Le dernier cookie (1/2)
Nouvelle Calédonie, 3 juin 2018
« Voici notre suspect, Bobby. »
L'air grave, un œil masqué par un bandeau noir, le brocoli fixait ledit suspect, à travers la vitre. Avachi sur une chaise, les cheveux en bataille, la barbe hirsute, son air ahuri masquait certainement les plus noirs desseins.
« On va procéder à l'interrogatoire ; je joue le rôle du méchant flic et, toi, du gentil, déclara le légume. Yoho !
— Yeah ! »
Le brocoli et le petit pois firent irruption dans la pièce.
« Hé, mais vous êtes des légumes ! remarqua le suspect.
— Très bien observé, commenta Bobby. Vous voulez un cookie ?
— Bien sûr ! J'adore les cookies ! »
Le brocoli se jeta sur la friandise.
« Hé bien, vous n'en aurez pas, mouhahaha ! Scronch, scronch !
— Euh. Peu importe, de toute façon, je peux en faire apparaitre. »
Le suspect agita les bras, sans effet.
« Ah non, c'est vrai, en fait, je ne peux plus. Ah, si, je peux faire un tour de magie ; sous vos yeux éberlués, je vais faire apparaître un paquet de gâteaux. »
Il sortit le paquet de gâteaux d'une manche.
« Tadam !
— Mais il est vide, ce paquet.
— Bah, oui, je les ai déjà mangés. Qu'est-ce que vous croyiez ? »
Le brocoli s'approcha.
« Il suffit ! Vous savez pourquoi vous êtes ici ?
— En Nouvelle Calédonie ? Eh bien, j'étais venu rendre visite...
— Dans ce poste, j'entends !
— Parce que vous m'y avez amené ? Vous m'avez dit que vous aviez des cookies ; je peux en avoir ?
— Tenez, propose Bobby.
— Non ! Pas de cookie ! Vous n'aurez pas de cookie ! Mouhahaha !
— Espèce de monstre !
— Monstre ? Regardez plutôt ces photos ! »
Le brocoli jeta sur la table une série de clichés.
« Toute une famille de cucurbitacées, assassinée, un crime odieux, commis ici même, en Nouvelle Calédonie.
— Quelle horreur ! commenta le suspect.
Il regarda les clichés avec attention.
« Par contre, ça me donne faim...
— Ah ah, vous avouez ! Mangeur de légumes !
— Hein ? Bien sûr que non ! Et puis, d'ailleurs, pourquoi ce serait vous qui poseriez les questions, plutôt que moi ?
— Parce que j'ai une casquette d'inspecteur !
— Cornegidouille ! Que voici un argument irréfutable. Même si j'ai l'impression de vous avoir déjà vu quelque part...
— Donnez-moi d'abord votre nom.
— Mon nom ? Vous n'arriverez pas à l'orthographier correctement, de toute façon, ce qui devrait m'éliminer de la liste des suspects.
— Donnez-le quand même.
— JBSchrottenloher. »
Il prend note.
« Profession.
— Hein, mais comment avez-vous réalisé un tel exploit ? Sans même me demander d'épeler, en plus !
— Avant d'être un brocoli, je suis un inspecteur de haut rang. Profession.
— Ahem, on va dire que je suis auteur, enfin, l'Auteur, c'est moi qui écris cette histoire, même si ça n'a aucun sens. Enfin, pour cette nouvelle, je me suis dit que j'allais arrêter la première personne du présent et tenter un point de vue extérieur. Comme ça, vous pourrez, dans chacune de vos pensées, complimenter l'être d'exception que je suis. »
Le brocoli et le petit pois échangent un regard.
« Quoi, c'est bien ce que vous faites, non ? reprend-t-il.
— Sans vouloir nous offenser, vous ressemblez plutôt à un clochard, actuellement.
— Euh, un clochard d'exception, alors ?
— Bof.
— Bon, finalement, j'ai une meilleure idée, je vais changer ça, maintenant.
— Qu'est-ce qu'il raconte ?
— Mouhahaha ! Contemplez-donc ma toute-puissance d'Auteur ! Ce récit vient de passer à la première personne, et au présent !
— Heu, il ne s'est rien passé, là.
— Hum, rien de perceptible pour vous, certes.
— Certes...
— Sinon, j'ai faim ; je peux avoir un cookie ?
— Pas de cookies ! Mouhahaha !
— S'il vous plaît ?
— Bon, d'accord. »
Je mange le cookie ; le brocoli se rend compte d'avoir cédé.
« Damned ! Il est fort, très fort ! Mais, foi d'inspecteur, je ne m'avouerai pas vaincu ! »
Il saute sur la table, furieux.
« Quel est votre alibi ? Qu'est-ce que vous faisiez sur cette île ? Hein ? Avouez ! Et vous éviterez peut-être la peine capitale !
— Heu, alors, en fait, c'est assez simple, à peu près. J'étais venu avec un voyageur spatio-temporel, pour rendre visite à une... euh, connaissance. Enfin, même si la scène était très émouvante, une très belle fin d'histoire, je me suis assoupi dans l'herbe, et me suis rendu compte, à mon réveil, de ne pas avoir songé au moyen de rentrer chez moi. Du coup, j'ai un peu erré, depuis.
— Vous êtes en train de me dire que vous avez vagabondé, ces derniers jours, dans les campagnes calédoniennes, et qui plus est, affamé ?
— C'est à peu près ça, oui.
— Et vous allez prétendre n'avoir aucun lien avec le meurtre de cette famille, sur votre chemin ?
— Hé bien... »
Je fixe les images ; quelque chose cloche.
« Hé, ce ne sont pas des cucurbitacées, mais des patates ! Et ça, on dirait de la peinture !
— Balivernes ! Et puis, qu'est-ce que ça changerait, de toute façon ?
— Les patates ne sont pas des légumes, mais des féculents ! Je suis donc innocent !
— Très juste ! approuve le petit pois.
— Ça suffit, Bobby, maintenant, tu vas aussi faire le méchant flic ! »
Je me lève.
« Tout ceci n'est qu'une vaste conspiration !
— En effet, car, en réalité, je ne suis pas un inspecteur... »
Il retire sa casquette.
« Je suis von Brocoli ! Le brocoli ! Yoho !
— Diantre ! Je savais que je vous connaissais déjà ! Et voilà donc pourquoi vous arriviez à écrire mon nom sans faute !
— Voyez-vous, en réalité, je ne vais pas vous exposer les détails de mon plan, ni les raisons de mes actes. Car même les méchants secondaires ne devraient jamais recourir à de tels clichés. Non, à la place, je vais juste vous abattre, ici, et maintenant. »
Il sort un pistolet à patates ; je m'insurge.
« Ah non, alors, mourir encore, ce serait fâcheux ; j'ai déjà épuisé mon quota, en plus.
— Certes, on ne meurt que deux fois, JBSchrottenloher.
— Mais, von Brocoli, il est innocent !
— Va me chercher un café, Bobby.
— D'accord. »
Le petit pois sort de la pièce.
« Il n'y a pas de machine à café, dans ce bâtiment.
— Vous êtes perspicace, JBSchrottenloher. Une dernière parole, avant de mourir ?
— En réalité, il me restait un dernier cookie.
— Quoi ? »
J'attrape la friandise et la jette au visage du brocoli. Mon adversaire rate son tir et tombe à la renverse.
« Mais ça fait mal ! On dirait un caillou, ce cookie !
— Il traînait dans ma poche depuis quelques semaines. C'était mon dernier cookie, comme je ne pouvais me résoudre à le manger, je le conservais pour un cas d'extrême nécessité. C'est triste. »
Malgré l'émotion du moment, j'attrape le pistolet à patates.
« Vous ne m'arrêterez pas ! » crache von Brocoli.
Le légume ouvre une fenêtre et saute.
« Yoho ! »
Je me précipite ; on doit être au deuxième étage, troisième, peut-être. J'aperçois le brocoli, juché sur un tapis volant.
Je fais feu ; le brocoli évite plusieurs tirs.
« Mouhahaha, tu ne m'atteindras jamais !!! »
Puis percute un arbre.
« Ailleuh.
— Inspecteur, je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas de machine à café. »
Le petit pois s'arrête, puis dégaine son arme.
« Qu'est-ce que vous faites ? Où est l'inspecteur ?
— Heu, dehors, sur un coup de tête, il vient de faire la rencontre d'un arbre. »
Le légume s'approche de la fenêtre ouverte. Von Brocoli a déjà disparu. Je reste pensif ; il ne peut aller qu'en un seul endroit...
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