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ᴛᴇᴀꜱᴇʀ : À ꜱᴜɪᴠʀᴇ...

Troyes, décembre 1914.

La petite rue Jaillant Deschaînets miroitait de cette très légère lueur neigeuse et vaguement hors du temps qui s'avère si propre aux nuits de décembre. Il avait fait froid sur plusieurs jours ; une vieille charrette hippomobile était à moitié versée entre la route et le trottoir, et son cheval piaffait. Des grosses flaques de neige fondue se mêlaient à la boue, mais l'homme poursuivait son chemin, le bruit net de ses souliers frappant le pavé comme s'il n'avait pas le temps de réfléchir à sa destination.

L'ambiance était blême, en un sens, — malgré les heures du soir qui s'allongeaient déjà ; elle l'était depuis quelques mois, quand on y réfléchissait. Les murs étaient ternes, les colombages un peu noircis par le temps, ...et d'épais nuages se déchiraient comme de la ouate dans un ciel tout gris. Le regard de l'homme capta le liseré rouge d'une affichette officielle. Il ne freina pas. Il connaissait déjà la chanson ; levée de fonds pour soutenir l'effort de guerre. À côté, achats de Bons de la Défense Nationale. Tout n'était qu'argent, argent, argent dans cette époque de crise pourtant humaine. Il le savait bien ; on en manquait cruellement. La guerre était une grosse bête qui engloutissait hommes, billets, vies humaines dans un cycle de dévoration sans fin.

Il resserra le col de son long manteau blanc, un demi-geste plus élégant que vulnérable, — comme tout le reste de sa personne, d'ailleurs. Sa démarche était souple, assurée aussi. Il savait où il allait ; et d'autant plus d'où il venait. La mairie ouvre une soupe populaire. Ses yeux s'arrachèrent aux murs, et les réclames mal encrées. Il y réfléchirait en temps et en heure. D'un geste soigneux, il vérifia quelque chose dans sa poche, une routine, peut-être, ...sans s'arrêter. Dans le ciel une traînée de suie se détachait d'une cheminée. Elle était bien la seule ; le charbon était monté en flèche.

Cet homme-là dégageait une sorte de pragmatisme particulièrement bien élevé, une élégance pourtant mordante qui rappelait un mamba noir — en temps et en heure. Il tourna à l'angle, franchit le léger passage piéton d'une rue où stationnait un convoi de la Croix-Rouge. Pas un regard ; il consulta sa montre.

Le visage était mince, aigu, — deux yeux gris qui évoquaient le silex, un teint pâle de quasi-porcelaine, et puis la bande à peine plus sombre de deux fins favoris qui lui couraient jusqu'à mi-mâchoire. Il passa une rue étriquée, fit s'enfuir un petit chat gris, surpris du rebord de sa fenêtre. Une paire de lorgnons, aussi, qu'il gardait chaussée. L'homme faisait montre d'un genre d'élégance notable — des vêtements blancs, un gilet uni et puis les longs pans d'un manteau qui claquaient derrière lui comme les ailes d'un cygne blessé.

Le plus remarquable étaient peut-être ses cheveux maintenant presque intégralement blancs malgré son âge qui se devinait comme assez jeune — pas plus de la trentaine. Quelques mèches s'échappaient et lui tombaient déjà sur le visage, striées encore de rares mèches blondes.

Tac, tac, tac.

Ses pas ne freinèrent pas une seule seconde.

...Ce fut sans prévenir qu'il vira soudain à l'angle, et sans faire mine de freiner, frappa trois coups nets à une grande porte cochère — le neuf. Il s'immobilisa enfin du même geste, très droit sur le perron, un imperceptible sourire poli déjà figé sur ses lèvres — avec ce calme étrange de joueur d'échec alors qu'il fixait un point sur le bois. À vrai dire, il semblait donner la sensation de se contretaper profondément de pouvoir en déranger les occupants. À encore plus vrai dire, il semblait typiquement le genre d'homme à se contretaper de beaucoup de choses. Derrière, des voix étouffées, un léger bruit de pas ; puis une hésitation. L'homme attendit, patiemment, sans laisser rien paraître d'autre que ce très léger sourire poli qui semblait avoir été entraîné par des décennies de pratique. Il savait être au bon endroit. La rue ne comptait pas foison de portes cochères à ce points dévorées d'ombres.

Un léger début de neige recommença à tomber, sans soulever le moindre bruit.

...Puis, doucement, un déclic, ...et le battant s'ouvrit sur une toute jeune femme aux longs cheveux châtains, et au visage parsemé de taches de son. Elle se tenait à moitié dissimulée dans l'embrasure, visiblement peu rassurée, et jetait des regards inquiets à l'inconnu. Apparemment, elle attendait qu'il parle. Ou qu'il s'en aille. Ou, peut-être, les deux.

...Ce fut ce qu'il fit sans se faire prier, d'un geste du chapeau, avec une politesse bien huilée qui sembla la prendre de court :

« Bonjour, mademoiselle Perrin. Je suis le pasteur Natanael Fredriksson, du Département des Dossiers Surnaturels.

« Puis-je m'entretenir avec vous un instant ? »

Elle baissa les yeux, pressentant immédiatement le piège.

...Avec un sourire poli, ...il avait mis un pied dans la porte.

Troyes, décembre 1936. Vingt-deux ans plus tard.


Le petit cimetière de la rue des Noës se tapissait de ces ombres qu'on ne trouve qu'en hiver. Il ne faisait pas encore si froid ; le givre traçait pourtant des réseaux blanchâtres sur quelques plaques d'herbe en friches. On était aux premières heures du soir et une semi-pénombre commençait à se répandre, s'emmêlant dans les branches des arbres nus. Pas un bruit. À peine le sifflement léger d'un vent qui ne se sentait même pas. Les allées de gravier blanc bruissaient d'une paix inexplicable.

L'homme qui s'approchait, une main dans la poche, l'autre prise, les yeux résolument plantés vers le sol, — ressemblait presque à un corbeau.

Il tendait vers la trentaine sans y être tout à fait. Tout son être respirait l'obscurité ; une silhouette en fil de fer, et puis la mise sombre, le long manteau de corneille, la peau pâle et le visage aigu ; et puis aussi ces longs cheveux trop noirs, dont quelques mèches avaient été vaguement attachées pour lui dégager les yeux. Ça ne fonctionnait pas vraiment. Tout s'échappait et barrait sa figure comme d'épaisses lignes d'encre.

À vrai dire, l'homme contournait les tombes, le regard fermé, comme s'il entendait encore leurs voix, ou du reste observait ce respect relatif de ne pas piétiner des gerbes de souvenirs. Entre ses jambes zigzaguait timidement un tout petit chien, noir et marbré de gris, à la fourrure hirsute. Depuis des années ces deux-là étaient devenus indissociables. On ne voyait plus l'un sans l'autre. Et toujours il avançait comme une ombre, le visage indéchiffrable, les épaules légèrement voûtées. Le gravier soulevait à peine un crissement ; de la façon dont il s'étendait en croix entre les tombes, il rappelait presque un crucifix.

Il connaissait l'endroit par cœur, depuis trois mois. La toute petite tombe, au fond, à droite, dans le carré des anges. Une gerbe de coquelicots y avait poussé, doucement, — profitant alors des premiers rayons d'octobre ; fin novembre ils avaient gelé sur pied.

L'homme réprima un soupir. Autour de lui les ombres jetées par le champ de croix commençaient à décliner, marquant d'étranges segments de givre sur l'herbe morte. Au fond, à droite. Il dépassa doucement une tombe, elle aussi si petite, sans le moindre bruit. Il fallait les laisser dormir. Du lierre commençait à engloutir le petit muret, juste à côté, mais il aimait la couleur vivace que ça faisait, et puis un couvert paisible au vu du prochain été.

Puis, il y fut.

Même le petit chien n'osa pas faire le moindre bruit. C'était une stèle simple, une petite pierre soigneusement nettoyée de la mousse qui commençait déjà à y grimper. L'homme hésita, une seconde, — avant de s'agenouiller doucement, avançant dans la lumière du soir ce qu'il tenait dans sa main droite — un minuscule bouquet de violettes.

Il avait toujours aimé la façon dont le soir tombait sur cette tombe. Il s'y accrochait, faisait des volutes sur le rugueux de la pierre, y glissait comme pour montrer que, ça y était, — le temps n'avait plus d'emprise sur lui. L'inconnu posa délicatement son bouquet, l'ajusta sur la plaque de calcaire. Voilà. C'était bien. Il se redressa, très légèrement, comme pour contempler une minute l'endroit. Pensivement, il arracha un chardon qui commençait à lézarder la pierre.

Le petit chien renifla doucement la croix. L'homme eut un imperceptible sourire, un peu fatigué, — passa doucement une main sur son pelage.

Est-ce qu'il avait quelque chose à dire ?

...Il n'avait jamais été très doué avec les morts. Ils ne savent pas tenir la conversation.

Peut-être qu'ils ne veulent pas parler, après tout.

...Alors il se redressa, laissa échapper le soupir qui lui brûlait les lèvres. Il y a des choses qu'on aimerait pouvoir empêcher. Il savait que cette perte n'en faisait pas partie. Tout de même...

L'homme jeta un dernier regard à la petite tombe. Cet enfant, ça n'était pas « rien ». C'était un parmi des milliards et pourtant, pour lui, il était la présence qu'il retrouvait chaque soir, sans parler.

Il était habitué à ce spectacle. Mais pour les autres.

...Ce fut la raison pour laquelle il souffla, presque respectueusement :

« Allez.

« Bonne nuit, petit bonhomme. »

Puis l'homme tourna les talons, et s'éloigna, comme tous les soirs. Et le lendemain, il serait encore là. Et le soleil engloutirait sa silhouette, mais il reviendrait toujours.

...Et dans la lumière qui déclinait, un reflux de jour laissa voir sur la pierre :


ᴀɴɢᴇ ᴛᴏᴜʀᴀᴅᴏɴ

1936-1936

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