Chapitre 14
La lumière de l’aube filtrait doucement à travers les fenêtres des immenses murs de pierre, apportant une chaleur timide à la froideur de la cour royale. Keysa se tenait à l’écart, cachée dans l’ombre d’une colonne, le cœur lourd et les pensées confuses. Elle venait de surprendre une conversation qui la hantait, résonnant dans son esprit comme une condamnation inévitable.
Les murmures avaient commencé il y a peu, mais déjà l’aura de scandale planait autour de Ryden. Leur proximité, bien qu’innocente pour la plupart des regards, n’était pas passée inaperçue. Leur complicité, leurs échanges de regards enflammés lors des soirées officielles, les moments volés dans les couloirs… rien n’échappait à l’attention scrupuleuse de la cour.
Elle repensa à leur dernier moment ensemble, à ce baiser tendre et chargé de promesses échangé sous les étoiles. Mais aujourd’hui, ces mêmes souvenirs prenaient une teinte amère, car une menace venait de s’abattre sur eux.
Le capitaine des gardes, Arthus, avait parlé avec Ryden ce matin même. La cour avait exigé qu’il s’éloigne de Keysa, que leur proximité soit réduite pour éviter tout soupçon ou bavardage nuisible. Leur lien, qui s’était développé lentement mais sûrement, devenait une cible facile dans cet environnement où la moindre erreur pouvait se transformer en scandale dévastateur.
Plus tard dans la journée, Ryden trouva Keysa dans les jardins, là où elle se rendait toujours pour échapper aux contraintes du palais. Il s’avança vers elle d’un pas résolu, mais son regard trahissait la tempête qui faisait rage en lui. Il avait toujours été l’incarnation de la maîtrise de soi, mais aujourd’hui, il semblait fragilisé, comme s’il portait un fardeau insupportable.
« Keysa, » dit-il doucement, mais sa voix était empreinte de tristesse et d'une détermination implacable.
Elle leva les yeux, comprenant instantanément la gravité de la situation. Le regard qu’il posait sur elle n’était plus celui d’un homme amoureux, mais celui d’un homme accablé par une décision qui lui échappait.
« J’ai entendu parler de la décision de la cour, » murmura-t-elle en baissant les yeux.
Ryden hocha la tête, une expression de douleur passant fugacement sur son visage. « Ils exigent que je m’éloigne de toi, pour… pour protéger mon statut. »
Les mots se gravèrent dans son cœur comme un poignard. Elle le savait, elle avait anticipé cette éventualité. Mais l’entendre de la bouche de Ryden rendait tout bien plus réel, bien plus cruel.
« Je comprends, » répondit-elle, tentant de dissimuler le tremblement dans sa voix. « La cour… la cour ne comprendrait jamais ce que nous partageons. Ils n’y verraient qu’une faiblesse, un risque. »
Ryden ferma les yeux un instant, prenant une profonde inspiration. « Mais pour moi, tu es bien plus que cela, Keysa. Tu es… » Il s’interrompit, cherchant ses mots, désemparé face à cette situation. « Tu es la seule qui me voit vraiment, au-delà des titres et des obligations. »
Keysa baissa la tête, les larmes lui montant aux yeux malgré elle. Elle avait rêvé, peut-être naïvement, que leur lien serait assez fort pour transcender les barrières, que l’amour pouvait se frayer un chemin même dans les endroits les plus sombres de la cour. Mais maintenant, elle réalisait que leur amour, aussi puissant soit-il, était fragile face aux pressions implacables du pouvoir.
Ryden posa une main sur son épaule, un geste tendre mais plein de retenue. « Ce n’est pas ce que je veux, » dit-il, sa voix brisée. « Je déteste cette décision. Mais si je refuse… ils trouveront un moyen de te blesser. De faire de toi un exemple. »
Elle releva les yeux vers lui, une expression de défi se dessinant sur son visage malgré la douleur. « Et toi, Ryden ? N’es-tu pas prêt à te battre pour nous, pour ce que nous sommes ? »
Il détourna le regard, visiblement tiraillé. « Ce n’est pas une question de courage, Keysa. C’est une question de pouvoir. Ceux qui nous gouvernent ne sont pas prêts à tolérer une déviation, encore moins si cela vient de moi. »
Un silence lourd s’installa entre eux, chaque mot non-dit renforçant la tension de la situation. Elle voulait lui dire de fuir, de tout abandonner pour elle. Mais elle savait que c’était impossible. Ryden n’était pas seulement un homme ; il était une figure publique, un symbole que la cour exploitait pour asseoir son autorité.
« Alors, c’est fini, » murmura-t-elle finalement, une tristesse infinie dans la voix.
Il posa son front contre le sien, leur dernier geste de tendresse avant de se séparer. « Pour l’instant, » répondit-il d’une voix rauque. « Mais je refuse de croire que c’est la fin. Ils peuvent nous imposer des barrières, mais je me battrai pour qu’un jour, nous puissions être ensemble librement. »
Leurs mains se quittèrent lentement, et il s’éloigna sans un mot de plus, son regard chargé de promesses non formulées.
Les jours qui suivirent furent un calvaire pour Keysa. Chaque coin du palais lui rappelait Ryden, ses éclats de rire, ses regards complices. Elle essayait de se perdre dans ses devoirs, mais la cour entière semblait décidée à lui rappeler qu’elle n’était rien de plus qu’une simple courtisane, un pion dans les jeux d’influence.
Elle s'efforçait de sourire et de jouer son rôle, de prétendre que tout allait bien. Mais la vérité était tout autre. Elle se sentait vide, privée de ce qui l'avait fait vibrer ces derniers mois. Son cœur, autrefois empli d'espoir, n'était plus qu'une plaie béante qu'elle dissimulait derrière un masque de froide indifférence.
Les rumeurs ne s’étaient pas calmées, bien au contraire. Chaque jour, elle entendait des murmures sur Ryden, sur les mesures prises pour éviter tout scandale. La cour observait, comme des vautours attendant la chute de leur proie.
Un jour, alors qu'elle errait dans les couloirs sombres et silencieux, elle croisa Arthus, le capitaine des gardes. Ce dernier la salua d’un signe de tête, un sourire à peine perceptible aux lèvres. Son regard trahissait une certaine pitié, comme s'il comprenait l'ampleur de son sacrifice.
« Lady Keysa, » murmura-t-il, sa voix grave résonnant dans le silence. « Parfois, il faut savoir renoncer pour protéger ceux qu'on aime. »
Elle le regarda, surprise par ses paroles. Mais elle comprit qu’il essayait de lui faire comprendre la logique de cette séparation. Elle n’était qu’un obstacle dans les plans de la cour, un élément perturbateur qu’il fallait éloigner.
Quelques semaines plus tard, alors qu'elle se promenait dans les jardins, elle sentit une présence familière derrière elle. Ryden. Il se tenait là, vêtu sobrement, son visage marqué par la fatigue et la frustration. Sans un mot, il s'approcha, et ils échangèrent un regard qui en disait long sur tout ce qu'ils avaient enduré.
« Je ne peux pas renoncer à toi, Keysa, » murmura-t-il finalement, ses yeux sombres fixant les siens avec intensité. « Peu importe les barrières qu'ils imposent, je me battrai. Pour toi, pour nous. »
Elle hocha la tête, émue, mais une lueur de détermination s’était également allumée en elle. « Moi non plus, Ryden. Nous trouverons un moyen. Un jour, nous pourrons vivre cet amour sans crainte, sans restrictions. »
Ils partagèrent un sourire, plein de tendresse et de promesses. Leur amour, malgré les défis, continuait de briller avec une intensité qu'aucune contrainte ne pouvait éteindre.
Ils se séparèrent à nouveau, mais cette fois, ils portaient en eux une nouvelle certitude : peu importe la distance, peu importe les obstacles, leur amour survivrait.
Ryden lui adressa un dernier regard, intense et empli de promesses. Avant de s’éloigner pour de bon, il effleura sa main, laissant un bref contact brûlant qui raviva leur espoir commun. C’était une promesse silencieuse, un engagement entre eux qui transcenderait les barrières imposées par la cour.
« Un jour, » murmura-t-il avant de disparaître dans l'ombre des jardins.
Keysa resta seule, les doigts encore chauds du contact éphémère. Elle le regarda s'éloigner, la tête haute, avec une nouvelle détermination dans le regard. Elle savait qu’ils allaient affronter des épreuves, que le chemin serait semé d’embûches, mais elle refusait de renoncer.
Elle posa une main sur son cœur, fermant les yeux pour ancrer en elle la force que Ryden venait de lui transmettre. À partir de cet instant, elle décida de ne plus craindre les murmures de la cour, ni les regards hostiles. Elle n'était plus seulement une jeune femme amoureuse ; elle était devenue une combattante, prête à défier les traditions et les complots pour préserver ce qui comptait réellement.
Elle tourna les talons et, d’un pas ferme, regagna le palais, décidée à faire face à son destin avec une force renouvelée. Car peu importaient les obstacles, elle savait désormais que rien ni personne ne pourrait éteindre la flamme qu’elle et Ryden partageaient.
La séparation était inévitable, mais l’espoir, lui, restait inaltérable.
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