Watson. À la réflexion, ça faisait quelque temps que Holmes ne l'avait plus appelé « mon cher Watson ». Depuis... Depuis cette affaire avec Percy...
Watson cru entendre un rire résonner dans la montagne.
Celui du diable.
Il se dépêcha de rejoindre Holmes, désormais sombre et renfrogné.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro