Chapitre 8- Plaies À Vif
L'homme se précipita vers la jeune femme afin de la calmer. Il prit ses mains et essaya de capter son regard, en vain. Voyant son visage se crispait de douleur, il l'enveloppa de ses bras et la souleva sans difficultés.
- Allons voir le mage.
Il laissa dépasser sa tête des étagères pour voir si le chemin était libre, or deux mages étudiaient des livres sur les créatures anciennes. Ils paraissaient très concentrés, mais l'assassin voulait prendre aucun risque. Pour sortir sans encombre, Clay enleva la robe de mage d'Eranne et la cacha sous un meuble, avant de lui ébouriffer les cheveux. Ensuite, il sortit de la section et fila vers la porte d'entrée, située quelques mètres plus loin. Il essayait tant bien que mal de ralentir malgré l'urgence de la situation, cependant sa démarche trahissait sa nervosité.
Un des mages, intrigué par les gémissements d'une femme, leva les yeux de son livre, regardant en direction du bruit, aperçut Clay portant Eranne. Ses sourcils se plissèrent.
- Vous ! Que faites-vous avec cette jeune femme ? (Il s'avança l'air soucieux).
- Elle était en proie à une crise d'hystérie, répondit Clay d'un ton assuré, je l'ai emmenée dans la salle de soin pour m'occuper d'elle.
Le mage, qui semblait rassuré par le jeu d'acteur, ne dit rien de plus et regarda même Clay, un large sourire aux lèvres.
Avant de continuer son chemin, l'assassin observa attentivement Eranne, il avait de la pitié pour la jeune femme, émotion pourtant proscrite dans son métier. Mais Eranne semblait complètement perdue et subissait l'action de forces bien plus obscures que ce que l'assassin pensait. Il fallait rapidement trouver le mage car il craignait une aggravation de sa santé.
- Ce bougre passe son temps à la taverne !
Il atteignit enfin la grande porte principale, décorée de grimoires et de symboles magiques de la connaissance, et la poussa.
Comme s'ils savaient tout, pensa Clay qui avait toujours pris les mages pour des prétentieux et selon lui, des aristocrates magiques.
Une fois à l'extérieur, le bruit de la foule sonna comme des bourdonnements atroces aux oreilles d'Eranne, elle voulut partir immédiatement, dans un endroit calme et isolé. Mais, de l'acide coulait dans ses veines et et brûlait les parois de sa peau. Certaines personnes se retournèrent pour regarder Clay et Eranne sans comprendre ce qu'il se passait. L'assassin ne leur prêta pas attention et fendit la foule en bousculant certains de ses épaules.
Clay et Eranne se retrouvèrent sur les petits chemins ténébreux de l'Égout, l'odeur était toujours aussi nauséabonde qu'à leur arrivée. Mais à mesure qu'ils s'approchaient de la taverne on entendait des hommes chanter qui accompagnaient une mélodie joyeuse et entraînante. Cependant, pour Eranne cela ressemblait plus à des cris stridents qu'elle essayait d'atténuer en collant ses mains à ses oreilles.
La taverne était à l'image de l'Égout, misérable. L'inscription L'écuelle étincelante maladroitement gravée dans le bois du bandeau promettait un intérieur bien médiocre, mais où l'on pourrait manger dans de la vaisselle propre. Les pierres qui constituait cette immondice d'architecture commençaient, pour la plupart, à se fendre en deux. Cette petite bâtisse contrastait avec l'ensemble du bas-quartier de Duroche, car c'était le lieu dans lequel les gens de l'Égout passaient du bon temps entre eux et essayaient d'oublier leurs problèmes en buvant et en profitant des jeunes femmes.
Il n'y avait plus de porte. Clay bouscula deux hommes qui renversèrent leur bière sur leur vêtements, déjà cramoisis. Personne ne s'offusqua qu'un homme portait une femme dans ses bras, c'était même courant dans ce genre de lieu, et surtout dans l'Égout, de les emmener dans les chambres. Mais ces buveurs assidus du petit peuple regardaient l'assassin avec une certaine crainte, Clay Timb était connu de ce quartier comme l'un des Saigneurs des plus efficaces et qui ne manquait jamais à ses paroles. C'était même dans ce genre de taverne qu'il concluait la majeure partie de ses contrats, une taverne remplie de pauvres gens qui ne poseraient pas de questions en échange d'une petite pièce.
Quelques uns se décalèrent de Clay, considéré comme un roi dans son palais. Ce dernier se dirigea vers le comptoir, où le tenancier nettoyait des écuelles avec un vieux tissu, et demanda d'une voix qui résonna comme un fouet dans le bâtiment.
- Où est Priape Aquin ?
- Dans les chambres du haut, Saigneur, deuxième porte. (Il baissa la tête pour ne pas affronter le regard de l'assassin).
Le saigneur monta l'escaliers, qui, sous chacun, de ses pas grinçaient, sans pour autant couvrir les gémissements d'hommes et de femmes ainsi que la percussion des lits contre les cloisons. Le couloir de l'étage était très sombre, seul une bougie à moitié entamée l'éclairait, mais l'obscurité ne gêna pas la vision de l'assassin qui trouva la porte recherchée. Il y colla son oreille et entendit une voix familière, celle de son ami Priape, et d'une femme qui lui demandait s'il voulait une douceur - citronnade au miel, un breuvage aphrodisiaque cadeau de la maison - l'homme accepta d'une voix tout aussi mielleuse. Clay frappa deux coups à la porte et déclara à plein poumons.
- Rhabillez-vous, je rentre !
L'homme dans la chambre eut à peine de temps de couvrir la jeune femme en sa compagnie des rideaux décrochés avec hâte, lui portait toujours sa robe de mage. Son visage exprimait une réelle surprise en voyant Clay Tlimb approcher avec une demoiselle presque inconsciente dans ses bras. L'assassin regarda, impassible, la fille de joie, toujours présente, et ordonna :
- Qu'elle sorte immédiatement.
- Reviens vite ma douce, lui susurra le mage en la congédiant.
- Arrête d'être aussi poli avec les putains, tout ce qu'elles veulent c'est ton argent d'aristo magique.
- Je paye sa beauté, pas ses actes, Clay Tlimb. Pourquoi m'as-tu dérangé par ici ? Avec une femme dans tes bras en plus.
- Elle a besoin d'aide, il lui est arrivé un incident dû à la magie et c'est tout ce que je peux te dire.
- Comment ...
- Ne pose pas de questions, le coupa Clay, tu vois bien qu'elle souffre. (Le mage regarda le visage marqué de douleur d'Eranne).
- En effet, cela gâche sa beauté (il fit une moue tout en caressant une mèche de cheveux ébouriffés de la jeune femme), si tu veux, je peux la sonder pour voir ce qu'elle a, mais rien n'est gratuit.
L'assassin ne dit plus un mot, déposa délicatement la jeune femme sur le lit et mit ses cheveux en arrière pour dégager son visage. Le bandage qui couvrait son œil gauche était resté en place, mais les brûlures qui parcouraient la partie gauche de sa tête et de son épaule, comme une terre craquelée, étaient toujours rouges et vives. La jeune femme était dans un état pitoyable et n'avait toujours pas repris conscience. Le mage la regardait fixement pour desceller le moindre signe physique d'incident provoqué par la magie. Il prit sa main et examina les plaies causées par ses ongles desquelles coulait encore un peu de sang, palpa les bras de la jeune femme pour y trouver ou non la présence des Veines - canaux dans le corps permettant à ceux qui en possèdent de pratiquer la magie- puis il enleva le bandage afin de mieux constater les dégâts. À la vue de l'œil, ses yeux écarquillèrent et il recula brusquement. Son orbite était complètement vide mais une lueur brumeuse aux nuances violines s'en échappaient : des Veines noires striaient le contour de son œil. Le mage se sentait comme aspiré par cet abîme envoûtant, toutefois il ne se laissa pas aller et continua son inspection méticuleuse. Clay observait attentivement chaque geste du mage qu'il connaissait pour avoir les mains un peu trop baladeuses, mais la découverte de l'œil gauche de la jeune femme avait capté toute son attention.
- Je crois qu'un confrère, ou du moins quelqu'un de très doué en magie, a complètement incendié la partie gauche de son joli minois. Écarte toi un peu Tlimb, je dois la sonder.
Le mage se tenait à présent droit au dessus d'Eranne, et Clay observait la scène en retrait, dans un recoin de la pièce. Priape posa ses mains sur les épaules de la jeune femme, une étrange lueur bleutée en sortit, il posa ensuite la main sur son front et descendit jusque son ventre, sans aller plus loin - sentant le regard désapprobateur de l'assassin- il dessina ensuite un cercle et en son centre une vague verticale, symbole de Fortuna, dieu de la santé et de la bonne fortune. Il se retourna vers l'assassin et le regarda très inquiet, il n'aimait pas ce qu'il avait senti.
- J'ai trafiqué, dans ma vie, plusieurs parchemins sur la magie occulte, certains ont été écrits de la main de mages ayant mené des expériences sur des Hommes venant de différents villages et villes, ils ont dépecé leur cadavre pour fouiller dans leur entrailles et observer leurs Veines.
- Je ne suis pas là pour écouter tes histoires Priape.
- Tu ne sais pas ce qu'elle a. Celui qui ne sait pas se tait, contesta le mage à haute voix.
Cela contraria beaucoup Clay qui se renfrogna. Mais il fallait qu'il sache ce qu'il se passait vraiment, son désarroi vis à vis de la jeune femme s'intensifiait de plus en plus.
- Je disais ... Chez certains des cobayes, venant du même endroit, ces mages occultes ont observé un organe supplémentaire entre le foie et le diaphragme. Quelques uns ont été conservés dans des bocaux à l'Académie. Ils ressemblent à un cube de taille moyenne creusé de nervures, dont la taille varie beaucoup d'un individu à l'autre. De plus, cet organe dégageait une forte magie et était relié à l'ensemble de toutes les Veines, de ce fait il est facilement détectable. Et cette jeune femme en possède un, qui semble fortement actif. Personne n'a observé les effets d'un tel organe actif ...
- Tu as réussi à atténuer sa douleur au moins, demanda l'assassin ?
- J'ai posé un sort pour restreindre la circulation de la magie dans ses Veines, mais je n'ai pas toutes les connaissances sur cet organe et ne peux rien te promettre. Par contre, ses plaies resterons à vif, le sort de soin ne les affectent pas ...
Clay s'avança pour regarder Eranne plongée dans un sommeil profond, le visage paisible, ce qui le rassura. Il voulait proposer à Priape de la garder avec lui pour qu'il en prenne soin.
Les Saigneurs ne sont pas des nourrices ... Je devrais la laisser.
Mais il craignait pour l'avenir de la jeune femme qui avait tout perdu, et l'assassin s'était étrangement attaché. De plus il ne faisait pas confiance à l'homme accrocs aux plaisirs de la chair pour s'occuper sans débordements d'une jeune femme.
- Dès qu'elle se réveille elle viendra avec moi. Je compte sur toi pour ne pas parler de tout ça à qui que se soit, compris ?
- Je comprend, mais tu dois me dédommager pour le dérangement ... et pour mon silence (il tendit sa main en direction de l'assassin).
Clay déposa dans la paume avide une pièce d'or. Puis il attendit qu'Eranne reprenne conscience tout en observant son visage à moitié brûlé de ses yeux bruns.
Aristos magiques de merde.
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