Chapitre 9 : Les elemartistes (partie 2)
🏥 💉 📚
Quand Erine pénètre dans l'infirmerie, elle est contente de constater que la salle d'attente est vide. Une femme dans un uniforme blanc, immaculé, apparait sur le pas de la porte qui sépare le hall d'entrée et la salle de soin.
— Mademoiselle Hanz, bonsoir, la reconnaît immédiatement l'infirmière.
Dans sa jeunesse, Erine était une habituée des lieux et son visage est connu de tout le personnel soignant de l'institut.
— C'est pour quoi ? s'enquiert ensuite la femme avec douceur.
— Elle s'est ouvert l'épaule, un morceau de glace, répond Jahoel à place d'Erine.
Après tout, il a eu davantage qu'elle l'occasion d'admirer les dégâts.
— Tiens, je n'avais pas encore fait de points de sutures, aujourd'hui, soupire l'infirmière.
Erine blêmit.
— On...on est peut-être pas obligé d'en arriver là ...
— On va vite le savoir, dit l'infirmière en l'invitant à passer dans la salle de soins.
Le visage fermé, Erine fait un pas vers la porte. De toute sa vie, elle n'a eu droit qu'à un seul petit point de suture sur la main. Mais la technologie de soin étant tellement performante, Erine est incapable de dire exactement où l'entaille se trouvait, si ce n'est, quelque part sur sa paume de main gauche.
— Tu as besoin de que reste ? s'enquiert Jahoel avant qu'elle ne disparaisse derrière la porte.
— Non, tu peux y aller, Anaiel a prévenu mon garde du corps.
Le terme amuse Jahoel dont les pommettes se soulèvent sous l'effet d'un rictus. C'est à ce même moment que la porte s'ouvre sur Loan. Ses pupilles noires détaillent le corps d'Erine de haut en bas. Elle ignore ce qu'Anaiel a dit dans son message, mais il paraît plus agacé qu'inquiet. Erine a depuis bien longtemps arrêté de compter les fois où il est venu la récupérer ici.
Avant que Jahoel sorte, les deux garçons se tapent dans la main en prenant des nouvelles. Erine les laisse discuter alors que l'infirmière la pousse dans la petite pièce d'auscultation. Une vitre teintée lui permet de voir l'extérieur, même si à cette heure tardive, il n'y a rien à voir. Erine se hisse mollement sur le lit au centre de l'espace. La douce lumière tamisée et la chaleur ambiante l'assomment tout à coup. Malgré les tiraillements, Erine ne bronche pas quand l'infirmière la démet de son manteau et du t-shirt qui formait jusque-là une compresse. Le tissu complètement fichu est jeté dans un lavabo à proximité.
Pendant que la femme nettoie les plaies d'Erine avec une serviette imbibée de désinfectant, Loan vient s'épauler contre l'encadrement de la porte. Il est silencieux, il croise ses bras et ses jambes. Jahoel a déjà dû lui expliquer les circonstances du drame. Un sourire moqueur traîne sur le coin de ses lèvres, ce qui donne à Erine l'envie de le lui faire ravaler. Son ami devait avoir fini sa journée, en témoignent les vêtements décontractés qu'il porte. Le bas de son jogging en coton est grossièrement rentré dans ses bottes et sa veste s'ouvre sur un t-shirt qui lui sert habituellement de pyjama.
Les mouvements de l'infirmière attirent l'attention d'Erine. Elle la voit sortir plusieurs instruments d'un tiroir.
— Tu as plusieurs entailles faites par les fragments de glace, lui explique l'infirmière. Heureusement, ils ont tous fondu grâce à ta chaleur corporelle, il n'y a donc rien à extraire. Hier, j'en ai eu un qui s'était rentré des éclats de verre et de terre dans l'avant-bras, il a fallu soulever la peau pour les sortir !
L'infirmière semble parfaitement à l'aise avec son anecdote, en rit, même. Mais, Erine déglutit et son regard crie au secours. Pourtant, c'est loin d'être l'histoire la plus sordide qu'elle ait entendue durant sa scolarité.
— En revanche, je suis navrée, Erine, je vais devoir te faire trois petits points, l'informe la femme.
Erine répond par une moue crispée. Elle tend ses mains en direction de Loan qui se détache du mur pour venir nouer ses doigts aux siens. Un geste qui la réconforte.
Une aiguille pénètre sa chair et très vite, toute la douleur quitte son corps. Un sentiment de plénitude envahit la jeune femme. Ses paupières lourdes clignent plusieurs fois et elle dépose sa tête contre le torse de Loan. Les battements calmes et réguliers de son cœur l'apaisent autant que le liquide anesthésiant qui court actuellement dans ses veines.
Erine reste muette tout le long de l'opération qui ne dure en réalité que quelques secondes. Elle sait que l'hôpital de la Ligue dispose de méthodes redoutables pour refermer et même effacer toutes traces de blessures en quelques secondes. Des outils capables de ressouder la peau sans laisser la moindre cicatrice. Mais, ces technologies coûtent chères et ne sont réservées qu'au cas les plus critiques. À Laorelon, les élèves doivent se contenter des points et des agrafes.
— Et voilà ! clame l'infirmière. T'as eu mal ?
— Horriblement ! sur joue Erine alors qu'elle n'a rien senti.
La femme ricane dans son dos et Erine l'entend reposer ses outils de soin dans un placard. La jeune Contrôleuse relève la tête et voit flou. Son esprit est légèrement embrumé par les calmants.
— C'est bien, t'as pas pleuré, la taquine Loan.
Mollement, elle fiche un coup de poing dans le ventre de son ami.
L'infirmière dépose un large pansement sur le lit, juste à côté d'elle et débouche un tube de crème. Elle en applique un paquet sur ses mains avant de venir tapoter l'omoplate de sa patiente.
— Les agrafes se résorberont toutes seules d'ici cinq jours. Là, je te mets de la crème à la fois anesthésiante et cicatrisante. Pour ce soir, je vais te coller un pansement, mais demain tu pourras l'enlever et tu penseras bien à remettre de la crème, l'infirmière donne-t-elle ses consignes. Tu t'en rappelleras ?
Erine hoche la tête.
— Moi je m'en rappellerais, fait Loan.
Erine a envie de râler qu'elle est parfaitement capable de se souvenir de consignes aussi basiques, mais des pleurs soudain l'en empêchent. La voix d'une gamine en train de chouiner résonne depuis le hall d'entrée. L'infirmière peste.
— Je suis toute seule ce soir !
Elle tend le tube de crème à Loan.
— Tiens, Loan, termine s'il te plait, je vais voir ce qu'il se passe.
Elle se passe rapidement les mains sous l'eau et les essuie sur le devant de son uniforme. Erine observe son ami se laver à son tour les mains et venir se placer derrière elle. Elle a toute confiance en lui. Il connaît les bases des soins. Il aurait même pu lui appliquer lui-même les points de suture. La maîtrise de ces rudiments de médecine sont inclus dans la certification qu'il a passé quelques semaines plus tôt.
À cause de l'anesthésie, elle sent à peine ses doigts s'affairer sur sa peau. Il étale la crème avec douceur. Dans la vitre qui renvoie leur reflet à tous les deux, elle l'observe, concentré sur sa tâche. Il attrape le pansement, le décolle de son papier et l'applique avec une extrême délicatesse. À cet instant, elle regrette presque que sa peau soit insensible à tout contact, elle aurait apprécié les caresses réconfortantes, les chatouilles de ses doigts dans le bas de sa nuque.
Quand il a fini il lui tape avec vigueur dans le bras, ce qui la ramène à elle avec violence.
— Eh ! s'écrie Erine.
— Je voulais être sûr que t'étais pas totalement endormie, se défend Loan.
***
Une heure après son passage à l'infirmerie et une douche, Erine est installée dans les fauteuils de la salle commune. Une grimace déforme les traits de son visage, l'anesthésie commence à ne plus faire effet et elle se sent à fleur de peau.
Les jambes étendues sur la table basse, un cahier posé dessus, elle essaye de concentrer son esprit sur la leçon d'histoire qu'elle doit connaître pour le lendemain. Tantôt, elle ferme les yeux pour essayer de mémoriser les lignes qu'elle relit sans relâche depuis plusieurs minutes. Mais, c'est sans compter la partie de cartes que Loan et Aven disputent juste à côté d'elle et qui capte toute son attention. Ils en sont à troisième manche, en ont gagné une chacun, autant dire que leur honneur est en jeu. La salle commune est loin d'être l'endroit le plus propice pour des révisions, mais la jeune femme n'a aucune envie d'aller s'enfermer dans sa chambre. Elle aime le brouhaha de la fin de journée qui mêle exercices et jeux.
Déanna, elle aussi, est studieuse et travaille sur ses formes de langages élémentaires. Manipulant exclusivement l'air, c'est-à-dire pas l'élément le plus malléable pour s'exprimer, elle apprend la signification et les codes secrets de chaque élément selon la forme qu'on leur fait prendre.
— Oh Noreen ! Deanna interpelle-t-elle une rouquine qui passe.
La nouvelle venue répond rapidement à l'appel et rejoint le petit groupe. Elle fourre sa main dans la tignasse déjà en bataille de Loan et le frictionne avant de s'asseoir. Sans relever les yeux de son jeu, il dégage le bras de Noreen.
— Qui gagne ? demande-elle en regardant les cartes.
— Les deux... répond Erine en lorgnant un fois de plus sur le jeu de ses amis.
— Oh... fait Noreen. On est parti pour des heures.
Erine acquiesce. Tant qu'il y aura une possibilité d'égalité, aucun des deux ne cédera.
Installée dans le canapé, Noreen reporte son attention sur Déanna qui la regarde avec un sourire plus que jamais innocent.
— Laisse-moi deviner, tu veux que je fasse tes devoirs ? s'enquiert Noreen, indulgente.
Deanna s'empourpre.
— Faire, peut-être pas, mais je veux bien que tu m'aides, s'il te plait.
Ni une, ni deux, Déanna lui fiche sa tablette tactile sur les genoux. Tout comme elle, Noreen suit les cours de spécialisation en langage élémentaire. Étudiante de dernière année, toutes les leçons sur lesquelles Deanna buche actuellement, Noreen les a déjà travaillé. Et c'est un domaine dans lequel elle excelle. Première de sa classe, elle maîtrise parfaitement les dialectes les plus parlées dans l'univers d'Emnetel, les codes secrets des éléments et le langage corporel aussi. Cette dernière compétence pas au programme scolaire est testée et approuvée par Loan depuis plusieurs années.
Noreen passe en revue les différentes figures que Deanna doit mémoriser. Pour lui les faire réciter, elle détache holographiquement les dessins pour les former dans l'air. Et lorsqu'elle en vient à des mots composés par le feu, elle les compose elle-même. Il s'agit du seul élément qu'elle maîtrise, mais elle est, encore une fois, la meilleure élève de sa classe. Les formes composées par les éléments défilent de plus en plus vite et Deanna énonce les mots qu'ils représentent tout aussi rapidement.
C'est fini, Erine n'arrivera plus à faire rentrer une seule notion d'histoire dans sa tête. Elle claque le lourd livre et soupire de soulagement au moment où ses jambes sont libérées de son poids.
— Société, ouragan, planète, soleil, lune, étoile...énumère Deanna.
— Non ! s'écrie Noreen.
— Constellation, se rectifie la blonde. Constellation.
Noreen se remet à faire défiler les formes.
— Appel à l'aide, géopolitique, Ontevil, méchants...
Erine regarde son amie débiter une liste de mots sans qu'il n'y ait aucun lien entre eux. Quoi que, les derniers s'assemblent plutôt bien.
Loan et Aven ont interrompu leur partie de cartes. Les yeux d'Erine croisent les iris de Loan avant qu'ils ne se mettent tous deux à dévisager les deux linguistes. Chaque fois que Deanna trouve plus de cinq mots sans se tromper, Noreen applaudit.
— Mais comment vous allez faire l'année prochaine quand on ne sera plus là pour faire vos devoirs à votre place ? demande Aven sur un ton dramatique.
Erine le dévisage, mauvaise et le regard noir, c'est un sujet quel déteste aborder. Elle sait depuis toujours que Loan, Aven et Noreen quitteront l'école avant elle, mais cette pensée l'angoisse. Elle ne peut imaginer Laorelon sans eux... sans Loan. Pourtant, dans quelques mois, il partira, d'abord à l'université puis bien plus loin dans l'espace. Pendant des jours, puis des mois. Et quand il gardera la frontière ontevilienne, qui viendra la récupérer à l'infirmerie ?
Loan doit percevoir le trouble qui la saisit puisqu'il lui ouvre ses bras. Elle vient s'y lover et en apprécie le confort. Ses yeux se portent sur les cartes parfaitement alignées sur la table. Aven est en tête. Faisant mine de prendre une position plus confortable, elle étend ses jambes sur la table et éparpille les cartes, rendant impossible la lecture du jeu.
— Erine ! la gronde Aven.
— C'est pour m'avoir saper le morale, rétorque-t-elle en lui envoyant un sourire narquois.
🏥 💉 📚
Et voilà pour la seconde partie de ce chapitre où à la toute fin, on découvre encore un autre type de cours, enfin d'utilisation des éléments, comme langage 💬 Est-ce que vous validez cette diversification de l'utilisation des éléments ?
On découvre un peu plus le personnage de Noreen qu'on a déjà aperçu au chapitre 4 👩🏻🦰 Je vous le dis tout de suite, je l'adoooore ! surtout au tome 2 ! Mais pour que le rôle qu'elle a au tome 2 soit encore plus fort, j'essaye de rajouter des passages avec elle dans le tome 1. Dans le premier jet, on sait qu'elle est là, quel est son rôle, mais ça n'est pas un personnage qu'on voit souvent. Là j'aimerais bien lui donner un plus grand rôle.
Voili, voilou ! Bientôt pour la suite de cette réécriture !!
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro