- Chapitre 23 - Tuer, ou être tué
- Réponds-moi, j'ai besoin de savoir, insistait-il.
Je cherchais mes mots, était-ce une question piège ?
- Tu me laisserais vraiment rentrer chez moi ?
- Réponds à ma question et je répondrais à la tienne.
- Si tu me donnais le choix, je ne choisirais pas.
- Explique toi.
- Ma vie d'avant me manque énormément, mes parents et les jumeaux me manques, mes amis aussi, la fac et les soirées... Mais je ne suis pas sûre de pouvoir retrouver une vie tout à fait normale après ce que j'ai vécu, car j'ai changé, en un mois et quelques semaines tu m'as transformée en quelqu'un d'autre. J'ai découvert un nouveau monde, aussi horrible soit-il. Si je retourne à ma vie d'avant je ne pourrais jamais faire comme s'il ne s'était jamais rien passé. En me kidnappant ce soir-là, tu as tout changé. Le pire c'est que je ne sais même pas si c'est une bonne ou une mauvaise chose, tout ce que je sais, c'est que je commence à y prendre goût.
Matthias hochait la tête, il semblait réfléchir à ce que je venais de dire, les plats arrivaient entre-temps.
- Depuis quand ?
- Depuis quand quoi ?
- Depuis quand tu commences à aimer cette vie ?
- Depuis que tu m'as envoyé en mission pour en savoir plus sur Georgia. Depuis que... Depuis que j'ai fait l'impensable avec ses hommes. Mais je crois que ça a commencé bien avant ça, depuis la soirée peut-être.
Je n'osais pas dire le mot de peur que quelqu'un dans le restaurant m'entende dire que j'avais assassiné un homme. Moi-même en disant ça tout fort je ne me croyais pas, mais c'était pourtant vrai. Peut-être que j'étais une sociopathe au final, peut-être que j'étais prédestinée à devenir une tueuse. Non, ce que j'avais aimé, c'était d'avoir eu le pouvoir de me défendre, de sauver ma peau, ce que j'avais aussi aimé, c'était tout à l'heure quand je tenais l'arme et que j'avais ordonné à Francis de laisser Matthias. Ce que j'aimais, c'était le pouvoir.
- Donc, tu aimes tuer des gens ? Avait-il chuchoté.
- Je n'ai jamais dit ça ! M'exclamais-je un peu trop fort.
Matthias fronçait les sourcils.
- Qu'est-ce que tu aimes là-dedans alors ?
- Je ne sais pas vraiment, l'adrénaline peut-être.
- Un jour tu t'en lasseras et tu te préoccuperas d'autres choses.
- Tu dis ça d'après ton expérience ?
- Pas forcément, mais j'ai l'impression que tu prends ça comme un jeu, hors c'est loin d'en être un.
- Crois-moi, ce n'est pas un jeu pour moi, j'ai constamment peur quand je suis dans une mauvaise situation, comme tout à l'heure, mais il fallait que je laisse ma peur de côté pour être rationnelle et trouver un moyen de t'aider.
- Je n'avais pas vraiment besoin d'aide tout à l'heure.
- Ah oui ? Je souriais fièrement.
- Mais tu as été plutôt utile.
- Merci du compliment, Dudule.
Le visage de Matthias changeait soudainement, il paraissait être surpris.
- C'est de la provocation ça, et tu sais ce qu'il se passe quand on me provoque.
- Tu piques une crise ? J'avouais être d'humeur assez joueuse.
- Non, quand c'est mon ange qui me provoque, je l'enferme dans un lieu où elle ne pourra qu'être soumise.
La conversation prenait un tournant que je n'aurais jamais imaginé. Je décidais de ne pas lui répondre et de manger mon plat. Je sentais le regard insistant de Matthias sur moi, mais je l'ignorais et me concentrais à manger les aliments présents dans mon assiette. une fois le repas terminé, Matthias partait payer l'addition puis je le rejoignais dehors. Une fois dans la voiture, je mettais la clim puis m'enfonçais un peu plus dans mon siège.
- Tu ne m'as pas répondu, commençais-je, tu ne m'as pas dit si tu allais me laisser partir ?
- Non, tu en sais beaucoup trop, tu es à moi maintenant.
- Je ne suis à personne. Je ne suis pas un objet.
- Un jour tu comprendras ce que ça veut dire.
Je haussais les épaules puis regardais la route devant moi, en dix minutes on était arrivé à la villa. Je sortais de la voiture puis entrais en première, Matthias me suivait de près.
- Bonne nuit, lui lançais-je en enlevant mon gilet.
- Tu ne vas pas dormir maintenant, c'est ton anniversaire jusqu'à minuit. Tu vas en profiter jusqu'à là.
Je me tournais vers lui puis posais le gilet sur la table à manger.
- Comment ça ?
- On va improviser quelque chose.
Matthias sortait de mon champ de vision pour aller dans son bureau puis il revenait avec une enceinte qu'il posait sur la table basse. Je le regardais l'allumer puis mettre de la musique. Il revenait vers moi puis me dépassait pour aller jusqu'au bar de la cuisine.
- Tu veux boire quelque chose ?
- Comme toi, mais pas en pur.
- J'ai du lait, ou du jus d'orange.
- Du jus d'orange, c'est parfait.
En deux minutes nos verres étaient faits. Je buvais une gorgée puis m'avançais un peu plus près du canapé, j'aimais bien la musique, elle ambiançait pas mal. Je me mettais soudainement à rire, la situation m'échappait totalement et je ne comprenais pas vraiment Matthias, pourquoi voulait-il faire une soirée pour mon anniversaire ? Je buvais plusieurs autres gorgées puis commençais à bouger sur la musique, je souriais en dansant, pour une raison que j'ignorais, j'adorais ce moment, je m'amusais. Le vin faisait effet, je le sentais, je ne tenais pas beaucoup l'alcool. je dansais toujours un peu, je bougeais mes bras et mes jambes au rythme de la musique et je chantais les paroles quand c'était une musique que je connaissais qui passait. Je finissais mon verre rapidement puis le posais sur la table, je revenais au salon pour continuer de danser. Je levais la tête vers le plafond et commençais à rire toute seule. Je passais un bon moment, mais il manquait quelque chose, je tournais la tête pour regarder Matthias, il était en face de moi, adossé à la porte de son bureau. Il me regardait en sirotant son verre, il souriait. Je lui souriais en retour. Je m'avançais vers lui au rythme de la musique. Arrivé à sa hauteur je tournais sur moi-même puis une fois stable sur mes deux jambes, je prenais l'une de ses mains et l'entraînais avec moi au milieu de la piste de danse improvisée. Il se laissait étonnamment faire, je l'aurais cru plus réticent.
- Danse avec moi aller ! L'entrainais-je.
Comme seule réponse, il terminait son verre cul sec puis partait le poser sur la table, près de mon gilet. Il revenait vers moi, mais ne dansait toujours pas. Je prenais ses mains dans les miennes et essayais de le faire bouger un peu.
- Aller danse !
- À la prochaine musique.
Je secouais affirmativement la tête et continuais de danser au rythme de la musique qui passait, j'avais hâte que la musique se termine pour passer à la suivante. L'alcool que j'avais bu montait soudainement, à l'heure actuelle je m'en fichais si je me ridiculisais à danser devant lui, mais ça me faisait un bien fou. Après tout ce que j'avais vécu, j'avais l'impression que je pouvais enfin me défouler, danser était pour moi quelque chose de bénéfique, j'adorais ça. Je chantais les paroles de la musique tout en essayant tant bien que mal de l'entrainer avec moi. Prise alors d'une envie d'affection, surement due à l'alcool, je plongeais dans ses bras et l'enlaçais. La musique ainsi que l'ambiance changeait au même moment, je comprenais alors pourquoi il voulait attendre cette musique avant de danser avec moi, parce qu'il s'agissait d'un slow. Matthias passait ses bras dans mon dos et se mettait à bouger au rythme de cette nouvelle musique, avec moi. c'était bien après que je me rendais compte que je souriais, la tête appuyée contre son torse. Il fallait dire que j'avais l'alcool amoureux, j'avais un surplus de besoin affectif lorsque je buvais. On continuait de danser ce slow ensemble, j'appréciais tellement ce moment, j'aurais aimé qu'il soit éternel.
- Matthias...?
- Oui ?
- Non rien...
je ne savais même pas ce que j'allais dire, je voulais juste entendre sa voix. Je sentais son odeur et je me croyais au paradis. Matthias avait transformé ce jour en quelque chose de bien, d'abord ce chat qu'on avait adopté, puis le meurtre de Francis, puis ce moment-là. Rien que tous les deux. La musique changeait encore, cette fois c'était quelque chose d'un peu plus tonique, je restais cependant quelques secondes de plus dans ses bras, puis je m'éloignais, prenais ses mains et tournais sur moi-même. Avec l'alcool dans le sang et le peu d'équilibre que j'avais, je me cognais contre lui. Et là, à ce moment précis, quelque chose d'incroyable venait d'arriver, je l'entendais rire. Un sourire béa apparaissait sur mes lèvres, il savait rire. Je me décollais de lui et levais la tête, j'encrais mes yeux dans les siens.
- Matthias, je ne t'avais jamais entendu rire...
- Je-
Je fronçais les sourcils, je n'avais pas bien entendu la fin de sa phrase, ça résonnait comme quelque chose que j'aurais adoré entendre, mais je n'étais pas sure, alors je n'osais pas lui demander de répéter.
- Hein ? Aller danse avec moi, s'il te plaît ! Insistais-je encore.
c'était avec joie que je le voyais hocher la tête de haut en bas. Main dans la main, on dansait ensemble sur l'une des musiques du moment. J'avais eu ce que je voulais, Matthias dansait avec moi. J'étais vraiment heureuse à ce moment-là, mais je ne savais pas si c'était l'alcool qui parlait, ou si c'était réellement moi. Peu m'importait, j'assumais être dans un état second. Matthias me faisait tournoyer sur moi-même, je riais et je dansais, lui aussi dansait, je m'amusais. C'était le meilleur moment que je passais depuis que j'avais fais la rencontre de Matthias. La musique suivante arrivait rapidement, je la reconnaissais aussitôt, je chantais alors toutes les paroles sans aucune faute. Matthias se mettait encore à rire, je savourais ce son émanant de ses cordes vocales avec satisfaction.
- On est bien habillé, elle a des beaux yeux... Je chantais encore et toujours à tue-tête, j'étais à fond.
Je lâchais les mains de Matthias pour levers mes bras en l'air, je faisais bouger le bas de mon corps sans me rendre compte que c'était peut-être provocant, mais je m'en fichais totalement, j'étais moi-même, mais en moins coincée, enfin, c'était ça que mes copines disaient quand je buvais. je ne savais pas si elles avaient réellement raison ou non, mais je m'amusais et je m'en fichais de ce que pouvais dire les autres. Une autre musique passait et je posais mes bras sur les épaules de Matthias, à ce moment-là je me rendais vraiment compte de la différence de taille. On était si proche que seulement quelques centimètres nous séparaient. Je posais mes yeux dans les siens sans vouloir m'en détacher. J'étais contente car Matthias dansait avec moi. Il y avait deux choses que j'avais vues en une soirée, alors que ça faisait plus d'un mois que j'étais en sa compagnie, je l'avais vu danser, et entendu rire.
Je n'avais plus aucune notion du temps. Je m'amusais, je dansais, je riais. Je sentais soudainement Matthias poser ses mains sur mes hanches, il me rapprochait brusquement de lui, j'avais le regard ancré dans le sien, j'avais envie de... Je plaquais brutalement mes lèvres contre les siennes. c'était avec surprise qu'il répondait à mon baiser, d'une façon si passionnée... Jamais personne ne m'avait embrassé de cette façon. J'entre ouvrais mes lèvres afin de lui donner le feu vert. Il passait sa langue et croisait la mienne dans un détour que j'aurais aimé vivre et revivre encore et encore, il savait si bien embrasser... Je ne pensais plus rationnellement, je laissais mes envies me surprendre de façon à me laisser bouche-bée. Ce baiser si intense avait duré le temps que je comprenne ce qu'il se passait réellement. Après quelques secondes, je décalais ma tête de quelques centimètres et me perdais dans ses yeux bleus océaniques. Nos regards restaient ancrés plus de temps qu'avant, j'avais envie de recommencer. Matthias prenait ma main et me faisait soudainement tournoyer. Surprise, je riais jusqu'à réapparaitre devant lui, je perdais l'équilibre et tombais une nouvelle fois dans ses bras.
- On va arrêter l'alcool pour ce soir.
Je levais la tête et le regardais, il avait raison, j'étais déjà bien pompette. En voulant lui répondre, je baillais, la bouche grande ouverte.
- J'ai 21 ans youhou ! Et, c'est quand ton anniversaire à toi ? Demandais-je soudainement curieuse.
- Bientôt, le 15 septembre.
- Oh chouette on fera une grande fête ça va être trop bien !
- T'emballe pas trop mon ange, une soirée à deux me ferait plus plaisir qu'une énorme fête.
Il me regardait avec ce sourire en coin qui insinuait beaucoup de choses.
- On avisera.
La musique changeait sur un style qui n'avait rien à voir avec les précédentes musiques, il s'agissait de Desperado Slowed, un remix que j'adorais écouter avant. Je posais le bout de mes doigts sur son torse et les remontais jusqu'à son cou tout en chantonnant la musique. Matthias attrapait mes poignets et me rapprochait un peu plus contre lui, nos lèvres se rejoignaient comme des aimants en constantes attirances. Un baiser que je savourais jusqu'à ce que nos têtes se séparent une nouvelle fois. Je l'observais m'observer.
- Matthias... Murmurais-je assez fort pour qu'il puisse m'entendre, c'est mal ce qu'on est en train de faire.
Mon enthousiaste était vite redescendu, la réalité des faits me revenait en pleine tête, nous étions en train de faire la fête, de s'amuser, alors que nous avions tué puis fait disparaître un corps. Matthias hochait simplement la tête, puis il sortit son téléphone et baissait la musique.
- Qu'est-ce qui est mal mon ange ?
- Je ne suis plus un ange, j'ai du sang sur les mains maintenant... On ne peut pas faire comme s'il ne s'était rien passé !
- Et tu voudrais faire quoi ? Prier ? Pleurer ? Cet homme était une ordure.
- Mais je sais, mais... Il y a d'autre façon de gérer ce genre de problème, aller voir la police par exemple.
- Trop dangereux, Matthias posait ses mains sur les côtés de ma tête, ce qui m'obligeait à le regarder droit dans les yeux, tu es dans mon monde maintenant, c'est comme ça que ça se passe. Tuer, ou être tué, pas autrement.
- Je l'accepte, mais j'ai encore un peu de mal à le comprendre et à l'assimiler.
- Ça viendra, tu devrais aller te coucher maintenant, minuit est passé.
- Oh mon dieu ! Je vais me transformer en citrouille, j'ai dépassé l'heure.
Matthias avait un sourire qui s'effaçait rapidement.
- J'y vais, bonne nuit.
- Dors bien, mon ange.
J'allais vers les escaliers et levais les yeux au ciel, il ne cesserait donc jamais de me donner ce stupide surnom. Je m'aidais de la rampe pour monter plus ou moins correctement les marches. Une fois dans ma chambre, je me mettais en pyjama puis m'enfouissais sous la couette. Je fermais les yeux, ma tête tournait à cause de l'alcool et je n'arrêtais pas de penser à tous les évènements de la journée. J'étais soulagée de m'être débarrassé de Francis, je ne voulais surtout pas qu'un pêcheur retrouve son corps et que la police remonte jusqu'à nous. Matthias savait ce qu'il faisait, il avait dû faire ce genre de chose de nombreuses fois avant, et il n'était toujours pas derrière les barreaux. J'avais étonnamment confiance en lui, il m'avait sauvé, et plus d'une fois, mais il pouvait très bien me faire du mal de ses propres mains. Peut-être qu'il ne voulait pas que quelqu'un d'autre à part lui ne me tue. Non, je me faisais des films, je serais déjà morte sinon. Toute cette histoire n'avait aucun sens à mes yeux, je ne comprenais pas Matthias, et voilà que maintenant on s'embrassait. Tout ça tournait dans ma tête, je ne comprenais rien, et peut-être qu'il ne fallait pas que je cherche à avoir des réponses, peut-être qu'avec le temps, tout s'éclaircirait dans mon esprit. Je m'endormais sur cette dernière pensée, deux personnes étaient mortes aujourd'hui : un pervers pedophile et jeune femme de 20 ans.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro