Chapitre 13
Le lendemain matin, j'avais eu du mal à m'arracher du lit et aller travailler. Je ne cessais de penser à ce qui s'était passé la veille, à mon échec fulgurant, à la réaction de Craig.
Je ne pus m'empêcher de penser que lui aussi avais dû traverser la même chose que moi. Mais je ne pouvais imaginer qu'autrefois, il était faible et incapable de surmonter cette épreuve. Je le voyais toujours comme quelqu'un de parfait, de courageux.
J'allais tant bien que mal travailler. La journée se passa bien. Je sympathisais même avec des jeunes filles de mon âge, qui elles aussi, travaillaient dur.
Je fis connaissance d'une jeune fille dénommée Alice. Elle venait de se faire embaucher le jour même. Elle était très timide et ne parlait à personne.
Voulant prendre mes affaires, je l'aperçus assise sur un banc, tenant sa tête dans ses mains, qui ne cessaient de trembler.
Il était très difficile pour moi d'aller lui parler, réservée que j'étais. Mais je me disais que je ne pouvais pas la laisser dans cet état. Si j'étais à sa place, j'aurais voulu que quelqu'un me demande si je vais bien, me donne des conseils, me rassure.
Je m'approchai d'elle, arborée mon plus beau sourire et lui dit:
- Ça va?
En me voyant, elle sursauta.
- Je suis désolée, je ne voulais pas te faire peur.
- Non, c'est rien! J'étais juste perdue dans mes pensées.
- Je sais ce que ça fait! Je passe mon temps à ruminer moi aussi!
Elle me sourit. Ses joues étaient toutes rouges et ses yeux encore humides. Elle était en train de pleurer. Je décidai de lui dire:
- Si tu as un problème, tu peux me le dire, tu sais!
- Non ça va......Je...
- Je sais que des fois, on est submergé par des problèmes qu'on arrive plus à en voir le bout. La seule chose dont on a besoin c'est de tout extérioriser, de tout déballer, même à quelqu'un qu'on ne connait pas.
- À vrai dire, ça ne me concerne pas directement.
Elle soupira avant de dire:
-En fait, ça concerne mes parents. Ils n'arrêtent pas de se disputer, de crier. Chaque jour, c'est la même chose et moi je n'en peux plus. Avec eux, la vie est insupportable. Je ne sais plus quoi faire.
- Pourquoi ils se disputent ? Ils doivent bien avoir une raison.
- Mon père s'est fait viré de son travail à cause de son alcoolisme, et il ne veut pas arrêter. Nous sommes cinq à la maison avec mes frères et sœurs. Sans travail, nous finirons par mourir de faim. C'est pour ça que je suis venue travailler ici.
- C'est vraiment très courageux de ta part. Tu as sauvé de ta famille!
- C'est pas l'avis de mon père. Il ne sait pas que je travaille.
- Mais pourquoi ?
- Il ne veut que sa fille sort de la maison et commence à travailler. Pour lui, c'est des affaires d'hommes.
- Mais lui c'est un homme et qu'est-ce qu'il a fait? Rien, à part conduire sa famille vers sa perte.
- Il ne veut pas aller chercher de travail. Je ne sais pas ce qu'il veut au juste. Et maintenant, je tremble de peur de sortir de cet hôtel et de le trouver en train de m'attendre. Je n'ose même pas imaginer...
- C'est pas toi la fautive dans l'histoire, c'est lui. Toi tu es l'héroïne, tu es la championne qui a eu assez de courage pour aller travailler. C'est pas facile, mais tu l'as fait. Tu ne mérites pas tout ça.
- Merci de me dire tout ça! Ça remonte vachement le moral.
La rougeur de ces joues s'estompa petit à peu laissant paraître derrière elle une pâleur de teint incroyable. Cette jeune fille souffrait beaucoup, et ça se voyait rien qu'à sa tête.
- Alice, il faut que tu en parles à ta mère et que vous essayez de trouver une solution. Je n'ose même pas imaginer ce que vous subissez chaque jour. Il faut que ça cesse!
- Mais ma mère ne sait pas que j'ai si peur, et que je pleure en cachette. Elle ignore tout ça. Elle croit que je vais bien.
- Il est grand temps que tu lui dise. Tu n'as rien à craindre. Ensemble, vous allez trouver une solution.
- J'ai peur que si j'en parle, ils se séparent !
- S'ils choisissent de se séparer, tu souffriras, mais jamais comme tu le fais maintenant. Ton père restera ton père, peu importe les circonstances. Mais s'il doit partir pour ne plus te nuir, ou pour changer et s'améliorer et devenir une meilleure personne, tu dois l'accepter.
- Je pense que tu as raison.
- Vas- y, ne baisse pas les bras. Tu vas y arriver!
- Je vais essayer d'en parler à ma mère ce soir. Merci beaucoup ! C'est la première fois que je parle à cœur ouvert à quelqu'un.
- Je t'en prie! Ce n'est rien! J'espère que tout s'arrangera pour toi.
Elle prit son sac et quitta la pièce.
Sacrés pères, ils ne font que causer des problèmes à leurs familles! Cependant, celui d'Alice n'égalera jamais le mien.
Cette jeune fille, si gentille, avait tant souffert. Elle ne méritait pas tout ça. Personne ne méritait ça.
Une fois sortie, je décidai de rendre une petite visite au mage. Il devait voir si ma blessure au bras guérissait. J'en profitais pour lui demander:
- Maître, vous croyez que Craig avait lui aussi vendu son âme au Diable?
- Eh bien difficile à dire.
- Pourquoi?
- L'histoire de Craig n'est pas si facile que ça. Moi même j'ignore ce qui s'est vraiment passé.
- Et comment vous l'avez rencontré?
- Je vois que vous vous intéressez à son histoire.
- Je voudrais seulement pouvoir le cerner pour mieux le comprendre. Je sais bien qu'il cache quelque chose. Je ne veux pas être indiscrète mais...
- Je vous comprends parfaitement. Eh bien, je vous dirais tout ce que je sais. Il y a 15 ans, je m'entraînais avec un ami dans une forêt de l'autre bout du pays. Il s'appelait Jean. A cette époque, on voulait atteindre le grade de mage. Pour y parvenir, on devait pouvoir maîtriser un sort très difficile. On partait s'entraîner tous les matins, et on rentrait le soir. Un jour comme tous les autres, Jean et moi étions en train de rentrer quand soudain, nous entendîmes un cri aigu non loin de l'endroit où nous étions. Nous nous précipitâmes et là, un spectacle horrible nous attendait. Il y avait cinq personnes étendues sur le sol. Elles étaient toutes couvertes de sang. Je m'en souvenais comme si c'était hier. Il y avait deux hommes, deux femmes et une petite fille. Nous essayions tant bien que mal de garder notre sang froid, mais en vain, la peur nous empêcher de réfléchir. Un homme d'entre eux pouvait à peine respirer. Il nous dit: " Fuyez!!!.... Il est encore là.... Il vous guette..." Jean lui répondit: " Mais qui??...." A ce moment, on avait l'impression que quelqu'un nous observait. On s'était retourné. Un garçon d'à peu près cinq ans se tenait là, et nous fixait du regard. Il était plein de sang. Je lui dis:" Tu as réussi à t'enfuir. Vient là ne crains rien". A la vue du gamin, l'homme se mit à hurler, " C'est lui.... C'est lui..!" Jean était le premier à avoir compris. Il se précipita sur le petit garçon. Celui ci le poignarda avec une vitesse et une habileté incroyable. Jean s'étendit par terre. Il était... Il était.
- Maître....
- Excusez moi. Toutes ces années ont passé, mais je ne peux pas encore tout oublier. C'était la première fois que je voyais quelqu'un se faire tuer devant moi. Jean était pour moi le frère que je n'avais jamais eu. Il comptait énormément pour moi.
- Je suis vraiment désolée......Maître, dites moi, le petit garçon, ce n'était pas...
- Si. C'était Craig.
- Oh mon dieu...!! Et qu'est ce qui s'est passé par la suite?
- Je ne voulais pas admettre que je l'avais perdu, que j'avais perdu mon meilleur ami. J'essayais de le relever, mais en vain, il était bel et bien mort. Craig se tenait là, il me regardait droit dans les yeux. J'avais cru que ma dernière heure allait sonner. J'avais bien compris que ce gamin n'était pas ordinaire. Il s'approcha de moi, j'avais cru que c'était fini, que j'allais mourir, mais non, Craig s'évanouit devant moi. Je m'apprêtais à le tuer, à faire disparaître cet être de cette terre, mais je n'y arrivais pas. Je ne pouvais pas le faire, j'en étais incapable. Je décidai de l'emmener à la police mais avant ça, je devais enterrer ces personnes si sauvagement assassinées. J'en étais arrivé au dernier quand Craig me dit: " Pourquoi tous ces gens sont morts? Ils ont eu un accident?" Je croyais qu'il le faisait exprès, mais ce n'était pas le cas. Il avait l'air si innocent. Ce gamin qui se tenait devant moi venait de tuer six personnes et ne se rappelait de rien. La seule explication qui me vint à l'esprit, c'était que quelqu'un contrôlait ses moindres faits et gestes. Si je le laissais errer dans la nature, dieu sait ce qu'il était capable de faire. Je décidai de l'emmener avec moi. Je réussis à dompter ce monstre qui sommeillait en lui.
- Alors, il est habité par un monstre.
- C'est ce que je croyais avant que je ne découvre que lui et le monstre n'était en réalité qu'un seul être. Maintenant, il sait tout ça. Il a réussi à se contrôler, et il est devenu très fort. Bien plus fort que moi. Je ne regrette rien, ni le fait que je l'ai laissé en vie, ni le fait que je l'ai emmené avec moi. Je regrette une chose. C'est d'avoir laissé Jean se faire tuer. Maintenant, toute la haine que j'avais envers lui s'est transformée en amour. Mais , j'ignore encore où il vivait avant ça, qu'est il advenu de ses parents, comment a t il eu possession de ce pouvoir.
- Je crois qu'on ne le sauras jamais.
- Parfois, je m'amuse à lui poser des questions, mais il fait tout pour changer de sujet.
- Vous croyez qu'il se souvient de quelque chose?
- Oh oui, je crois même qu'il se rappelle de ce qu'il avait fait à ces innocentes personnes.
Je savais bien que Craig avait une longue histoire derrière lui. Mais je ne pouvais imaginer qu'elle serait comme ça.
Le mage Gloderhel avait vu son meilleur ami se faire tuer par ce jeune homme, et maintenant, il ne lui en veut pas. Je ne cessai de l'admirer pour la sagesse dont il faisait preuve.
Craig avait alors un lourd secret à cacher. Ce que j'avais vécu n'était rien comparé à lui.
Dès demain , je m'étais promis d'aller m'entraîner, de persévérer et de ne jamais abandonner. Si cette bête croyait encore qu'elle pouvait me contrôler comme une simple marionnette, alors elle se trompait.
Si elle croyait qu'elle pouvait se servir de mon corps, de mon âme de mes souvenirs comme si ça lui appartenait, alors elle sera bien déçue.
J'avais presque oublié l'histoire du Diable et de sa vengeance. Ce dernier ne tardera pas à me le rappeler et ce de la pire façon qui soit.
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