Prologue
J'avais toujours aimé la mer. Comment pouvais-je faire autrement ; j'étais née sur son dos hérissé de houle. En pleine tempête.
Ma mère était morte ce jour-là. Son cri de délivrance fit taire l'orage quelques instant, comme si l'ouragan avait tenu à souligner la force de cette femme ou à observer, juste une seconde, le nouveau-né qui venait de dégouliner de ses tripes.
En tout cas, c'était ce que mon père aimait à raconter. Il affabulait sans aucun doute ; il n'avait jamais montré une once d'intérêt pour la vérité.
« Les histoires sont plus belles tissées d'illusions. Comme un manteau brodé d'or. N'oublie jamais ça, Bigorneau. »
Les sons s'étouffaient au contact de l'eau. Ils me parvenaient atténués, déformés. Mais j'avais vécu vingt ans au vacarme des canons, je n'avais besoin ni d'entendre ni de voir pour savoir ce qu'il se passait à la surface. La mer était en feu. Les hommes avaient créé leur propre cataclysme et ce fut, comme j'étais née, que je m'effaçais, aspirée par le fond dans le cri d'une tempête.
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