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Chapitre 29


C'est une délicieuse odeur de lasagne qui m'accueille quand je rentre à la maison.

Je pose mon sac à main dans le fauteuil et j'aperçois Adèle penchée devant le four de la cuisine.

Après avoir retiré ses maniques, elle se retourne, les traits détendus, à peine un léger cerne sous chaque œil. Elle rayonne de jour en jour.

Tout en me saluant, elle remet en place sa queue de cheval blonde et ouvre l'armoire pour s'emparer de deux assiettes creuses dans lesquelles elle nous sert une généreuse part.

— Assieds-toi et mange tant que c'est chaud, elle m'ordonne en ôtant un tablier de cuisine.

Elle est canon dans son jeans moulant et son débardeur rouge piqué dans mon dressing.

Je la remercie et me saisis de mes couverts pendant qu'elle sort deux verres à vin dans un autre placard.

— Je tiens à te remercier pour ton accueil chaleureux. De plus, j'ai vraiment apprécié de cuisiner un vrai repas. Les restaurants et la livraison, c'est très pratique, mais ce n'est pas très diététique.

Nous mangeons enfin et Dieu que c'est bon.

— Tu peux me faire des petits plats tous les jours si tu veux. C'est divin.

— Pour ça, tu devrais remplir ton frigo.

Je roule les yeux au ciel.

— Justement, je suis passée à la boutique en fin de journée avant d'aller acheter une bouteille de vin rouge. Oh ! J'ai oublié de la servir.

Adèle se lève et attrape la carafe qui était dans un coin de la cuisine. Elle remplit nos verres et nous les entrechoquons avant d'en boire une gorgée.

— Alors, comme je te disais, je suis allée à la boutique. Isaure m'a dit que tu étais chez Alix. Est-ce qu'elle va bien ?

— Oui, rien d'important, je mens. Elle voulait me parler du Gala de bienfaisance.

Adèle hoche la tête.

— Et, toi, tu sembles aller mieux ? Je tente de changer de sujet pour éviter qu'elle ne perçoive mon mensonge.

Adèle essuie sa bouche avec une serviette en papier.

— J'ai envie d'aller de l'avant. En tout cas, je pense être prête à passer à autre chose.

Je ne lui pose pas d'autres questions, je préfère la laisser venir.

Au lieu de cela, j'affiche une mine réjouie et je la rassure en remarquant qu'elle n'a plus sa bague de fiançailles.

— Et puis, selon les dires de ton amie..., le coin de bouche s'incurve et ses yeux pétillent d'amusement.

—...Il est grand temps que je me décoince en me tapant tout ce qui bouge.

Je pouffe de rire.

— Je dois avouer que je ne m'attendais pas à autant de franchise de sa part, mais elle m'a fait rire. Elle m'a invitée à venir à sa fête d'anniversaire demain soir. Isaure est quelqu'un de bien, un peu fofolle et sympathique.

— On s'est toujours soutenues. C'est une véritable sœur pour moi.

Comprenant la portée de mes mots alors qu'une trêve est en cours entre nous, je me tais et ose un regard vers elle.

Un voile de tristesse déforme ses traits.

Elle ferme les paupières une seconde et inspire comme pour se donner du courage.

C'est ma faute, je l'ai blessée.

Ça me fait du mal de la voir aussi fragile.

Au moment où je veux m'excuser, elle me coupe.

— Ne t'excuse surtout pas Ava. Ne t'excuse surtout pas d'avoir été chercher ailleurs ce que ta propre famille ne t'a pas su te donner. Aujourd'hui, c'est toi qui me tends la main, même si tu aurais pu me rejeter et m'accabler. Une fois encore une fois, je dois m'excuser, en particulier pour ne pas avoir été à la hauteur et pour avoir tardé à ouvrir les yeux. Je me suis plantée dans plusieurs domaines, mais celui de ne pas t'avoir protégée est ma plus grande erreur. Je le regrette vraiment.

Choquée, je la regarde, les larmes me montent aux yeux, mes lèvres tremblent, je tente de les cacher avec mon verre.

Ses mots m'ont ébranlé. Je voudrais me lever et l'étreindre dans mes bras, mais une barrière me retient. Le passé et son indifférence envers moi. Boire n'est pas une solution, mais c'est la seule chose que je trouve pour apaiser la boule qui est apparue dans ma gorge.

Un regard vaut mille mots.

Celui que je lui porte est tout ce que je peux lui offrir pour l'instant.

Elle sourit.

Je pose mon verre.

Elle nous ressert.

— Et Édouard ?

— C'est terminé.

Catégorique, sans retour.

— Je vais démissionner.

— Est-ce que tu en es sûre ?

Elle opine.

— Je ne me retrouve plus dans ce que je fais. Je suis amenée à défendre l'indéfendable dans un système qui est corrompu.

— Il ne te laissera pas faire, je veux dire démissionner. Et puis, il va te mettre des bâtons dans les roues pour que tu ne sois engagée nulle part ailleurs.

— C'est ce qu'il fera. J'attendrai que les choses se tassent. De toute façon, j'ai pris ma décision. J'ai la chance d'avoir assez d'argent de côté pour me laisser vivre.

Son téléphone sonne.

— C'est notre mère.

— Ah ! Est-ce qu'ils savent ?

— Non. Elle secoue la tête. Ils ne sont pas au courant. Je t'avoue que j'ai peur de leur dire. Je vais lui répondre.

Adèle se lève et décroche pendant que je m'isole dans ma chambre en emportant mon portable avec moi.

Ava : Es-tu prête pour ton anniversaire demain soir ? Je t'offre du champagne ! Merci d'avoir invité ma sœur.

Isaure : C'est la sœur de ma sœur. C'est CQFD.

Je la remercie encore une fois, avec plein de smileys dégoulinants d'amour, et je reçois un nouveau texto que je consulte pendant que je retourne au salon.

Thomas : 4 jours sans toi.

Quatre petits mots qui illuminent cette soirée et qui me laissent songeuse.

Ma sœur revient dans la pièce, les yeux rivés sur l'interface de son téléphone.

Elle secoue la tête et, en me voyant, elle me lâche.

— Dimanche dernier, pour justifier l'absence d'Édouard, j'ai dit aux parents qu'il était malade. Maman demandait des nouvelles.

— Oh ! Tu as menti.

— C'est une seconde nature chez moi, je suis avocate, elle pouffe appuyé d'un clin d'œil.

Un bip m'indique l'arrivée d'un nouveau message.

Thomas : Tu me manques beaucoup.

— Tu devrais aller le rejoindre

— Comment ?

— Je suis contente pour toi que tu sois à nouveau amoureuse. Ne fais pas cette tête, ça se voit. Fais ce que tu veux, mais, moi, j'ai un rendez-vous de prévu avec Baptiste pour visiter un appartement. Vas-y, je m'occuperai de tout ranger après ma douche.

— Je ne te mets pas dehors, je proteste.

— Je le sais bien. Si l'appartement est correct, il n'est de toute façon pas disponible tout de suite.

C'est sur ces derniers mots qu'Adèle franchit le seuil de la salle de bain. 

Pour ma part, je ne me fais pas prier.

Je prends mon sac et ferme la porte derrière moi, heureuse de la soirée qui s'annonce.




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