| 7 † 2 |
— J'ai un scoop alors.
Il me questionna du regard.
— Elle est probablement à Stronstall. Ankri a parlé d'un « joyau de sa collection » qu'ils auraient volé à Skadi il y a un moment déjà.
— Tu me fais marcher... grommela-t-il, blasé.
Je haussai les épaules.
— C'est moi ou tu es toujours au bon endroit ?
— Honnêtement, je pensais être dans une période creuse de mon chaos habituel, je croyais que j'allais pouvoir me poser. Quand il a parlé de Skadi...
— J'hallucine.
Il secoua la tête de gauche à droite, un rictus grinçant aux lèvres.
— Je vais finir par te suivre partout, et tu vas juste m'amener aux clefs en te promenant dans les Neuf Mondes si ça continue.
— En principe, les trouver n'est pas un problème, non ? C'est plutôt les récupérer ?
— C'est vrai... marmonna-t-il.
La clef d'éther, il avait dû l'arracher à Thor, qui la portait sur lui en permanence. La clef d'ambre aurait été en possession de Skadi si les dvergar ne l'avaient pas volée et enfermée à quadruple tour dans leurs coffres. La dernière, celle de sang, était certainement en possession d'Odin, son propriétaire originel. Il ne s'agissait pas tellement de la trouver, car le dieu quittait rarement sa demeure ces dernières décennies. Il fallait plutôt trouver un moyen de la lui arracher, ou de la négocier.
— Par contre... ça faisait combien de temps que tu savais pour... toi ?
Il n'eut pas besoin de dire le titre, je le lus dans la rancœur étouffée de son ton. L'Élue.
— Åke me l'a annoncé... avant qu'on aille voir Mímir.
— Et t'aurais pas voulu me le dire ?
— Genre avant ? Quand on s'est retrouvés ?
— Ouais.
Je le regardai en biais, sceptique, et il finit par ricaner.
— Ouais, ok. Mais ça aurait été sympa que je ne l'apprenne pas par l'autre psycho. D'ailleurs, comment... enfin, pourquoi... pourquoi il est comme ça ?
— Åke ? relevai-je. Honnêtement, je ne sais pas. La taule ça te détruit, mais je pense qu'il était déjà totalement fou avant.
— Il a l'air... explosif.
— Tu n'as pas vu ce que j'ai vu.
— Ah ?
Les souvenirs du massacre au pied du Bifröst affleurèrent, et je secouai la tête pour chasser l'image des cadavres transpercés. C'étaient mes demi-frères qu'il avait massacrés. Les siens aussi. Mais ça ne semblait pas lui importer.
— Ne... ne te bats pas contre lui. C'est tout ce que j'ai à dire.
— Tu veux dire que tu n'oserais pas le faire toi-même ? releva-t-il, percevant les nuances cachées dans l'horreur contenue de ma voix.
— Je craindrais sérieusement pour ma vie.
— Ah ouais.
Je laissai la remarque flotter, réfléchissant en silence. La plaine était morne et rocailleuse. Les coulées de lave avaient creusé des sillons dans le sol, et ces sillons s'étaient progressivement fendus et craquelés sous l'action de la pression, du temps et de l'érosion. Les dvergar avaient préservé leur environnement, aussi seuls de vagues sentiers de marche se dessinaient entre les vallons de la lave séchée, et le reste de la roche avait été laissée intacte. Heureusement que j'avais de bonnes chaussures de marche, sinon mes chevilles se seraient déjà tordues plus d'une fois dans les creux des fissures.
— Il est parti où ? relevai-je après un moment.
— Euh... il a parlé de chaos, de lever une armée... et il a disparu un matin sans laisser de traces...
Je secouai lentement la tête de gauche à droite, blasée. C'était bien le genre d'Åke, ça : soulever un million de questions au cours d'une brève conversation, et s'évaporer le lendemain. On pouvait logiquement supposer qu'il était parti rallier d'autres troupes des environs à la cause du Ragnarök qui détruirait le monde. En sachant que nous étions dans les plaines de l'est de Nidavellir, où la population naine n'était pas très prône à accepter les enfants de Loki, j'estimais qu'il était parti plus loin. Peut-être retourné à Jötunheim ? Mais ils en avaient plus ou moins fait le tour avec Selvigia, de ce que j'avais compris. Vanaheim alors ?
— Et comment tu t'es retrouvé à Stronstall du coup ? demandai-je pour maintenir la conversation à flot, l'esprit ailleurs.
Il se gratta la nuque, gêné.
— Je... j'ai erré, j'avoue. Je n'avais pas de GPS. J'ai marché plus ou moins tout droit vers l'ouest en espérant retomber sur une route fréquentée, et puis le temps que je comprenne ce qui se passe...
Son expression me raconta le reste de l'histoire sans paroles. Je me rappelais de la dernière fois que les nains m'avaient attrapée par mégarde. Ce n'était pas à Stronstall, c'était dans une ville dvargen un peu moins barbare et raciste, mais c'était resté plutôt désagréable. Ici, ils l'avaient probablement enchaîné comme un animal, traîné devant le roi, et l'avaient libéré de ses entraves seulement en lui expliquant qu'au moindre geste menaçant ou à la moindre suspicion, il se ferait incinérer par une quelconque torpille calibrée pour suivre des Loki à la trace par leur flux magique.
— C'est tout ? relevai-je.
— Parfois, il n'y a pas besoin de chercher compliqué pour se retrouver dans la mouise, rétorqua-t-il, sentencieux.
La tournure me fit rire.
— Celle-là, je la garde.
— T'as cru ouais.
— Oh tiens, tant que tu es là...
Je fis apparaître mon détecteur magique de mon inventaire de Loki, et la sensation de mon flux magique de naissance dans mes mains me donna des frissons. Cela faisait si longtemps que je ne l'avais pas utilisé...
— Wahhh ! C'est impressionnant en vrai, admit Levi avec une expression d'admiration que je ne lui connaissais pas. J'avais jamais vu de sang-mêlé en vrai.
La remarque me réchauffa de l'intérieur comme un compliment incongru, inattendue mais bienvenue. Je devinai que mes yeux avaient repris leur couleur turquoise d'origine. Il faudrait que je pense à effacer ma trace magique avant de rentrer, même si je pouvais argumenter que c'était Levi qui avait utilisé ses pouvoirs. Mais en principe, une large utilisation de mon énergie de Thor devrait suffire pour camoufler la magie du chaos, comme les dvergar l'appelaient.
— Qu'est-ce que tu fais ? s'enquit Levi d'un ton sincèrement curieux.
— J'ai besoin de voir à quel point j'arrive à camoufler mes propres traces. Et étant donné que je n'ai personne pour m'expliquer ce qui est possible ou non avec ma dualité, il faut que j'expérimente par moi-même.
— Comme par exemple ?
— Voir si je peux utiliser les deux en même temps en accentuant l'un pour tromper les détecteurs.
— À peine dotée de nouveaux pouvoirs qu'elle cherche déjà à arnaquer les gens...
— N'est-ce pas notre travail ? relevai-je avec un haussement de sourcils suggestif.
Il pouffa. Je lui lançai le détecteur, et il l'alluma.
— Tu profites que je sois là pour qu'ils ne se posent pas de questions sur l'énergie magique lokienne qui émane de leur territoire protégé ?
Je hochai la tête en guise de réponse, et il m'indiqua :
— Tu dégages du L pour le moment.
Guère étonnant, songeai-je. Je basculai aux étincelles de foudre, et le détecteur émit un bip sonore - je l'avais à l'origine paramètre pour détecter la présence d'enfants de Thor dans les parages.
—T, renchérit Levi en coupant le son pour ne pas me donner d'indices.
C'était là que ça se corsait. J'étais curieuse de savoir si je pouvais maintenir par exemple une illusion, tout en couvrant les émanations avec un champ magnétique de Thor.
Je commençai par étapes, comme j'avais l'habitude de le faire lorsqu'Ekrest m'apprenait une nouvelle technique. Je tissai d'abord mon illusion, un simple miroitement autour de mon corps qui mimait une couverture d'invisibilité. Puis, tout en gardant l'illusion dans un coin de mon esprit, je tentai d'invoquer mes étincelles.
Je n'avais jamais joué d'un instrument, mais c'était comme ça que j'imaginais apprendre à séparer ma main gauche de ma main droite. C'était comme essayer de battre deux pulsations différentes en même temps, tirer sur une corde des deux directions opposées. Mon esprit avait du mal à appréhender le concept de la fragmentation.
Pourtant, dès les premières tentatives, je perçus que c'était possible. C'était difficile, ça requérait mon attention totale et permanente, mais je ne sentais aucun conflit direct entre les flux. Quelque part, c'était similaire aux métamorphoses partielles que m'avait enseignées Åke : il fallait réussir à joindre deux systèmes diamétralement opposés, mais ils n'étaient pas incompatibles.
Les premiers essais sous le regard perplexe et quelque peu empli d'incompréhension de Levi se soldèrent par des échecs absolus, mais je ne désespérai pas. Je connaissais ma magie d'illusions et je commençais à maîtriser mon électrokinésie. Je les visualisai dans mon esprit comme des fils reliés à mes mains, sur lesquels je devais tirer comme sur des fils de marionnettes. Je l'avais déjà fait plusieurs fois lorsque j'avais appris à jouer avec mes différents pouvoirs, il n'y avait aucune raison pour que ce soit plus difficile ici.
Patiemment, je reconstruisis mon illusion qui s'effilochait sous la tension que je mettais dans ma magie de Thor, la stabilisation, jusqu'à ne presque pas devoir faire d'effort de volonté pour la maintenir. Puis, par petites touches, j'essayai de tirer sur mes pouvoirs électriques pour faire apparaître de minuscules étincelles. L'effort était intense, au point que je sentis une première goutte de transpiration couler le long de ma tempe, dévaler ma joue. Je grinçais des dents, acharnée. Je ne déployais quasiment aucune puissance magique à proprement parler ; individuellement, c'étaient des exercices de bas niveau. Mais ensemble...
— Oh ! Vas-y, ressaie ce que tu faisais ! lança Levi avec une pointe d'excitation dans la voix.
Je fronçai le nez, incertaine de savoir ce que j'avais fait en particulier, décidai de refocaliser sur la double manipulation. Je tirai d'un côté, essayai de maintenir l'autre au même niveau qu'auparavant, jusqu'à sentir comme une sorte de déclencheur. Une nuée d'étincelles apparut autour de ma main, tandis que l'illusion se maintenait en place. Levi poussa un petit cri de victoire.
— T ! Non, L. T. L ! T'alternes.
Je pris une longue inspiration, stabilisait mon souffle, fis l'effort conscient de faire redescendre la tension qui habitait mes épaules. J'approchais, je le sentais. La maîtrise des deux commençait à se faire facile. Maintenant, restait à déployer suffisamment d'énergie d'une part, et moins de l'autre, pour tromper les détecteurs. Celui que j'avais donné à Levi avait été fabriqué par les dvergar, il avait de fortes chances que ceux de la cité soient similaires. Je pouvais aller vérifier ça avec mon nouvel allié empli de mauvaise volonté, Veiri.
— Toujours L... annonça Levi.
Je tirai lentement, précautionneusement, sur les étincelles, pour les amener au premier plan. Elles résistèrent, dépassées par la puissance de l'illusion que je maintenais, et je réinjectai doucement de l'énergie jusqu'à sentir un frisson électrique courir le long de ma peau comme un filet d'eau.
— T ! T'es stable.
Je souris, modulai mon illusion avec méfiance pour ne plus en faire seulement un voile translucide, mais me rendre parfaitement invisible. Durant le processus, je dus recalibrer l'énergie que je mettais dans mes étincelles, car je sentis mon côté Thor vaciller et perdre pied face au côté Loki, mais je parvins finalement, avec la lenteur d'un escargot, à modifier mes actions. Puis, je fis la même chose avec les étincelles, les transformai doucement en un champ magnétique puissant mais invisible qui m'entourait pour m'envelopper d'une zone d'énergie purement Thor.
Quand je parvins à maintenir les deux en même temps sans trop d'efforts et que je relevai la tête, Levi me regardait – ou du moins, regardait l'endroit où je m'étais tenue – comme si j'étais un alien tout droit sorti d'un film de science-fiction.
— Mes yeux ? interrogeai-je dans le silence total rompu uniquement par les sifflements du vent.
Après une brève hésitation, Levi incanta un sort de clairvoyance sur lui-même pour voir au travers de l'illusion d'invisibilité, et répondit :
— Bleus.
J'esquissai un sourire triomphal. C'était un exercice éreintant en termes de concentration, mais je pouvais le faire. Avec un peu d'exercice, cela deviendrait de plus en plus facile.
Je soufflai longuement, coupai d'abord ma magie lokienne et ensuite le champ magnétique qui m'environnait, et m'assis par terre, l'esprit en vrac.
— Ok. Donc le flux et les yeux sont uniquement liés au pouvoir dominant sur le moment.
— Ça a l'air si simple quand tu le fais... grommela Levi. T'imagines pas le temps qu'il m'a fallu pour apprendre à faire deux types de magie lokienne en même temps. Et toi tu...
Je discernai la pointe d'envie dans sa voix, la rancœur refoulée qu'il luttait certainement pour contenir. Je plissai les lèvres, lui adressai un regard perçant, sous lequel il sembla se recroqueviller.
— Pas moi je. C'est Ekrest m'a appris à. Je t'invite à aller le voir pour t'entraîner de la même manière, mais je dois te prévenir, ce n'est pas les années les plus agréables que tu passeras.
Il esquissa une grimace à la fois cynique et amusée.
— Mouais, pas convaincu du coup. Et pour la suite ? demanda-t-il. Long terme, j'entends.
Je soupirai, levai la tête vers le ciel gris. Les nuages étaient si épais qu'ils formaient une voûte lisse et opaque, par laquelle la lumière du soleil couchant filtrait à peine. J'étirai mes bras dans mon dos, songeuse, finis par grommeler :
— Je suppose que je ne peux pas rester en cavale éternellement.
— T'es trop justicière pour ça.
— Tu trouves ? relevai-je après un moment de réflexion.
Il pivota franchement face à moi, un sourire narquois aux lèvres.
— Lilith, c'est pas pour me moquer de toi... mais la plupart des fois où Adam et moi on t'attendait au tournant pour te mettre la misère, c'était toujours en comptant sur le fait que tu viendrais te venger, ou venger l'un de tes hommes. Sauf que, souvent, tu es allée tellement plus loin que ce à quoi on s'attendait...
Je fronçai le nez, songeuse. Je ne me voyais pas comme une justicière. En même temps, c'était compliqué de chercher la justice quand mon travail était d'assassiner des gens que je ne connaissais pas, de faire chanter, de kidnapper et de voler.
— Comme par exemple ?
— Ben... rien que Barcelone. Tu te rappelles comment tu nous as piqué toutes les opérations majeures par la suite ?
La réflexion me tira un sourire. Il était vrai que, après le scandale de Barcelone, où Sam ne s'était pas gêné pour raconter au Manoir comment Levi l'avait délibérément abandonné face à un berserk, leurs taux de mission avaient quelque peu... chuté. Je n'y étais certainement pas pour rien, et même s'il y avait un côté revanchard très plaisant à leur arracher leurs contrats sous le nez grâce à ma mainmise de seconde Élite, c'était surtout un problème de position. Nouvellement arrivée dans le top-trois, j'avais dû batailler pour me faire un nom et consolider mes appuis parmi les anciens, qui n'appréciaient pas tous de voir Adam évincé. J'avais dû déployer des trésors de diplomatie pour pacifier certains Loki un peu trop belliqueux, alternant entre carotte et bâton, promesses de contrats rémunérés et menaces de rétrogradation à un poste d'archives.
— Ce n'était pas que personnel, finis-je par répondre.
— Mais ça l'était suffisamment. Ce n'est pas une critique, hein, ajouta-t-il à toute vitesse en levant les mains en signe de paix, mais c'était... agressif. Et particulièrement efficace.
— Fallait pas me larguer face à un svinfylkingar.
— Oui mais...
— Non mais ce n'est pas une critique non plus, l'interrompis-je avec un rictus et une œillade provocante. Je m'en suis sortie.
La simplicité de la répartie lui fit accuser le coup. Il me fixa de ses yeux turquoise, une nuance familière que je n'avais plus vue depuis une éternité, et marmonna :
— C'est tout ?
— Maintenant, oui, finis-je par soupirer après réflexion. J'ai revu mes échelles de trahison à la hausse depuis Kaiser.
Le nom de la commandante jeta un froid perceptible entre nous. Je me rappelai que Levi n'avait personnellement rien contre elle, sur elle l'avait toujours bien traité, souvent même favorisé par rapport à moi.
— C'est moche... marmonna-t-il finalement. Ce qu'elle vous a fait. Je ne la pensais vraiment pas comme ça.
— Le pire, c'est que moi non plus, soupirai-je. Même pendant les semaines d'emprisonnement, je n'ai même pas considéré l'idée qu'elle m'abandonne. Et pourtant, ce n'est pas faute d'avoir appris que n'importe qui peut te trahir...
Le mantra d'Ekrest était gravé dans ma mémoire en lettres de feu, mais ça ne m'avait pas empêchée de me faire avoir par la seule personne dont j'aurais réellement pensé qu'elle avait mon intérêt à cœur vu comment je bossais pour elle. Apparemment, les choses n'étaient pas aussi simples que ça.
Pourtant, avec le temps qui s'était écoulé, mais rage primaire s'était calmée. Ce n'était plus de la haine aussi pure qui me guidait, contrairement aux autres Élites. J'avançais encore parce que j'avais décidé de me chercher ailleurs qu'au sein de la Confrérie, de trouver une identité qui m'était propre et pas celle que d'autres comme Ekrest ou Kaiser essaieraient de créer pour moi.
— Et toi, long terme ? Asgard ?
Il soupira.
— Probablement... même si je n'ai aucune idée de comment je vais m'en sortir là-bas.
— Ça, souris-je, je te laisse faire. Je veux bien t'aider ici, mais je ne t'accompagnerai pas partout.
— Ça te flinguerait, hein ?
Je haussai les épaules.
— Non, c'est juste que c'est à toi que Père a demandé de le libérer. J'ai déjà traité avec lui de mon côté, je ne suis pas prête à le refaire tant que je n'y suis pas obligée.
J'avais essayé de la réprimer, mais je n'étais pas totalement parvenue à chasser la rage amère de mon ton, et il ne fallut pas plus à Levi pour venir creuser :
— Il t'est arrivé quoi ?
Je claquai de la langue, pivotait vers lui, et il se crispa comme s'il s'attendait à un coup au visage.
— Tu veux peut-être me raconter ton expérience avec Mímir ?
Levi blêmit, ses traits se déformèrent pour laisser la place à une obscure douleur mêlée de fureur.
— J'ai compris, soupira-t-il. Mais... à ce point ?
— Disons que Mímir et lui ont tous les deux des manières drastiques de te faire payer tes décisions. On n'est pas une famille de kidnappeurs et de tortionnaires pour rien.
Je savais que Levi n'aurait pas de mal à déchiffrer ce que je venais de dire à mots à peine couverts. Il fronça le nez, faillit se prendre les pieds dans une roche qui dépassait et qu'il n'avait pas vue. Il se rétablit avec un grognement, fit quelques pas sans rien dire, songeur, puis finit par lancer :
— Tu rentres à Midgard je suppose ?
J'acquiesçai, ne doutant pas de ce que je comptais faire, au moins jusqu'à cette étape-là. Après en revanche, ça se compliquait drastiquement.
— Tu vas reprendre la Confrérie, hasarda-t-il. N'est-ce pas ?
— Moi ? Non, il y a d'autres gens bien plus compétents que moi pour ça. Par contre je compte bien faire dégager Kaiser.
Il pouffa.
— Tu vois toujours pas ton côté justicière ?
Je voulus argumenter, me ravisai. Vu comme ça, c'était compliqué de l'éluder ou de le nier. Pourtant, je n'avais pas l'impression que j'étais animée par l'envie de réparer une injustice. Je refusais seulement de laisser le système se perpétuer. Kaiser ne détruirait pas une autre vie, ne causerait pas la mort d'une autre fillette comme Vanessa. Ce n'était pas à propos de moi, ni à propos des Élites déchus. Ce que nous avions perdu, nous ne pouvions pas le retrouver. Ni le temps, ni l'énergie, ni les êtres chers. Certains avaient vu disparaître des années, d'autres des gens. Le mentor de Kirstin, James Dasher, ne reviendrait pas. La santé mentale de Kirstin ne reviendrait peut-être même pas.
Pourtant, il fallait bien que nous continuions à avancer.
| † | † |
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro