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18. La prévenance d'une sœur (3/3)

Je repose brutalement le gobelet sur la table.

— Qu'est-ce qui te fait croire que je le suis ?

— Je t'ai vu jouer l'écuyer, souviens-toi. Tu étais plutôt convaincant. Je ne suis pas plus aveugle que Guy. Il t'a d'ailleurs sûrement déjà tiré les vers du nez. Pourquoi autrement t'aurait-il emmené, hier, au château du Louvre ?

Je me mordille la lèvre. J'ai quasiment tout révélé au Français, je peux bien m'ouvrir des mêmes confidences à João. Toutefois, moi aussi, je peux m'essayer à leur petit jeu.

— Très bien, je te raconterai mon histoire, comme je l'ai fait pour Guy, mais tu réponds d'abord à une question.

— Interroge-moi toujours, réplique João sans se départir de son calme, j'aviserai ensuite.

— Qu'as-tu vu chez les faés lors du choix des spriggans ?

À son léger sursaut, je comprends que je l'ai surpris. Il n'avait pas anticipé cette demande. Cette fois, il me dévisage d'un air songeur.

— C'est ce qu'a dit ma sœur tout à l'heure qui t'a mis cela en tête, n'est-ce pas ?

Sans attendre ma réponse, il poursuit :

— Je peux bien te le dire. D'abord parce que cette vision n'a aucun sens et ensuite, comme je te l'ai déjà expliqué, je ne pense pas que des prédictions ou des faés puissent décider de nos choix. Les spriggans se sont livrés à un jeu pervers avec nos émotions, voilà tout. Ils sont friands de cela.

Le Portugais balaie d'un revers de manche ce qu'il perçoit comme des inepties. Il tend le bras vers le pichet resté sur la table, se ressert un verre, puis m'interroge du regard. Je secoue la tête, préférant garder les idées claires. Le gobelet à la main, João se racle la gorge le temps de rassembler ses mots.

— J'ai vu une jeune femme de peut-être vingt ans aux cheveux blonds ou châtains ; un visage mince ; un sourire enjôleur. Elle était très élégante, en robe de bal d'un bleu couleur de ciel.

Ses yeux s'animent à mesure qu'il se replonge dans sa vision. Un sourire furtif recourbe le coin de ses lèvres.

— Je l'ai trouvée belle, d'une beauté simple et naturelle, ajoute-t-il avec une certaine émotion. Ses traits ne sont pas de ceux qui déclenchent une guerre ou font tourner la tête des hommes, mais de ceux plus tranquilles qu'un époux aime garder près de soi pour chérir toute une vie. Elle se tenait debout devant moi, dans une pièce sombre, et me tendait la main en souriant. Sans que je sache pourquoi, elle m'a paru étrangement familière. Pourtant, je suis bien certain de ne l'avoir jamais rencontrée !

Sa voix vibre d'un accent inusité. Je ne l'imaginais pas si poète ; j'en reste bouché bée.

Sur un battement de cil, il prend conscience de ce qu'il vient de raconter, de ma présence en face de lui. Son visage reprend son masque taciturne habituel. La fenêtre entrouverte sur son cœur se referme brutalement.

— Comme je te le disais, conclut-il un peu sèchement en se redressant sur sa chaise, cela n'a aucun sens.

Je me passe une main sur la figure avec des spéculations plein la tête. João, Heinrich et moi avons tous les trois vu une personne qui semble détenir la clé de notre destin. Les visions de Geiléis et Fabrizio sont-elles similaires ? Il faudrait que je puisse les interroger. Peut-être qu'une fois en possession de plus d'éléments, la logique de ces images sibyllines m'apparaîtra. Le Portugais, en revanche, paraît se désintéresser de la question.

— Le message caché derrière ces visions ne t'intrigue donc pas ? m'étonné-je.

João hausse les épaules.

— Je suis bien plus préoccupé par les agissements des hommes que par les comptines ineptes de ces lutins. Et tout particulièrement, je m'inquiète des projets de fra' Torque et du cardinal Luzzi. Ces reliques sont extrêmement puissantes et donc dangereuses entre des mains malavisées. En tant que Veilleurs, notre rôle est de préserver le sommeil des Dormeurs. Les créatures de l'Autre Côté doivent rester pour eux des légendes. Ce don que Dieu nous a confié n'est pas à prendre à la légère. Nous ne devons pas faillir à notre devoir, et encore moins détourner ses bienfaits à nos propres fins.

Jusqu'à présent, je n'avais jamais discuté du rôle des Veilleurs avec un autre que Guy. Je me rends compte que l'approche de João s'accorde en tout point avec celle du Français, comme avec ce que je comprends du rôle de gardienne de Geiléis. Est-ce pour cette raison que les voix nous ont réunis ?

João pousse un long soupir et plonge le nez dans son verre. Comme s'il lisait mes pensées, il enchaîne :

— Les rêves ont cessé pour nous tous. Fabrizio me l'a confirmé. Comme tu me l'as fait remarquer, ce changement coïncide avec l'arrivée de Geiléis. Tu as peut-être raison, lorsque tu affirmes qu'elle a sa place parmi nous, concède-t-il du bout des lèvres.

Manifestement, l'aveu lui coûte un peu de sa dignité.

— Quoi qu'il en soit, reprend-il, la menace plane encore. Nous devons protéger les reliques de la convoitise de nos ennemis et garder le grimoire en lieu sûr.

Il relève la tête et l'incline légèrement sur le côté en me dévisageant.

— Mais, n'es-tu pas en train de détourner la conversation ? Tu devais me raconter une histoire, si je me souviens bien.

L'habitude de conserver mes petits secrets est fortement ancrée en moi depuis plus d'un an et je m'exécute avec une certaine réticence, livrant à João le même récit que celui confié à Guy la veille. Le Portugais m'écoute avec toute son attention.

— Donc tu es un bâtard, médite-t-il quand j'ai terminé. Je comprends mieux, maintenant. Je suppose qu'il est important pour toi de te faire bien voir de Guy et du roi.

— Tu gardes tout cela pour toi, n'est-ce pas ?

— Entendu, et en échange, pas un mot de notre conversation à Guy ou qui que ce soit d'autre pour l'instant.

Je scelle notre accord d'un signe de tête tout en me réjouissant intérieurement que João, malgré sa redoutable sagacité, reste fort heureusement aveugle à toute une moitié de la population.

*  *  *

Nous quittons la taverne. Dehors, de gros nuages gris obscurcissent le ciel, annonciateurs d'une pluie imminente. João m'entraîne dans des rues peu fréquentées et je lui fais une confiance aveugle sur la route à suivre. Aucun garde ne patrouille ces venelles tortueuses, mais je sursaute chaque fois qu'une haute silhouette noire croise notre chemin. La menace latente de Torque plane au-dessus de nos têtes, portée par une angoisse sourde. Où est passé l'Hospitalier ? A-t-il renoncé ? Si facilement ? Que sont devenus Fabrizio et Pedro ?

Je me repère enfin lorsque nous débouchons sur l'animation effervescente des halles.

— Que faisons-nous, maintenant ?

— Nous rentrons au campement en espérant que les portes ne sont pas surveillées de trop près et que Fabrizio et Pedro ont réussi à s'échapper de leur côté.

João s'approche de l'étal d'un marchand pour acheter deux pèlerines doublées de laine. Il me tend la plus petite d'un geste sec.

— Tiens ! Enfile cela et rabat le capuchon sur ta tête. Je ne sais pas si les gardes de la porte disposent de notre signalement, mais dans le doute, ne prenons pas de risque.

J'endosse le large vêtement quand soudain une pensée me frappe.

— João ! Et Bella ? Nous l'avons abandonnée dans l'auberge ce matin en prenant la fuite ! Avec toutes nos victuailles !

— Tant pis pour Bella, s'énerve-t-il, ce n'est qu'une mule après tout. Tentons déjà de sauver notre peau !

Malgré la menace bien réelle, l'image de notre fidèle compagne, esseulée dans un coin d'étable, chargée de toutes les provisions achetées le matin même, me pince le cœur d'un regret impuissant.

Nous arrivons au pied de la porte Montmartre au moment où les nuages menaçants de tantôt crèvent enfin et déversent leurs torrents de pluie. Bien content de pouvoir m'abriter sous la pèlerine, je rabats ma capuche et me hâte aux côtés de João. Autour de nous, les passants se pressent pour se mettre à l'abri. Nous franchissons les grandes portes avec le flot de la circulation. Les gardes à l'entrée, réfugiés sous le porche, ne nous jettent même pas un regard.

En arrivant à Clignancourt en fin d'après-midi sous une pluie battante, je reconnais les silhouettes trapues de nos trois chariots dans la cour de l'auberge. Un coup d'œil rapide à l'intérieur nous indique que nos compagnons ne s'y trouvent pas.

— Ils doivent être à l'abri dans la salle commune, suppose João, viens.

Nous poussons la porte principale, accueillis par une douce chaleur et le crépitement d'un feu bienvenu. Je frotte mes bottes boueuses, lâche un soupir d'aise, retire mon capuchon dégoulinant de pluie. Une exclamation soulagée bondit à notre rencontre.

— Guillaume ! João !

J'ai à peine le temps d'ouvrir la bouche qu'une tornade encadrée de traits incandescents se précipite et m'étreint dans ses bras.

— Nous étions si inquiets ! s'écrie Geiléis. Fabrizio et Pedro sont revenus depuis des heures !

Notre chef s'avance d'un pas plus mesuré. J'ai l'impression que de nouvelles rides ont creusé son front durant les quelques heures de notre séparation. Un moment, une ombre fugitive passe au fond de ses prunelles ; l'instant d'après, un intense soulagement éclaire tout son visage.

— Ne vous voyant pas revenir, nous craignions que les gardes vous aient attrapés, ou pire ! s'exclame-t-il, la voix tremblante d'émotion.

Pedro s'approche de João et lui assène une grande tape sur l'omoplate.

— Nous sommes bien contents de vous revoir, tous les deux !

Heinrich s'arrête un pas en retrait, muré derrière une moue renfrognée. Je lis dans son attitude un sentiment que je n'aurais jamais cru y trouver et me rends compte que je serre toujours la main de Geiléis. Je la relâche d'un air gêné, puis m'écarte d'un pas de côté.

Guy nous rejoint le dernier, un sourire rassuré au bord des lèvres.

— Je suis heureux de vous revoir sains et saufs... et merci d'avoir pris soin de mon écuyer, termine-t-il avec un signe de tête reconnaissant à João.

En quelques mots, nous échangeons le récit de nos aventures. Fabrizio et Pedro ont semé leurs poursuivants bien plus rapidement que nous.

— Nous les avons entraînés dans les petites ruelles du quartier, raconte l'Italien à grand renfort de gestes. Je les connais comme ma poche. Ils ont perdu notre trace pendant que nous nous abritions dans une arrière-cour. Puis nous avons retracé nos pas jusqu'à l'auberge. Il n'y avait plus aucun signe des gardes ni de l'Hospitalier. Pedro s'est glissé dans l'étable tandis que je faisais le guet. Nous avons pu ramener Bella et rentrer au campement.

Son regard s'égare en direction des fenêtres dégoulinantes de pluie. Guy se fait l'écho de ses pensées.

— Il ne faut pas rester ici ! Les gardes à la solde de fra' Torque vont fouiller la région, maintenant.

Tout le monde opine de la tête. Les préparatifs du départ sont rapidement bouclés. Je donne un coup de main à Pedro pour atteler les mules tout en caressant l'encolure de Bella avec soulagement.

— Content de te revoir, ma douce, lui glissé-je à l'oreille.

— En route ! grommelle Fabrizio en se hissant sur le banc de son chariot.

— Où allons-nous ? m'enquiers-je.

— À Chartres ! me répond Guy.

— À Chartres ! renchérit João.

— À Chartres ! confirme Fabrizio.

Je lève un sourcil étonné devant une telle unanimité, mais m'abstiens de tout commentaire. Je grimpe sur la planche à côté de Heinrich et nous partons sous la pluie, dans le jour déclinant.

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