Chapitre 2-1
Ma vie suivait son cours normal. Je n'aurai jamais pu penser que tout allait basculer.
Le Dimanche 8 décembre 1996, ma vie avait pris une tournure tragique.
Ce matin-là, j'étais à mon travail, comme d'habitude. Certes, la clientèle était assez rare, mais ce n'était pas un prétexte suffisant pour aller m'asseoir. Le Chef ne cessait de nous surveiller, moi et les autres employés. Une seule minute de répit n'était pas tolérée.
Jackie, la tante du Chef, venait tous les jours non pas pour manger, mais aussi pour discuter. Je trouvais vraiment du plaisir à l'entendre papoter à propos de sa vie, de son passé, de ses problèmes.
Quand le patron me voyait en train de discuter avec elle, il ne me reprochait rien. Un jour, il m'a même félicité en disant: " La pauvre, après tout ce qu'elle a pu traverser, je suis bien heureux de la voir sourire. Beau travail!"
Aujourd'hui n'y faisait pas exception. Jackie venait de franchir le seuil de la porte alors que je venais de poser un jus d'orange à l'un des clients. Je l'entendis crier:
- Eh minette, c'est à mon tour maintenant!
Je me dirigeais vers elle en lui disant:
- Ah Jackie! Toujours aussi belle à ce que je vois!
- Il faut savoir rester belle malgré la force de l'âge.
- Alors, vous prenez comme toujours, une tarte à la pomme et un jus de banane?
- Oui, oui, on ne change pas les vieilles habitudes !
- Attendez une minute, je reviens tout de suite.
Une minute plus tard me voilà de retour avec la commande. Je la posais sur la table, et m'assis à côté d'elle.
- Merci ma chérie! Je me sens déjà revivre.
Elle prit une bouchée de tarte et me dit:
- Aah! Que c'est succulent! Mon mari adorait la tarte, enfin mon ex-mari, je t'avais déjà raconté comment il m'avait largué, ce salaud.
- Oui, Jackie, un milliard de fois.
- C'est que ça me fait toujours de la peine que j'ai besoin de m'ouvrir à quelqu'un. Je ressens toujours le besoin de me confier. C'est un secret assez lourd à porter.
- Je crois que ce n'est plus un secret étant donné que la moitié de la ville est au courant.
- Enfin bref, il faut que ça te serve d'exemple, ma petite. Les hommes, c'est des gros nuls. Ils ne savent rien faire à part crier, hurler et surtout surtout, critiquer. C'est la chose qu'ils savent faire le mieux. Mon mari à moi, enfin mon ex, ne cessait de me répéter à la longue, cette robe si ne te va pas bien, cette coiffure de te donne l'air d'une vache, si ce n'est pas ça c'est l'autre disque, tu ne sais pas cuisiner, c'est quoi cette maison, on dirait une porcherie, et patati et patata, et moi je devais supporter tout ça. Un moment, il fallait dire stop. C'est beaucoup trop non? Et la cerise sur le gâteau était... Eh tu m'écoutes...
- Qu'est-ce que Charles fait ici?
- Charles, qui ça?
- C'est mon petit frère. Attendez, je reviens.
- Prends tout ton temps ma jolie!
Je me précipitais vers Charles qui me dit, tout essoufflé:
- Je te cherchais...Maman..... Maman est tombée... je ne sais pas ce qu'elle a. Viens vite!
- Comment ça elle est tombée? Elle a pris ces médicaments au moins?
- Je ne sais pas moi! Allez, dépêche-toi!
- J'arrive!
Je partis en courant trouver mon sac et je sortis du restaurant.
La peur s'empara de mes membres. Je craignais le pire, mais malgré cela je me mis à courir en direction de la maison. Je dévalais les escaliers, poussais la porte de notre petit appartement, et me retrouvais devant ma mère, étendue sur le sol, pâle comme un linge.
- Maman.. maman, lève-toi!Je t'en prie! Allez!
Je lui prenais le bras, glacé, et le serrais fort contre moi.
- Réveilles-toi, s'il te plaît!...Elle a perdu connaissance. Charles, descend à la boutique et appelle les urgences. Vite!! Cours!!
Pendant que Charles quittait la pièce en courant, j'humidifiais une serviette que je posais sur le front de ma mère, tout brûlant.
- Ne t'inquiètes pas ma petite maman, tout va bien. L'ambulance va bientôt arriver! Les médecins sauront quoi faire! Allez, courage maman!! tu as toujours été forte et tu le resteras! Fais-moi confiance, tout se passera bien! Tiens le coup! Je suis là! Je suis là...Je suis là..
Je retenais mes larmes si fort que je sentais un nœud dans ma gorge, qui ne cessait de se serrer de plus en plus fort.
Charles apparut enfin dans la pièce, accompagné de Joe, un fleuriste qui tenait une boutique en bas de l'immeuble. C'était un homme d'une quarantaine d'années environ avec un corps assez chétif. Il s'était toujours montré très bon avec nous et a su être là pour nous et ce dans les moments les plus difficiles.
Il se précipita vers ma mère et me dit:
- J'ai appelé une ambulance. Elle va bientôt arriver. Je ne pourrai malheureusement pas vous accompagner. J'ai la boutique à surveiller.
- Ce n'est pas grave! Merci encore.
- Qu'est-ce qu'elle a? Je croyais qu'elle allait beaucoup mieux.
- Je le croyais aussi. Je ne sais vraiment pas ce qui se passe.
- Ne t'inquiètes pas! Les médecins trouveront bien une solution.
- Je l'espère !
- Si vous avez besoin d'argent pour les frais de l'hôpital, je pourra..
- Non Joe, toi aussi tu as de grosses dépenses à gérer. Nous ne pouvons pas devenir une charge de plus. Mais merci quand même !
- J'espère de tout coeur qu'elle ira beaucoup mieux!
J'humidifiais une nouvelle fois la serviette et la reposais sur le front de ma mère. Je lui pris à nouveau la main et la lui baisa.
Charles s'approcha de moi, tout en pleurs, et me dit:
- Elle ira mieux, n'est-ce pas ?
- Oui Charles, elle ira beaucoup mieux.
Joe s'écria:
- Il faut simplement que cette maudite ambulance se dépêche d'arriver!
Une demi heure plus tard, j'étais assise dans une salle d'attente, à l'hôpital, mon frère sur mes genoux, la peur au ventre, les larmes aux yeux.
J'essayais tant bien que mal, de me résigner que ce n'était que passager, que ma mère irait beaucoup mieux, mais des idées noires ne cessaient de me hanter.
La porte du bloc s'ouvrit, des médecins en sortirent. Je laissais mon petit frère sur l'un des bancs et me précipitais vers eux et leur demandait:
- S'il vous plaît, comment va- t- elle ?Elle va s'en sortir n'est ce pas?
- Vous êtes sa fille??
- Oui, alors elle va bien??
À ce moment, les deux médecins se jetèrent un coup d'œil et l'un d'eux me dit:
- Mademoiselle, nous sommes vraiment désolés....
- Quoi? Qu'est-ce qui se passe?
- Votre mère a été victime de ce que l'on appelle une intoxication aiguë, plus souvent appelée une surdose, ce qui a causé une tachyarythmie, ce qui signifie un rythme cardiaque assez rapide et irrégulier. La maladie de votre mère avait déjà endommagé son cœur. Ce dernier n'a pas pu tenir jusqu'à la fin de l'intervention. Nous avons fait tout notre possible. Je suis vraiment désolé, on espère que.....
Ces phrases prononcées réussirent à me détruire.Je n'entendais plus ce qu'ils disaient. Je restai plantée là, je me sentais perdue au milieu de nulle part. Je ne pourrais vous dire quel sentiment exact m'envahit à cet instant précis. Étais ce la colère? Étais ce la peur? Étais ce la tristesse? Je ne pouvais le dire. Je ne sentais plus mes membres, ou plutôt, je les sentais trembler, et puis fléchir.
Ma mère était morte?? Mais pourquoi? Mais comment?Les médecins disaient qu'elle allait beaucoup mieux, que son état était stable. Pourquoi était-elle morte? Pourquoi tout cela? Pourquoi m'avait ont pris ma mère? Pourquoi n'était-elle plus là? Qu'avais je fais pour mériter un tel sort?
Ma mère était la seule personne qui m'inspirait, la seule personne qui me montrait le droit chemin. Elle était tout ce que j'avais de plus cher dans ce monde. Que vais-je devenir sans elle?Ma vie sans elle n'avait plus aucun sens.
Un cri aigu m'arracha des mes pensées obscures et me rappela à la réalité. C'était celui de mon frère. Il avait tout entendu.Il commença à pleurer, à crier. J'essayai de le calmer mais en vain. Il ne voulait rien entendre. Je le pris dans mes bras et quittais l'hôpital.
Je le fis coucher , et restai là, dans l'obscurité à penser. Je pensais à notre avenir, mon frère et moi. La vie à Paris était difficile pour deux enfants.Mon frère n'avait que dix ans et avait besoin de moi comme moi j'avais besoin de ma mère.
Je m'affalai sur le sol humide et essayai de trouver le sommeil. Des larmes coulèrent sur mes joues. J'avais peur. Je tremblais. Je ne savais pas quoi faire, je ne savais pas quoi penser.
Comment cela pouvait-il arriver?
"Faites que je me réveille, je vous en prie, faites que ce ne soit qu'un mauvais rêve, je vous en conjure."
C'était ce que je me répétais sans cesse.
Je savais que je devais être forte, assez forte pour subvenir aux besoins de mon petit frère, mais je savais pertinemment que ce n'était pas tâche facile. Ma mère représentait tout pour moi. Elle était la raison même de mon existence. Certes, sa perte était difficile, cependant, elle ne devait pas entraîner la mienne.
Aujourd'hui , à l'hôpital, je m'étais montrée faible, si faible que je n'étais pas là pour Charles. Celui-ci n'était qu'un enfant, il ignorait tout de la vie, de ses hauts et de ses bas. C'était à moi de tout lui montrer, de tout lui apprendre.
Peu de temps plus tard, je ne pourrais vous dire si c'était le lendemain ou la semaine d'après, nous étions dans un cimetière assez lugubre. Le ciel était gris. On aurait qu'il allait pleuvoir, mais non. Je me souvenais qu'il était rester comme ça toute la journée. On aurait dit que lui aussi était triste, et nous accompagnait dans notre deuil.
On était en train d'enterrer ma mère, ma pauvre petite maman. Peu de gens étaient présents dont Joe, le fleuriste et quelques voisins, dont je ne me souvenais plus.Les funérailles se passèrent dans un silence maladif. Je ne savais pas comment j'avais fait pour rester calme, si calme qu'aucune larme n'est descendu, qu'aucun cri n'est sorti. Rien!
Ma gorge était rester serrée comme le jour même où j'avais aperçu ma mère jonchée sur le sol.
Après l'enterrement, je rentrais, mon frère et moi chez nous. Je préparais une soupe aux légumes, et nous nous assîmes, l'un en face de l'autre.
Aucun de nous ne pouvais parler, aucun de nous ne pouvais prononcer ne soit que la plus simple des phrases.
Nous étions, tous les deux, absorbés dans nos pensées. Charles avait un regard vide de toutes émotions, un regard hagard. Il ne cessait de regarder la chaise de ma mère, sa place habituelle. Je décidai alors de le rappeler à la réalité.
- Alors, tu la trouves comment la soupe?
- Bien.
- Tu as vu j y ai rajouté un peu d'herbes et un peu d'épices. D'habitude, j'essaie de la laisser sans mais je me suis dit que...
- Est-ce qu'elle reviendra un jour?...Maman..
- Charles, je suis désolée...
- Dis- moi la vérité, s'il te plaît, je veux savoir...
- Maman ne reviendra jamais. Mais saches qu'elle sera toujours avec nous, dans nos cœurs.
- Comment ça dans nos cœurs?
- À chaque fois que tu penseras à elle, elle sera avec toi. Elle vivra dans les souvenirs qu'elle nous a laissé.
- Donc si je pense à elle toute la journée, ça veut dire qu'elle sera avec moi toute la journée.
- Oui c'est ça. De plus, maman veille sur nous de là où elle est. C'est pour ça que nous devons la rendre fière et continuer à vivre comme si elle était toujours là, avec nous. Je sais que c'est pas facile, mais nous n'y pouvons rien.
- Elle nous regarde maintenant ?
- Oui elle nous surveille de la haut.
Charles se leva de sa chaise d'un bond et s'écria:
- Je t'aime maman, et je t'aimerai toujours. Tu pourras être fière de ton petit Charles!
- Petit? Tu es sûr ?
- Arrêtes! Je n'ai que dix ans, comparé à toi je suis encore petit.
- Tu insinues que moi je suis vieille?
- Un peu, oui...
- Attends que je te rattrapes!
Charles se mit à courir tout en éclatant de rire. Je lui poursuivi et fini tant bien que mal par le rattraper.
Nous continuâmes à nous amuser, à plaisanter, à rigoler jusqu'à ce que Charles soit si fatigué qu'il ne pensait plus qu'à dormir.
Il finit par poser sa tête sur ma cuisse et sombra dans un profond sommeil.
Je me sentais comme vidée de toute cette tristesse qui pesait sur mon cœur, comme libérée d'un énorme fardeau.
Les idées noires disparaissait de mon esprit laissant place à de l'espoir.
Ce jour là, je décidai que plus jamais je n'aurais peur, que je puiserai toujours mon courage et ma volonté des souvenirs de ma défunte mère.
Je ne pouvais pas abandonner maintenant. Je devais continuer à me battre pour offrir une vie meilleure à mon frère.
Je continuerai à travailler encore plus s'il le faut, mais baisser les bras, ça jamais.
C'était sur ces belles paroles que je dormis à mon tour, serrant la main de mon petit frère.
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