« Alors, je crois que c'est par là... ou alors par ici...

— Vous pouvez me rappeler où est-ce que vous allez, comme ça, déjà ?

— Hé bien, Bobby, je cherche une ancienne connaissance : mis à part lui et des moutons, il n'y a pas grand-chose ici.

— En fait, je ne m'appelle pas vraiment Bobby, mais Bob-Eustache.

— Ah tiens, c'est là. »

Je mangerais bien un cookie, mais le dernier en ma possession me semble difficilement comestible. La situation est désespérée.

« Là, où ça, là ? »

J'avise la petite cabane et m'approche. À l'intérieur, le brocoli semble en pleine discussion avec une betterave.

Pas n'importe quelle betterave, évidemment, la betterave. Rodolphe-Albert.

Enfin, de toute façon, c'est la seule betterave parlante que je connaisse.

Bref, le brocoli, donc, lui relate toute son histoire avec les soi-disant cucurbitacées, le criminel – moi – qui se serait échappé, la nécessité de reprendre la lutte contre les humains...

« Je n'interviendrai plus davantage, répond Rodolphe-Albert.

— Mais pourquoi abandonner, maintenant ? Les légumes peuvent régner sur ce monde pour les millénaires à venir. Notre Empire n'aura pas de fin, mais nous avons besoin de toi, notre leader incontesté !

— Coucou, inspecteur !

— Bobby ? »

Sans crier garde, le petit pois débarque dans la pièce. Une réussite, question discrétion.

Du coup, je l'imite.

« Que personne ne bouge ; j'ai un cookie !

— Encore toi ! rugit von Brocoli. Je ne te laisserai pas davantage piétiner nos rêves de domination mondiale !

— J'ai abandonné ce projet, reprend Rodolphe-Albert.

— J'ai vu ça ; tant pis. »

Le brocoli pointe son arme en direction de la betterave.

« Mais... qu'est-ce que tu fais ?

— Aujourd'hui meurt Rodolphe-Albert, assassiné par la main de son ennemi de toujours, JBSchrottenloher.

— Hein ?

— Cet odieux attentat mettra fin aux négociations diplomatiques en cours à l'ONU. Les légumes se soulèveront, renverseront les démocraties humaines et instaureront, enfin, leur dictature. »

J'attrape le cookie.

« Je tiens à faire remarquer que tu nous a exposé ton plan, d'ailleurs, contrairement à ce que tu disais plus tôt.

— Silence, l'heure est grave ! Et puis, de toute façon, vous êtes déjà condamnés ! Car j'ai un allié de poids ! »

Le mur explose pour dévoiler une carotte volante recouverte d'éclairs.

« Mouhahaha ! Prosternez-vous face au tout-puissant Dieu Carotte ! »

Sans attendre, il projette un éclair sombre dans ma direction ; je tombe à la renverse.

« Tu as perdu, Auteur. Car ceci est mon nouveau pouvoir ; capable de réduire en esclavage n'importe quel être, même les objets inanimés. Comme avec ce caillou.

— ...

— Bon, ça reste un caillou ; ça ne parle pas beaucoup, les cailloux. Bref, humain, tu es désormais en mon pouvoir !

— Arg, cookie veut vivre.

— Hein ? »

Le dernier cookie s'élève dans les airs, enveloppé d'une aura sombre. Je me relève ; la pâtisserie a encaissé l'attaque à ma place. Par contre, je n'ai plus de cookie, maintenant, c'est triste.

« Mais... je ne contrôle plus rien, panique la carotte. Qu'est-ce... ce n'est pas un cookie ordinaire !

— Bah non, tu croyais que je l'avais cuisiné, peut-être ? Ou encore acheté dans un supermarché ? J'ai plutôt utilisé un ancien artefact divin pour le faire apparaître ; c'est beaucoup plus simple.

— Je suis Cookie ! »

Tiens, il parle en gras, maintenant. Sans doute aurai-je dû préciser que cet artefact pouvait potentiellement, s'avérer plus ou moins maléfique. Enfin, plutôt "plus" que "moins".

« Caillou, protège-moi !

— ... »

Une décharge de ténèbres atteint la carotte, qui réplique par des éclairs.

« Tu ne peux me vaincre ! Je suis un Dieu ! Et moi aussi, je peux parler en gras !

Je me dis qu'il serait grand temps d'aller profiter du superbe soleil, dehors, plutôt que de rester ici. Rodolphe-Albert, von Brocoli, ainsi que Bobby – Bob-Eustache – m'imitent.

La déflagration secoue tout le bâtiment. La carotte et le cookie traversent chacun une fenêtre, de part et d'autre.

« Arg, j'ai atteint ma date limite. »

Le cookie disparait ; la carotte se redresse alors, mal en point.

« Arf, f'est une victoire inconteftée. Craignez ma toute-puiffanfe !

— Victoire ! répète von Brocoli.

— Fur fe, ve vous laiffe. Mais n'allez furtout pas croire que f'est parfe que v'aurais besoin de repos.

« Victoire quand même ! » s'enthousiasme von Brocoli.

Les légumes restent silencieux quelques instants.

« Et heu, on fait quoi, maintenant ?

Je romps leurs interrogations.

« Pour ma part, je vous laisse. Retrouver le chemin de ma maison fait partie des tâches prioritaires de ma to-do list. Et, pour l'instant, je suis toujours dans le mauvais hémisphère. Tiens, pour conclure ce texte, sinon, je pourrais tenter de passer au futur, ce serait amusant. Mes publications ont toujours lieu des semaines après l'action, de toute façon ; et, pour le long terme, il reste toujours les voyages temporels. »

Dans les jours qui suivront, donc, la paix avec les humains sera définitivement entérinée à l'ONU par Rosolphe-Bébert, la doublure de Rodolphe-Albert. De son côté, la betterave poursuivra son élevage de moutons, tandis que le petit pois, Bob-Eustache, ou Bobby, se lancera dans la couture ; ses créations, inspirées des légumes, deviendront célèbres dans le domaine de la mode et du prêt à porter.

L'autoproclamé dieu-carotte, lui, essaiera de fonder une nouvelle secte à sa gloire, mais, devant son peu de succès, se reconvertira dans le secteur électrique. Il fondera néanmoins l'association des "dieux et messies anonymes".

Enfin, von Brocoli errera de par le monde, plusieurs années durant. Finalement, après avoir encore été tour à tour agent secret, journaliste, policier, juge, marin et commissaire-priseur, il deviendra spationaute, ainsi que le premier légume parlant à aller dans l'espace. Son épopée ne s'arrêtera pas là, puisqu'il finira par posséder son propre vaisseau et choisira une vie d'action et d'aventure, à savoir pirate de l'espace. Il empêchera notamment une invasion de moules aliens, découvrira des peuples et artefacts oubliés, apprendra la recette du muffin ultime, et défiera même l'Empereur galactique Zorlax.

Ah, et le caillou continuera de vivre sa vie de caillou. Quant à moi, je retrouverai bien ma maison, un peu plus tard, et profiterai de l'occasion d'une Joute Wattpadienne pour narrer ces quelques péripéties, dans un total de 13373 caractères, espaces compris.