III-18 : Décision et insistance
Même s'il n'était pas complètement remis, Hélios n'y tenait plus. Il commençait à s'inquiéter de n'avoir aucune nouvelle de Tessa. Au moment où il hésitait à tenter d'entrer au sous-sol, la porte coulissa. Cependant, il fut surpris de voir Boris apparaître devant lui.
– Tu es donc là, comme je le pensais, prononça-t-il d'une voix lasse.
Sur son visage bourru se peignaient tristesse et désarroi. Il balaya la pièce des yeux, comme s'il cherchait quelqu'un.
– Tess n'est pas avec toi, présuma Hélios.
– Non.
– Où est-elle ?
– Elle est partie... Je n'en suis pas sûr... bougonna le géant.
– Où est-elle partie, Boris ?
Croisant les émeraudes intenses du Soleil Noir, il comprit qu'il n'avait pas la force ni l'envie de lui mentir. Le désastre était déjà en marche. Qu'avait-il à perdre ? De toute façon, il se devait de l'alerter à propos de la situation actuelle.
– Elle est sans doute partie se jeter dans la gueule du loup...
– Quoi !? Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ?
– Si tu me laissais en placer une, je pourrais te raconter !
Hélios hocha la tête. Alors, Boris lui déballa tout. Le blocus qu'il avait mis en place. Le témoignage de Zéphira. L'intuition de Tessa et son départ précipité.
– Elle fait une tentative de sauvetage désespérée... en déduisit immédiatement Hélios. Et toi, pourquoi ne l'en as-tu pas dissuadée ? Que fais-tu encore ici ?
Encore une fois, Boris se sentait déstabilisé par le regard perçant de celui qu'il admirait. Pourquoi n'avait-il pas cherché à arrêter Tessa ? Pourquoi l'avait-il laissée courir à sa perte ? Il fallait bien que quelqu'un prévienne le Soleil Noir et s'occupe d'organiser la suite, non ? C'est ce dont il essayait de se persuader, mais au fond il savait pertinemment que seules sa honte et sa couardise l'avaient empêché d'agir, en dépit de tout bon sens.
Tout comme il avait choisi la solution de facilité afin de sauver son propre frère...
– J'ai commencé à lever notre armée, se défendit-il avec un aplomb feint. Avec toi à la tête de la Dissidence, nous ne pouvons que l'emporter !
– Et laisser tomber Tess et Erwan ? Il sera trop tard le temps que nous arrivions. Nous devons intervenir plus rapidement.
– C'est du suicide ! Si Donovan est vraiment au courant de tout, nous devons agir immédiatement et frapper fort, car même ici plus personne ne sera en sécurité !
– Tu as raison. Et c'est pour cela que tu resteras ici. Pour t'assurer que tout se passe bien et mener l'offensive.
– Tu vas foncer tête baissée comme elle ? s'exaspéra Boris. On a besoin de toi ici !
– Va mener à bien ta mission, je m'acquitterai au mieux de la mienne.
Boris comprit qu'il était inutile d'insister. Le Soleil Noir n'abandonnerait pas ceux qui lui étaient venu en aide. Même si c'était de la folie. Après un signe de tête respectueux, il repartit prestement d'où il était venu. S'il intervenait assez rapidement avec la Dissidence, peut-être qu'il pourrait sauver les meubles...
De nouveau seul, Hélios se résolut à employer la seule solution qu'il entrevoyait. Dans l'état actuel des choses, il ne pourrait rien faire pour sauver ses nouveaux amis. Encore moins pour mener un combat contre Donovan. Peu de temps s'était écoulé depuis sa dernière conversation avec Aurora. Toutefois, si Lucien était réellement parvenu à dissocier le temps de Lumnia et celui de Tenebrae, peut-être y avait-il une chance pour qu'il pût immédiatement récupérer sa Lumière.
– Aurora? J'ai besoin de toi...
– Moi aussi, j'ai besoin de toi.
Elle avait répondu immédiatement et il percevait son sourire à travers sa voix si familière. Que s'apprêtait-il à faire, bon sang ?...
– C'est sérieux... Il faut qu'on fasse le transfert. Maintenant.
– Quoi ? Mais...
– Tu n'es pas prête ?
– Si... Si, mais j'ai peur.
– Tu as peur de ce qu'il pourrait m'arriver...
– Oui...
– Il le faut, c'est important.
– Tu es en danger ? s'inquiéta-t-elle.
– Non... Pas moi, enfin pas encore.
– Je ne comprends pas... Tu ne vas pas te servir de ton pouvoir pour rentrer ?
– Je...
– Que comptes-tu faire, Hélios ? le pressa-t-elle avec sévérité. Si je te rends ta Lumière c'est pour que tu puisses me rejoindre immédiatement, pas pour que tu te jettes à corps perdu au milieu du danger !
– Tessa m'a sauvé la mise plusieurs fois... Erwan m'a permis de comprendre des choses essentielles. Je ne peux pas les abandonner.
Le silence lui répondit. Hélios savait qu'il lui en demandait beaucoup. Néanmoins, comment pourrait-il se regarder en face s'il n'agissait pas pour secourir ceux qui lui avaient tendu la main ?
– D'accord... Si c'est si important pour toi. Je sais que je ne pourrai pas t'en dissuader de toute manière...
Sa voix tremblait. Pleurait-elle ? Il se détesta de faire encore couler ses larmes.
– Ma douce Aurora... Je...
– Ne dis plus rien, s'il te plaît... J'ai compris ton choix, même si je suis loin de l'approuver.
– Merci, ma jolie Luciole...
– Il faut qu'on se rejoigne, comme la dernière fois.
– Guide-moi.
Hélios se concentra et se dirigea vers la perle de Lumière nichée au fin fond de son esprit. Aurora se trouvait là. Elle l'attendait, merveilleuse et étincelante, parée de l'edelweiss scintillant qu'il lui avait offert. Elle paraissait calme, résignée. Ému de la revoir, il ne put s'empêcher de penser que ce serait peut-être la dernière fois. Non. Il ne devait pas penser ainsi. Il s'en sortirait. Il la reverrait. Et pour de bon, cette fois.
– Ma Petite Luciole...
– Approche.
Dans la douceur de son timbre, Hélios percevait une pointe de tristesse et d'inquiétude. Il obtempéra. Aurora se blottit immédiatement dans ses bras. Agréablement surpris par la sensation de proximité qu'il ressentit malgré leur éloignement, il regretta presque cette décision qui risquait encore de les éloigner.
– J'espère que tu sais ce que tu fais, mon amour...
Sans oser lui répondre, Hélios releva délicatement son visage et ancra son regard dans ses iris ambrés emplis d'incertitudes. Il lui offrit un sourire rassurant, puis déposa tendrement ses lèvres sur les siennes.
Une sensation indescriptible l'envahit alors. La Lumière s'infiltrait en lui, puissante, indéfectible. Cette Lumière qui l'avait accompagné, qu'il avait abandonné sciemment... Soudain, il perdit pied. Tout se déroulait trop rapidement. Ses pensées s'embrouillèrent en une violente implosion. Puis, tout s'arrêta brusquement. Le vide. Plus rien...
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