🌿🌪🔥💦

Ils traversent le bar sous les regards à la fois menaçants et intrigués des clients. Ils sortent par une petite porte et se retrouvent dans une ruelle sombre où s'entassent des déchets. L'odeur nauséabonde qui s'en dégage file rapidement à Erine envie de vomir. Puis quelques mètres plus loin, elle et ses camarades entrent dans un autre bâtiment qui ressemblait à un immeuble d'habitations. Le petit groupe monte plusieurs étages. Dans l'escalier, ils croisent quelques gamins qui saluent la femme. Finalement, ils pénètrent dans ce qui semble être un appartement. Tout de suite sur leur gauche, se trouve une pièce qu'Erine identifie comme une cuisine et après elle, un long couloir qui dessert des chambres. Silencieuse, Erine observe le décor autour d'eux. La femme les conduit jusque devant la porte de la première chambre.

— Vous avez dit qu'un mal étrange sévit au sein des contrôleurs ? dit-elle calmement. Vous sauriez identifier si les gens en sont porteurs ou non ?

— Oui, répond Erine. Le dérèglement se manifeste d'une manière physique assez particulière et ne se propage qu'aux Contrôleurs.

Leur guide acquiesce d'un nouveau signe de tête et ouvre la porte. Les trois amis amis s'introduisent alors dans une chambre où sont installés des lits collés les uns aux autres. Erine y repère tout de suite des adolescents allongés, presque inconscients. Une femme brune d'une trentaine d'année est assise devant l'un d'eux.

— Nila ? fait la brune à l'intention de leur guide.

En voyant les trois jeunes, la femme bondit de sa chaise en les dévisageant avec méfiance. Elle consulte leur accompagnatrice du regard, tout en s'approchant de l'enfant étendu, comme si elle voulait le protéger.

— Détends-toi, Treeza, lui intime la vieille femme, je pense qu'ils peuvent nous aider.

— Ils viennent de la Capitale ! réplique Treeza. Je ne pense pas qu'ils puissent nous aider. Ce sont des gamins sortis tout droit de la Ligue, ça se voit à leur tenue impeccable, à leur air de gosses bien élevés et au parfum de linge propre qui se dégage d'eux.

Erine ne peut s'empêcher de renifler discrètement son manteau dont le col lui remonte quasiment jusqu'au menton. Il est certain qu'au milieu de toute cette pauvreté, aucun de leur vêtement, même le plus ancien ou déchiré, ne serait passé inaperçu. Le dégoût avec lequel la dénommée Treeza les a considéré, fait une fois de plus ressentir à Erine qu'ils ne sont pas les bienvenus.

— Peu importe d'où ils viennent, objecte Nila, nous avons besoin de savoir ce qu'ils connaissent du mal qui affecte nos enfants.

— Ils viennent de la Ligue ! s'écrie la femme, jamais je ne croirai à quelconques informations venant de leur part, ils n'ont rien à faire ici, qu'ils s'en aillent !

Erine reste de marbre face à cette scène. Treeza les dévisage toujours d'un œil sombre. Elle est assez grande, mince avec une carrure athlétique, de très longs cheveux noirs et des yeux tout aussi foncés. Elle porte des vêtements très près du corps qui dessinent sa silhouette et à sa ceinture, un couteau et une petite arme à feu, ce qui finit d'inquiéter Erine. Elle sent la main tremblante de Miolaine frôler la sienne, alors que Sehan se tient devant elles, comme pour former une barrière entre ses amies et le danger.

— Laisse-les au moins le regarder, supplie presque Nila en désignant l'enfant sur le lit. Ils ne le toucheront pas, ne lui feront rien, juste regarder, nous dire si l'infection qui sévit chez eux, est bien le même que chez nous.

— On appelle ça le dérèglement, ne peut apparemment pas s'empêcher de corriger Miolaine.

— Très bien, se résigne Treeza en s'écartant quelque peu du lit, seulement un, les deux autres restent en arrière, et si l'un d'eux bouge ...

Pour illustrer sa menace, elle crée une énorme boule de feu dans le creux de sa paume. Cependant, face à une boule de feu, Erine ne recule pas. Elle se sent moins menacée par une boule de feu que par une arme. Les éléments sont des choses qu'elle contrôle et contre lesquelles elle sait se battre. Elle doit même résister à l'envie d'éteindre la flamme d'un petit coup de vent afin de prouver à Treeza qu'elle n'est pas plus forte qu'eux, mais elle se ravise, ne souhaitant pas créer un affrontement.

C'est Miolaine qui s'approche du jeune garçon et elle n'a apparemment pas à le regarder longtemps pour en tirer les conclusions qui s'imposent. La mine malheureuse qu'elle tire permet à ses amis de comprendre. Erine et ses amis ont cotoyé tant de déréglés à l'hôpital ces dernières semaines, qu'elles peuvent les identifier au premier coup d'œil.

— Alors ? s'enquiert Nila.

— C'est bel et bien un dérèglement des pouvoirs, répond Miolaine avec fatalisme.

— Bien, maintenant passons dans la cuisine et expliquez-nous ce que vous savez, ordonne Nila. Après, je vous conduirai jusqu'à Reza.

Erine la suit sans broncher jusque dans ce qui sert de cuisine. Après avoir embrassé et replacé correctement la couverture sur son fils, Treeza les accompagne. Côte à côte avec Sehan et Miolaine, ils s'assoient autour de la table. Nila sert des boissons chaudes. Erine enroule rapidement ses doigts autour de la tasse et en apprécie la chaleur qui apaise ses frissons l'espace de quelques secondes.

— Maintenant, on vous écoute ! dit Treeza en gardant son air méfiant.

Erine hésite un instant, puis elle se lance. Elle donne quelques informations sans rentrer dans les détails. Après tout, elle n'en a pas tant que ça. Elle évite de parler des réductions d'effectifs dans la Ligue, mais mentionne les effets du déréglement sur les jeunes Contrôleurs et donne des conseils pour lutter contre ce dernier.

— Et quel est le remède ? demande Treeza une fois son récit terminé.

— Pour l'instant, il n'y en a pas, déplore Erine en baissant les yeux.

Elle voit Treeza serrer les dents et crisper ses doigts autour de sa tasse.

— C'est la raison de notre présence ici, enchaine Erine avant qu'elle ne leur sorte une autre remarque cinglante. Notre amie est affectée par le dérèglement et nous espérons la guérir en lui retirant ses pouvoirs, ce pour quoi nous voulons rencontrer Reza Hask, afin d'en savoir plus sur la manière dont il a perdu les siens.

— Êtes-vous en train de me dire qu'à moins d'un miracle, mon fils va mourir ? demande Treeza sans répondre à la précédent

— Quel âge a-t-il et quand a-t-il été touché ? questionne Miolaine esquivant ainsi la réponse fatale qu'elle aurait normalement dû fournir.

— On s'en moque ! s'énerve Treeza. Répondez-moi !

— Nous n'avons pas de réponse, notre amie a dix-huit ans et elle se bat depuis plus d'un mois contre l'infection, alors que plusieurs fois par semaine nous voyons des enfants s'effondrer morts au beau milieu du réfectoire, réplique Sehan. Tous les cas sont plus ou moins différents et avec un peu de chance, certains survivront jusqu'à ce qu'un remède soit trouvé. On ne peut pas vous dire si oui ou non votre fils guérira, mais on peut au moins vous expliquer comment le maintenir en vie le plus longtemps possible.

— Treeza ! s'énerve Nila. Calme-toi, je pense qu'ils sont aussi désorientés que nous et qu'ils font ce qu'ils peuvent pour nous apporter des explications. Nous ne leur demandons pas de bonnes nouvelles, nous leurs demandons simplement des informations. Même si elles ne nous plaisent pas, nous devons les accepter.

Treeza quitte la pièce en grognant. Lorsqu'elle est dans le couloir, Erine entend le bruit strident d'une boule de feu s'écrasant contre un mur. Nila repose sur eux son regard plein de douceur et les prie d'excuser le comportement de son amie. Plus Erine est ici, plus elle est intriguée par cet endroit. Ce qui la surprend le plus, c'est d'y trouver des Contrôleurs, mais surtout des enfants Contrôleurs. D'après ce qu'elle sait, la Ligue met un point d'honneur à trouver et admettre dans l'école tous les petits qui naissent avec des pouvoirs, alors pourquoi ce lieu en compte autant ? Une fois qu'elle est certaine que Treeza ne reviendra pas dans la conversation, Nila leur ressert une tasse de thé et veut en savoir plus.

— Nous ne sommes pas en mesure de la guérir pour l'instant, reprit-elle, mais y a-t-il un moyen d'enrayer les contaminations, de s'en prévenir ?

— La principale source de dérèglement, ce sont les sphères élémentaires, un contact avec un élément dérangé ; alors l'école a mis en place des mesures afin d'éviter de mettre les élèves ne maîtrisant pas le feu en contact avec eux et un protocole de sécurité et de surveillance accrue, c'est le seul moyen qu'ils ont pour l'instant de limiter la propagation.

— Et pour ceux déjà atteints ? s'enquiert-elle.

— Il leur est recommandé de ne pas utiliser leurs pouvoirs, répond Erine, c'est tout ce qu'on a pour l'instant.

Nila hoche la tête, apparemment déçue par le peu d'information que les trois jeunes purent lui apporter. Puis elle se lève, les invitant à la suivre :

— Je vais vous conduire à Reza.

Ils repassent devant des chambres où Erine aperçoit des personnes allongées ou tenant à peine debout, contaminées par le dérèglement. Leur aspect est le même que celui d'Anaiel, à la différence qu'eux vivent dans des conditions insalubres où l'hygiène semble être un luxe.

— Comment se fait-il que des enfants Contrôleurs se trouvent ici ? finit par demander la jeune femme, alors que la question lui brule les lèvres depuis son arrivée.

— La plupart des gens qui vivent ici ne font pas confiance à la Ligue. Beaucoup font le choix de ne pas placer leurs enfants dans l'école, répond Nila un peu gênée.

— Mais la Ligue ne vient-elle pas chaque année à la recherche de Contrôleurs ?

— Si, bien sûr, mais nous cachons les petits. Certaines personnes font le choix malgré tout d'abandonner leurs enfants à la Ligue, afin qu'ils aient un meilleur futur, qu'ils échappent à la misère qui sévit ici, mais d'autres refusent de voir partir leurs gamins.

Erine ne trouve rien à dire ou plutôt elle se contient. Elle a toujours grandi au sein de la Ligue. Cette école, c'est sa maison et selon elle le lieu le plus sécurisé au monde. Cependant, elle conçoit que la plupart des gens qui résident dans ce quartier ne partagent pas son opinion. 

🌿🌪🔥💦

Hmmm... Hmmm, alors, votre avis après la lecture de cette seconde partie ? surpris de découvrir des jeunes Contrôleurs dans les bas-fonds ? Quels sont vos retours sur cette partie de la vie à la capitale ?