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10. Les choix des spriggans (2/2)

Les faés s'écartent sur le passage de Geiléis munie de son bâton étincelant et nous atteignons ainsi l'enchevêtrement de racines noueuses du chêne. Mon regard se trouve irrésistiblement attiré vers un creux de l'arbre où siège la plus belle femme qu'il m'ait jamais été donné de voir.

Elle trône en reine indubitable de ce royaume végétal. Une ample tunique tissée de lumière pure épouse les formes parfaites de son corps. Au travers de l'étoffe, la rondeur de ses seins, le cambré de ses reins se dévoilent, bien plus qu'ils ne s'estompent. Le rouge pulpeux de ses lèvres invite aux baisers. De longs cheveux roux cascadent sur ses épaules, jusqu'à ses pieds nus. La tête gracieusement penchée sur le côté, elle caresse avec délicatesse l'encolure d'une jument alezane allongée à ses pieds. Une cour animale de lapins, oiseaux, musaraignes folâtre dans les hautes herbes. Une pression sur ma poitrine me rappelle que j'ai besoin de respirer et j'inspire entre des lèvres frémissantes un parfum de divinité.

Geiléis s'arrête et descend un genou à terre, le buste incliné en signe de respect. Je l'imite aussi galamment que possible compte tenu de la protestation de mes côtes tandis que mes compagnons plongent à notre suite. La reine relève des yeux du vert profond des forêts immémoriales et semble se rendre compte de notre présence à l'instant. Un sourire fleurit sur ses lèvres à l'image d'un délicat bouton de rose, qui efface mes malheurs et mes peines. Mon cœur s'envole.

À côté de moi, le murmure ébahi de Heinrich s'infiltre dans ma transe.

— Même dans mes rêves les plus fous, je n'ai jamais osé croire qu'une telle beauté puisse exister !

La déesse s'adresse à nous d'une douceur envoûtante.

— Relevez-vous, visiteurs.

Nous nous redressons avec une gaucherie de paysans. Son attention se pose délibérément sur chacun d'entre nous et je tressaille au moment où ses pupilles plongent au fond de mon âme : en un clignement de paupière, elle connaît tout de moi. Je déglutis.

— Vous êtes les bienvenus à la cour seelie, pour le temps de la fête. Je sais les épreuves qui vous ont conduits sur mes terres. Ne craignez plus pour la vie de votre compagnon ! L'eau de la source le ramènera sur le chemin de la guérison. Reposez-vous, prenez des forces, car je sens un déséquilibre qui s'étend, loin vers le sud. Le Voile qui sépare nos deux mondes s'agite. Mille voix ont uni leurs chants : des esprits, des dieux, des sages, tous ceux qui s'inquiètent pour l'avenir du monde. Vous avez été appelés, chacun d'entre vous, et la route sera longue jusqu'au cœur de la tempête.

Mes pieds restent collés au sol ; ma langue gonflée et sèche dans ma bouche m'est aussi utile qu'un vulgaire caillou. Je ne pourrais articuler un seul mot quand bien même ma vie en dépendrait. Pourtant, la voix de Geiléis répond avec assurance.

— Nous vous remercions pour votre accueil et votre hospitalité, Áine des Tuatha Dé Danann, reine des faés et Dame du lac. Votre parole est un baume sur nos cœurs, votre sourire un guide dans nos instants de doute.

Le rire cristallin de la souveraine me berce comme la plus suave des mélodies.

— C'est toujours un plaisir, Geiléis à la langue d'or, même si tes visites sont bien trop rares à mon goût. Mais je sens que certains de tes compagnons s'impatientent. Venez, occupons-nous du blessé.

La déesse se lève avec grâce et je m'aperçois alors que quatre faés portent Guy sur un brancard de feuilles. Devant son visage d'albâtre et sa silhouette immobile, l'inquiétude revient torturer mes entrailles malmenées. Áine se dirige vers une source claire et pure qui jaillit au pied du chêne pour donner naissance un peu plus loin à un vaste lac aux eaux grisées. Quelques cygnes blancs flottent sur l'onde en toute majesté. L'autre rive disparaît dans des brumes chatoyantes, piquetées d'insaisissable.

Les faés déposent notre compagnon inanimé sur la berge avec une délicatesse empreinte de légèreté.

La reine s'avance d'un pas évaporé qui ne ralentit pas un seul instant ; ses pieds nus effleurent les flots sans s'y enfoncer. Elle appelle d'un simple geste et le corps de Guy s'envole la rejoindre, en plume docile portée par un parfum séducteur. Áine s'agenouille tandis que les eaux engloutissent notre compagnon. Un hoquet d'angoisse m'échappe malgré moi. J'hésite au bord du lac, mais la main de Geiléis serre la mienne pour me rassurer.

Déjà, la reine se redresse ; la forme ruisselante de Guy émerge des flots. D'un lent pas majestueux, Áine le ramène vers la rive où il retrouve son lit de feuillage en douceur. Geiléis relâche mes doigts et je me précipite au chevet du blessé.

Guy ouvre les yeux, au moment où je me penche sur lui, mais son regard reste vague, perdu dans le lointain, sur une vision que lui seul peut percevoir.

— Le masque... le masque est brisé.

Sa voix se glisse à mes oreilles, ténue, plus légère qu'un souffle, tout juste un murmure.

L'instant d'après, ses paupières se referment. Cependant, c'est un sommeil paisible qui s'empare de lui et j'ai l'impression que son visage, si pâle jusqu'alors, reprend déjà des couleurs.

— Il doit se reposer, maintenant, déclare la reine. Toutefois, il me semble que d'autres ici ont besoin de soins. Approchez, tous les deux.

Áine me tend une main prévenante et mes pieds obéissent d'eux-mêmes. Heinrich s'avance d'un pas maladroit. Ensemble, nous pénétrons dans le lac et nous enfonçons sous les flots. Étrangement, je ne ressens aucune peur ; l'eau tiède m'accueille dans la douceur de bras maternels. Une agréable sensation de chaleur se propage dans tout mon être. La douleur de mes côtes reflue ; de légères crispations dont je n'avais pas conscience se dénouent. Angoisse, doute et tourments se diluent dans une béatitude heureuse. Je ne me suis jamais senti aussi serein de toute ma vie.

Nous émergeons du lac comme d'un rêve ; je réalise que je respire sans entrave un air sucré de promesses ; mes vêtements ne sont même pas mouillés. Heinrich me gratifie d'un sourire béat. L'hématome violacé qui s'étalait sur sa pommette s'estompe déjà. J'éclate d'un rire insouciant.

Quand je reprends mes esprits, la robe diaphane de la reine s'éloigne dans un souffle d'au revoir. La musique de la fête emplit tout l'espace. Les notes dansent à mes oreilles. Une farandole endiablée serpente à côté de moi. Une jolie faée aux longs cheveux blonds tend au passage la main vers Heinrich. Le noceur invétéré s'en saisit sans hésiter. En un rien de temps, il se retrouve entraîné à l'autre bout de la clairière dans une ronde folle. Un peu plus loin, j'aperçois João et même le bedonnant Fabrizio qui sautent, valsent, se trémoussent sous les encouragements des convives. À mes pieds, Guy dort d'un sommeil paisible.

*  *  *

Le temps d'un soupir d'éternité, j'erre le long du lac, laissant mes pas me porter où ils le désirent. Je n'ai pas faim. L'eau de la source semble avoir comblé en moi tout besoin de nourriture terrestre. La musique environnante glisse sur mes sens et m'apaise. Toute envie de danser m'a déserté. Au firmament de la fête, la lune n'a pas bougé d'un cheveu.

Au hasard de mes déambulations, j'aperçois Geiléis assise sur une pierre au bord de l'eau. Elle non plus ne profite pas des réjouissances. Son regard songeur contemple l'immensité du lac dans une méditation empreinte de nostalgie. J'hésite à passer mon chemin, puis m'approche à pas feutrés et me pose à côté d'elle. Elle tourne la tête à cet instant. Ses grands yeux verts ont perdu leur éclat assuré ; deux traces brillantes descendent sur ses joues semées de taches de rousseur. Sa tristesse m'émeut au plus profond de moi. Je voudrais pouvoir la consoler.

Mu par quelque instinct primordial, j'attrape sa main et la serre dans la mienne.

— Puis-je t'aider d'une quelconque manière ? demandé-je avec chaleur. Tu as déjà tant fait pour nous !

Elle secoue la tête d'un geste lent, un peu rêveur.

— Ce n'est rien. Je... cet endroit est si majestueux et féerique. Je ne me lasse pas de le contempler, à chacune de mes visites.

Mes yeux parcourent les eaux grises où se reflète le disque blanc de la lune. La surface forme un miroir d'argent immaculé ; l'arbre millénaire y mire son feuillage paré de vert et d'or. L'autre extrémité se fond dans une brume scintillante chargée de mystère. Un doux parfum mélancolique s'en dégage, comme si je disposais d'un aperçu fugace d'une paix et d'une sérénité qui ne m'appartiennent pas ; elles se dissiperont au réveil telles les bribes d'un rêve. Ce monde n'est pas le mien.

— Comme je te comprends ! Mais pourquoi nous es-tu venue en aide ? Pourquoi te prêter au jeu des spriggans pour de simples inconnus ?

Les lèvres roses de Geiléis s'étirent sur un sourire triste.

— Vous n'êtes pas des inconnus pour moi, Guillaume. Depuis longtemps, la déesse Dana m'envoie des rêves, les esprits m'appellent. Je sais que ma destinée est de vous accompagner dans votre quête. J'attendais ce moment et le redoutais en même temps. Cette nuit, j'ai su que vous seriez aux portes de mon domaine au lever du soleil, vos ennemis à vos trousses.

J'ouvre de grands yeux étonnés.

— Peux-tu donc voir l'avenir ?

La jeune femme secoue la tête d'un geste vif.

— Rien de tel, je t'assure. Mais souvent, nous avons rêvé ensemble et j'ai appris à vous connaître au travers de vos joies et de vos peines. Ne m'as-tu pas sentie à tes côtés dans tes songes ?

Je ne comprends ni comment ni pourquoi, cependant je sais au fond de mon cœur qu'elle a raison. J'ai l'impression déstabilisante de rencontrer pour la première fois une lointaine parente dont on m'aurait longtemps parlé. Je replonge dans les bribes de mes rêves et ne doute plus de sa loyauté. Elle a payé le prix des spriggans pour nous venir en aide ; nous sommes liés d'une manière qui m'échappe, mais que je ne peux nier.

Ému par cette découverte, je me surprends à lui raconter nos récentes aventures. Je lui confie mes remords, mes incertitudes, mes craintes vis-à-vis de ceux qui sont dorénavant nos ennemis. Elle m'écoute sans m'interrompre, se contentant de hocher la tête de temps en temps. Lorsque mon récit s'achève, je laisse un silence méditatif s'installer. Mes pensées dérivent vers l'avenir qui nous attend et je ne peux m'empêcher de songer au défi des spriggans.

— Puis-je te poser une question ?

— Je t'écoute.

— Ce choix des gardiens que nous avons accepté... Comment saurons-nous que le moment est venu ?

— La vision sera là pour te guider. Mais ne t'inquiète pas : tu le sauras au fond de ton cœur.

— Et que se passera-t-il alors ? Est-il possible de refuser de choisir ? De reporter à plus tard ?

— Non, le moment venu – celui que tu as vu dans ta vision – est l'instant où le choix revêt son sens, où les chemins de l'avenir divergent. Ni plus tôt, ni plus tard. À ce moment-là, tu choisiras, et renonceras à tout retour en arrière. Toutefois, tu peux prendre ta décision avant, bien sûr. En ce qui me concerne... j'ai déjà pris la mienne.

— Alors, tu sais ce qui va arriver ?

— Non, je ne sais ni quand, ni comment. La brève vision des spriggans représente le fragment d'un avenir que je n'appréhende pas encore. Cependant, je connais le choix qui m'est offert et j'ai choisi en conséquence.

Je décide de ne pas la questionner plus avant. Je n'ai pas envie de parler de ma propre vision et n'apprécierais pas qu'un inconnu m'interroge à ce sujet. Mes pensées s'écartent vers d'autres directions.

— Et Guy ? A-t-il eu une vision également, malgré sa fièvre ? Pourra-t-il identifier le moment de son choix ?

— Je ne saurais te dire. Tu devras le lui demander à son réveil. Mais les images en elles-mêmes ne sont pas importantes. Le choix se présentera à lui de toute façon. Ne t'inquiète pas tant à ce sujet. Il n'est pas bon pour nous autres humains de soulever le voile de l'avenir.

Je rumine en silence ses paroles. Ne pas s'inquiéter, c'est plus facile à dire qu'à faire ! Après tout, je me suis porté garant pour Guy, même si je n'en comprends pas les enjeux. Si le choix se présente quoi qu'il arrive, à quoi puis-je bien servir ?

Je suis tiré de mes spéculations par le corps trempé de sueur de Heinrich qui vient s'asseoir à mes côtés.

— Ah ! soupire-t-il bruyamment. Ça fait du bien de faire une pause. Il faut reconnaître que les faés savent faire la fête. Je ne m'étais pas autant amusé depuis longtemps !

Geiléis se tourne vers lui, les yeux ronds de surprise.

— Tu ne danses plus ?

— Oh, je vais y retourner, bien sûr ! Mais d'abord, je crois que je vais manger un morceau.

Il se relève aussitôt et se dirige vers la table de banquet la plus proche.

— Prévenez-moi quand c'est l'heure de partir ! lance-t-il par-dessus son épaule.

Il se sert avec appétit parmi les mets étranges des faés et je secoue la tête en riant.

— Quel incorrigible fêtard !

*  *  *

Au bout d'un temps que je ne saurais mesurer, la fête se termine. Les musiques s'éloignent, les danses ralentissent, puis s'arrêtent. La lune coule vers les brumes du lac pour se glisser dans son lit douillet. Le ciel s'éclaire imperceptiblement.

Les uns après les autres, les faés repartent vers les bois environnants sur un dernier rire. Les longues tables ont disparu sans que personne soit venu les débarrasser. Bientôt, je me tiens seul au milieu de la clairière. João et Fabrizio s'approchent, un peu hébétés. Ils se frottent les yeux avec la torpeur de ceux qui émergent d'un rêve. Geiléis nous rejoint. Nous retrouvons Heinrich accoudé dans l'herbe tendre au pied du chêne.

— Ah, vous voilà ! se lève-t-il d'un bond. C'est l'heure de partir ?

Nos carrioles nous attendent à l'orée du bois. Les mules placides, encore bâtées, broutent en paisible indifférence. Au fond du chariot, Guy est allongé sur sa couche, profondément endormi. Alors que nous nous apprêtons à reprendre notre route, une forme gracieuse, presque lumineuse, s'avance vers nous. Les pieds nus d'Áine frôlent le sol sans écraser un seul brin d'herbe sur leur passage. Geiléis s'incline dans une profonde révérence.

— Nous vous remercions encore une fois pour votre hospitalité, Dame du lac.

— Je viens vous dire à jamais, Geiléis, fille de Deirdre. Nous ne nous reverrons plus. Prends ceci, en gage de l'amitié entre les druides et les faés. Puissent les Dieux et les Anciennes Puissances veiller sur vous et sur votre quête !

Les paroles de la reine pincent mon cœur d'un regret informulé. Je scrute le visage de la gardienne à la recherche d'une langueur semblable à la mienne, mais Geiléis a retrouvé toute sa sérénité. Elle tend la main et Áine y dépose délicatement un gland doré qui brille dans cette fin de nuit. Puis la déesse s'efface tel un mirage. Sa robe se fond en une pluie d'étoiles qui s'élèvent vers le ciel. Elle sème derrière elle un parfum de printemps qui m'égaye le cœur. La clairière est déserte.

Heinrich s'empare des rênes et je le rejoins sur le banc. Il pousse un léger soupir, le regard vague, pendant que notre mule suit sa consœur d'un pas docile.

— Je crois que je ne pourrai jamais plus porter les yeux sur une femme sans penser aussitôt à Áine, la Reine des Faés, murmure-t-il d'un ton rêveur.

La fatigue accumulée ces dernières heures finit par avoir raison de moi. Je me glisse jusqu'à ma paillasse. Sans même me déshabiller, je me roule dans ma couverture et laisse le sommeil m'emporter dans des songes peuplés de créatures chatoyantes.

*  *  *

Une mélopée suave s'enroule autour de mon esprit endormi et me tire vers la conscience. Je reconnais la voix de Geiléis qui s'estompe doucement. Le cri éraillé des mouettes perce au travers de la toile huilée du chariot. Une odeur d'iode et de sel me chatouille les narines. Je passe la tête par la fente et découvre devant moi le ciel des hommes, la mer bleu sombre, un petit port de pêche blotti au pied d'immenses falaises blanches. Le soleil de fin d'après-midi teinte les nuages d'un jaune orangé.

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