VII. À 𝚕'𝚑𝚎𝚞𝚛𝚎 𝚘ù 𝚙𝚎𝚛𝚜𝚘𝚗𝚗𝚎 𝚗𝚎 𝚍𝚘𝚛𝚝
Décembre 1936, même jour, au cours de la nuit.
« Rasmus. »
Le médium avait les yeux rivés sur l'armoire, au fond, avec la porte entrouverte. Personne n'avait vraiment osé allumer la lumière. Ils avaient laissé la pièce dans le noir, comme un lieu tacitement interdit. Alors Rasmus se tenait sur le palier, le regard tourné vers l'obscurité.
Un rectangle de noir où se détachaient deux disques gris pâle, sur fond de lumière jaune.
« Rasmus. » La voix insista.
La pommette gauche du médium tressaillit alors qu'il s'extirpait de l'étrange magnétisme de ce battant entrouvert.
« Qu'est-ce qu'il y a ? » Tenta-t-il finalement, en se tournant vers Karadec.
La stature haute et corpulente du prêtre s'approcha, ajoutant une ombre au rectangle noir que faisait le gouffre de la porte, celle qui menait à la petite chambrette obscure des deux jumelles. Dans le flot jaune pisse de la petite ampoule du couloir, le contraste cru leur donnait presque des airs d'un dessin de Saul Bass. L'impression dérangeait Rasmus. Comme si tout ça n'était pas vraiment vrai.
« Tout le monde est dans le salon, viens. On explorera l'armoire après, si tu veux. »
Rasmus marmonna quelque chose, décida que lui-même ne savait pas trop ce qu'il marmonnait et le suivit en traînant des pieds. Il n'aimait pas tourner le dos à la chambre des jumelles.
Il avait l'impression que l'armoire le suivait du regard.
...Ils avaient fini par rallier le domicile des Perrin-Bathory, quelque part vers le milieu de la nuit. L'urgence de la situation et le risque d'une nouvelle attaque sur les fillettes avait pressé l'enquête. Le malaise que dégageait la chambrette les faisait tourner autour du pot depuis une vingtaine de minutes, explorant à peu près tout sauf la pièce en question, parce que les ombres semblaient en dégouliner.
Rasmus marcha sans grande conviction vers le salon, une pièce rectangulaire avec un petit poêle au mur dans l'angle, où une grande majorité du Département discutait déjà avec animation. C'était un petit endroit tranquille, avec quelques tapis, un canapé d'angle en cuir usé, et puis de jolies lumières qui suintaient d'un luminaire modeste en verre coloré, au plafond. Il sentait un petit peu la poussière et le rire des enfants. Dans un coin, un petit phonographe étalait sa corolle en forme de fleur de liseron ; à côté s'empilaient soigneusement les pochettes en papier kraft de quelques disques 78 tours en shellac. Il y régnait une clarté douce, presque extra-lucide. Rasmus avisa Louen et Marie, qui discutaient dans un coin — Hawthorne, qui examinait le cou de la petite Suzanne d'un air inquiet — François était resté au Département, pour un travail de restauration.
...Jérémie s'était planté contre un meuble, tout raide, essayant de caser sa grande silhouette dégingandée entre le mur et son incapacité chronique à savoir où se mettre. Rasmus le repéra et eut la flemme de lui faire coucou. Yéti trotta jusqu'à l'adolescent pour lui renifler les pieds.
« Ça va ? Ils font quoi ? » demanda le médium en arrivant à sa hauteur.
« Euh, je sais pas trop, » admit-il avec une grimace désolée. « Je les écoute parler mais je comprends pas tout. Mais j'ai compris une part des choses ! » S'empressa-t-il d'ajouter.
« Comme quoi ?
— Seringue, amazone, ananas, nul, rêve, bouteille d'eau, ostracisées, secret, patate. »
Rasmus dévisagea Jérémie.
Jérémie le fixa avec espoir.
Rasmus plissa les yeux.
« ...C'est plus une part, c'est du picorage à ce stade, » nota-t-il. Jérémie eut une seconde grimace désolée.
« Pardon, c'est Louen et Marie qui disaient ça entre elles mais j'ai arrêté d'écouter. » Admit-il.
« Arrête de les espionner. » Yéti s'était mis à renifler très bruyamment le cuir usé des vieux souliers Noël à semelle cousue de l'adolescent. Rasmus observa le petit chien d'un air légèrement dépité quelques secondes, avant de reporter son attention sur Adelheid, un peu plus loin. Elle se tenait debout, les mains croisées et le regard perdu si profond dans le vide que ses yeux verts virides semblaient s'être enfoncés dans une demi-couche de coton. Elle avait exactement le visage de qui est sincèrement trop fatigué pour réfléchir et se repasse mentalement en boucle les une heure quarante-neuf des Trois Lanciers du Bengale¹. Adelheid revoyait très souvent ledit film dans sa tête depuis qu'un genre de croquemitaine semblait se satisfaire de mordre ses filles toutes les nuits. Gérer la situation n'était pas de tout repos et occasionnait des moments d'absence après plusieurs nuits blanches. (Le choix du moment desdites absences mentales était toutefois crucial, avait-elle appris à ses dépends après avoir oublié de tourner à l'angle des quais pour finir par manquer la chute dans la Seine, quelques mois plus tôt.)
« ...T'as parlé à la mère ? » demanda finalement le médium.
« Euh, non, pas trop — » admit Jérémie. Rasmus n'attendit pas la fin de sa phrase pour le pousser patiemment dans le dos en direction de la jeune femme.
« Hé ben, voilà. Leçon numéro un ; toujours quadriller les dates du phénomène. » Il le déplaça sans pitié jusqu'à Adelheid, ignorant le petit glapissement inquiet que poussa le jeune homme — avant de lui coller une petite tape encourageante dans le dos. « ...Vas-y champion. »
Jérémie était techniquement en stage, et bien qu'il soit difficile d'expliquer efficacement le principe d'un stage dans le domaine dans l'occulte, il trouvait qu'il menait assez bien sa barque pour quelque chose d'aussi difficilement définissable. Il maîtrisait les dossiers, disons. Aussi pensa-t-il très fort au super quadrillage en ficelles rouges qu'il avait réalisé un mois plus tôt pour une affaire avortée, et tenta-t-il :
« ...Madame Perrin-Bathory ? » commença-t-il. « Euh, je suis Jérémie Vuillemin, je ne me suis pas encore présenté... »
Adelheid sembla sortir de sa torpeur, le dévisagea, l'air surprise. Pas tant parce qu'elle avait du mal à s'extirper du film qu'elle se projetait dans sa tête pour passer le temps, mais plutôt parce que la haute taille de l'adolescent, couplée avec son visage encore étrangement juvénile, ...faisait parfois cet effet.
« Mais — excusez-moi, quel âge a-t-il ? » demanda-t-elle soudain en tendant le cou vers Rasmus. (C'était techniquement très malpoli, mais elle n'y pensa pas tout de suite.)
« ...L'âge où la taille de son torse est pas encore cohérente avec celle de ses jambes, » répliqua Rasmus qui avait décidé qu'il avait la flemme d'à peu près tout ces derniers jours. Il tapota à nouveau l'épaule de Jérémie, pour l'encourager. « Vas-y, » répéta-t-il.
Jérémie se racla la gorge.
« Je...nous nous demandions spécifiquement quand ont commencé les attaques, » reprit-il plus fermement.
Adelheid réfléchit quelques secondes, puis lâcha :
« Suzanne et Madeleine vont sur leurs quatre ans. Dans les faits, c'est...c'est Madeleine qui a... »
Elle hésita. Le mot semblait avoir du mal à passer.
« Qui a quoi ? » demanda doucement Jérémie.
« ...Je crois que c'est Madeleine qui a été blessée en premier, » lâcha-t-elle finalement. Elle s'en voulait. De n'avoir peut-être pas vu, à temps, les signes, les fuites, les refus d'être touchée lorsqu'il fallait la mettre au lit. Elle était fatiguée, André aussi, et il y avait l'hôtel de ville, la course entre toute chose, ...et ils n'avaient pas fait attention.
Il lui avait fallu trois jours avant de voir la marque rose dans le bas de son cou, avec une croûte en croissant de lune.
Des bagarres de petits enfants.
Parce qu'on n'imagine pas.
Pas l'armoire.
Pas Suzanne qui avait finalement dit : je me suis réveillée cette nuit.
Tout, sauf l'armoire.
Adelheid grimaça. « Vous n'imaginez pas le temps que ça prend, de...se dire que, peut-être, tout ça relève du surnaturel.
— Ben, non, » admit Jérémie.
« Que ça n'est pas seulement...deux petites filles qui se battent, ou...
— ...Ou un petit garçon dérangé qui se serait inventé une amie imaginaire, » ne put s'empêcher de compléter Jérémie.
Adelheid battit des paupières, surprise — le jeune homme la fixait de l'air parfaitement innocent du chat qui vient de péter un vase et prie pour que personne ne fasse le rapprochement avec lui. On aurait donné le bon dieu sans confession à ses grands yeux bruns de vache s'ils ne donnaient pas l'impression qu'il avait justement peur de cligner.
« ...Euh, oui, peut-être, » admit la mère, interloquée.
« Je pense qu'on peut vous aider, madame Perrin-Bathory, » lâcha doucement Jérémie. Il avait l'impression d'avoir mis le doigt sur un fil de laine, rouge et fin qui s'enfonçait dans le noir, — et il le déroulait soigneusement sans trop savoir où il le mènerait. Les traits de la jeune mère semblèrent vaciller comme à la flamme d'une bougie, puis aigus, aussi. Elle resserra légèrement ses bras croisés sur sa poitrine. « Je...j'ai été un des enfants qu'ils ont sauvé, dans une enquête passée. Je vous jure qu'on ne dirait pas, ...mais on va sauver vos filles. »
Rasmus ravala son comment ça, on ne dirait pas et se tut simplement. Jérémie s'en tirait bien.
(...Pour quelqu'un dont un petit cairn terrier lui suçotait placidement la chaussure gauche.)
Adelheid prit une profonde inspiration.
Derrière, une ombre coula sur les taches du vieux papier peint.
« Je prie pour que vous disiez vrai, » soupira-t-elle.
« Parce que vous êtes notre dernière chance. »
Il se souvenait.
Il se souvenait du carré de cheveux noirs, comme une masse légère de soie et d'odeurs, l'étrange contraste argentin qu'il faisait sur la peau encore pâle. Il se souvenait des yeux bleu-gris qui semblaient éponger toute la misère du monde. Il y avait encore ce parfum de sang, des textures, du noir poisseux sur ses doigts, et l'odeur violente d'humus se fora un chemin jusqu'à ses poumons comme pour le ramener des années en arrière. Quincey écarta une mèche blonde du cou laiteux de la petite fille, et Suzanne restait bien droite, courageuse. Les doigts de l'homme tremblèrent un peu. L'horreur.
Non.
Il y avait ce croissant encore rouge, la croûte mal cicatrisée d'attaques passées.
Va seller Bess ! On doit partir !
Une décharge de nervosité parcourt l'épine dorsale de Quincey alors que des images lui reviennent, par flots épais et poisseux, comme du jaune d'œuf se répandant dans son crâne.
Non.
Il ferme les yeux, une demi-seconde, essaye de chasser la pression compulsive des images qui refusent de partir, qui s'engouffrent dans chaque neurone pour l'électrocuter de l'intérieur. Les souvenirs le disjonctent et du dehors ses mains tremblent toujours. Il se concentre. Il cherche à se barricader. Il respire. Les odeurs se multiplient, s'escaladent, comme une réaction en chaîne. Il ouvre la bouche comme un homme qui se noie ; les parfums insupportables de la farmhouse de son enfance s'y engouffrent, lui envahissent les poumons comme pour l'empêcher de respirer. Suzanne tourne la tête vers lui, inquiète. De l'extérieur, il n'y a que ses yeux fermés, l'imperceptible crispation des muscles de sa mâchoire et son souffle qui semble battre trop fort.
Non.
« Quincey ? »
Il tressaillit légèrement. C'est la voix un peu rauque de Marie, légèrement basse, qu'il reconnaîtrait entre mille même si elle ne parle pas beaucoup.
« Quincey, ...t'as pas l'air d'aller bien. »
Il rouvrit les yeux, assez vite pour voir la main de Louen retomber contre son flanc alors qu'elle lâchait discrètement celle de la mécanicienne. L'illusionniste avait la mine inquiète de qui ne comprend pas trop ce qui se passe, mais Quincey la connaissait assez pour savoir que le tout ne changeait rien à sa loyauté. Il tourna la tête vers Marie ; elle avait plissé les yeux, l'air suspicieuse.
« Ça va, » lâcha-t-il finalement, s'extirpant définitivement de ses vieilles pensées comme des brumes noirâtres d'une balle de laine de fer. « Je...cette affaire pue. J'ai un mauvais pressentiment. »
Suzanne cligna des paupières. Elle n'avait rien dit lorsqu'il avait insisté pour examiner sa blessure.
« Je pue pas ? » s'inquiéta-t-elle avec un froncement de sourcils.
« Euh, non. » Admit Louen. Elle parut prise de court quelques secondes, avant de préciser : « tu n'es pas une affaire, tu es une petite fille. »
Quincey étouffa un sourire un peu faible. Il savait bien qu'il n'y avait aucune volonté de plaisanter là-dedans ; la jeune femme était juste cette indécrottable éponge à émotions, un grand machin mince et incapable de tenir en place qui tenait à protéger tout le monde. Elle avait fait partie d'affaires, depuis le temps. Louen Yang-Hennefer s'était bien vite révélée un excellent élément avec ses talents de caméléon, son bagout inimitable et ses connaissances précises de la ville et du monde de la rue.
Mais il y avait une différence entre l'adrénaline de coincer un monstre et sauver deux petites filles au-dessus du crâne desquelles le danger plane comme un vautour, et Louen n'était pas le genre à bien maîtriser la distance émotionnelle entre elle et le reste du monde. C'était un genre d'australian kelpie fidèle et pleine d'énergie ; mais pas encore bien habituée aux injustices du monde.
Il nota que la jeune femme reprit discrètement la main de Marie. La mécanicienne ne s'en dégagea pas.
« J'aime pas ces blessures, » admit-il, après un silence. « Elles...me rappellent... »
Il fronça les sourcils.
« ...Disons que c'est mauvais signe, » lâcha-t-il dans un souffle.
André était perdu.
Pas qu'il ne le soit pas originellement — c'était globalement un trait de caractère constant chez lui — mais sa petite routine habituelle se figea en sa personne alors qu'il s'arrêtait sur le perron de leur chez-eux, battant des paupières d'un air interloqué en direction du gros rectangle jaune que faisait la lumière allumée, depuis la rue.
On était au milieu de décembre, et il faisait froid dehors ; du givre courait sur les pavés comme des toiles d'araignées, et la légère humidité ambiante donnait quelque chose de cotonneux à l'oxygène — un air de miroir d'eau au trottoir, aussi, alors que la lumière de leur fenêtre dégoulinait en reflets jusque dans le caniveau comme sur un lac gelé. André n'y était pas habitué. Il se demanda s'il n'était pas rentré trop tôt.
Il avait l'habitude, parfois, vers minuit et au milieu de son service, de faire discrètement le trajet retour sur sa petite pause, celle qu'il pouvait prendre pour manger sa gamelle, tout seul dans son bureau. Techniquement, cet aller-retour rapide n'était pas vraiment institutionnel. Il n'était même pas certain que le maire Richard² le voie d'un bon œil, ou du reste le verrait si toutefois il venait à l'apprendre. Mais dans les faits son collègue Marcel Leprévost, autre seul secrétaire d'état-civil — ils n'étaient que deux à assumer ce rôle — pour la permanence de nuit, ...le couvrait loyalement pour ses petites escapades. Du reste, elles ne duraient pas plus d'un quart d'heure ; André aimait bien marcher jusqu'à chez lui, manger sa gamelle dans la cuisine, et puis aller veiller les jumelles, un peu, — pour ces quelques minutes de sécurité qu'il pouvait leur offrir. Il les regardait dormir, à défaut de pouvoir être plus présent la journée. C'était peu, et il n'aimait jamais repartir. Il n'aimait pas les quitter tout court. Seulement il n'y pouvait rien. Il ne pouvait pas s'absenter longtemps.
L'avantage était qu'il remplaçait aussi Marcel dès que ce dernier voulait sortir pour aller fumer, parce qu'André n'aimait pas trop l'odeur. Le chef de service de l'état-civil n'avait pas à savoir leurs petites habitudes tant qu'ils faisaient bien leur travail.
...Quoiqu'il en fut, André n'avait pas l'habitude de voir la lumière allumée chez eux à minuit passées. Il mangeait généralement sa gamelle en silence, dans le noir de la cuisine, après l'avoir réchauffée sur le poêle (celui de la mairie était très mauvais ; il rendait le fer blanc brûlant et le pot-au-feu tiédasse). Il n'allumait même plus trop la lumière, pour ne pas réveiller.
Ce qui était certain, c'était que l'événement le prit de court.
Il souffla un peu d'air, incertain, et ça dessina une fine banderole cotonneuse dans l'air glacial. Le bout de son nez avait commencé à virer rose à cause du froid.
...Après quelques secondes, il se résolut à ouvrir la porte quand même.
La chaleur de l'intérieur le prit au visage.
Le couloir était gaufré de lumière, par les petits carreaux de verre qui perçaient la porte du salon — un flot plus clair qui s'essorait entre le bois blanc et se projetait sur la vitrine de la petite bibliothèque, celle qu'ils avaient placée en regard dans l'entrée. Il entendit d'abord des voix, de l'agitation. Ce ne fut qu'après quelques pas incertains à l'intérieur qu'il perçut un bruit de monde et que la voix de sa femme le rassura, étouffée par la cloison vitrée :
« André ! Entre ! Ne t'en fais pas, c'est le Département. »
Suivit un petit cri de joie enfantin, en comprenant qu'il était de retour. Il reconnut immédiatement la voix de Madeleine ; André referma la porte d'entrée derrière lui, tenant encore bêtement sa gamelle entre ses mains, et s'avança finalement dans le salon, à l'appel d'Adelheid. Il avait beau être chez lui, il marchait comme un enfant qui ne sait pas où se mettre. En franchissant l'encadrement de la porte, la lumière lui fit cligner des yeux. À piquer du nez toute la nuit sur des dossiers, il n'était plus habitué aux clartés douces de leur luminaire.
...Il n'avait pas non plus vu l'endroit si bondé depuis de nombreuses années.
Madeleine se précipita dans ses bras, et il la prit presque par réflexe, l'air complètement perdu.
« Vous...euh... » Il balaya l'endroit du regard en se demandant quel épisode il avait manqué. « Euh...enchanté ? » Lâcha-t-il finalement. Il avisa un homme d'une cinquantaine d'années — la peau mate, le visage anguleux, l'étrange style vestimentaire d'un dandy néo-victorien reconverti en punk à chien et un drôle de bouc méphistophélique — dans le coin, qui semblait observer la blessure de Suzanne, ...et décida spontanément d'y accrocher ses yeux. Il ne savait pas vraiment pourquoi, mais il décida qu'il allait le fixer. André était le genre de personne moyennement à l'aise en société qui établissait des plans aléatoires pour éviter de faire un lapsus nucléaire à la troisième minute.
Malheureusement, l'homme décida de lui adresser la parole.
« Vous êtes André ? Le père des jumelles ? » demanda-t-il en relevant les yeux.
André se redressa un peu et hocha la tête avec une telle raideur stressée qu'Adelheid crut presque entendre un petit bruit de grincement à chaque acquiescement. « C'est ça, » confirma-t-il. Il jeta désespérément un regard à sa femme et demanda : « ...il n'est pas là, ce, euh, Fredriksson ? »
...Un silence de mort s'abattit sur le petit groupe à l'instant où le mot franchit ses lèvres.
Si André avait eu la présence d'esprit de cesser de fixer Quincey, peut-être aurait-il remarqué la silhouette robuste dans l'angle, là, juste à côté de la petite poutre de bois qui perçait le mur, sur laquelle Adelheid avait des années plus tôt posé un petit oiseau en bois peint pour aucune raison valable. Peut-être aurait-il vu aussi la façon dont les ombres s'y abattirent comme en quittant les phares d'une voiture, et le reflet encore douloureux qui maelstroma à l'intérieur des yeux bleus, et le léger affaissement des épaules. Silas Karadec ressembla un court instant à un chêne frappé par le froid.
Mais personne ne le regarda, parce qu'il était encore trop dans les ombres pour cela ; et surtout pas André, qui regardait, donc, ...Quincey.
Ainsi donc, au lieu de cela, André se demanda s'il n'avait pas dit une bêtise.
« Il est...décédé, » lâcha finalement une jeune femme en bourgeron râpé, celle qui s'était vissé un bonnet de marin sur ses drôles de boucles trop foncées pour être rousses. Elle avait un visage revêche, plein de taches de rousseur, comme celui d'Adelheid. André nota qu'elle tenait la main d'un...jeune homme ? Il n'avait jamais été très doué avec ce genre de choses — son avant-bras était tacheté de suie, avec des veines nerveuses en-dessous qui faisaient comme le relief de fils de plomb sous la peau. Les mains de l'autre rappelaient celles d'un pianiste. Il avait l'air vaguement mal à l'aise, un peu trop mince et trop vif sous son gilet vert et sa cravate nouée à la diable. André se dit qu'ils devaient être ensemble, ou quelque chose comme ça.
...Il finit par cligner des yeux, réalisant ce qui venait d'être dit.
« ...Oh, » lâcha-t-il finalement. « Euh, je suis désolé. Enfin, j'imagine que, vu le temps, il aurait peut-être été vieux, ou —
— Il aurait eu cinquante-cinq ans début février, » le coupa une voix sourde, depuis les ombres. André se raidit un peu.
« ...Oh » répéta-t-il bêtement. Il tenait toujours sa gamelle contre lui comme un genre de doudou bancal. Il n'avait plus vraiment d'arguments, à vrai dire. « Euh, c'est, ben... »
Il ne savait pas vraiment s'il était judicieux de relever l'âge comme trop jeune ou assez vieux. L'un avait le réconfort du il a vécu une belle vie ; l'autre notait une injustice du destin. — Il finit par lâcher, un peu platement, tentant un compromis :
« ...C'est...c'est semi-vieux. » Adelheid lui décocha immédiatement une bourrade.
Le sauveur d'André s'incarna en la personne de l'homme qu'il fixait quelques secondes plus tôt — Quincey — lequel relâcha enfin le cou de Suzanne pour se relever. Ils formaient un petit groupe, là, à côté du canapé, avec leurs souliers enfoncés dans le tapis persan juste en-dessous. Bon, André n'allait pas les blâmer, parfois il faisait la même chose sans faire exprès. Mais quand même.
Ce que l'homme lâcha alors s'avéra a posteriori totalement imprédictible.
« ...C'était un tableau ? »
Adelheid redressa la tête, prise de court.
L'endroit que pointait Quincey était une légère marque sombre et rectangulaire sur le mur, juste dans l'entrée, qui s'était imprimée sur le papier peint comme une ombre à même la couleur. Elle n'y prêtait plus attention, depuis le temps. Ils passaient devant sans y prêter attention.
« Non, » nuança-t-elle. « C'était un miroir. »
Quincey fronça les sourcils. « Et pourquoi l'avoir retiré ?
— Je n'y suis pour rien, » expliqua obligeamment Adelheid. « C'est ma mère qui l'a fait. Hélène Perrin » elle jeta un coup d'œil en coin à Karadec « ...qui a initialement eu affaire à votre collègue, en 1914. Elle les a tous jetés à l'époque, pendant que mon père était au front, et, disons que j'ai grandi avec cette habitude de ne pas disposer de miroirs. Je n'ai jamais bougé de cette maison de mon enfance, et, étant fille unique, en ai hérité. » Quincey fronça les sourcils, imperceptiblement.
« Et vous, monsieur Perrin-Bathory, ça ne vous dérange pas ? » Tenta-t-il.
André battit des paupières, pris de court. « Euh, non. En vrai, ça va, » lâcha-t-il platement. L'espèce d'épi ahuri qu'il avait dans les cheveux semblait confirmer son propos. L'homme n'était pas vraiment le genre à modifier l'environnement qui l'accueillait, en déduisit Quincey. André avait des airs de gentil ficus content à peu près aussi dangereux qu'une caisse en bois. « On s'y fait.
— Votre père n'a rien dit ? » Essaya Quincey, revenant des yeux à Adelheid. Elle haussa les épaules.
« Il est revenu du front complètement traumatisé, » admit-elle. « Il avait autre chose à faire que de penser aux miroirs. Et puis... » elle fronça le nez, hésitant. « ...J'ai toujours senti une...aura de superstition. Si faire disparaître les miroirs pouvait repousser le mauvais œil, c'était toujours ça de pris.
— Je vois. » Quincey resta silencieux quelques secondes, les yeux perdus dans l'ombre. Il semblait soucieux ; quelque chose n'allait pas. Rasmus, depuis son poste un peu à part, entendit Louen retenir son souffle. Marie resserra un peu sa main, comme pour la rassurer.
Le médium jeta un regard placide à la grosse horloge du salon. Elle avait une sale gueule et indiquait une heure à laquelle les braves gens dorment généralement. Il décida qu'il ne l'aimait pas. S'il n'y avait pas la lumière, il se surprit à penser qu'elle avait une tête de cyclope, un gros disque reluisant qui tamisait les secondes, grain par grain. Tic, tac. Tic, tac. Il la défia du regard.
Il vérifia les aiguilles, tout de même.
Il ne fallait pas qu'il manque son tram.
« ...Vous avez des crucifix ? » lâcha finalement Hawthorne, relevant les yeux vers Adelheid.
La jeune femme se raidit. « Non, » concéda-t-elle, presque sur la défensive. Elle n'avait jamais vraiment cru en quoi-que-ce-soit. Adelheid avait été conçue dans un climat d'horreur et de déchirement ; 1914 avait fendu la terre en deux et l'avait laissée à vif. Peut-être était-ce un enseignement qu'elle s'était tiré elle-même, ou encore quelque chose qui se serait gravé au fil des ans par les cicatrices invisibles qui avaient scarifié sa famille. Elle avait ces objets en horreur. Elle savait qu'André aussi, en un sens. Étrangement et malgré le danger, elle ressentait comme un malaise à l'idée d'en suspendre un dans la chambre de ses filles.
« On vous en fournira un, » promit Hawthorne d'une voix grave. « Bricolez un pendentif pour vos filles. C'est assez radical contre les choses occultes, ça les protégera le temps qu'on attrape la bestiole qui hante votre armoire.
— D'accord, » acquiesça Adelheid, un peu à contrecœur.
« ...Mais avant, on va regarder votre arm — Rasmus, qu'est-ce que tu fais ? » s'interrompit brusquement Hawthorne, en tendant le cou vers le médium, qui avait rejoint sans un bruit la porte d'entrée.
Le jeune homme se figea, tendu et l'air renfrogné comme un chat pris la main dans le sac. Il s'y était coulé dans une ombre, espérant presque qu'on ne le voie pas. La plupart du temps les gens ne prêtaient pas attention à lui. Ça n'était visiblement pas le cas maintenant.
Il tourna les yeux vers Hawthorne, décida d'employer la stratégie de la mauvaise foi. Il garda délibérément la main sur la poignée de la porte.
« Je retourne au Département, » lâcha-t-il. Une bouffée de culpabilité le prit sans préavis, aussi ajouta-t-il, un peu plus doucement : « c'est important. J'ai...un horaire. »
Quincey haussa un sourcil. « Un horaire pour quoi ? »
Rasmus eut la flemme d'expliquer. « Un horaire, » répéta-t-il, buté.
Un silence se déploya, quelques secondes. Quincey finit par soupirer.
« ...Bon. Mais on te fera un topo, en rentrant. » Il releva les yeux, l'air plus grave soudain. « Tu ne te détaches pas de l'enquête, hein ?
— Non, » promit fermement Rasmus, et ça rassura Hawthorne. « J'ai...simplement quelque chose d'important à régler. »
Le chasseur de vampires hocha la tête. « Bien. Bon retour, alors. Tu diras à François qu'on avance.
— Noté. » La porte claqua, quelques secondes après. Les épaules de Quincey s'affaissèrent légèrement, comme sous le poids d'une lourdeur qu'il ne voulait pas laisser voir.
« J'aimerais savoir pourquoi il est si étrange, ces derniers temps, » soupira-t-il.
« ...Vivement que Charles revienne, » se contenta de relever Marie, en guise d'indice.
Au-dehors, il s'était remis à neiger.
Tchic-clac. La machine Edmonson mordit dans le papier.
Rasmus récupéra son billet à la main du wattman, les traits légèrement tirés par l'habitude. Il était tard, les trams passaient peu. C'était devenu une routine, maintenant, au lieu de traverser l'hiver jusqu'à la rue Champeau en patinant sur les pavés — il l'observait systématiquement depuis qu'il avait vu.
Il trébucha jusqu'aux premiers sièges, titubant légèrement sur le sol en métal nervuré, celui qui donnait l'impression à chaque pas de porter des chaussures de claquettes traditionnelles tant le bruit était agaçant. Yéti trottait à côté de lui. Un silence de mort régnait dans l'habitacle — Rasmus eut tout juste le temps de se rattraper par réflexe à la barre de maintien alors que le tram démarrait, et —
Il la vit.
À nouveau.
À vrai dire, elle était là tous les soirs, depuis qu'il l'avait aperçue pour la première fois — toujours à la même place, assise juste à côté d'une des petites fenêtres dans son grand manteau en patchwork. Il se demandait si elle en descendait parfois du tram. S'il n'était pas stupide dans sa logique, peut-être seulement de façon épisodique, la nuit. Il avait croisé son regard l'avant-veille, en ramenant Jérémie.
"Dans un petit coin, une courte femme plutôt ronde était assise, partiellement enfoncée dans l'ombre comme si elle hésitait à s'y noyer — une drôle de peau mate presque pontique, une beauté de violoncelle, et puis de lourde boucles noires d'encre ramassées en un chignon lâche, qui projetait sur ses joues des entrelacs presque muchaiens ; elle s'était enveloppée dans un épais manteau de patchwork. Il y avait quelque chose de las et de cerné sur son visage, sur le drôle de nez busqué, sur lequel la lumière tombait comme une courbe hellénique. Une demi-seconde, elle releva les yeux. Ils avaient un reflet de pervenche et de nacre. La façon dont elle croisa le regard de Rasmus avait quelque chose d'un défi. Rasmus ne dit rien. Il soutint, sans rien dire."
...Les drôles de globes de lumière qui éclairaient l'habitacle du tram emmêlaient leur clarté dans ses cheveux comme des copeaux de crépon, laissaient rouler leurs lueurs dans ses boucles noires, retenues par un genre de gros morceau de tissu bariolé. Depuis le coin, le carré d'obscurité de la fenêtre faisait presque la surface glauque d'un étang gelé. Elle y reposait la tempe comme pour s'enfoncer dans sa vase.
Ses yeux captèrent Rasmus, et se durcirent presque. Ils étaient pâles, opalins avec des reflets de glycine et de pervenche. C'était étrange la présence solide qui émanait de cette petite femme bien en chair, dont l'épaisse robe utilitaire en patchwork multicolore fluait et refluait comme sous le coup d'une marée. Même Rasmus, pourtant totalement insensible à ce genre de détails à l'habitude, lui trouvait une aura qui transcendait les choses.
Rasmus leva une main, s'approchant maladroitement de sa place assise au gré des virages du tram. « Je viens en paix, » précisa-t-il. Même Yéti n'osa pas renifler les pieds de la jeune femme. Il se tenait à l'écart, la queue un peu entre les jambes.
Elle haussa un sourcil, qui s'enfonça dans la masse complexe de ses boucles noires comme pour n'en jamais revenir. « En paix, et désintéressé ? » Nuança-t-elle, méfiante.
« En paix. J'ai peut-être une affaire à te proposer. » Il avisa la place libre à côté d'elle. « Je peux m'asseoir ?
— Non. Pas trop, » rétorqua-t-elle. Rasmus ne s'en formalisa pas, étonnamment. Il savait les poupées russes de renfermement et de barrière dont elle était capable.
« Si je te dis, un type qui m'accoste en pleine rue en me demandant de l'aide et en me parlant de sosies, qu'est-ce que tu me réponds ? » Tenta-t-il malgré tout, essayant d'être vendeur.
« Hôpital psychiatrique ? » tenta-t-elle.
« Non ! » C'était vexant, son affaire était pourtant super — « non, il a mentionné le Département ! Écoute, tu le sais autant que moi, la plupart de nos clients sont souvent pris pour fous quand ils mentionnent leurs déboires surnaturels. » Ça semblait évident ! « Je suis sûr qu'il y a un souci avec ce gars.
— Oui, et on appelle ça un délire paranoïaque, » argua-t-elle patiemment.
Rasmus lâcha un grognement de frustration, agacé. Personne ne l'écoutait ! Pourtant, son affaire était formidable. Il balaya l'endroit du regard, comme pour prendre le reste du tram à témoin. Il n'y avait que ces tristes murs lambrissés, une poignée d'inconnus un peu voûtés sur les sièges, et cette étrange odeur de misère et de bibliothèque. La nuit s'infiltrait en volutes par les fenêtres comme du thé noir dans de l'eau chaude. Un des globes lumineux clignotait, défaillant.
Les yeux de la jeune femme revinrent à Yéti, qui s'était caché dans un coin, sous les jambes d'un pauvre passager qui ne savait pas trop comment réagir. « Hé, Yéti, c'est moi, » fit-elle, un peu plus doucement. « Tu ne me reconnais pas ? »
Le petit chien se déplia doucement, reniflant l'air avec une presque-timidité. Lentement, précautionneusement, il s'approcha, la queue entre les jambes. C'était presque un réflexe. Elle devait dégager des infrasons, avait supposé Rasmus, et ça mettait les chiens dans une étrange nervosité. « Voilà, » approuva-t-elle, alors que le petit cairn terrier finissait par trotter un peu plus gaiement vers elle pour lécher la main qu'elle lui tendait. « Je t'ai connu, tu avais encore une oreille toute retroussée. Bon garçon. » Elle tourna à nouveau la tête vers Rasmus.
Lui ne put s'empêcher de soupirer, les épaules légèrement voûtées.
« Je sens que cette affaire est importante, Lucille. » Tenta-t-il, désespéré. Elle ne l'avait jamais vu dans cet état. « S'il te plaît, crois-moi. Les autres sont occupés sur autre chose, mais à deux on peut mener une enquête parallèle. S'il te plaît. »
Lucille détourna le regard. C'était difficile, de la mettre à ce point devant les incohérences de ses propres choix de vie. Des années plus tôt, elle n'aurait pas prédit un seul instant qu'elle se retrouverait ainsi, à transformer son temps en une mélasse informe dans un stupide tramway troyen. Et pourtant elle voyait l'avenir. C'était dire.
Elle regarda Yéti, quelques secondes, qui avait décidé de lui donner la patte pour aucune espèce de raison valable.
« Avec tes capacités, on pourra boucler ça vite, et —
— Trois. »
...Rasmus se figea, pris de court.
« Euh, oui. C'est ça. À côté de Reims, » tenta-t-il platement. Lucille soupira.
« Non, pas Troyes, trois, » explicita-t-elle. Sa pupille gauche se rétractait légèrement, par à-coups, et il savait ce que ça signifiait. Elle avait besoin de ses fumées pour voir, mais parfois le tout revenait par flashes incertains, refusant de se fixer. Un écrasement de la perspective, les choses qui dansaient le long des différentes dimensions de l'espace. C'était comme ça qu'elle en parlait. Parfois des formes se détachaient comme par rémanence sur la toile des choses, et de toute le reste.
Il savait que c'était douloureux. Ce genre de talent n'était pas toujours un cadeau. « Trois. C'est...tout ce que je peux te dire. »
Il fronça les sourcils.
« ...Lucille, ça n'est vraiment pas le moment de donner dans le sibyllin, » la tança-t-il. Elle eut un petit bruit d'agacement.
« Ça n'a rien de sibyllin ! » gronda-t-elle, sur la défensive. « Tu sais, lorsque tu te sens observé sans savoir pourquoi ? Hé bien, c'est pareil. Trois présences qui perturbent la toile des instincts extra-lucides. Ça ne se fixe pas, c'est une...sensation. Viscérale. Je ne sais rien du pourquoi du comment, et encore moins du quand, mais je sais que trois. Et que c'est un mauvais présage.
— Tu le perçois comme dangereux ?
— C'est définitivement dangereux, » confirma-t-elle, catégorique.
Rasmus resta silencieux quelques secondes, puis soupira. Il la comprenait, en un sens. Il comprenait qu'elle ne veuille pas revenir, pas de sitôt toutefois, il comprenait son insistance à ne pas surinterpréter ses visions, parce qu'en son état se fier à sa perception défaillante aurait été comme lui donner la responsabilité de foncer dans une crevasse. Il comprenait beaucoup de choses, mais il ne pouvait pas s'empêcher de lui en vouloir.
Elle soutint son regard. La traînée de lumière du lampadaire qu'ils dépassèrent fit un halo fugitif sur les vitres sales du tram.
Tac-a-tac-tac.
« Bon, alors, prends soin de toi, au moins, » lâcha Rasmus, en désespoir de cause.
Lucille eut un imperceptible sourire.
« Promis, » acquiesça-t-elle doucement.
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¹Film d'action sorti en 1935, connu pour son célèbre « nous avons les moyens de vous faire parler » passé à la postérité.
²Jules Richard, maire de Troyes de 1929 à 1941.
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