Chapitre 4
Si pour certains le dimanche est synonyme de flemme, pour Augustine, ma mère, c'est son jour favori.
C'est comme si le printemps s'invitait dans son empire chaque semaine, les papillons et les oiseaux en guise de décor, comme dans un Disney.
Sauf qu'il n'y a rien de magique, juste une illusion pour en mettre plein la vue et se faire valoir en tout temps.
On dit que l'enfer est pavé de bonnes intentions, croyez-moi, vous allez voir par vous-même que chez les De Courtanel, mes parents, surtout ma mère, rivalisent d'ingéniosité pour garder leur place auprès de Satan.
Comme vous l'aurez peut-être compris, je viens d'une famille très aisée.
Pas le genre bling-bling en mode jet-set qui fait la une des magazines.
Plutôt de celle qui prône un haut niveau d'échelle sociale et professionnelle.
Notre blason familial est connu de tous.
Très tôt, j'ai compris que mon destin était déjà tracé, ancré par une tradition familiale à laquelle personne, jusqu'ici, n'a pu échapper.
Depuis la nuit des temps, de génération en génération, les membres de ma famille sont avocats.
Je ne me voyais pas exercer un métier qui ne me passionnait pas juste pour faire grossir leur ego.
Alors, j'ai joué gros.
Pendant tout un temps, ils ont cru que je faisais des études de droit jusqu'à ce qu'ils sachent la vérité.
Ah ce n'était pas beau à voir, mais j'ai eu ce que je voulais.
Ayant déjoué leurs plans, ils ne se cachent pas de m'en tenir rigueur à chaque fois que l'on se voie, j'ai gâché ma vie, selon eux.
Et ne parlons pas de mon statut de célibataire ; il hérisse le poil de ma mère qui aimerait tant me voir convoler en justes noces, avec un mec plein aux as.
12H 04, je suis en retard.
Chez les De Courtanel, à midi tapante, le repas est servi.
Ce dîner ressemble davantage à un tribunal dans lequel ma mère excelle comme juge alors que c'est mon père qui est avocat spécialisé dans le divorce.
Cherchez l'erreur.
En attendant, devinez qui est en train de s'y préparer mentalement dans sa voiture à plus de vingt-cinq degrés ?
«Tout va bien se passer ».
Ces mots passent en boucle dans mon esprit quand j'ai l'intime conviction que les choses vont déraper.
C'est censé me rassurer et me tempérer. Autant vous dire que ça ne fonctionne pas toujours.
De toute façon, rien ne fonctionne jamais comme on le voudrait.
Adossée au repose-tête du siège de ma voiture, je me demande encore pourquoi j'assiste à cette mascarade.
Il faut croire que je suis masochiste.
C'est vrai qu'il y a longtemps que j'aurais dû couper les ponts avec eux, mais quelle que chose me retient.
Une infime part de moi espère encore qu'un jour je puisse trouver grâce aux yeux de mes parents et qu'il reconnaîtront que j'ai su me faire une place autrement que celui de me servir de mon nom de famille.
Épuisée par avance, j'inspire et expire plusieurs fois.
« Tout va bien se passer ».
C'est parti.
Je descends de la voiture et claque la portière.
Laporte s'ouvre sur Martha, l'employée de la maison depuis plus de quarante ans.
Son sourire chaleureux m'accueille, elle est la mère que j'aurais aimé avoir.
Mes parents nous ont toujours interdit à ma sœur, mon frère et moi, d'exprimer une quelconque affection envers elle, alors qu'elle est la seule qui nous ai apporté de l'attention durant toutes ces années.
Alors afin d'éviter de la perdre, je me suis toujours faite discrète lors de nos échanges.
Avant de filer en cuisine, elle m'indique que tout le monde est à l'extérieur.
Comme à l'accoutumée, je pose mon sac à main sur le guéridon et me dirige vers la salle à manger.
Mes talons aiguilles martèlent le sol dans chacune des pièces qui se succèdent.
En me voyant, ma mère me détaille en prenant son habituel air hautain et déclenche (déjà) les hostilités tout en jetant un œil à la pendule sur l'âtre de la cheminée.
—Te voilà enfin. Tu sais fort bien que ton père et moi sommes intransigeants sur la ponctualité. L'impolitesse coule dans tes veines, ma chère fille.
Première pique.
Sept minutes de retard, merde, ce n'est pas la fin du monde, si ?
— Bonjour maman.
Comme d'habitude, elle ne me salue pas. Elle me parlera encore de politesse.
À la place, elle me montre un bouquet de magnolias blancs qu'elle tient en main et, avant de les mettre dans un vase, me lance.
—J'étais en train de montrer à ta sœur les fleurs qui ont éclos dans le parterre à côté de la maison. Tu sais, celui que tu as saccagé quand tu étais enfant ?
Deuxième pique.
Évidemment que je m'en souviens.
Trop impatiente d'attendre que quelqu'un daigne m'apprendre à faire du vélo sans les petites roues, j'ai essayé toute seule.
Comme vous vous en doutez, je me suis vautrée dans ses foutues fleurs qu'elle affectionne bien plus que moi.
Elle plisse les yeux.
— As-tu fait quelque chose à tes cheveux ?
À sa remarque, je passe mes doigts dans ma longue chevelure et secoue négativement la tête.
Elle soupire.
—Tu devrais. N'aurais-tu pas passé l'âge de les avoir aussi longs et si encore, ils étaient bien entretenus.
Troisième pique.
—Ton allure, tes faits et gestes représentent l'image de la famille. Combien de fois dois-je te rappeler ? N'oublie pas que tu es une De Courtanel !
Comment pourrais-je l'oublier ?
Ses remarques acerbes me le rappellent tout le temps, comme si nous étions les membres d'une famille royale.
Je n'ai pas le temps de riposter qu'Adèle, ma sœur aînée, entre dans la pièce par la grande porte qui donne accès à la terrasse, suivie d'Édouard, son compagnon.
Rien que le son de la voix nasillarde de mon beau-frère me donne envie de vomir.
Prenant un air supérieur, il s'exclame.
—Voyons, Adèle, qu'as-tu fait pour avoir les mains aussi dégoûtantes ?
— J'ai empoté une fleur dans la serre. Rien de dramatique, elle lui répond, un brin irritée.
—C'est le travail du jardinier, il retoque avec dédain dans le dos de ma sœur, laquelle fait mine de ne pas avoir entendu en poussant un léger soupir d'agacement.
Adèle me claque une bise sonore sur la joue sans pour autant me regarder, les mains devant elle, maculées de terre.
Sans plus de cérémonie, elle se dirige vers la salle de bain du rez-de-chaussée tandis qu' Edouard me salue d'un signe de tête et déguerpit comme si j'avais la peste pour prendre place à table.
Quel imbécile.
— Nous t'attendions, la grosse voix de mon père fige tout mon être.
Avant de me retourner, j'inspire et expire.
« Tout va bien se passer ».
Mains dans le dos, il me toise de ses prunelles marron, seul trait physique que l'on ait en commun.
L'autorité qui émane de sa personne fait fuir tout le monde.
Qui ose le contredire, ne s'en sort pas indemne.
À plusieurs reprises, j'en ai déjà fait les frais et pourtant, je refuse de m'incliner devant lui.
— Asseyons-nous, veux-tu, Martha va apporter le dîner.
Son ton est sans appel, il sonne comme un ordre.
Sans un mot de plus, il me contourne et s'installe à sa place habituelle, j'en fais de même.
À ma droite, Pierre-André, mon frère aîné, me salue et m'offre un timide sourire.
Notre mère en bout de table entame toute autre conversation en s'adressant à ma sœur.
—Alors, c'est prévu pour quand ?
Assise en face de moi, ma sœur promène ses yeux dans son assiette.
Supposant être la seule à ne pas être au courant, je m'attends à ce qu'elle m'annonce qu'elle est enceinte, ce qui expliquerait ses traits tirés.
Mon regard se pose sur Édouard.
Je croise les doigts pour que cet enfant n'hérite pas de ses yeux globuleux et de ses goûts vestimentaires douteux.
Tout ne résume pas au vert.
— Que se passe-t-il ?
—Évidemment que tu ne peux pas le savoir, répond ma mère en me lançant des éclairs de ses yeux bleus glaciers. Tu t'es enfuie comme une voleuse vendredi soir !
J'étouffe une réaction verbale virulente qui me vaudrait encore des reproches, je prends une gorgée de vin.
— Édouard m'a demandée en mariage devant tout le monde, répond Adèle d'une petite voix.
Inutile de préciser que je viens de recracher le précieux nectar rouge dans mon assiette et que ma mère me réprimande comme lorsque j'avais six ans.
Au lieu d'exploser de joie comme toute personne normale, je reste abasourdie par cette nouvelle.
En fait, ce qui me surprend le plus, c'est que ma sœur n'ait pas l'air ravie.
Pour reprendre contenance, j'essuie ma bouche puis mon assiette avec la serviette en tissu et m'apprête à répliquer quand ma mère me devance, une fois de plus, la voix enjouée.
— Montre-lui ta bague de fiançailles, Adèle.
Sans son panache habituel, Adèle tend sa main droite avec hésitation.
L'énorme diamant blanc qui trône à son annulaire scintille autant que ses yeux bleus sont éteints.
J'en reste bouche bée, pas à cause du caillou, mais de l'attitude de ma sœur.
Elle qui attendait ça avec tellement d'impatience.
— Avez-vous fixé une date ? poursuit ma mère.
— Nous pensons à fin août ou début septembre, annonce avec fierté Édouard en passant une main sur son front dégarni. C'est rapide, je vous le concède, il s'empresse d'ajouter, un regard en biais à ma sœur. De plus, avec tous les contacts dont je dispose, l'organisation ne devrait pas poser de souci, n' est-ce pas Adèle ?
Ma sœur hoche la tête et ne dit rien de plus.
—Bien, tranche ma mère, on dînera ensemble cette semaine, Adèle, pour en discuter et établir la liste d'invités.
Sur l'entre-fait, Martha arrive avec son chariot et commence le service.
Le silence assomme la tablée et j'en profite pour dévisager ma sœur du coin de l'œil tandis que les couverts commencent à tinter.
Je me trompe peut-être, mais Adèle ne semble pas emballée à l'idée de se marier et personne ne dit rien.
Personne ne semble remarquer qu'elle semble subir une situation dont elle n'apas envie.
Ce n'est pas parce que notre relation n'est plus la même qu'avant que je vais me taire.
—As-tu vraiment envie de te marier Adèle?
À mes mots, ma sœur relève la tête d'un coup, ses yeux me transpercent et ses joues virent au rose.
Ai-je tiré dans le mille ?
Encore une fois, je constate qu' aucune joie ne la transcende alors qu'elle vient de se fiancer.
—Voyons Ava, tes propos sont déplacés, s'offusque ma mère, une main sur la poitrine. Tu sais fort bien qu'Adèle et Édouard sont ensemble depuis un an. C'est donc la suite logique qu'ils officialisent leur relation en se mariant. Déjà qu'ils vivent ensemble depuis six mois.
Oui, ils vivent dans le pêché.
Qu'est ce que c'est rétrograde.
Ma mère marque une pause en me regardant de travers et ajoute.
—Oui bon, je ne dois plus rien attendre de ta part, un mariage annulé et un autre que tu as laissé filer.
Et c'est reparti.
Je suis une cause perdue en matière de mariage et ça me va parfaitement.
— Le mariage n'est pas une finalité en soi, je réplique. Je préfère vivre avec quelqu'un que j'aurai moi-même choisi par amour et quine m'aura pas été imposé.
—Sache que l'amour n'a rien à voir là-dedans, crache ma mère en balayant l'air de la main. Il vient avec le temps. Nous n'avons rien exigé de ta sœur, elle est juste un peu troublée et ne se rend pas encore compte de la chance d'avoir trouvé un merveilleux mari. N'est-ce pas Adèle ?
Sans attendre de réponse de ma sœur, ma mère enchaîne en reprenant son air courroucé, chassant une mèche de son carré blond clair sur sa joue.
— Ava, jamais, tu ne trouveras quelqu'un qui veuille de toi si tu ne changes pas ton attitude.
Bizarrement, mon ego est touché par sa pique.
Une mère ne devrait pas avoir de telles paroles envers son enfant.
C'est à ce moment qu'une colère sourde monte en moi, alors pour tenter de la réguler et ne pas provoquer un esclandre, mon index se joint à mon pouce.
Un automatisme depuis l'adolescence.
Chaque coup d'ongle qui lacère la pulpe de ma peau exprime physiquement ce que je ressens à l'intérieur ; la douleur est parfois salvatrice.
Il n'est pas rare que mon pouce se retrouve endolori, voire ensanglanté, même si je finis par répliquer et exploser, tout comme maintenant.
— Tu veux plutôt dire que je ne rencontrerai jamais quelqu'un d'assez bien à vos yeux. Une personne respectable selon vos idéaux. Parce que c'est ainsi que ça fonctionne dans cette famille, on se marie pour la bienséance et les convenances et non par amour. Je préfère être seule que de vivre avec un homme qui me dominera toute ma vie. L'indépendance n'a pas de prix.
Mon père grogne, mais ne dit rien et mon frère choisit de se dérober.
— Nous avons déjà eu cette discussion maintes fois, réplique ma mère avec ferveur en pointant sa fourchette dans ma direction (ce qui n'est pas poli). Dans notre milieu, des alliances entre familles sont communes et fondamentales depuis la nuit des temps. Elles assurent le statut social, la lignée et le patrimoine familial. Tu es la seule qui s'écarte de nos traditions. Sache que Pierre-André ne cumule pas les conquêtes comme toi.
—Que sais-tu de qui je fréquente ?
— Je le sais, c'est tout. Pour ta gouverne, avant que tu n'arrives, car bien sûr, tu étais encore en retard, Pierre-André nous a annoncé qu'il fréquentait une jeune femme. Il est grand temps de te ressaisir, il en va de notre image. Nous ferons la connaissance de cette femme lors d'un prochain dîner et tu as intérêt à te montrer irréprochable, pas comme vendredi soir.
Je secoue la tête et lève les yeux au ciel.
Qu'ai-je fait qui me vaille encore des remarques aussi cinglantes ?
J'ai arrêté de les compter depuis le début du dîner.
Mon père se charge de me rafraîchir la mémoire.
— Ava ! tonne mon père. Tu es partie de la soirée sans saluer personne. Te rends-tu compte que tu aurais pu te faire agresser lorsque tu as eu l'idiote idée de partir seule ?
Stupéfaite, je coule un regard à mon père qui dépose ses couverts dans son assiette alors que je n'ai pas encore touché la mienne.
Mon père s'est inquiété pour moi ?
—Tu imagines, il ajoute en verrouillant ses prunelles aux miennes, le scandale que cela aurait été si les invités t'avaient vue ivre sur la route. Notre réputation aurait encore été entachée par ta faute.
Déçue, je sens mon esprit s'échauffer de plus belle et mon pouce continue de subir les assauts de mon ongle.
— Bien sûr, par ma faute.
— Tu dis ? vocifère mon père.
—Je suis rentrée en taxi chez moi car j'étais fatiguée, je me reprends, en tentant d'y mettre un ton aussi naturel que je le peux.
Il serait inconvenant de raconter que je me suis envoyée en l'air avec un mec que je ne connais même pas.
— C'est ce que ta tante m'a dit. Alphonse, mon chauffeur, t'aurait accompagnée.
Si Alix assure mes arrières, que dire de la bienveillance de mon paternel à mon égard.
Gaspard De Courtanel dans toute sa splendeur.
— Et puis, juste avant, tu t'es donnée en spectacle en entonnant cette chanson abjecte.
— C'était pour me faire plaisir, papa, ose intervenir Adèle, les yeux toujours baissés vers son assiette aussi intacte que la mienne.
— Tais-toi, il ordonne. Tu as été encore plus idiote en allant la rejoindre.
J'ai l'habitude avec, toi Ava, mais de ta part, Adèle, c'est pire, une honte.
À ses mots, un flash me revient.
Juste avant de s'éclipser pour répondre au téléphone, Apollon m'avait mise au défi, je le cite : «Enlève le bâton coincé dans tes fesses de bourgeoise. »
Comme une imbécile, j'ai plongé dans son jeu stupide et je suis montée sur scène pour chanter « I Kissed a Girl » de Katy Perry.
Adèle m'a rejointe et nous avons passé un excellent moment.
Une parenthèse qui n'était plus arrivée depuis des années.
Les karaokés font tâches dans les soirées mondaines, c'est sûr, ça change de la musique classique.
Le rouge aux joues et les larmes au bord des yeux, Adèle s'apprête à répliquer, mais Edouard l'en dissuade en posant une main franche sur son épaule, en répliquant.
—Ton père a raison, ta prestation était totalement ridicule. Tu étais ivre.
—Je suis désappointé et particulièrement déçu. Ton comportement n'était pas digne de ton rang.
Ta sœur en fait déjà assez pour noircir notre nom, gronde mon père àma sœur avant de reporter son attention sur moi pour ajouter. Il est grand temps de te ressaisir, Ava.
C'en est trop.
La colère éclate, je recule ma chaise et me lève.
— Je m'en fous du regard de tous ces cons. Cette soirée était d'un ennui et...
Tapant du poing sur la table, ce qui a pour effet de m'interrompre et de faire sursauter tout le monde, mon père m'ordonne en élevant la voix.
— Maintenant, tu te tais et tu t'assieds. Je ne tolérerai pas tes coups d'éclat sous mon toit.
Le visage crispé par la colère, ses sourcils gris ne forment qu'une ligne.
Son regard est si noir que si les lois du fantastique étaient réelles, il pourrait me tuer sur place.
Ma raison l'emporte sur ma peur, je m'arrache à son regard et dévie vers ma sœur en débitant aussi vite que possible.
— Réfléchis bien, Adèle. Bordel, tu as 30 ans ! Es-tu heureuse au moins ?
—Qu'est-ce qui n'est pas clair dans le fait que tu doives la fermer, hurle mon père en se levant à son tour, manquant de faire tomber sa chaise en bois brut.
L'ignorant, je darde mes prunelles sur ma sœur avant de prendre la décision qui s'impose.
C'est terminé !
Que de souffrances durant toutes ces années, les affrontements, les reproches et humiliations.
Il est temps que je rompe les liens avec ma famille.
Mais, avant de partir, je m'adresse à ma sœur.
— Je serai là, le jour ou tu auras besoin de moi.
—Tu es irrécupérable, j'ai tellement honte de toi, déclare ma mère en soupirant.
À ces mots, je m'immobilise, pivote et balaie l'assemblée du regard.
Depuis des années, mes parents me reprochent tellement de choses et surtout de ne pas avoir suivi le même chemin que ma sœur et mon frère.
Aujourd'hui, la coupe est pleine, je ne peux plus en supporter davantage.
Le teint habituellement diaphane de ma mère a viré au cramoisi, ses yeux étrécis par la colère me jaugent et sa bouche ne forme qu'une ligne horizontale.
Les joues rouges de ma sœur sont mouillées par des larmes qu'elle recueille à l'aide d'un mouchoir, alors que son futur époux me toise, exprimant ainsi tout le dégoût possible à mon égard.
Pierre-André, la tête basse, fixe un point imaginaire devant lui en triturant le pied de son verre à vin.
Mutique comme d'habitude, je me demande comment il arrive à gagner ses procès avec un tel flegme.
Les yeux marron de mon père me fixent avec intensité, sa mâchoire et ses poings sont si serrés qu'il menace d'exploser d'un instant à l'autre.
— Reviens t'asseoir, il siffle entre ses dents.
Je ne l'entends pas et m'enfuis.
Au passage, j'attrape mon sac à main sous le regard peiné de Martha.
De loin, j'entends les dernières paroles de ma mère.
— Je te l'avais dit. Un troisième enfant n'était que source de problèmes. On en paie le prix, Gaspard. Si on avait su.
C'est avec la boule au ventre que je claque la porte et me précipite au pas de course vers ma voiture en faisant attention de ne pas tomber dans les graviers.
Un tour de clé et je démarre en laissant mon passé dans le rétroviseur.
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