Tout était allé trop vite. Beaucoup trop vite.

Watson. Les larmes. Moriarty. Le sang. Le sang qui tachait ses habits... D'où venait tous ce sang ? Holmes se redressa sur ses coudes, terrifié à la simple idée de trouver une réponse à cette question.

Watson s'était agenouillé. Pâle. Mortellement pâle.

Ses larmes s'étaient taris.

De son abdomen dépassait la pointe d'un long poignard effilé.

Holmes entendit un cri. Peut-être étais-ce le sien.

Il s'en fichait.

Il se précipita en avant pour rattraper Watson au moment où il allait s'effondrer.

Dans ses bras, le docteur ne pesait rien. Une telle personnalité, pourtant... Tout ce qu'il était... Son cœur immense, sa gentillesse, son amour, ses rires et ses manies, ses habitudes, son histoire... Tout ça aurait dû peser tellement plus lourd qu'un simple corps de chair et de sang !

-Aouch... murmura-t-il en arborant un pauvre sourire.

Holmes ne put empêcher ses lèvres de le suivre.

-Vous m'attendez quelques instants, Watson ? Murmura-t-il. Je vais me débarrasser de l'autre et je reviens m'occuper de vous.

-Je vous attendrais toute l'éternité si vous voulez...

-Quelques instants. Quelques instants suffiront. Vous promettez de m'attendre ?

-Je vous le promets, Holmes. Vous me promettez de revenir ?

-Oui, répondit le détective en posant brièvement ses lèvres sur les siennes.

Puis il reposa au sol le corps de Watson et se redressa.

Le brouillard qui avait empoisonné ses pensées ces derniers jours s'étaient dissipé, emportant avec lui les mensonges et la fausse culpabilité.

-Je vais vous tuer, déclara-t-il froidement. Personne ne blesse Watson et n'en ressort indemne.

C'est à ce moment-là que Moriarty se rendit compte que renvoyer son homme de main n'était peut-être pas le meilleur mouvement de sa carrière.

Il haussa les épaules et afficha sur son visage un sourire provocateur.

Ou du moins, c'est ce qu'il avait prévu de faire.

Avant que Holmes ne se jette sur lui.

La lutte était plus animale qu'humaine, désormais. C'était une lutte des instincts primaux.

La survie. La vengeance. La domination. Aimer. Haïr.

Les ongles de Moriarty dessinèrent sur la joue de Holmes trois balafres rouges. Le détective sursauta sous la douleur subite.

Sautant sur l'occasion, Moran inversa l'équilibre des forces.

Holmes se retrouva bloqué sous le corps de son ennemi, les épaules et la tête au-dessus du vide.

-Dommage, Holmes ! S'exclama Moriarty en élevant la voix pour se faire entendre par-dessus le vacarme de la chute d'eau. Vous n'êtes plus qu'un mort en sursit. Et lorsque vous aurez trépassé, j'ai l'honneur de vous informer que je terminerai moi-même le docteur Watson...

-Je ne pense pas.

-Vraiment ?

-Parce que je sais quelque chose que vous ne savez pas.

-Et quel est donc cette chose si utile ? Ricana le génie du crime.

-Le baritsu.

D'une seule prise de son étrange art, Holmes se désengagea de l'étreinte de son ennemi, et le fit basculer en avant.

Avant de se rendre compte de ce qui lui arrivait, Moriarty rencontra le vide.

L'eau. Les rochers écharpés...

Son cri d'agonie se perdit dans le hurlement des éléments.

Holmes se précipita au chevet de Watson, qui ne bougeait plus.

-Watson ? Souffla-t-il. Watson ?

-Je vous ai attendu... répondit le docteur dans un murmure à peine audible. Comme... promis.

-Et moi je suis revenu, répondit Holmes, le cœur gros, si lourd, écrasé par toute cette peine qui ne trouva comme échappatoire que quelques larmes salées.

-Vous êtes blessé ? Murmura Watson. Vous pleurez...

-J'en ai bien peur, mon cher Watson. Au cœur.

-J'ignorais que vous en aviez un... souffla le docteur en souriant.

-Moi aussi, répondit simplement Holmes en le serrant contre lui.

Watson ferma les yeux.

-Ne partez pas... supplia Holmes. Pas encore...

Mais là où il était, Watson ne pouvait plus l'entendre.