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37. Le Nouvel Éveil (3/4)

Nous courons dans les rues d'une Venise encore ensommeillée d'aurore. En quelques phrases hachées, j'informe mes compagnons du projet démentiel de l'Ordre. À cette heure charnière, les premiers travailleurs croisent les fêtards attardés. Les badauds ahuris se retournent sur notre passage. Je trottine pieds nus en robe de bal, escortée d'une cuisinière. Heinrich et João suivent en tenue de nuit. Pedro et Fabrizio ferment la marche, sanglés de leurs vieux pourpoints de voyage. Hans a pris la tête dans son costume de gala froissé de la veille.

Je trébuche plusieurs fois sur le bord de ma robe, pestant contre cette tenue qui me ralentit. Devant mes déboires, Heinrich finit par me tendre son couteau d'un air goguenard. Je m'en empare sans plus de commentaires et raccourcis le tissu au niveau du genou en quelques coups rageurs.

Dans le ciel de Venise, le Tissage du souffle de Dieu prend forme. Les fils resplendissent d'un éclat si éblouissant que je ne parviens plus à les observer. Même les Dormeurs paraissent sentir leur présence. Inquiets, troublés, ils courbent les épaules sous une prison invisible et se hâtent dans les rues à découvert.

Puis le vent se lève, apportant la parole divine. Des voix m'entourent. Des murmures s'infiltrent dans les failles de mon âme, peuplées de bribes que je ne parviens pas à saisir. Des formes fugaces volent entre les maisons. Leurs longues robes blanches bruissent un chapelet de prières ; leurs ailes scintillantes sèment une poussière de pénitence.

Autour de nous, les passants tombent à genoux sur les pavés, les mains jointes. Certains se signent fébrilement, d'autres incantent des psaumes. Une complainte craintive monte de la ville, portée par les milliers de voix de ses habitants. Venise s'Éveille. Les fenêtres s'ouvrent, les portes s'entrebâillent. Une anxiété palpable étreint les cœurs.

Les effets du souffle se dévoilent dans notre sillage. Un vieux mendiant infirme se lève sur des jambes tremblantes. Un riche bourgeois jette sa fortune sur les pavés par poignées entières. Un gros barbu enlace férocement un digne monsieur en habit de soirée. Sur notre passage, une femme en livrée de servante éclate d'un rire inextinguible. Nous traversons un canal et un gondolier plonge à l'eau, délaissant son embarcation pour nager comme un possédé. Au bout de la rue, une bourgeoise se lacère le visage à grands coups de lamentations. Par une fenêtre ouverte, les pleurs déchirants d'un nouveau-né ponctuent cette frénésie d'un contrepoint sinistre.

Ces fragments de folie m'enserrent le cœur. Le souffle de Dieu n'est pas fait pour les hommes.

Des figures angéliques se rapprochent dans un tourbillon étourdissant, au point que je ne distingue plus les maisons voisines. J'ai du mal à suivre Hans, zigzague. J'ignore où je me trouve et sais à peine pourquoi je cours. Avec des gestes maladroits, je tente de repousser les fantômes blancs, mais mes mains les traversent sans rencontrer de résistance. Je n'ai aucune prise sur eux. Leurs voix se font insistantes. Leurs doux murmures s'emparent de mon esprit.

— Agenouille-toi !

— Repends-toi !

— Expie tes péchés !

— Dieu est amour !

— Dieu est pardon !

Je me bouche les oreilles, leur hurle de partir, de me laisser en paix... en vain. Soudain, un ange descendu du ciel se dresse face à moi. Sa figure céleste me contemple d'un air triste : il connaît mes péchés. Son étreinte se referme sur mon âme.

Je plonge dans un tourbillon de souvenirs au parfum doux amer : un bras passé autour de mes épaules, la chaleur d'une présence sur le dos d'un dragon, mes lèvres effleurant le front de mon père dans l'obscurité d'une tente de soldat, des yeux bleu-gris inquiets penchés sur moi, une main douce qui soigne mes blessures et sèche mes larmes, un rire partagé dans le chœur d'une cathédrale, le regard émerveillé des enfants devant nos pitreries.

Les visions défilent sans que je puisse les retenir, de plus en rapides, de plus en plus lointaines, jusqu'à une dernière image qui s'impose à moi, claire, évidente. Une femme blonde que je ne connais pas me serre dans ses bras immenses avec un doux sourire. Un bref instant de bonheur, trop vite passé. Elle m'a fait don de la vie, cette même vie qui la quitte à présent, qui s'éteint dans ses yeux, tandis que les premiers rayons du soleil réchauffent les collines de Provence.

*  *  *

Des bras me soulèvent ; je me relève en vacillant. Les hallucinations sont parties. Les voix se sont tues.

— Aurore.

Le ton brûle d'une urgence panique.

— Le Tissage se rompt. Nous devons faire vite.

Mon étrange vision m'obsède encore. Je voudrais la retenir, me bercer à sa chaleur, mais je ne dois pas, ne peux pas. Je n'ai pas le temps.

Je lève le nez. La trame du souffle se délite sous mes yeux effarés. Les fils dorés cèdent les uns après les autres dans une pluie d'étincelles. Les anges ont disparu. Un vent violent balaie les rues. Hans me soutient. Je prends brusquement conscience des cris de panique autour de moi. Les passants s'enfuient avec des hurlements de terreur, baissant la tête sous la tempête monstrueuse qui enfle au-dessus de la ville.

Toujours solide au poste, Pedro aide un Fabrizio hébété à se relever. Heinrich tend une main secourable à João. Je m'accroupis auprès de Geiléis qui se redresse en titubant.

Nous échangeons un regard consterné et reprenons notre course à perdre haleine au milieu du chaos d'épouvante. Les paroles sont inutiles ; chaque instant nous est compté. Nous devons atteindre la basilique au plus vite.

Nous débouchons sur la place Saint-Marc dans une volée de panique. Un édifice majestueux se dresse à l'autre extrémité, flanqué d'un imposant campanile qui affronte la tourmente en soldat inébranlable. Au-dessus des délicates mosaïques, des rangées de statues de saints et des larges coupoles, un maelström miroitant se déchaîne. Les fils de la Toile abandonnés claquent dans la tempête. Le ciel s'obscurcit. Dans la lagune, les vagues enflent et inondent les dalles du quai. Une unique grappe de brins scintillants retient encore le chaos. Le patriarche lutte, seul, là-haut.

Partout, le Voile tremble, se déchire et révèle des brèches vers un autre monde. Sa fine trame ne résiste pas à l'énergie colossale rassemblée par l'Ordre pour ce Tissage sans égal.

Avec un cri d'angoisse, Hans s'élance sans un regard en arrière. Une nuée de pigeons s'envolent dans les airs, chassés par sa course folle. Plus haut dans le ciel, d'autres formes, plus sombres, plus grandes, aux ailes noires comme la suie, planent au-dessus du parvis déserté.

Je me précipite à sa suite, épaulée par mes compagnons. Nous courons, entourés d'un îlot de calme au cœur de cette folie. Les déchirures ne semblent pas pouvoir nous atteindre ; elles refluent même devant nous. Au milieu de cette débâcle, cette vision m'abreuve d'un filet d'espoir.

La porte de la basilique nous invite, grande ouverte, et nous pénétrons dans l'édifice. Nos pas claquent dans le silence soudain de ce lieu de prière, comme si la maison de Dieu repoussait le tumulte extérieur. Sous la lumière oscillante des cierges, Hans se dresse au milieu de la nef, haletant. Une dizaine d'ombres hostiles avancent à sa rencontre d'un pas confiant.

— Qu'avez-vous fait de mon père ? Traîtres ! Vous l'avez piégé ! Vous l'avez trompé !

Il hurle sa rage de toutes ses forces et l'écho de sa voix brisée se réverbère sur les murs.

Un rire cristallin, méprisant, lui répond :

— Tu trouveras Vincenzo sur le toit. Il ne voulait pas partir si vite. Tu peux le rejoindre, si le cœur t'en dit. Cependant, à ta place, je ne m'attarderais pas trop... Quant à nous, tu nous excuseras, mais une affaire pressante nous attend à mon palais.

Concentrés sur le jeune homme qui les défie à lui seul, les membres de l'Ordre ne nous ont pas encore aperçus. Fra' Torque marche en tête d'un pas tranquille, une main menaçante sur la garde de son épée, l'éclat d'une fine croix d'argent à son cou. Juste derrière, un homme altier aux cheveux blancs dégaine sa rapière du geste assuré d'un bretteur confirmé. Un couple élégant, plus hésitant, s'arrête quelques pas en retrait ; la femme plaque contre sa poitrine une coupe sans fioriture luisant d'une lueur pâle. Un éclat de rouge non loin du chœur enveloppe la bedaine du cardinal Luzzi, un lambeau de tissu scintillant serré dans sa main tremblante.

Mon regard glisse sur les dernières silhouettes que je distingue à peine pour s'arrêter près d'une petite porte latérale. Telle une démone sortie tout droit des Enfers, Giulia se dresse, toute de rouge chatoyant, aux côtés d'une ombre sauvage couronnée de cornes acérées. Les yeux jaunes luisants du monstre plongent dans les miens avec une cruauté bestiale. Il étreint entre ses bras velus la silhouette presque frêle et fragile d'un homme bâillonné, ligoté qui se débat furieusement. Guy !

Face à ces Veilleurs, puissants, sans scrupule, avides de pouvoir, armés des reliques de Jérusalem, nous nous regroupons tous les six – sept en comptant Pedro – et avançons d'un pas déterminé pour soutenir Hans, seul au centre de la nef.

Les yeux de Torque se rétrécissent ; l'Hospitalier s'arrête net.

— Nous allons tous rejoindre le cardinal Marliano, lancé-je d'une voix forte. Et vous allez nous donner ces reliques ! Nous en aurons besoin pour stopper ce Tissage insensé.

Je tourne vers Giulia un regard lesté d'une haine froide. Sa folie de grandeur ne m'inspire que du mépris. Elle s'en est prise à ceux qui me sont chers et je n'aurai aucune hésitation si elle se met en travers de mon chemin.

— Pauvre inconsciente ! asséné-je. Vous n'avez aucune idée des forces que vous avez déchaînées !

Serait-ce une lueur d'incertitude dans son regard ? Un doute ? Un soupçon de peur ? Elle recule d'un pas avant de se reprendre. Cette vipère n'a pas encore craché tout son fiel.

— Hans, mon cher, tu me déçois, minaude-t-elle d'une voix doucereuse. Tu t'es laissé embobiner par cette pimbêche.

Elle tressaille malgré l'arrogance qu'elle tente de projeter. Craint-elle la menace que nous représentons ? Songe-t-elle au cor du Grand Veneur qui sonnera aujourd'hui pour son âme ?

Devant nous, les membres de l'Ordre hésitent, en dépit de leur position de force. Ils ne s'attendaient pas à rencontrer d'opposition. Giulia leur a promis le pouvoir, la gloire, la fortune peut-être. Défendre chèrement leur vie contre des Veilleurs déterminés ne faisait certainement pas partie du marché.

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