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Franchir le pont avait été une formalité, certes sportive, mais une formalité malgré tout. Nous avions couru sur ce qui s'apparentait, connaissant ma vitesse de course, à une demi-douzaine de kilomètres, une petite vingtaine de minutes à bonne allure. Bientôt, le sol lointain était devenu visible, les contours des différents lieux s'étaient précisés. J'avais vu les petites villes environnantes, minuscules points de lumière sur le sol sombre, grossir en se rapprochant, puis disparaître derrière la courbure du terrain lorsque nous nous étions approchés du sol. Et, rapidement, j'avais posé le pied sur le sol poussiéreux de l'Apollon Smintheion, les ruines du temple grec qui nous servaient de point d'atterrissage. C'était là qu'Heimdall ouvrait traditionnellement le Bifröst pour Midgard, nous laissant le libre choix sur la manière de repartir. C'était là que les enfants du dieu géraient aussi les entrées et les sorties dans le monde des hommes, créant une sorte de poste-frontière à l'échelle des mondes, la douane magique.

C'était là que nous nous étions rappelés que nous pouvions désormais nous faire arrêter par n'importe qui, comme les fugitifs que nous étions.

Louer une voiture aux Heimdall n'avait été qu'une autre formalité, grâce à nos yeux azur. Si j'avais été une Loki, cela aurait été une toute autre affaire, mais en l'état des choses, mes iris électriques m'avaient protégée de la moindre question déplacée. Sur la route, Kalyan m'avait rapidement expliqué que les Thor, les Odin et les Heimdall avaient une sorte d'accord tripartite permettant aux membres de ces familles de quitter ou de rejoindre le Bifröst anonymement, notamment en leur prêtant un véhicule. Nous avions exploité ce principe fort pratique pour nous éloigner au maximum du temple bardé de caméras, et avions laissé le véhicule dans une petite ville turque à quelques cent cinquante kilomètres de là. Kalyan m'avait simplement dit que les Heimdall la récupèreraient grâce au localisateur, et qu'on pouvait la laisser n'importe où.

Heimdall nous avait déposés au milieu de la nuit, et la route depuis l'Apollon Smintheion jusqu'à la grande ville la plus proche nous avait pris une bonne partie de la matinée. Ensuite, nous avions dû attendre le petit matin pour avoir l'un des premiers bus, qui nous avait déposés dans une autre ville, plus éloignée. Les réflexes de Midgard étaient rapidement revenus, tant pour moi que pour Kal. Tous les deux sur le qui-vive, nous avions guetté le moindre signe d'un assaillant, tous les deux conscients que nos têtes étaient mises à prix. La mienne par la Confrérie, celle du Thor par toutes les autres Maisons qui auraient adoré se débarrasser d'un Hamershot un peu trop puissant et méticuleux. Et, lorsque nous nous étions finalement installés dans une chambre d'hôtel, près de vingt-quatre heures après notre dernier réveil, la première chose que nous avions fait avait été d'en vérifier tous les recoins, et ensuite d'établir des tours de garde.

— On n'a jamais parlé de ce qu'on ferait une fois rentrés, lança Kalyan d'un ton anodin lorsque le calme retomba. Où on s'installerait, comment on s'organiserait. Parce qu'aucun de nous n'est bienvenu dans sa famille actuellement.

Je me retins faire remarquer que j'étais particulièrement heureuse qu'il parle d'un « nous » tangible et stable, qui pouvait survivre à la fois à cette cavale et aux affres d'une vie commune. Cela faisait deux bons mois que l'on voyageait ensemble, dormant dans la même chambre ou tente en fonction du lieu, mais je n'avais jamais été totalement certaine que ça puisse survivre à notre retour ici. Au lieu de m'attarder sur ces questions qui me hantaient périodiquement, je préférai réfléchir. J'avais eu quelques idées de démarches en descendant le Bifröst, envisageant à la fois les cas de figure où Kalyan et moi nous séparions et ceux où nous restions ensemble. Maintenant, il fallait décider.

— J'ai peut-être une idée... répondis-je, songeuse, en m'asseyant dans le fauteil. Mais il faut que je passe un coup de fil ou deux.

Kalyan s'adossa confortablement dans le canapé, les sourcils levés en guise d'interrogation silencieuse. Je lui rendis un sourire amusé, réfléchis un moment pour me rappeler quel téléphone j'utilisais pour joindre Kagari Kazuto. Car autant je gardais encore occasionnellement le contact avec sa fille Elisa, autant lui, je ne l'avais plus appelé depuis... huit ans maintenant. Le souvenir ramena une pointe de nostalgie, je souris, fis apparaître un vieux téléphone que j'utilisais pour mes contrats personnels depuis que j'étais gamine. Alice Howes avait été mon identité de l'époque, anglaise élevée au Japon. Je fis défiler mes contacts, trouvai Kagari Kazuto, hésitai, calculai en silence le décalage horaire. C'était jouable, il veillait tard en général.

Hello ?

— Bonjour Kazuto, saluai-je en japonais. C'est Alice Howes.

— Je... Oh ! Alice ? Seigneur, ça fait si longtemps !

Je pouffai.

— Effectivement...

— Comment vas-tu, ma chérie ? Tu devrais me donner plus de nouvelles ! J'en ai encore occasionnellement par Elisa, mais elle m'avait dit qu'elle n'avait plus entendu parler de toi depuis un moment...

— On sort ensemble une fois de temps en temps, mais récemment, c'est devenu quelque peu compliqué pour moi...

J'aurais peut-être dû le formuler différemment, parce qu'il se focalisa aussitôt sur ma dernière remarque comme le digne père surprotecteur qu'il était avec Elisa.

— J'espère que tout va bien ? Tu sais que tu n'as qu'à m'appeler si tu as le moindre problème. J'espère que...

— Kazuto, tempérai-je aussitôt. Ça va. Je vais bien.

Il laissa passer un temps mort, évaluant le sérieux dans ma voix pour essayer de deviner si je lui mentais, puis il finit par céder.

— Très bien. Alors qu'est-ce qui t'est arrivé, récemment ? Elisa commençait à s'inquiéter, elle aussi.

Je préférai ne pas regarder le nombre de messages vocaux qu'elle m'avait certainement laissés. J'avais désactivé depuis longtemps les notifications de ma boîte vocale, qui devait crouler sous les enregistrements, mais je pouvais très bien imaginer l'avalanche. Il vaudrait mieux que je l'appelle directement, voire même que j'aille prendre un café avec elle, dans la mesure du possible.

Elisa devait être l'une des rares personnes, si ce n'est quasiment la seule, avec qui je gardais un contact régulier. Probablement parce que nous nous étions connues si jeunes et si isolées dans nos vies respectives, nous avions noué une amitié solide, au-delà du contract de protection que j'avais accepté. L'année passée encore, nous nous retrouvions en moyenne tous les trois à quatre mois pour sortir en boîte, aller faire du shopping dans le premier grand centre de luxe venu. Souvent, Elisa insistait pour payer la totalité de mes achats. Elle n'avait jamais oublié la « dette » qu'elle avait contractée à mon égard quand je lui avais sauvé la peau, même si je n'avais fait que mon travail. C'était aussi la raison pour laquelle je ne contactais pas jamais son père. Pour eux deux, cette dette était inscrite en lettres de sang dans leur âme et conscience, et Loki savait que les Japonais avaient un terrible sens de l'honneur.

— Disons que j'ai dû... disparaître... pendant une certaine période... éludai-je, réfléchissant plutôt au passé qu'au moyen d'amener la conversation là où je voulais.

— Ah. Et ça va mieux, je suppose ?

— Partiellement. Mais je voulais te demander une faveur, Kazuto...

— Tout ce que tu voudras. Je n'ai pas oublié ce que je te dois.

Intérieurement, la réponse me crispa, mais je laissai couler. En théorie, j'avais une dizaine de débiteurs du même genre, qui n'attendaient – ou ne craignaient – qu'un appel de ma part pour m'offrir tout ce qu'ils pouvaient m'offrir. En quinze années de service à la Confrérie, je m'étais fait autant d'alliés que d'ennemis dans ce genre de milieu. Mais je faisais rarement – si ce n'était jamais – appel à eux, en vérité. Aujourd'hui était un jour à marquer d'une pierre blanche.

Je lui expliquai la situation en quelques mots, concise mais suffisamment claire quant à ce que je demandais, et Kazuto me promit de me rappeler dès que possible avec une proposition. Il ne demanda même pas pourquoi je cherchais ça, pourquoi pour deux personnes, quel tarif, quel milieu... Il me répondit simplement qu'il chercherait le meilleur et qu'il reviendrait avec au moins une option, si ce n'était plusieurs. Et il ne le dit pas, mais je devinai qu'il avait déjà décidé de tout payer lui-même.

— Alors ? demanda Kalyan quand je raccrochai, songeuse.

— Alors on attend. Va dormir, je prends le premier quart.

Je souris en voyant qu'il ne protestait pas. Les semaines ensemble depuis Jötunnheim nous avaient habitués à nous reposer l'un sur l'autre. Je commençais à bien connaître ses limites, et lui les miennes. J'étais toujours plus endurante que lui sur ce genre de moments de garde. J'avais besoin de moins de sommeil, je tenais plus longtemps sans dormir. Cependant, je sentais que j'étais rouillée par rapport à mes anciennes habitudes. Je perdais la solitude qui avait fait toute mon éducation, la certitude que je ne pouvais me reposer que sur moi-même.

Je n'étais pas certaine encore que ce soit une bonne ou une mauvaise chose, mais en tout cas, j'étais sûre que c'était en train de m'arriver.

Un léger sourire aux lèvres, je songeai à Ekrest, qui m'aurait certainement fustigée à ce sujet. Il m'en ferait peut-être la remarque quand je le retrouverais. Tu te laisses aller.

Avec le souvenir de son ton légèrement cinglant, chargé d'une accusation qu'il attendait que je démente, je m'installai dans le fauteuil, croisai les bras, et me mis au repos. Alerte, consciente, mais économisant mon énergie.

| † | † |

L'appel vint en milieu d'après-midi, alors que nous étions dans le lounge de l'hôtel. Kalyan avait pris un double expresso car ses paupières se fermaient encore lourdement malgré la sieste qu'il avait faite, et moi, j'avais commandé un thé après avoir dormi trois heures. Sur trente-six heures, j'en avais veillé une bonne trentaine, et je devais avouer que la première fatigue commençait à se faire ressentir.

— Allô ? relevai-je en mettant mes écouteurs pour éviter les oreilles indiscrètes.

— ALICE ! QU'EST-CE QUE TU DEVIENS ?!

— Ehhh... doucement, soupirai-je. Ça va bien, et toi ?

— Je ne t'avais plus entendue depuis... un an ! Un an, Alice !

— Désolée... marmottai-je piteusement. C'était compliqué.

La colère, aussi éphémère qu'un courant d'air, retomba d'un seul coup lorsque je dis cela.

— Merde... Mais ça va ?

— Oui.

— Hein ?

— Oui, Elisa, ça va... vraiment, je t'assure.

— Mmhm. Je ne te crois pas. Parce que tu n'aurais jamais demandé de l'aide, sinon.

— Touché... grommelai-je.

— Coulé, sourit-elle, la voix malgré tout inquiète. Bon. Dis-moi, mon père m'a appelée – pas cool d'ailleurs, t'aurais pu me demander d'abord...

Je vérifiai d'un regard que le lounge était vide, au moins dans les quelques mètres autour de moi, fis un signe de tête approbateur à Kalyan, qui haussa un sourcil.

— Eh, tu vois à quel point c'est déjà laborieux de demander l'aide...

— Un point pour toi, mais arrête de m'interrompre.

Je soupirai, exaspérée et amusée en même temps. Je l'avais connue jeune adolescente timide, cachée derrière ses traditions, enfermée dans le carcan d'attentes draconiennes qui pesaient sur ses épaules. Mais la vie l'avait progressivement fait évoluer. Peut-être était-ce le fait d'avoir une tueuse en guise d'amie et protectrice qui l'avait aidée à se dégager, mais en tout cas, elle était en roue libre depuis quelques années. Je n'avais pas pour autant l'impression qu'elle ait renié sa famille et son avenir tout tracé, mais elle s'en armait désormais comme d'une épée, mêlant sa propre personnalité au brillant de son futur prometteur.

— Je t'écoute.

— Bon. J'ai trois propriétés, un peu éloignées de la Turquie, mais on pourra toujours t'affréter un jet si nécessaire.

— Ce n'est pas la peine, je pense.

— Ehhh, à toi de te taire et de m'écouter j'ai dit.

Était-ce de moi qu'elle tenait ce caractère de chien ? Si c'était le cas, il faudrait que je présente mes plus plates excuses à son père.

— Singapour, reprit-elle lorsque je laissai le silence lui indiquer que j'attendais qu'elle parle. Abu Dhabi. Et New York.

— Tu n'as rien de plus... excentré ? soupirai-je.

— Je travaille dans l'immobilier de luxe, moi madame ! On ne vend pas des cases créoles en bord de plage – quoi que les Ancêtres savent qu'il y a un grand marché pour ça.

Je me fendis d'un bref sourire.

— Ok. Pas excentré donc.

— En plus, si tu n'as pas tes ressources habituelles, ça ne te fera pas de mal d'être en ville.

Par ressources habituelles, elle entendait mon incompréhensible capacité – pour elle en tout cas – à apparaître d'une semaine à l'autre sur des continents différents. Une fois, lorsqu'elle avait particulièrement insisté, je lui avais donné pour défi de me traquer. Utilisant la même identité pendant deux semaines, même si cela signifiait la compromettre définitivement aux yeux des autres Maisons, j'avais réservé et payé sous le même nom pour cinq missions différentes. Valentina Parello était apparue dans les registres de six hôtels, sa carte bancaire avait émis dans une vingtaine de restaurants et fait des retraits dans sept distributeurs de billets, dans sept monnaies différentes.

À ce jour, j'étais certaine que le détective privé qu'Elisa avait embauché pour me traquer ne comprenait toujours pas comment, sans jamais réserver un seul moyen de transport, j'étais passée de l'Australie au Canada puis au Japon en six jours, et de la France au Brésil en moins de six heures.

Depuis, évidemment, Valentina Parello était tombée aux oubliettes. J'avais fait une réservation supplémentaire à son nom aux États-Unis quelques mois plus tard, piégé un informateur humain qui essayait de me mener en bateau, et j'avais observé de loin le carnage absolu du raid de la chambre d'hôtel. Les Odin s'étaient occupés de le réduire au silence à ma place, et ils n'avaient pas attendu qu'il parle pour lui coller une balle en plein front, certains que c'était moi métamorphosée.

Dans tous les cas, il était vrai que je n'avais plus tellement les moyens d'utiliser les portails de téléportation de la Confrérie pour bouger aussi rapidement. Le jet et le centre-ville n'étaient donc pas une option stupide à envisager.

— Très bien, cédai-je de bonne grâce. Tu peux me donner les caractéristiques ?

Elisa émit un couinement de joie, et débita à toute allure :

— Ce sont tous des lofts avec accès sur le toit. On est dans un style moderne, des immeubles d'une petite soixantaine d'étages en moyenne. Singapour c'est cent trente mètres carrés, une magnifique baie vitrée dans le salon, une terrasse privée évidemment.

Loki tout puissant, cent trente mètres carrés à Singapour, au dernier étage d'une tour. Je n'osais pas imaginer le prix de vente de l'appartement. Au moins, les possibilités de fuite étaient assurées avec le toit... pour moi au moins. Kal en revanche devrait sérieusement envisager d'apprendre à voler.

— Abu Dhabi c'est plus ou moins pareil, cent soixante-quinze mètres carrés, je ne sais pas à quel point ça te...

— Non. Trop.

Trop d'espaces à surveiller, trop de cachettes potentielles pour des assassins. Connaissant Elisa, elle ne me proposerait pas moins de cent mètres carrés, mais je pouvais faire avec, surtout si on était deux avec Kalyan. Plus... ça devenait compliqué.

— Ok. New York, cent quarante mètres carrés, pas de terrasse mais accès au toit, comme je te le disais, et un ascenseur semi-privatif réservé aux trois derniers étages.

— Intéressant... marmottai-je, songeuse. Tu as des photos ?

Je n'aimais pas particulièrement New York, et en plus, le territoire des États-Unis était bardé de bases de la Maison de Thor et d'Odin. Singapour était un peu plus neutre, c'était essentiellement dominé par les Týr et les Frigg, donc on pouvait s'en sortir. Mais je devais admettre que j'étais curieuse de voir les lieux.

Je cherchai ma messagerie lorsque mon téléphone vibra une bonne dizaine de fois d'affilée, et fis défiler les photos qu'Elisa venait de m'envoyer. Les deux étaient beaux, mais je devais admettre que celui de Singapour avait, en plus de ses avantages stratégiques, un design plus moderne que j'appréciais tout particulièrement. On n'en était pas au style futuriste dvergar, comme j'avais pu le voir à Stronstall, et on évitait les meubles qui semblaient se fondre dans le décor. Il était spacieux, sobrement mais élégamment meublé, dans des tons de boiseries claires et d'accents anthracite.

— Singapour ce sera, décidai-je.

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