- Chapitre 16 - Piscine
De légers coups résonnaient à ma porte.
- Entrez.
Enckell entrait dans ma chambre, sa petite mallette à la main. Il affichait un sourire simple et courtois. J'ignorais que j'allais avoir de la visite aujourd'hui, mais ça me faisait plaisir de le recevoir même si je me doutais qu'il était là sur demande de Matthias afin d'examiner le travail des chirurgiens et médecins de l'hôpital. Il était tellement prévisible mais je ne comprenais pas son manque de confiance envers le personnel soignant extérieur à son cercle intime. Je me relevais et m'asseyais sur le rebord de mon lit.
- Bonjour Enckell, vous allez bien ?
- Mieux que toi en tout cas, Matthias m'a demandé de passer pour t'ausculter. Ça ne te dérange pas j'espère ?
Je secouais négativement la tête.
- Non pas du tout, au moins je saurais où j'en suis.
- Bien.
Enckell déposait sa mallette sur le lit et l'ouvrait avec précaution, il en sortait un stéthoscope et un tensiomètre.
- Retrousse la manche de ton bras gauche.
Je m'exécutais sans poser de question, je lui faisais presque entièrement confiance. Je savais qu'Enckell était une bonne personne et je l'avais déjà vu à l'œuvre. Il enroulait le brassard autour de mon bras et faisait la manipulation afin de connaître ma tension.
- De ce côté-là tout va bien, je vais vérifier ton coeur maintenant.
- Ça marche.
- Lève toi et met toi de dos.
Enckell mettait son stéthoscope autour de son cou et écoutait mon coeur, passant l'embout froid et métallique dans mon dos, puis au-dessus de ma poitrine.
- Là aussi tout va bien. Fais moi voir ta cuisse.
Je hochais la tête puis enlevait mon pantalon, lui dévoilant mes points de sutures qui me laisserait sans doute une belle cicatrice.
- Je peux palper ?
- Allez-y.
Un frisson me parcourait aux touchés froids mais attentionné du docteur Enckell près de ma douleur.
- Je te conseille de faire très attention à tes mouvements, un rien pourrait provoquer une seconde hémorragie. Dans une semaine je pense que tes cellules se seront bien remises. Mais je te déconseille de taper un sprint pendant quelque temps.
- Et si je suis obliger ? Ma question n'était malheureusement pas sans arrière pensée.
- Si tu y es obligé, appel moi et je viendrais vérifier que tout va bien.
- Je n'hésiterais pas, merci beaucoup Enckell. Je vous apprécie bien, comparé à l'autre.
Enckell émettait un léger rire.
- "l'autre" vous à probablement sauvé la vie en appelant une ambulance et en payant les frais d'hospitalisations. Vous lui devez beaucoup Lucie.
Je baissais légèrement la tête, j'avais déjà commencé à remboursé cette dette.
- C'est vrai, et puis ce n'est pas la première fois qu'il me sauve en fait.
- Tu ne le connais pas encore, mais c'est quelqu'un d'unique en son genre, il n'aurait pas agis ainsi s'il en était autrement.
- Il tue des gens aussi. Malgré ses bonnes actions envers moi, seul le négatif remonte.
Enckell haussait les épaules.
- J'ai tué moi aussi, je n'en suis pas fier, mais ça n'empêche que je ne suis pas le diable incarné tu sais.
je fronçais les sourcils, j'avais de la peine à y croire, pas lui. Je ne devais même pas être étonnée en voyant pour qui il travaillait, mais quand même... Il était tellement gentil et d'une agréable compagnie que de savoir qu'il avait lui aussi ôté la vie alors que son travail était de les sauver, m'octroyais un sentiment contradictoire à son égard.
- Je... Pourquoi vous l'avez fait ?
Il prenait une grande inspiration, faisant remonter légèrement ses larges épaules.
- J'étais médecin pour l'armée, nous étions en mission au Mexique quand des ennemis se sont infiltrés dans plusieurs tentes de l'armée. J'avais toujours une arme sur moi au cas où ce genre d'évènement arriverait. Tous ceux qui ont essayé d'égorger les blessés de guerres dans leur lit de fortune se sont retrouvés avec une balle dans le ventre ou dans la tête. Je n'en suis pas fier, mais si cela devait se reproduire, je le referais sans hésiter. J'ai sauvé de grandes personnes en n'en tuant d'autres qui n'avaient que pour vocation le trafic d'organes. Parfois, il faut retourner le problème et le voir comme une solution...
Je restais sur l'estomac à l'aveu du trouble passé d'Enckell. À l'entendre c'était comme si cet évènement le touchait encore même après tant d'années. Je supposais que cela s'était passé il y a longtemps, il me laissait le croire en tout cas.
- Ça n'a pas dû être facile, sur le moment et même après.
- Depuis mon retour au pays, je n'ai pas réussi à reprendre une vie normale. Je suis partie de l'armée et j'ai commencé une courte vie de débauche. À force de raconter mon histoire dans chaque bar des petits quartiers défavorisés, quelqu'un s'en est épris. C'était Henry, il m'a alors fait une proposition que je n'ai pas refusée. J'étais tellement désespéré, chaque fois que je fermais les yeux je revoyais cette scène... Des corps jonchant le sol, le sang cachant la véritable couleur de la toile de tente militaire et les dernières respirations saccadées de mes camarades et de mes ennemis, mais tous avaient une chose en commun avant d'être mort, ils avaient une famille, des amis et un cœur battant.
J'avalais délicatement ma salive en veillant à ne pas m'étouffer avec. Je me demandais pourquoi Enckell me racontait tout cela bien qu'en savoir plus sur ce monde faisait partie de mes plans. Un sentiment étrange prenait possession de mon être, je prenais de plus en plus ce genre de chose à la légère. Il fallait que je me concentre sur mes convictions, sur ce que je pensais réellement de tout ça, mais tout commençait à progressivement changer : moi et ma vision de la vie. Je commençais à banaliser ce qu'auparavant j'aurais condamné.
- C'est ainsi que tu as fait la connaissance de Matthias. Concluais-je en une expiration, J'aimerais savoir, comment tu as fait pour ne plus avoir ces visions d'horreur quand tu fermais les yeux ? Comment tu as su vivre avec ça alors que ça te faisait horreur ?
Enckell haussait les épaules.
- Avec le temps je dirais. Petit à petit, sans même t'en rendre compte, ce genre de choses qui autrefois était considéré comme inhumain, glaçant et inhabituelle, deviennent à la longue des choses auxquelles tu t'habitues, tu n'es même plus surpris quand un cadavre tombe devant tes yeux si innocents mais devenu si impurs.
J'avais la forte impression qu'il parlait plus particulièrement de mon cas que du sien.
- d'accord, merci Enckell. Je t'admire beaucoup tu sais, même après m'avoué toutes ces choses horribles, et même si finalement tu as décidé de rejoindre un gang, pour moi tu es quelqu'un de biens. Je le pense sincèrement.
- Toi aussi tu es quelqu'un de bien Lucie, ne l'oublies jamais et surtout, ne laisse pas Matthias noircir ton coeur. Inverse les rôles et éclair le sien.
Je hochais la tête en souriant tandis que mon docteur commençait à ranger ses affaires dans sa mallette.
- Je ferais du mieux que je peux.
- Bon, je vais y aller j'ai pas mal de travail qui m'attend. Au fait passe le bonjour à Matthias de ma part, la porte était ouverte mais aucune trace de lui dans la villa.
- Aucun soucis. Au revoir et rentre bien.
Enckell quittait mon champ de vision assez rapidement. Quand le calme reprenait possession de la pièce, je posais délicatement ma tête sur l'oreiller, mes yeux se fermaient un instant puis quand je les rouvraient, il faisait déjà nuit. Je me redressais afin de m'assoir sans oublier de grimacer de douleur lorsque ma cuisse se frottait contre le matelas. Je posais deux pieds à terre et marchais jusqu'à arriver près de l'étagère où était disposée ma tablette, elle m'indiquait qu'il était minuit passé. Je n'avais pas mangé et Matthias n'était pas venu me réveiller. J'avais un mauvais pressentiment, je voulais sortir de ma chambre pour aller voir si tout allait bien, mais d'un autre côté, une petite voix dans ma tête me criait de rester enfermée, en sécurité dans ma chambre. Je ne savais pas quoi faire et je n'avais aucun moyen de contacter Matthias à part le trouver moi-même.
Après une longue réflexion d'une trentaine de minutes à paniqué et à me faire une multitude de scénarios, je décidais de prendre mon courage à deux mains et d'aller voir par moi-même ce qu'il se passait. Je ne pouvais rester dans le déni. J'enroulais un plaid autour de moi et ouvrait sans faire de bruit la porte de la chambre de Matthias, le lit était vide. Je regardais l'intérieur de la pièce comme s'il allait surgir de nulle part, mais rien, et je n'osais pas allumer la lumière. Je laissais entre ouvert sa porte puis me dirigeais vers les escaliers, j'allumais la lumière cette fois-ci, je ne comptais pas m'étaler et me rouvrir la cuisse. Arrivé au rez-de-chaussée, je constatais qu'il n'y avait aucun bruit, ce silence je le connaissais que trop bien. Matthias se trouvait forcément dans son bureau. Je toquais d'abord timidement à la porte de son antre, mais comme aucune réponse ne me parvenait, je l'ouvrais brutalement. Un long frisson de nature inconnue me parcourait l'échine, peut-être était-ce parce que j'espérais le voir, assis là, alors qu'en réalité je trouvais devant moi un siège vide et un bureau tapis dans l'obscurité de la nuit. Un autre frisson me prenait, mais ce dernier ne venait pas de moi cette fois, non, il s'agissait d'une douce brise nocturne. Je refermais la porte du bureau puis tournais la tête vers la porte d'entrée, elle était pourtant bel et bien fermée. Les fenêtres aussi. Néanmoins, la baie vitrée donnant sur le jardin de l'autre côté de la villa était très légèrement ouverte, chose plutôt étonnante car d'habitude cette baie vitrée était constamment fermée à clé. Matthias ne m'avait jamais invité à aller explorer le jardin pourtant clôturé de la résidence.
Je m'approchais avec méfiance, je ne cessais de me questionner sur ce qu'il se passait. Je poussais la vitre juste assez afin que mon corps enroulé du plaid puisse sortir à l'extérieur. Il faisait bon, nous étions en plein été. Je m'avançais dans cet immense jardin, il faisait nuit donc je ne percevais pas grand-chose mis à part l'ombres de grands arbres éclairés par la lune, il y en avait un peu partout. Je percevais une faible lueur au loin. Je continuais ma route à travers ces arbres jusqu'à arriver devant une grande serre, la lumière provenait de là. J'observais un instant l'intérieur, il y avait une immense piscine entourée d'un sol en bois et des transats étaient disposés un peu partout autour de la piscine. J'entrais à l'intérieur et restais figée en découvrant le corps de Matthias avachi sur l'une des chaises longues. Il avait les yeux à moitiés ouverts et fixait la piscine avec un regard vidé de toute émotion, une bouteille de whisky vide trainait à ses pieds. Je me demandais s'il était mort. Je ne bougeais toujours pas, continuant de détailler la situation. J'espérais au fond de moi qu'il ne l'était pas. J'avais peur qu'il le soit. Je ne comprenais pas pourquoi je ressentais ça. Je m'approchais de lui, mais toujours sur mes gardes. Arrivé à son niveau, je me baissais pour que nous nous retrouvions à la même hauteur. Je posais mes mains sur ses épaules et le secouais légèrement.
- Matthias ? Tu m'entends ?
Aucune réaction. Je recommençais.
- Réagis s'il te plaît, ce n'est pas drôle.
Toujours aucune réaction. J'avais envie de prendre cette bouteille vide et de l'exploser sur sa tête afin de le réveiller brutalement. Mais je n'en faisais rien.
Je me relevais puis allais prendre une autre chaise longue que j'approchais afin de m'y assoir, près de lui.
- Matthias, je ne sais pas pourquoi, je ne connais pas la raison de ce sentiment, mais aussi étrange que cela puisse paraitre, ne sois pas mort s'il te plaît.
En réalité, ce sentiment était accompagné d'un autre sentiment, celui de l'abandon. Je me haïssais pour ressentir ça, je ne devais pas, ce n'était pas normal, mais je ne contrôlais rien, absolument rien.
C'est alors que d'une voix cassante et presque imperceptible, Matthias murmurait ces mots :
- Elle est morte.
je restais impassible, neutre et sans comprendre de quoi il me parlait.
- Qui est morte ? demandais-je enfin.
Matthias mettait un petit temps à répondre, ses yeux se mettaient enfin à bouger, il les remontait afin de les poser sur moi, mais ils avaient l'air dépités.
- Mariana est morte.
- Qui est Mariana ?
- Ma mère.
Je restais un petit moment dans le silence, réalisant petit à petit le sens de ses paroles. Je ne savais pas qu'elle réaction adopter alors je m'approchais et le prenait dans mes bras, enroulant mon plaids autour de nos corps.
- Je suis désolé, je n'ose pas imaginer la douleur que cela puisse être.
Je le serrais dans mes bras, les siens étaient ballant le long de son corps, il était à deux doigts du coma éthylique. Il parlait avec son éternelle voix grave, mais pourtant déformée par l'alcool. Je sentais mon haut s'humidifier et se coller contre ma peau. Il pleurait d'un silence sincère.
- Je suis là, tout va bien. Murmurais-je dans l'espoir de le réconforter.
Je ne m'en étais pas douté, mais depuis ce matin Matthias était là, à boire dans son coin et pleurant la mort de sa mère.
Nous restions ainsi de longues minutes, et même s'il ne me serrait pas en retour dans ses bras, moi je le faisais. Je savais qu'un câlin valait mille paroles de réconforts, et s'il fallait que je reste ainsi une heure, je resterais, car imaginer perdre l'un de mes parents était la pire douleur que je puisse connaitre.
Je m'écartais légèrement de lui et venait coller le haut de ma tête contre la sienne.
- Je t'en prie Matthias, viens à l'étage avec moi. Viens te reposer un peu, tu es dans un sale état tu ne peux pas passer la nuit là.
Il ne me répondait rien, il hochait simplement la tête. Je me levais de la chaise longue et lui prenait la main. C'était un contact nouveau entre lui moi car cette fois-ci nous ne faisions pas semblant. C'était avec beaucoup de mal et peu d'énergie de sa part que je réussissais à le lever de son transat. Bras dessus, bras dessous, nous sortions de l'abri où était sa piscine. Je réussissais tant bien que mal à le transporter à l'intérieur de la villa. Mes blessures me lançaient mais je n'y faisais pas attention.
- Tu es prêt à monter les escaliers ?
- Laisse-moi tranquille, je sais me débrouiller seul. Marmonnait-il.
Je ne répondais rien, même si je le tenais fermement et que ma douleur à la cuisse devenait de plus en plus forte, je ne devais pas le lâcher, il titubait constamment. Je l'emmenais jusqu'aux escaliers et le faisais monter une à une les marches. Une fois arrivé à l'étage, je le conduisais jusque dans sa chambre et le laissais tomber sur son lit. De cette façon, il paraissait être mort, il ne bougeait pas et n'ouvrait pas les yeux, pourtant je savais qu'il était conscient. J'ignorais ce sentiment impuissant en moi, mais je ressentais le besoin de l'aider. J'allumais sa lampe de chevet m'asseyais sur le rebord du lit. Je l'observais en silence, je détaillais les traits de son visage, ses yeux clos, la forme arrondie de son nez, la sculpture de sa mâchoire, et sa bouche. Mes yeux restèrent plus longtemps à fixer sa bouche, j'ignorais pourquoi, mais elle m'attirait. Il paraissait si inoffensif.
Je chassais rapidement cette pensée. Je ne pouvais pas le laisser dans cet état, il fallait que je le couche. Je m'approchais de lui mais hésitais un instant avant de défaire les boutons de son pantalon. Je prenais mon courage à deux mains puis lui retirais son bas, je laissais tomber son pantalon sur le sol et le voilà à moitié nu. Je ne l'avais jamais vu dans cet état, j'avais de la peine pour lui, il avait perdu sa mère et avait but au point d'être devenu un déchet. Je continuais ma démarche et enlevais assez difficilement sa chemise, Matthias était musclé et lourd, j'avais eu du mal à soulever le haut de son corps afin de lui retirer son haut, mais je réussissais tout de même. Je ne faisais même plus attention aux picotements douloureux au niveau de ma cuisse, il fallait que je pense à Matthias avant de penser à moi. Il était maintenant en boxer devant moi, son corps m'affolait intérieurement, il me devenait irrésistible, chose que je détestais, puisque j'étais censé le détester. Je me refusais d'écouter mes désirs profonds et enfouis. Je me l'interdisais.
- Aller Matthias, fait un effort et va sous la couette maintenant, s'il te plaît.
Comme seule réponse, il se mettait à grogner, je soufflais. Il m'exaspérait. Cependant, il ouvrait difficilement les yeux et les posait sur moi.
- Va te mettre en pyjama... Articulait-il maladroitement.
- Co- comment ça ?
- Tu ne vas pas dormir comme ça.
- Bin non.
- Alors prend un t-shirt dans mon armoire et met le.
Je restais debout à le regarder me regarder, il n'arrivait même pas à se redresser.
- Dépêche toi. Il n'y avait aucun entrain dans sa voix, elle était molle.
J'hésitais une seconde, puis me dirigeais vers son armoire et en sortais un t-shirt gris.
- Tu attends quoi ? On se dépêche allé.
- Pourquoi ? J'ai mes propres affaires...
- Met. le. Sinon je me lève.
Je ne croyais pas un mot de ce qu'il disait, il était bien trop cuit pour se lever, cependant, je l'écoutais. Il refermait les yeux et soupirait longuement. J'enlevais mon jogging et mon débardeur puis enfilais son t-shirt gris. Il m'arrivait à mi-cuisse. Je me sentais à l'aise.
- Maintenant tu me laisses te mettre sous la couette, il faut que tu dormes.
- Mhm...
Je m'avançais vers son lit puis m'agenouillais dessus, je tirais la couette et le faisais passer en dessous, j'avais eu un peu de mal mais avais finalement réussi. Contente de ma prouesse, j'éteignais la lampe de chevet puis me dirigeais vers la porte.
- Attends, reste.
Je me stoppais alors que j'allais refermer la porte de sa chambre.
- Comment ça ?
- Reste.
Je restais silencieuse, c'était donc pour ça qu'il avait voulu que je me change avec l'un de ses t-shirts, et moi qui pensais qu'il voulait simplement me dépanner un pyjama.
- Ce n'est pas une bonne idée.
- Viens voir, ferme la porte.
J'hésitais une seconde, il n'était clairement pas en mesure d'assurer son autorité, mais je me disais qu'il pourrait très bien l'assurer demain quand il serait redevenu sobre. Je soufflais puis fermais la porte, je m'avançais vers son lit et m'asseyais dessus.
- Câlin, je suis triste. Avait-il seulement prononcé.
À l'entente de ces quelques mots, un petit sourire apparaissait sur le coin de mes lèvres. Je soupirais puis me tournais pour le regarder. Il n'avait qu'un seul oeil d'ouvert. Il m'attendait. Je me mettais un peu plus à l'aise puis me glissais près de lui. Il se tournait sur le côté et m'attirait brusquement vers lui, enroulant son bras dans mon dos, ma tête venait s'écraser contre son torse. J'hésitais un instant puis passais mon bras derrière lui afin de lui rendre son étreinte. Son corps était brulant, sa peau me réchauffait. Une multitude de pensées contradictoires déferlaient en moi. Je ressentais tout ce qu'il ne fallait pas ressentir, et son comportement n'arrangeait pas les choses. Il me serrait fortement contre lui. Son besoin affectif me rappelait qu'il était tout autant humain que moi, comme l'avait dit Enckell ce matin, je ne devais pas l'oublier.
- Ta mère, elle avait quel âge ? Lui demandais-je en relevant légèrement la tête afin de le regarder.
- 56.
- Elle est morte de quoi ?
Je trouvais qu'elle était jeune pour mourir ainsi, ce devait être horrible pour Matthias.
- Cancer des poumons. Arrête de me parler d'elle.
Il ouvrait enfin les yeux. Je ne disais plus rien. Nous nous fixions longuement ainsi, chacun dans les bras de l'autre. C'était une situation assez étrange, mais selon moi c'était surtout parce qu'il était bourré et qu'il ne savait pas vraiment ce qu'il faisait. Je voyais son regard dévier de mes yeux à ma bouche, j'étais gênée, je ne savais pas comment réagir car mon esprit était tiraillé de pensées contradictoires. Je faisais ce même regard, mais par peur qu'il se passait quelque chose que lui ou moi regrettions, j'enfouissais ma tête contre lui.
- Dors bien. Était les derniers mots que je l'entendais prononcer avant que je ne m'endorme, blottit dans ses bras en deuil.
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