Chapitre 33
Assise sur la marche du perron, les paupières closes, les pieds enfoncés dans le sable, une légère brise marine caresse ma peau bronzée par le soleil.
De loin, je perçois la douce mélodie du clapotis des vagues et mes poumons se gorgent de cet air iodé. Ce mélange bienfaisant et apaisant prolonge ce rêve éveillé.
Ce moment est parfait.
Serein.
— Le retour à la réalité sera difficile, je murmure alors que j'entends Thomas s'installer à côté de moi.
Hier matin, au lieu d'emprunter la route habituelle en direction de chez moi, c'est une tout autre trajectoire qui m'a interpellée, puis m'a fait réagir. Un sourire narquois s'était dessiné sur le visage de Thomas. C'est ainsi que j'ai appris que les départs précipités d'Isaure et d'Adèle étaient planifiés pour qu'il puisse m'emmener en week-end.
En effet, Thomas et Isaure avaient tout manigancé dans mon dos lorsqu'ils se sont croisés au Sky Heaven Bar quelques jours plus tôt.
Et nous voilà, une poignée d'heures avant le départ de cette parenthèse estivale passée en tête à tête.
— On va marcher un peu, me propose Thomas en se redressant et en me tendant la main.
Nous empruntons un petit sentier au milieu des dunes sauvages qui débouche sur la plage.
Lorsque nous arrivons près du rivage, les éclats de rire sont noyés dans le bruit des vagues. Des parents capturent des moments qui ne se reproduiront jamais pendant que d'autres rangent leurs affaires avec patience, malgré les protestations des enfants.
Demain, il faudra tout recommencer : les châteaux de sable seront balayés par la marée.
Main dans la main, nous continuons notre marche, l'écume vient lécher nos pieds nus.
— Je vais essayer de m'accorder plus souvent ces petits moments.
— Un boulimique du travail comme toi ! Je lance cette phrase en plaisantant. Dis-moi comment se présente le projet du restaurant mexicain.
— Dès que le compromis de vente sera signé, les travaux commenceront. Ce restaurant me fait rêver depuis longtemps. Autrefois, il appartenait à mon grand-père. C'est lui qui m'a tout appris, la gestion et la cuisine. Malheureusement, son addiction aux jeux de hasard a pris le dessus sur sa passion. Il a mis le commerce en garantie pendant une partie de poker. Son adversaire, un Mexicain, l'a emportée. Pendant plusieurs années, il a regretté cette erreur et a essayé, sans succès, de reprendre possession du local. Il avait beaucoup de dettes. À son dernier souffle, j'ai promis qu'un jour, ce restaurant reviendrait dans la famille. J'étais tellement près de réaliser mon objectif le jour où on l'a visité...
— ... Et j'ai été l'élément perturbateur que tu n'as pas vu venir.
— Tu n'imagines pas.
— Ta promesse ne sera pas vaine.
— Tu n'avais pas l'intention de l'acheter ?
— Je n'ai rien de Cyril Lignac ou de PhilippeEtchebest.
— Vu l'état de ton frigo, je comprends.
Je lui assène un petit coup d'épaule à laquelle, il répond par un sourire.
— Ta famille doit être fière de toi.
— Je n'en sais trop rien. J'ai respecté ma promesse faite à mon grand-père. Mes parents étaient plutôt mitigés quant à cet achat. Ils estiment que je travaille trop. Ma cousine est comme une sœur, c'est elle qui s'occupera de l'ancien mexicain. Quant au bar, je négocie avec un copain afin qu'il en soit le gérant. Ainsi je pourrai tout surveiller et être un peu plus libre.
— Eh bien, j'admire vraiment cette belle dynamique familiale. C'est tout le contraire de chez moi.
Thomas hausse les sourcils en signe d'incompréhension et je continue.
— Mes parents me taclent sans cesse et à la moindre occasion. Ma carrière ne correspond pas du tout à leurs attentes. Mon père ne m'adresse presque pas la parole. Ma mère déplore que je sois encore célibataire et cherche un bon parti pour moi. Elle exige aussi ma présence à toutes les soirées mondaines. J'ai finalement décidé de prendre mes distances avec eux et je me sens mieux maintenant.
— Donc, rencontrer ta famille est en quelque sorte une étape cruciale.
— Tu fuirais à toutes jambes, mais ne t'inquiètes pas, on en est très loin.
Nous faisons demi-tour.
— Tu comptes réouvrir un restaurant mexicain ?
— Pas du tout. J'y ai bien réfléchi, et je dois avouer que ton idée d'un bar destiné exclusivement à une clientèle féminine n'est pas mauvaise.
— Je pensais que tu étais contre. Je réagis un peu à surprise.
— Tout dépend du genre de bar, si tu vois ce que je veux dire, il répond avec un clin d'œil complice et pour me charrier, ajoute. J'aimerais avoir ton avis et tes précieux conseils. D'après Baptiste, tu en connais tout un rayon.
— Il exagère toujours, lui ! Et je te jure que je préférerais oublier cette époque de ma vie.
— Celle où tu dansais sur le comptoir ?J'aurais voulu être là pour voir ça.
Nous éclatons de rire juste avant d'emprunter le sentier qui nous ramène au cottage. Thomas s'arrête, scrute l'horizon pendant que le soleil tire peu à peu sa révérence et que le vent s'accentue légèrement.
— C'est magnifique. J'adore le bord de mer et le cottage isolé dans les dunes. Dommage que la propriété est en vente.
Thomas, opine.
Tout à coup, une idée me traverse l'esprit.
— Attends, je pourrais l'acheter.
À peine ai-je prononcé ces mots que le visage de Thomas devient sombre et ses yeux restent rivés droit devant lui. Il serre ma main fort avant de la lâcher et le ton sec de sa voix sèche me fait sursauter.
— Surtout pas.
— Pourquoi donc ? Je demande, étonnée par ce revirement soudain.
— Parce que c'est vendu.
— Tu ne m'avais pourtant pas dit hier que la maison était encore disponible.
Il se retourne et je me lance à sa suite.
J'évite de justesse de heurter son dos lorsqu'il pivote brusquement et qu'il crache.
— Puisque je te dis que c'est vendu !
Statufiée, j'ai besoin de quelques secondes pour me reprendre, pendant que Thomas s'est enfui à l'intérieur.
Qu'est-ce que j'ai dit qui a bien pu le faire vriller ?
Je pousse un soupir, mille questions me viennent entête, puis je rentre à mon tour en prenant soin de l'éviter. Je n'ai pas le courage de faire face à cette confrontation pour l'instant.
Après avoir bouclé ma valise, qui avait été préparée par Isaure, je m'installe dans la voiture.
Thomas ne dit pas un mot et ne me regarde pas quand il démarre.
Le son de la radio comble le silence, mais ce n'est pas suffisant pour étouffer les rouages de mon cerveau.
Je refuse qu'il m'ait parlé de comme ça, alors, je boude pendant qu'il garde le silence.
Et puis, je me souviens de notre soirée d'hier.
Un dîner en tête à tête sur la plage.
Tout se passait bien jusqu'à ce que Thomas casse l'ambiance en revenant sur ce qui s'était passé la veille.
Je lui devais des explications après qu'il ait assisté à toute la conversation avec Sam.
J'ai soufflé un bon coup et j'ai joué franc-jeu.
Je lui ai tout raconté.
Notre rencontre, la distance, mes doutes, notre dispute, nos retrouvailles et enfin notre séparation.
Et surtout son retour récent auquel, je ne m'y attendais pas.
Pour ce qui est de Jacob, j'ai expliqué qu'il travaillait dans le même hôpital que mon ex et que celui-ci en avait tiré des conclusions hâtives en nous voyant ensemble.
Toute vérité n'est pas bonne à dire, il était inutile de lui parler des intentions de mon médecin.
Rassuré, Thomas m'a tout de même fait savoir qu'il s'occuperait lui-même de mon ex si jamais il revenait dans les parages.
Sachant combien ma poisse est légendaire, j'ai commencé à prier très fort pour qu'une telle rencontre n'ait jamais lieu.
Advienne que pourra.
Juste après mon récit, il s'est détendu et nous avons pu passer du temps ensemble et profiter de la chaleur estivale jusqu'à présent.
Jusqu'à ce qu'il change d'attitude.
Dépitée par la situation, je regarde par la fenêtre. Je pensais que ce week-end serait l'occasion idéale pour lui avouer mon secret, mais, vu la tension qui règne entre nous, je préfère repousser cette discussion à plus tard.
Quelques jours de plus ne changeront rien.
Si ?
La voiture continue d'avaler le bitume au son de « Flowers » de Miley Cyrus.
Et, sans que je m'en aperçoive, mes paupières deviennent lourdes et je m'endors.
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Petite parenthèse.
A ton avis,
Pourquoi Thomas a-t-il changé brusquement d'attitude ?
Juste avant c'était le moment idéal pour qu'Ava lui avoue son secret.
A-t-elle bien fait de ne rien lui dire ?
Et si, elle lui avait dit, comment aurait-il réagit ?
Est-ce que tu penses que la fin de ce week-end va bien se terminer ?
Dis moi tout en commentaire.
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