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9. De l'Autre Côté (1/2)

Nous sortons tous les trois du chariot et les yeux de Heinrich s'agrandissent de stupeur devant le paysage environnant. Le ciel luit d'un blanc laiteux uniforme au-dessus d'une forêt aux feuilles d'or. Ni soleil ni lune ne brillent sur cette voûte céleste. Les arbres et les roulottes ne projettent aucune ombre. La lumière émane de partout et nulle part à la fois. Un peu plus loin, des branches s'agitent alors que je ne ressens pas la moindre brise. Mon regard se porte vers les sous-bois nappés de brumes et je distingue au loin des formes floues, élancées.

La carriole de tête s'arrête à son tour. Fabrizio et Geiléis viennent à notre rencontre, le premier armé de sourcils froncés, la seconde de son bâton de chêne nimbé d'un halo argenté. L'éclat irréel me tire une exclamation de surprise. Quel est ce prodige ?

— Que se passe-t-il encore ? grommelle le chef de la troupe.

— Rien de grave, rassure João. Nous prenions soin de notre Dormeur. Pedro va rester dans les bras de Morphée pendant ce voyage. Comme Heinrich est maintenant réveillé, il va pouvoir reprendre les rênes.

Le jeune Allemand s'arrache à la contemplation du paysage insolite et se tourne vers les nouveaux arrivants. Il marque un temps d'arrêt devant la gardienne aux cheveux cuivrés. Ses yeux se mettent à pétiller de plaisir et un large sourire se dessine sur son visage enjôleur. Même avec le gros coquart violacé qui s'étale sur sa pommette, il reste beau comme un ange – un ange guerrier qui sortirait victorieux d'un affrontement contre les démons de l'Enfer.

Il s'avance de trois pas et s'incline dans une révérence impeccable.

— Permettez-moi de me présenter, gente dame. Je m'appelle Heinrich.

Il la dévisage avec une mimique songeuse.

— J'ai l'étrange impression de vous avoir déjà rencontrée. N'étiez-vous pas à la foire ?

Je soupire intérieurement. Notre séducteur de service ne changera décidément jamais ! Un joli minois suffit à lui tourner la tête. Toutefois, mon agacement s'efface devant un détail surprenant. Sous les pieds de Heinrich, sa silhouette sombre se découpe clairement sur le sol. Un coup d'œil vers Fabrizio, puis João me confirme que le jeune Allemand est le seul d'entre nous à projeter une ombre. Pendant que je m'interroge sur ce phénomène étrange, Geiléis incline la tête à son tour. Elle adresse un sourire poli à Heinrich, mais ses yeux verts le considèrent avec la circonspection du dompteur devant une bête sauvage.

— Je me nomme Geiléis et je serai votre guide tant que nous voyagerons de ce côté du Voile. Ce monde est dangereux. Il est important que vous ne vous écartiez pas du chemin et que vous obéissiez sans discuter.

— Je ne saurais désobéir aux ordres donnés d'une si jolie voix ! se récrie l'incorrigible charmeur. Cela me changera agréablement des vociférations de notre chef.

Fabrizio manque de s'étrangler de fureur.

— Espèce de... d'écervelé bon à rien ! s'emporte l'Italien en le foudroyant du regard.

Un mouvement dans les bois attire mon attention. J'ai de nouveau la curieuse impression que nous ne sommes pas seuls et qu'une présence nous observe. Geiléis tourne la tête avec un air soucieux.

— Elles sont agitées. Je vais aller leur parler. Je reviens tout de suite. Ne bougez pas d'ici !

Sitôt dit, elle s'éloigne au milieu des arbres. Ses épaisses sandales de corde se fraient un chemin dans les sous-bois sans le moindre bruit. Je la perds rapidement de vue dans la brume et ne peux retenir un frisson d'inquiétude à l'idée d'être livré à moi-même dans cet endroit inconnu. Je me retourne vers mes compagnons pour partager mes craintes, mais mes paroles ne franchissent pas mes lèvres. Fabrizio, les poings sur les hanches, darde un regard lourd d'une colère à peine contenue. Je rentre la tête dans les épaules, prêt à endurer le déluge attendu.

— Bon, Heinrich, Guillaume, à vous deux, maintenant ! Vous m'avez l'air en pleine forme et je pense que vous nous devez quelques explications ! vocifère-t-il. Qu'avez-vous donc provoqué dans cette ville pour déclencher le tocsin au milieu de la nuit et envoyer les hommes du bailli à nos trousses ?

Sans même nous laisser le temps de répondre, il enchaîne, à grand renfort de moulinets :

— Quelle folie que d'aller défier ainsi des Veilleurs puissants comme ce cardinal ! L'avertissement de l'après-midi ne vous avait donc pas suffi ? Nous sommes une troupe de comédiens, par tous les diables ! Nous amusons le bon peuple. Laissons à d'autres le soin de se charger de leurs âmes ! Que nous importent les délires d'un pèlerin à moitié fou ? Vous n'avez pas idée de l'inquiétude dans laquelle cette alerte nous a plongés. J'étais persuadé que nous ne vous reverrions pas vivants. Ces gens sont dangereux ! Ils ne reculent devant rien !

Rouge comme une brique, Fabrizio s'interrompt pour reprendre son souffle. Il nous toise d'un regard qui n'a rien à envier aux flammes de l'Enfer. Heinrich baisse le nez d'un air piteux. Je n'ose pas plus lever la tête. Je suis parfaitement conscient que notre chef a raison et que nos actions de la nuit peuvent paraître quelque peu téméraires. Cependant, quand je repense aux réflexions qui nous ont conduits à agir, je ne suis pas certain que la décision de les ignorer eût été meilleure.

Fabrizio se racle la gorge et reprend d'un ton plus posé :

— Bien, donc j'attends des explications. Que s'est-il passé cette nuit exactement ?

Je relève la tête pour répondre, mais João s'avance à ce moment-là. Un éclat fugace brille sous son pourpoint. Le Portugais pose une main apaisante sur l'épaule de Fabrizio.

— Guillaume m'a déjà raconté toute l'histoire, intervient-il avec un coup d'œil méfiant vers les sous-bois. Nous n'avons pas forcément beaucoup de temps, donc je vais te donner la version courte. Tu pourras les questionner à loisir par la suite.

Il résume nos aventures de la nuit en quelques phrases lapidaires qui les présentent sous un jour bien peu glorieux. Je baisse le nez avec une mine de chien battu, pendant que Heinrich se penche à mon oreille.

— Je ne l'aurais pas raconté tout à fait comme cela, murmure-t-il pour moi seul.

Pendant un long moment, Fabrizio ne dit rien. De cramoisi, il est devenu livide. Il ferme les paupières et gémit pour lui-même.

— Donc, si j'ai bien compris, vous avez avec vous une relique précieuse et un grimoire ancien que convoitaient ces moines Hospitaliers et le cardinal ?

Je confirme d'un signe de tête. Fabrizio se prend le front entre les mains d'un air désespéré.

— Nous sommes perdus ! Ils vont retourner ciel et terre pour nous retrouver !

Pendant un moment, plus personne ne parle. De toute évidence, nos projets doivent changer radicalement ; plus question d'aller à Londres ou de présenter des spectacles de village en village. Nous devons creuser le plus de distance possible entre nos adversaires et nous. Pour cela, la seule solution raisonnable, comme l'a déjà énoncé l'étrange gardienne, consiste à quitter l'Angleterre au plus vite. Si nous nous attardons sur l'île, nous serons tôt ou tard pris au piège.

Fabrizio relève la tête, un éclair au fond de ses yeux bruns.

— Montrez-moi ces objets ! gronde-t-il.

Nous entrons tous dans la roulotte. L'étroit habitacle n'est pas prévu pour tant de monde et nous nous serrons les uns contre les autres à la limite de la bousculade. J'attrape le sac de jute, le secoue au-dessus de la paillasse de Heinrich. Mon geste brusque réveille la douleur dans mes côtes et je réprime une grimace.

L'énorme grimoire apparaît au milieu des restes froissés et humides de nos vêtements. À l'image du bâton de Geiléis, il émet un pâle halo lumineux. Deux fermoirs de bronze ouvragés serrent les pages jaunies. La couverture de cuir ne porte aucune inscription, mais arbore un sceau de fer en son centre. Maintenant que je l'observe sous un meilleur éclairage, je reconnais certains symboles. Un cercle métallique contient un grand « P » barré d'une croix oblique. Une sorte de « A » est gravée dans le quartier de gauche ainsi formé et, dans celui de droite, une lettre qui m'évoque un « w ».

Intrigué, j'attrape le livre pour examiner le dessin de plus près. Fabrizio et João laissent échapper une exclamation de surprise. Le vieux clou rouillé qui était dissimulé dessous brille d'une lumière intense, presque aveuglante.

— Je peux comprendre pourquoi cet artefact est tant convoité, murmure João entre ses dents, si j'en juge par l'aura qui s'en dégage.

— Bien, donnez-moi ces objets ! coupe Fabrizio d'un ton sans réplique. Je vais les mettre en lieu sûr.

Il tend une main autoritaire et je n'ose le contredire. Je lui cède le livre et le clou sans broncher. João ouvre la bouche comme pour ajouter un mot, puis se ravise. Personne ne désire argumenter avec notre chef dans son humeur actuelle.

*  *  *

À mon grand soulagement, Geiléis revient quelques instants plus tard. Je scrute son visage et n'y décèle aucune trace d'inquiétude. Devant la question inscrite dans mon regard, elle se contente d'un sourire rassurant.

Heinrich attrape les rênes de Bella, je rejoins João sur le banc de la dernière carriole et nous reprenons notre route cahotante, guidés par la gardienne sur des sentiers mystérieux. Conformément à ses instructions, je me glisse régulièrement à l'arrière pour faire boire à Guy quelques gorgées de la décoction. Il ne reprend pas connaissance, mais parvient à avaler une partie du liquide.

Dans les bois aux feuilles d'or, j'entraperçois d'immenses créatures aux longs membres torves qui se confondent parmi les arbres. J'ai l'impression qu'elles nous observent et suivent notre progression. L'une d'elles penche son corps filiforme sur notre passage. Je sursaute. Ses grands yeux humides perdus au centre d'une peau d'écorce plissée m'évoquent les mares des sous-bois. Elle tend une main brune rugueuse terminée par de longs doigts graciles comme des brindilles. Je me recule sur le banc avec une exclamation mi-surprise, mi-effrayée.

— Ce sont des dryades, explique Geiléis en haussant la voix depuis le chariot de tête. Elles sont intriguées par tant d'humains dans leur bois. D'habitude, elles ne se montrent pas, car elles sont de nature plutôt timide. Toutefois, ma présence les rassure et elles s'enhardissent. Ne vous inquiétez pas, elles ne vous feront pas de mal.

Bientôt, la forêt se termine. En quelques cahots grinçants, nous quittons les bois brumeux pour déboucher sur une colline verdoyante, parsemée de fleurs multicolores. Un délicieux parfum printanier taquine mes narines et m'égaye le cœur. Je m'abrite les yeux sous le soleil radieux, au zénith sur la toile bleue limpide du ciel. Le sentier serpente langoureusement parmi des buttes herbeuses, tournant de-ci, de-là comme s'il hésitait lui-même sur la route à suivre.

Au moment où nous avançons au milieu de ces champs chamarrés, les fleurs prennent leur envol et s'éparpillent dans le ciel en un lancer de pétales colorés.

— Oh ! Des papillons ! m'exclamé-je, émerveillé.

Le nuage formé par ces gracieux insectes volette au-dessus de nos têtes. De petits rires tintent sur leur passage, tel un essaim de centaines de clochettes. Je réalise alors avoir affaire à de minuscules créatures munies de bras et de jambes en plus d'une grande paire d'ailes chatoyantes. L'une d'elles se pose sur ma tête et s'allonge dans mes cheveux ; une autre me tiraille l'oreille ; une troisième tourne autour de João qui l'écarte d'une main ferme avec un froncement de nez.

— Mais non, ce sont des fées ! s'exclame Heinrich. Bonjour petite dame ! lance-t-il à la fragile créature qui vient se percher sur son doigt.

Le rire cristallin de Geiléis lui répond :

— Pas du tout, voyons ! Il s'agit de simples pillywiggins. Méfiez-vous, ils sont assez farceurs ! Vous aurez l'occasion de rencontrer des fées – ou plutôt des faés comme ils se nomment eux-mêmes – puisque c'est dans leur royaume que nous nous rendons. Et ces êtres n'ont rien de commun avec ces gentilles créatures. Ils sont bien plus proches de nous physiquement et pas nécessairement bienveillants envers les humains.

Les pillywiggins nous accompagnent le temps de quelques taquineries, manifestement emplis de la même curiosité avide que les dryades, mais beaucoup moins effarouchés. Ils me tirent les cheveux, tentent de se faufiler sous mon pourpoint, regardent au fond de ma narine. Mon émerveillement se change rapidement en agacement. Je les chasse d'un revers de main précautionneux, pour ne pas les blesser, quand ils se montrent trop insistants. Puis le groupe se lasse de la nouveauté et s'envole un peu plus loin dans un concert de rires.

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