Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

22. Les sept reliques (2/4)

Maintenant que Pontbréant a provisoirement renoncé à nous découper en rondelle, Heinrich se détend avec un abandon visible. Il passe une main dans ses boucles, pose sur ses lèvres son habituel sourire enjôleur et reprend une posture plus décontractée. Guy fouille dans son pourpoint, en sort le mot rédigé par le vicomte de Troyes et le tend à Samuel de Pontbréant. Le vieil homme fronce le nez devant le cachet et parcourt rapidement les quelques lignes qui lui sont adressées. Ses lèvres se pincent sur une grimace préoccupée, son front se plisse de rides soucieuses.

— Est-ce tout ? interroge-t-il d'un ton neutre à la fin de sa lecture.

— Jean d'Andigné ne pouvait pas se permettre de coucher toute l'histoire sur le papier, explique Guy. Je vais compléter avec mon propre récit.

Une main derrière le dos, le Français tourne dans la pièce à grands pas. Il commence par raconter nos démêlés en Angleterre avec des membres de l'Ordre du nouvel éveil, puis enchaîne avec l'histoire des reliques, depuis le vol au château du Louvre jusqu'aux bribes dont se souvenait le vicomte. Cette fois, il ne passe aucun détail sous silence. Il semble se rendre compte que la franchise est de mise pour convaincre le vieil homme. Une partie du récit est donc entièrement nouveau pour Fabrizio. Je l'observe à la dérobée, remarque ses froncements de sourcils à certains moments de la narration. À la mention de l'Ordre, il coule un regard irrité dans ma direction.

Pontbréant écoute d'un air pensif, en tapotant le pommeau de son épée. Il laisse échapper plusieurs exclamations de surprise, mais n'interrompt pas le fil de l'histoire. Il se penche légèrement en avant lorsque Guy cite de mémoire les paroles prononcées par Hieronymus et j'ai l'impression que les mots le marquent tout particulièrement.

— Les six Veilleurs qui ne sont pas ce qu'ils paraissent et le septième qui les relie tous, murmure-t-il pour lui-même lorsque Guy se tait à la fin de son exposé.

Pontbréant me paraît troublé, ébranlé. Le masque intransigeant avec lequel il nous a accueillis s'efface sur l'usure d'un vieil homme soucieux. Il pousse un soupir et vient s'asseoir à la table à côté de moi. Posant son épée contre le bord de la planche en guise de trêve, il se masse les tempes d'une main lasse.

— J'ai fait des rêves étranges, ces derniers temps, avoue-t-il d'une voix songeuse. Peut-être... peut-être s'agit-il d'un signe de Dieu.

Il nous dévisage plus attentivement, l'un après l'autre, comme pour mieux prendre notre mesure.

— Que savez-vous d'autre ? interroge-t-il.

— Nous soupçonnons l'Ordre du nouvel éveil de tirer les ficelles derrière tout cela, poursuit Guy. C'est un groupe de Veilleurs...

Pontbréant l'interrompt d'un geste sec :

— J'ai entendu parler d'eux. Pas en bien. Je ne suis pas surpris de découvrir leur nom mêlé à cette histoire.

Il secoue la tête et affiche cette fois un air quelque peu honteux.

— Je suis désolé de mon accueil un peu vif, s'excuse-t-il. Je m'attendais à ce que des ennemis s'en prennent à moi. Cela fait plusieurs mois maintenant que j'observe des perturbations importantes dans la Toile. Les Tissages deviennent instables, dangereux, et le phénomène va en s'amplifiant. Nous courons à la catastrophe. Si le Voile entre les mondes se déchire, tout l'équilibre établi au cours des siècles par nos prédécesseurs sera remis en question. Les Dormeurs seront à la merci des créatures de l'Autre Côté.

Pontbréant tapote sur la table dans un staccato nerveux ; son regard glisse vers les étagères le long du mur et leur série d'ouvrages hétéroclites.

— Trois des sceaux ont déjà été brisés, reprend-il, la voix vibrante d'une tension palpable. Cela n'a pu se faire qu'avec l'aide d'une source de puissance colossale. Un ou plusieurs Veilleurs utilisent les reliques de Jérusalem pour amplifier leurs Tissages. Et je parle bien de plusieurs d'entre elles, trois au moins. Je vis dans la crainte de les voir débarquer ici pour s'emparer de la mienne. Dieu seul sait ce qui pourrait se produire en utilisant les sept !

Le vieil homme se signe religieusement. Son histoire de scellés m'évoque un vague souvenir. Hieronymus n'avait-il pas prononcé des mots similaires ?

— Quels sont ces sceaux dont vous parlez ?

— Les sceaux qui retiennent les quatre cavaliers, ceux mentionnés dans le livre de l'apocalypse. Les trois premiers ont été libérés et il est déjà possible de constater leurs ravages : Conquête sur son cheval blanc, Guerre avec son épée rouge et Famine dans son manteau noir. Le dernier sceau, celui qui retient Mort, résiste encore pour l'instant. Heureusement ! Mais il est fragilisé. Ce n'est qu'une question de temps avant que le quatrième cavalier ne rejoigne ses frères.

Je frissonne à ces mots comme si les trompettes du jugement dernier sonnaient à l'instant dans mon oreille. Un voile se lève dans mon esprit et je comprends enfin l'origine des entités mystérieuses entraperçues.

— Je les ai vus, murmuré-je pour moi-même, avant de me rendre compte que j'ai parlé à haute voix.

Une brochette de regards intrigués se tourne vers moi.

— Conquête, Guerre, Famine... je les ai aperçus, de loin, au cours de notre voyage, expliqué-je, légèrement mal à l'aise.

Pontbréant me considère un moment en se frottant le menton d'une main songeuse.

— Étrange, je ne pensais pas qu'ils se montraient aux yeux des hommes. Vous semblez avoir attiré leur attention.

Il secoue la tête, comme pour chasser ce mystère de son esprit, et repose son regard sur Guy.

— Mais je suis curieux d'en apprendre plus sur ce grimoire que vous avez trouvé en Angleterre. Le jeune garçon l'a mentionné également, au début. De quel ouvrage s'agit-il ?

Avec une réticence perceptible, Guy sort de sa sacoche le livre de saint Augustin et le pose sur la table.

— Monsieur Keynes nous a guidés vers cette compilation de notes datant du VIe siècle, fort convoitée par nos ennemis.

Le vieil homme se redresse sur sa chaise et effleure la couverture de cuir avec révérence. Ses doigts suivent le contour du chrisme de fer.

— Ainsi, Jerome l'a finalement trouvé. René et lui le cherchaient depuis des années. J'avoue que je ne croyais qu'à moitié à l'existence de ce recueil. Je les avais même exhortés à renoncer à leurs recherches.

Guy se penche vers Pontbréant, mu par sa soif de savoir.

— Sauriez-vous le traduire ?

Les sourcils du vieil homme se rejoignent sur une grimace réprobatrice et il secoue la tête avec virulence.

— Surtout pas ! Ces Tissages sont bien trop anciens. Ils appartiennent à une époque révolue et ne doivent pas être utilisés.

Son bref sursaut d'indignation s'efface aussitôt. Ses yeux s'égarent dans le vague tandis que sa voix se voile d'accents plus distants, songeurs, comme s'il réfléchissait pour lui-même.

— Autrefois, la nature de la Toile était différente, plus souple, plus malléable. Les anciens Veilleurs pouvaient sûrement accomplir des merveilles, ainsi qu'en témoignent les écrits des premiers chrétiens. Mais de nos jours, la trame est trop serrée, trop intriquée. Nul ne peut mener à bien les Tissages de cette époque sans risquer de la détruire complètement. Le temps des Veilleurs touche à sa fin, nous sommes au crépuscule de notre âge. D'ici un siècle, deux tout au plus, même les Tissages les plus simples seront devenus inaccessibles. Les quelques Veilleurs qui subsisteront seront considérés comme des fous, des illuminés. Ils finiront par disparaître.

Le silence s'installe avec le poids du destin après ces paroles de sinistre présage. Puis Pontbréant relève la tête :

— En aucun cas ce livre ne doit tomber entre les mains de l'Ordre du nouvel éveil ! déclare-t-il, la voix vibrante de résolution. Avec les sept reliques et les Tissages de ce grimoire, je ne sais ce qui pourrait advenir de notre monde.

— Savez-vous où sont les autres artefacts ? interroge Guy. Qui devons-nous avertir ?

Pontbréant se renverse contre le dossier de sa chaise et réfléchit en se frottant le menton.

— Je n'ai pas trop le choix, commence-t-il avec un reste de réticence. Il faut agir contre ces fanatiques et, seul, j'ai peu de chance de contrer leurs desseins. Je vais vous faire confiance... parce que le jeune homme me paraît honnête et sincère... parce que Jerome avait suffisamment foi en vous pour vous confier le secret d'années de recherche... et parce que je perçois la main de Dieu derrière votre périple.

Son regard balaie l'ensemble de notre groupe.

— Installez-vous. J'ai une histoire à vous conter.

Guy attrape une chaise et s'assied à côté de lui, penché d'une attention acérée. Heinrich profite de l'ambiance plus détendue pour ramasser son couteau en toute innocence et le glisser à sa ceinture. Tous les sièges de la pièce étant occupés, il se pose au bord du lit avec un sourire satisfait. João s'adosse au mur, bras croisés, ses yeux scrutateurs braqués sur notre hôte. Fabrizio hésite un moment, avant de s'appuyer contre le montant de la fenêtre.

Le vieil homme se racle la gorge :

— En 1497, Pierre d'Aubusson [1], grand maître de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, a décidé de lancer une nouvelle croisade pour reconquérir la ville sainte, alors aux mains des Mamelouks. Il a dépêché sur place un contingent de moines chevaliers avec à leur tête un jeune commandant prometteur. La troupe des Hospitaliers était complétée par une compagnie de combattants croisés venus de différents pays chrétiens. Je faisais partie de ces guerriers en quête de gloire et d'aventure. Nous avons acheté les services d'une bande de sekbans, des mercenaires turcs. Les Ottomans avaient, dès cette époque, des vues sur la ville sainte. Ils étaient trop heureux de l'occasion. Je ne vous raconterai pas toute notre expédition, ce serait bien trop long. Nous n'étions plus très loin de Jérusalem lorsque notre troupe s'est fait surprendre par une tempête de sable d'une rare violence. Abrité contre mon cheval, je ne voyais plus rien. Puis, subitement, le vent s'est dissipé. Quand j'ai ouvert les yeux, l'armée avait disparu. Un paysage désolé s'étendait devant moi.

La voix de Pontbréant se tisse d'accents plus lointains, comme s'il revivait ce moment de désarroi.

Incapable de rester en place, Guy s'est levé pendant le récit. Après avoir arpenté la pièce, il se tient maintenant devant l'étagère de livres et parcourt du doigt les rayonnages.

— Cependant, je n'étais pas complètement seul, reprend le vieux guerrier. Six camarades avaient été emportés avec moi – les Veilleurs présents dans l'expédition. René de Rougemont et Jerome Keynes en faisaient partie, bien sûr. Vous les connaissez déjà. Il y avait également un croisé italien du nom de Renzo de' Gandolfi ainsi que le fougueux capitaine turc Ibrahim Özkan. Chez les Hospitaliers, deux d'entre eux se sont retrouvés parmi nous : le chef de notre expédition et son jeune aide de camp, Vincenzo Marliano.

Pontbréant relève la tête ; une étincelle s'allume dans son regard, que je ne saurais interpréter.

— Le nom du commandant Hospitalier vous parlera peut-être. Il s'agissait de Giulio de' Medici, plus connu aujourd'hui sous le nom de Clément.

Le nom éclate telle une grenade dans la petite pièce. Guy se retourne avec la vivacité d'un serpent, Fabrizio pousse un hoquet de surprise, Heinrich ouvre des yeux ronds comme des soucoupes, João lève un sourcil, et mon cœur rate un battement.

— Clément ? rugit le Français. Sa Sainteté le pape Clément ?


*  *  *

1. Pierre d'Aubusson (1423-1503) : 40e grand maître des Hospitaliers de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, cardinal et légat du pape en Asie. Il fut surnommé le « bouclier de la chrétienté ».

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro