Chap. 7 - Menthe
Baekhyun était éveillé, dans son lit, au beau milieu des draps, la fenêtre ouverte donnant vue sur la lune, claire et scintillante. La lumière froide éclairait la pièce, amenait avec elle la fraicheur de la nuit. Il repensa aux derniers jours, repensa aux mots de Chanyeol. Le creux était là, c'était certain, impossible à ignorer, la place libre dans le grand lit en étant la première preuve. Les soirées qu'ils y avaient passé à deux, à se caresser la peau, à rire et à pleurer devant les films jusque tard dans la nuit. Les nuits à se regarder dans le fond des yeux, jusqu'à s'y perdre. Oui, le creux était là, mais ses pensées étaient ailleurs.
Chanyeol et la façon dont il savait le lire comme un livre ouvert, Chanyeol et sa paume tendre sur sa joue, Chanyeol et la confiance dans sa voix quand il disait qu'il allait pouvoir avancer malgré tout. Il essayait, vraiment, il essayait de s'en convaincre. Il ne cessait de se le répéter dans la tête. Comme une prière, puis comme une conviction, puis en un murmure, devant le miroir. Il se scrutait sous chaque couture, tentait de mettre des mots doux sur ce qu'il détestait chez lui. Il se rendait compte, après tout ce temps, qu'il avait sauté l'étape la plus importante de sa vie, celle qui allait l'aider à surpasser chaque épreuve qu'on lui mettrait sur son chemin. Il avait oublié de s'aimer lui, avant les autres. Et cette réalisation était comme un seau d'eau froide.
Il n'y avait plus que lui, à présent. Lui qui avait misé tout son bonheur sur la présence des autres, se retrouvait seul, chez lui, chaque minute de son temps, avec personne d'autre pour lui tenir compagnie. Alors, quand il passait devant un miroir, il se contemplait, avec précaution, comme si son reflet risquait de le brûler, hésitant. Chaque jour, le regard s'adoucissait. Il n'avait pas le choix. S'il ne voulait pas vivre avec quelqu'un qu'il détestait, il devait apprendre à s'aimer.
Chanyeol était venu plusieurs fois, à la boutique. Ils avaient discuté, ils avaient ri, avaient déjeuné ensemble. Et Baekhyun chérissait cette amitié, plus que tout au monde, mais au lieu de le laisser avec l'impression qui lui manquait une moitié, une fois seul à la maison, elle le laissait complet, entier. L'amitié qu'ils avaient su créer n'avait pas cet arrière-goût de dépendance. Au contraire, il s'en sentait plus libre. Le poids dans son cœur s'était allégé. Il recommençait à sourire et à apprécier les petits détails de la vie, ceux qu'on avait trouvé risibles ou banales. Il les voyait avec un œil nouveau, ne ressentait plus cette honte à en faire part.
Il pleurait toujours, parfois. Lorsque la solitude se faisait trop ressentir. Lorsqu'il retrouvait un cardigan oublié par celui qu'il avait tant aimé, lorsqu'il fermait les paupières et en humait l'odeur de peau et de savon et en effleurait les mailles.
Ce jour-là, s'il pleurait, c'est parce qu'il l'avait aperçu dans le petit café sur la grande place, souriant, comme à son habitude, comme lorsqu'ils s'étaient rencontrés. S'il pleurait, c'était parce qu'il ne pouvait s'empêcher de remarquer la personne assise en face de lui, et les sourires échangés, comme lorsqu'ils s'étaient rencontrés. S'il pleurait, c'était parce qu'il avait vu, de l'autre côté du trottoir, la façon dont leurs mains s'étaient effleurées sur la table. Finalement, s'il pleurait, ce jour-là, c'était simplement parce qu'il l'avait vu heureux, alors que lui devait se battre pour retrouver ce bonheur.
Il ne s'était jamais posé la question, sur ce qu'il ferait s'il le revoyait. Encore moins s'il était en compagnie de quelqu'un d'autre. C'était dur, parce qu'il ne savait pas vraiment dire adieu, parce que personne n'était décédé, mais qu'il devait quand même faire son deuil. Il le revoyait, inévitablement, comme le fantôme de ses souvenirs, et c'était les seuls moments où il était difficile de respirer, difficile de déglutir, de ne pas pleurer. Difficile d'avancer.
« Je ne vois que toi, Baekhyun, je ne vois pas les autres. »
Baekhyun, lui, ne l'avait peut-être pas dit en retour, mais il l'avait pensé, profondément dans son cœur.
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Chanyeol n'avait cessé de sourire depuis le début. Baekhyun était sorti de ses pensées soudainement au son impromptu de la sonnette. Il avait pris quelques secondes avant de se lever, le t-shirt à moitié sur l'épaule, fatigué, mais soulagé d'avoir transformé ses maux en larmes salées. Reposé, presque. Il avait fermé le tiroir de la commode où se trouvait une ancienne photo, telle une réminiscence, avait descendu les escaliers et le sourire était enfin apparu. Sans que Baekhyun n'ait eu le temps de demander quoique ce soit, Chanyeol lui avait pris le poignet, gentiment, afin de le guider dans la rue. A présent, il refusait d'enlever ses mains de ses yeux et insistait pour qu'il le suive prétextant une surprise.
— Tu me fais confiance ?
Baekhyun se retint de rire et avançait par petits pas hésitants. Il sentit une marche devant lui et leva le pied.
— Garde les yeux fermés.
Chanyeol retira ses mains, mais Baekhyun suivit ses instructions, impatient comme un enfant, comme deux gamins préparant une bêtise. Ils avaient du mal à se retenir de pouffer de rire. Dans son dos, Chanyeol s'était immobilisé. Baekhyun pouvait sentir son cœur battre.
— Tu peux rouvrir les yeux.
Baekhyun dut cligner une fois, deux fois des yeux afin de s'habituer à la luminosité du soleil. Lorsque sa vision fut enfin claire, il ne put s'empêcher de sourire. Garée devant le trottoir de sa maison se trouvait une ancienne Vespa, restaurée, de couleur menthe, un casque posé sur la selle et un second pendant au guidon. La selle en cuir brun avait été récemment rafraichie et la couleur soigneusement repeinte. Chanyeol scruta son expression, plein d'attente.
— Je sais que ce n'est pas un cabriolet ou quelque chose dans ce genre, mais je voulais quand même t'en faire la surprise. Je me disais que ça te plairait de faire un tour.
Il fit tourner les clés autour de son doigt, incapable de rester immobile plus longtemps. Baekhyun s'était approché et caressait le cuir avec délicatesse, admirait les détails du scooter.
— C'était mon premier véhicule, ma mère me l'avait offert pour mes seize ans, continua Chanyeol. Il m'a emmené un peu partout, puis un jour je n'ai plu su le redémarrer et il a fini abandonné dans le garage. Quand je l'ai vu la semaine dernière sous sa bâche, j'ai eu envie de tester mes compétences de mécanicien.
Il se racla la gorge, voyant que Baekhyun faisait toujours le tour du scooter, silencieux.
— Qu'est-ce que tu en penses ?
Baekhyun se tourna enfin vers lui, tout sourire.
— J'en pense que le test a été concluant.
Chanyeol s'empara d'un des deux casques avant de se tourner vers Baekhyun.
— Alors qu'est-ce que tu attends ?
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