Chapitre 43
— Tu vas finir par me dire ce qui te préoccupe ! Et ne me dis pas que c'est à cause du boulot, je ne te croirai pas ! Le lancement du site est un succès. Tout roule. Tu me caches un truc ! s'exclame Isaure en retournant le panneau qui indique la fermeture du magasin.
Elle a raison.
Depuis une semaine, c'est la confusion dans ma tête et ça me bouffe, pire je n'arrête pas d'y penser.
On entend souvent dire que la nuit porte conseil et bien, je peux vous certifier que c'est de la foutaise.
En ce moment, l'insomnie me tient compagnie une bonne partie de la nuit, mes cernes parlent pour moi.
Après avoir salué Mathias et sa bande, j'ai regagné le bar, il était déjà tard.
La crainte de recroiser Jacob ne m'a pas quitté.
L'étau qui s'était formé dans ma gorge s'est à peine dissipé quand John m'a informé qu'il était parti tout de suite après notre échange.
Le reste de la soirée, je me suis contentée de la passer en mode automatique, avec un goût amer en bouche.
Le lendemain, j'ai tenté de contacter Alix, sa messagerie m'a répondu.
J'ai continué les jours suivants, sans résultats.
À ma dernière tentative, sinon, je déboulais chez elle, ma tante a fini par décrocher.
Le ton de sa voix m'a laissé croire que mon appel la dérangeait.
J'ai seulement pu l'informer du succès de notre soirée, elle m'a d'abord félicité et a ajouté que François était injoignable, un congé de dernière minute pour au moins un mois.
J'en ai déduit un burn-out.
Pour un bourreau du travail, ça me semblait plausible, quoique bizarre quand même.
L'échange a donc été très bref et elle a vite clôturé la conversation en me disant qu'elle allait entrer en réunion avec ses avocats et qu'elle me rappellerait.
Moi qui voulais lui partager ce que j'avais sur le cœur c'était raté.
— Sérieusement ? Il t'est arrivé quelque chose ou tu m'évites ?
Isaure revient à la charge.
Bien sûr que je l'évite et je n'ose pour lui dire.
Je n'ai pas l'énergie nécessaire de tout lui raconter.
Pas encore.
Avant, j'ai besoin de faire le point.
Rien que cette semaine, j'ai décliné deux invitations, qui impliquaient la présence de Clément et de Jacob.
La perspective de croiser à nouveau le second me terrifiait.
C'était très immature de ma part, je sais, mais je ne pouvais, quand même pas régler mes comptes avec lui en public.
Voyez par vous-même et vous serez d'accord avec moi.
Le lundi soir, Isaure a proposé qu'on se rejoigne au restaurant.
Parce que vous vous souvenez, nous avions convenu, Jacob et moi, de nous y retrouver tous ensemble.
L'idée était sympa sur le moment, mais, ça, c'était avant.
Avant que je n'apprenne que Jacob était un client du Midnight Club et qu'il découvre mon secret.
Et puis, imaginez, ma gêne dans le restaurant de mon petit copain avec un autre homme qui pense que je m'effeuille et m'en donne à cœur joie dans un club libertin.
Cette situation était risquée et trop malaisante.
Deux jours plus tard, mon amie est revenue à la charge pour une séance de cinéma.
Un terrain neutre dans le noir, c'était peut-être jouable, mais tout aussi hasardeux.
Ma honte m'aurait accaparé tout le long et la chance que la fin de la soirée se termine dans le bar de Thomas était proche du 100 %.
Danger assuré.
De toute façon, ce soir-là, j'avais rendez-vous avec Thomas.
Si l'on peut qualifier cela de rendez-vous.
Trente minutes en tout et pour tout.
C'était lors de sa pause au « Sky Heaven Bar » que l'absence de plusieurs employés a entraîné le chaos dans son emploi du temps déjà surchargé, ce qui nous a empêchés de nous voir.
On s'est retrouvé un peu plus loin de l'enseigne et nous avons échangé quelques baisers dans le silence ensuite, j'ai constaté que Thomas semblait ailleurs.
Pendant un court moment, j'ai envisagé de tout lui relever, mais j'estimais qu'il méritait mieux qu'un déballage sur le bitume et une conversation qui en enchaîneraient d'autres questions.
Alors, j'ai préféré grappiller encore quelques minutes et savourer l'instant présent.
Enlacée dans ses bras, je me sentais tellement en sécurité que j'ai relégué ce léger, mais, pas de moindres problèmes au fin fond de ma mémoire.
Juste avant qu'il ne parte travailler, l'intensité dans son regard m'a rappelé à quel point notre histoire était importante.
Lorsqu'il a déposé un dernier baiser pour me dire au revoir et murmuré un « Je t'aime », je me suis promis de jouer cartes sur table avant la fin de semaine. Notre relation avait commencé sur des mensonges et ça ne pouvait plus durer.
Révéler mon secret devient crucial.
Ma conscience me le rappelle chaque seconde qui passe et j'ai le mauvais pressentiment que tout va voler en éclats si je ne fais rien.
Perdre Thomas m'est inconcevable.
Mais avant, clarifier la situation avec Jacob s'avère essentiel.
Je dois lui inspirer du dégoût et, si lui est au courant, quelqu'un d'autre peut l'être également.
La poisse.
Imaginer que mes parents puissent aussi l'apprendre me fout une trouille d'enfer et Édouard se ferait un plaisir de tout leur dire.
Lui, qui m'avait clairement montré ses intentions en me menaçant pour récupérer ma sœur à sa place est déjà réservée en Enfer.
Cela dit, je n'ai plus de ses nouvelles et c'est très bien ainsi.
Quant à Adèle, on se voit peu.
Ses fins de journées sont destinées à la recherche d'un nouveau logement, bien que je ne la chasse pas de chez moi.
Et de mon côté, je fais profil bas, prétexte un mal de tête ou de la fatigue pour me réfugier dans ma chambre pour l'éviter.
La situation me pèse.
Dès que je me glisse dans mon lit le soir, mon cerveau se met en marche et après avoir longuement réfléchi, deux options s'offrent à moi.
Soit, je demande à Isaure de me fournir le numéro de téléphone de Jacob par l'intermédiaire de Clément, soit, je me rends directement à l'hôpital.
Seulement dans le premier cas, c'est du pur suicide, le côté Sherlock de mon amie peut s'avérer
dès plus redoutable et dans le second ,j'ai rapidement abandonné cette idée.
Parce que, voyez-vous, cela pourrait être gênant de débouler ainsi l'air de rien sur son lieu de travail.
Et puis, soyons honnêtes, Jacob a des priorités plus urgentes à traiter, comme soigner des personnes qui se vautrent en tombant d'une échelle, que de gérer des gourdes de mon genre.
Je sais, ce que vous pensez, que je me trouve des excuses et vous n'avez pas tout à fait tort.
C'est juste que je tente de trouver une solution, mais le courage m'a déserté, la fatigue l'a remplacé.
Malgré tout, quelque chose continue à me préoccuper.
Pour trouver la réponse, je fouille sans cesse dans les tréfonds de ma mémoire à la recherche du moindre indice qui aurait pu mettre Jacob sur la piste.
Comment a-t-il su que c'était moi sur la scène ?
— Ava ? La voix de ma meilleure amie me tire de mes pensées.
— Je suis épuisée, je lui réponds en éteignant l'ordinateur.
— Ça, je l'ai bien vu, elle réplique en s'accoudant au comptoir. Tu as une de ces têtes ! Même ton anticerne ne pourrait pas opérer de miracle.
Je sens son regard inquisiteur sur moi, puis elle me demande.
— Tu t'es disputée avec ton Apollon ?
— Pour ça, il faudrait déjà que je le voie, je réagis d'un ton las en haussant les épaules.
— Tout va bien entre vous ?
Je la rassure en opinant.
Isaure me rejoint et prend son sac à main.
J'éteins les lumières, elle ouvre la porte et nous sortons.
— Parce que s'il joue aux cons, je lui arrache les couilles, elle s'exclame avant de retrouver une voix calme. Il n'a pas encore trouvé des remplaçants ?
Je secoue la tête et son visage s'illumine, signe annonciateur d'une proposition imminente.
— Pas de rencard ce soir alors ? On pourrait...
—... Non, non, c'est bon, je la coupe dans son élan. Une amie, ou plutôt une traîtresse qui me sert d'amie m'a dit que j'avais une sale tête. Je ne peux décemment pas sortir dans cet état.
— Tu devrais te débarrasser de cette amie, elle n'est pas du tout sympa.
Je lui souris, elle éclate de rire et ajoute.
— On s'en fout de tes cernes. Il paraît que c'est tendance.
— Et tu sais de ce que je pense des tendances sur Tik Tok. Tu as des projets ce soir ? Je relève entournant la clé dans la serrure pour fermer le grillage de sécurité. Moi, j'ai un rendez-vous avec, « Ben' s et Jerry's » et un film à la con.
— Ma meilleure amie m'a abandonnée, s'offusque faussement Isaure avec un sourire en coin. Je vais devoir me rabattre sur mon mec du moment et voir s'il est dispo.
Nous avançons vers le parking.
— Ça matche bien avec Clément ?
Elle hésite un instant et cherche ses mots en passant une mèche de ses longs cheveux noirs derrière son oreille.
— C'est bizarre.
— Bizarre, comment ?
À mon tour d'enfiler ma tenue du FBI.
Qu'elle tombe encore sur un gars louche ou qui ne veut qu'un plan cul m'emmerde.
Elle mérite tellement mieux que tous ces crétins.
Clément m'a fait bonne impression, et il est vrai, qu'ils sont, certes, différents, mais qu'ils vont bien ensemble. Ne dit-on pas que les opposés s'attirent ?
— C'est la première fois que je me sens attirée par ce style de mec. Tu sais, le rigolo de la bande, un peu relou. Et pourtant, Clément est aussi romantique qu'attentionné et, surtout, capable de me tenir tête. Il n'est pas rare qu'on se dispute pour finalement se réconcilier. C'est ce que je préfère. Et puis, il est canon, ce qui ne gâche rien.
— Ça te change des connards.
— Mais, vraiment... Rroooh et puis, qu'est-ce qu'il est doué au pieu. C'est comme s'il cherchait en permanence à me procurer du plaisir plutôt que de prendre le sien et de se barrer une fois qu'il a terminé. Le meilleur coup de ma vie. Tu devrais le voir en action.
— Non, ça ira.
On éclate de rire.
— Je suis heureuse pour toi, j'ajoute en sortant ma clé de voiture de mon sac à main.
— Bah, on verra. Je ne me fais pas d'illusions, je profite de l'instant. Regarde qui m'appelle.
Elle me montre l'écran de son téléphone où s'affiche « Clément ». Elle ne décroche pas pour autant alors, je lui lance.
— Chouette soirée en perspective.
Isaure m'offre un sourire étincelant puis me sonde avec ses pupilles chocolat à la recherche d'indices qui me fera avouer mon attitude aussi distante.
— Je sais que tu me caches quelque chose, Ava. C'est toi la traîtresse. Je te laisse tranquille pour ce soir, elle ajoute pour dédramatiser la situation, tu as besoin de te reposer. Mets des sachets de thé sur tes yeux pour les dégonfler et abuse d'anticerne.
— Ma meilleure amie est trop aimable, j'ironise en jouant des sourcils.
— Je pensais ne plus être digne de ton amitié, elle réplique une main sur le cœur, amusée.
— Ton amant t'attend, je lui signale d'un geste du menton son téléphone qui s'allume encore.
Elle secoue la tête et affiche, ensuite, un large sourire tandis que j'enchéris.
— Je t'adore, Isaure et je promets de bientôt te dire ce qui me pèse. Mais avant, je dois faire le point de mon côté.
— Ah ! Je le savais ! J'avais raison, elle m'accuse en pointant son index sur moi en affichant une mine victorieuse tout en se moquant de son appareil qui vibre dans sa main. Bon, quand tu seras prête, elle ajoute, la voix radoucie, tu sais où me trouver. De toute façon, tu as intérêt à prendre des forces pour demain, tu vas en avoir besoin.
Je la regarde, interloquée.
— Tu ne te rends pas chez tes parents pour soutenir Adèle ?
Mon estomac se comprime et mon cœur tressaille, son rappel sonne comme un éloge funèbre. Comment ai-je pu oublier ?
Bon sang, j'ai la sensation que cette semaine risque de mal se terminer.
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