L’Invitation Impromptue

La soirée battait son plein dans le grand hall du palais. Les invités, vêtus de leurs plus belles tenues, partageaient rires et conversations animées sous les hautes voûtes du palais de Valdan. Keysa, pourtant, se sentait étrangère à ce monde de faste et d’étiquette. Elle déambulait parmi les convives, l’appareil photo en main, capturant des clichés de la décoration élégante, des tables somptueusement dressées, et des expressions enjouées autour d’elle.

Mais son esprit restait captivé par la rencontre troublante avec le roi Ryden. Ce bref échange de regards n’avait duré qu’un instant, mais il avait éveillé en elle un mélange de curiosité et de fascination. Elle s’était retrouvée à le chercher du coin de l’œil tout au long de la soirée, essayant de capter de nouveau son attention sans être trop évidente. Il semblait pourtant s’être volatilisé au milieu de ses obligations royales, enchaînant les salutations officielles et les sourires réservés.

Quelques heures plus tard, alors qu’elle était plongée dans la prise de photos d’une série de décorations de Noël exquises, un majordome s’approcha d’elle, son expression empreinte de formalité.

« Mademoiselle Andersen ? Sa Majesté souhaiterait s’entretenir avec vous. Si vous voulez bien me suivre. »

Surprise, Keysa acquiesça et rangea précipitamment son appareil photo, tentant de masquer son agitation. Le majordome la guida à travers un dédale de couloirs silencieux, loin de l’agitation du banquet. Ils s’arrêtèrent finalement devant une porte de bois sculpté, ornée d’arabesques dorées.

« Entrez, je vous prie », dit le majordome en s’inclinant légèrement avant de s’éclipser.

Keysa prit une profonde inspiration et poussa la porte. Elle découvrit une vaste bibliothèque, avec des murs recouverts de livres anciens, des fauteuils de velours, et une cheminée crépitante qui diffusait une lumière chaude dans la pièce. Et là, debout près de la cheminée, se trouvait Ryden.

Il était plus impressionnant encore dans cette lumière tamisée, ses traits détendus mais empreints de cette même intensité qu’elle avait remarquée plus tôt. Il lui adressa un sourire poli, presque hésitant, avant de s’avancer.

« Mademoiselle Andersen, bienvenue. Je suis ravi que vous ayez accepté mon invitation. »

Keysa se sentit rougir légèrement. « C’est un honneur pour moi d’être ici, Majesté. Je ne m’attendais pas à un accueil aussi… personnel. »

Ryden esquissa un sourire. « Ici, vous pouvez oublier les formalités. Appelez-moi simplement Ryden. Après tout, nous ne sommes que deux étrangers en quête de compréhension. »

Elle hocha la tête, troublée par ses mots. Il y avait quelque chose dans sa voix, dans son regard, qui dégageait une profonde mélancolie. Keysa ressentit une pulsion de compassion inattendue pour cet homme qu’elle connaissait à peine.

« Alors… Ryden, » dit-elle avec un sourire léger, goûtant le son de son prénom, « pourquoi m’avoir invitée ici ? »

Le roi observa un moment la danse des flammes dans la cheminée, comme s’il réfléchissait à la meilleure manière de répondre. « Je pourrais dire que c’est par curiosité. Vous êtes différente de toutes les personnes qui peuplent habituellement ces couloirs. Je voulais comprendre ce qui vous pousse à voir le monde à travers un objectif. »

Keysa haussa légèrement les épaules, un sourire nostalgique aux lèvres. « La photographie me permet de capturer la beauté éphémère des choses, de figer des moments qui autrement se perdraient dans le temps. J’aime montrer aux gens ce qu’ils ne voient peut-être pas, même quand cela est juste sous leurs yeux. »

Ryden hocha la tête, visiblement touché par ses paroles. « Vous avez une vision unique du monde, Keysa. Peut-être que c’est ce qui m’a attiré vers vous ce soir. »

Elle sentit ses joues s’empourprer sous l’intensité de son regard. « Et vous, Ryden ? Je suppose que la vie de roi doit être bien différente de la mienne. »

Il laissa échapper un soupir, un brin d’ironie dans son sourire. « Être roi, c’est porter un masque. La plupart des gens voient le trône, les responsabilités, le faste. Mais peu savent que, parfois, la couronne pèse lourd. On oublie souvent que, sous les ornements et les traditions, il y a un être humain. »

Un silence complice s’installa entre eux, entrecoupé par le crépitement du feu. Keysa sentait qu’il y avait bien plus derrière les mots de Ryden, comme une souffrance cachée, un désir de liberté retenu par des chaînes invisibles.

« Mais vous n’êtes pas obligé de le faire seul, » dit-elle doucement, presque instinctivement. « Parfois, une nouvelle perspective peut faire toute la différence. »

Ryden la dévisagea, surpris par la sincérité de ses paroles. « C’est peut-être vrai. Peut-être que vous avez raison. »

Il s’approcha d’une étagère et saisit un petit livre relié de cuir, le tendant à Keysa avec un sourire mystérieux.

« Tenez. C’est un recueil de légendes de Valdan. Elles sont toutes différentes, mais il y a une histoire en particulier qui pourrait vous intéresser. Elle parle d’un roi qui rencontra un étranger une nuit d’hiver, un étranger qui changea sa vie. »

Keysa accepta le livre, ses doigts frôlant ceux de Ryden un instant, une chaleur étrange et familière se diffusant dans son être.

« Merci, Ryden. Je le lirai avec attention. »

Le regard de Ryden s’adoucit, et pour la première fois, il lui adressa un sourire qui semblait sincèrement heureux.

« J’espère qu’elle vous plaira. »

Keysa quitta la bibliothèque quelques instants plus tard, le livre serré contre sa poitrine, les pensées en ébullition. Le roi Ryden n’était pas celui qu’elle avait imaginé. Derrière les apparences, elle avait entrevu un homme pris au piège entre le devoir et ses désirs, un homme avec qui, contre toute attente, elle ressentait déjà une profonde connexion.

Elle traversa les couloirs silencieux du palais pour rejoindre sa chambre, en repensant aux paroles du roi et à la promesse d’une histoire qui attendait d’être découverte. Le voile de mystère qui entourait Ryden n’avait fait que s’épaissir, mais au fond d’elle, elle savait qu’elle n’était qu’au début d’un voyage qui changerait peut-être leurs vies à tous les deux.