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2. Guerres de religion (1/3)

Malgré l'heure tardive, nous nous précipitons dans la carriole de Fabrizio et le trouvons en pleine conversation avec João sur le thème costumes et accessoires. Pedro dort déjà à poings fermés, roulé dans sa couverture au fond du chariot ; notre irruption ne le réveille même pas. Nous nous serrons autour de la table étriquée, puis Guy relate la rencontre avec l'étrange messager en quelques mots concis.

Le petit Portugais écoute avec attention en lissant machinalement sa moustache.

— As-tu vu le visage de cet homme ? interroge-t-il à la fin du récit. Saurais-tu le reconnaître ?

Guy secoue la tête d'un air pincé.

— Il tournait le dos à la lumière, je n'ai pas pu distinguer ses traits. De stature, il était plus petit que moi, peut-être de la taille de Heinrich. De larges épaules carrées, une voix rauque. Il boitait aussi.

Il pose la missive près de la chandelle et la pousse vers Fabrizio dans un geste un peu formel. L'élégante calligraphie et le papier de bonne facture indiquent une personne nantie, de la noblesse peut-être. Le sceau bien visible reprend les armoiries du carrosse qui a failli renverser la fillette plus tôt dans la journée.

Le front du vieil Italien se plisse dans la lumière vacillante. Les lèvres serrées, il examine la lettre, hésite un instant, puis décachette le message. Il lit d'abord pour lui-même ; ses mains tremblent légèrement.

Tout le monde retient sa respiration, attendant un signe de sa part. Alors que Fabrizio semble parcourir le mot pour la troisième fois, je n'y tiens plus.

— Alors ? Qu'est-il écrit ?

Notre chef de troupe soupire en posant le message en évidence sur la table. Il tiraille sa barbichette avec une certaine nervosité.

— Je ne sais pas trop s'il s'agit d'une bonne ou d'une mauvaise nouvelle. Nous sommes invités à donner une représentation privée... en haut lieu.

Nous nous penchons comme un seul homme pour lire les mots tracés d'une écriture élégante.

« Maître Fabrizio Biancolelli,
la renommée de votre troupe de commedia dell'arte n'est plus à démontrer en Vénétie. Je souhaiterais honorer mon hôte anglais en l'initiant à la culture de ma chère Sérénissime [1]. Aussi, je vous prie de bien vouloir vous présenter dans trois jours, quand sonne sexte, en la demeure de l'archevêque Thomas Cranmer pour une représentation privée. Vous serez généreusement rétribué.
Giulia de' Gandolfi. »

Heinrich laisse échapper un sifflement appréciateur.

— La demeure de l'archevêque ! Ce n'est pas rien ! Cette Giulia de' Gandolfi fréquente du beau monde !

Guy glisse une main songeuse le long de sa joue et se tapote les lèvres.

— Gandolfi... J'ai déjà entendu ce nom, mais je ne sais plus à quelle occasion. Une famille italienne, à n'en pas douter. Connais-tu cette dame, Fabrizio ?

L'Italien secoue la tête d'un mouvement lent, les yeux baissés pour mieux rassembler ses souvenirs. Il frotte ses cheveux grisonnants et répond avec une légère hésitation.

— Le nom de Gandolfi ne m'est pas inconnu. Ce sont des marchands vénitiens... petite noblesse... fortune assez récente. Ils ont de nombreux comptoirs en Italie et sur les côtes de la Méditerranée. Je crois qu'ils sont également assez influents à Rome où ils fournissent le Saint-Siège en mets exotiques et étoffes précieuses.

— Tu es plutôt bien informé, remarque Guy avec un haussement de sourcil.

Fabrizio esquisse un sourire rusé.

— Tu sais, Venise est une petite ville et, dans notre métier, mieux vaut se tenir avisé des fortunes des uns et des autres. Cela évite les déconvenues. Je n'ai jamais eu l'honneur de rencontrer cette Madame de' Gandolfi, mais elle a pu entendre parler de notre troupe à Venise. Après tout, c'est dans ma ville natale que j'ai commencé mes spectacles.

— Une riche mécène vaut certainement la peine d'être courtisée ! intervient Heinrich avec un clin d'œil. Cette lettre est une véritable aubaine !

João écoute sans avancer d'opinion. Son visage reste à moitié plongé dans l'ombre et je n'arrive pas à déterminer ce qu'il pense de cette invitation surprenante. Fabrizio opine d'un lent mouvement de tête en réponse à l'exclamation du jeune Allemand.

— Il vaut mieux ne pas décevoir cette dame. Je lui ferai porter acceptation de son offre demain dès la première heure.

Malgré ce soudain enthousiasme, Fabrizio me donne l'impression de se plier à la demande de la riche Italienne avec une certaine réticence. Je comprends aisément son inquiétude. D'après le fermier de tantôt, ce n'est pas le meilleur moment pour se mêler de religion dans ce pays. Cette invitation chez l'archevêque nous plonge au cœur d'un panier de crabes.

Notre chef se lève avec un soupir fatigué.

— Bon, mes enfants, il est fort tard et je suggère que chacun aille prendre un repos bien mérité. Bonne nuit à tous.

Ainsi congédiés, nous ressortons dans l'air vivifiant de la campagne anglaise. Guy et João se dirigent vers leur roulotte pendant que Heinrich et moi regagnons la nôtre.

L'étroit habitacle accueille nos deux matelas de paille, posés à même le sol. Nous sommes bien loin du luxe d'une auberge, mais j'apprécie l'intimité de ce petit nid douillet. Je retire bottes, chausses et pourpoint que je range sur le coffre à côté de moi. J'ai l'habitude de dormir en braie et chemise, mon médaillon sur la poitrine. L'épaisse couverture de laine vient chasser la fraîcheur nocturne. À peine ai-je posé la tête sur la paillasse que le sommeil m'emporte. Un rêve étrange, mais maintenant familier m'attend.

*  *  *

Les ténèbres m'enlacent, je flotte dans une éternité de néant.

Une voix jaillit, pure, cristalline. Un éclat minuscule naît au loin, à peine plus brillant qu'une étincelle, et pulse sur une partition éthérée. D'autres voix rejoignent la première, venues de tous les horizons, clameurs et murmures, basses et sopranos, amies et inconnues. Les notes enflent sur un chant d'une beauté poignante. Je n'en comprends pas les mots, mais je sais qu'ils m'appellent, et mon cœur leur répond.

La lumière grandit, jaune, chaude, accueillante, jusqu'à m'envelopper complètement. Je cligne des yeux devant son intensité. Peu à peu, ma vision s'accommode. Portés par la mélodie, des fils scintillants se déroulent tout autour de moi, se frôlent, s'entrelacent, se resserrent jusqu'à dessiner une tapisserie aussi vaste que le monde.

Des étoiles palpitent très haut, accrochées sur une voûte invisible comme autant de chandelles sur un plafond de velours. Loin sous mes pieds, les courbes d'un paysage vallonné ondulent au gré d'un air langoureux. De douces collines vert tendre côtoient le jade sombre des forêts. Un ruban de soie bleu iridescent serpente paresseusement sur cette robe printanière. Plus loin, des montagnes cuivrées lancent leurs pics enneigés à l'assaut du ciel.

Un millier de voix s'unissent dans un chœur vibrant de cathédrale. L'hymne résonne dans tout mon corps. Je plane en rire heureux, soutenu par leur harmonie.

Ce point d'orgue se fêle d'une dissonance. Je tombe, sans rien pour me retenir, vers une vision de cauchemar. L'ombre d'un monstre affamé dévore le tableau idyllique. L'herbe jaunit dans les prés ; les arbres des forêts se décharnent ; les montagnes fument ; les étoiles s'éteignent, une à une.

Les voix s'affolent d'un avertissement, mais la transformation s'accélère sur un tourbillon. Je chute de plus en plus vite. La main d'un titan invisible m'écrase la poitrine. Un démon me guette, tapi dans l'obscurité grandissante. Je vais m'écraser dans sa gueule.

Soudain, je ne suis plus seul. Des présences me soutiennent. Je ne distingue aucune silhouette, mais leurs esprits flottent en ces lieux, appelés comme moi par les voix. Ma course folle se freine, puis s'arrête. Sans pieds, nous nous rejoignons. Sans mains, nous nous frôlons. Nos âmes se mêlent.

Je perçois des bribes de pensées ; des souvenirs étrangers m'emportent dans un vertige de sensations. Le sourire de la mariée sous son voile gonfle mon cœur de bonheur ; l'odeur musquée d'une étable m'apporte un instant de quiétude ; je rumine l'humiliation des chaînes sur mes mains ; une vague de nostalgie recouvre les eaux grises d'un lac sous une lune irréelle ; la peur noue mes entrailles, portée par les relents âpres de mon propre sang. Les images tournoient de plus en plus vite et se fondent en moi. Nous ne formons plus qu'un.

Une dernière note insaisissable nous implore et nous partons à sa poursuite.

*  *  *

Réveillé de bonne heure par l'agitation de la foire, je me lève avant Heinrich et me faufile au-dehors. Plus matinal que moi, Guy est déjà attablé devant une épaisse tranche de pain accompagnée d'un morceau de cheddar local. Je lisse tant bien que mal mes mèches ébouriffées tout en jalousant son apparence impeccable. Le ruban de velours bordeaux noué dans ses cheveux noirs s'harmonise parfaitement avec son pourpoint de drap. Comment s'arrange-t-il pour que ses hauts-de-chausse bouffants n'aient jamais l'air froissés ? Il me salue poliment, d'une brève inclinaison de la tête, et sa main désigne le tabouret vacant d'un geste distingué. Un mince sourire vient adoucir sa mine sévère.

— Bien dormi, mon jeune ami ? Il reste du pain et du fromage, si tu as faim. Fabrizio et Pedro sont partis racheter des provisions.

Je m'assieds et tends la main vers un quignon durci.

— La nuit a encore été agitée, bâillé-je. Ce maudit rêve ne cesse de revenir.

Guy confirme d'un hochement de tête.

— C'est très étrange en effet. Pourquoi partageons-nous des versions différentes du même songe ? Des chants, une menace, des présences invisibles... Je ne parviens pas à saisir la signification de ce message.

Ses yeux bleu-gris se perdent un instant dans une méditation intérieure tandis que je mords à belles dents dans une portion de fromage.

— Quelles sont ces voix qui nous appellent ? demandé-je en réprimant un frisson. J'ai l'impression confuse d'en connaître certaines, tandis que d'autres me sont parfaitement étrangères. Pourrait-il s'agir d'anges... ou de créatures d'au-delà de la Toile ?

Un léger sourire plisse les lèvres du Français.

— Difficile de répondre à cette question pour l'instant... Mais en parlant de Toile, nous avons un peu de temps devant nous, aimerais-tu que nous poursuivions nos leçons ?

Mon repas oublié, je bondis aussitôt sur mes pieds.

— Avec grand plaisir !

Guy se lève sans précipitation et réajuste les pans de son pourpoint.

— Viens par ici, nous serons plus tranquilles.


*  *  *

1. À cette époque, la Vénétie constitue un État indépendant, la république de Venise, dite la Sérénissime.

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