Chapitre 4- Fils De Roi
Le roi d'Aysya, Gorhic Solveig, avançait d'un pas furieux dans les couloirs de son château, tel un taureau enragé. Cet homme avait, pour ainsi dire, une vraie carrure de dominant, les épaules larges, très grand et la mâchoire carrée. L'âge avancé du monarque se voyait à sa chevelure grise coupée court et aux nombreuses rides qui creusaient son visage. Il regarda derrière lui, aperçut un de ses conseillers à la traîne et hurla:
- Hâte toi sot de Karnatien ! Je n'ai pas le temps pour les gens de ton peuple, contrairement à eux j'ai un royaume à mener.
Un petit homme à la peau mat, le crâne quasi dégarni, accourut. Il regardait le roi comme un animal dangereux. La colère de ce souverain était légendaire, mais c'est comme cela qu'il dirigeait son royaume et que tout ses sujets lui étaient loyaux. Il avait su mener des batailles d'une poigne de fer et régler des conflits internes comme des histoires de vols ou de conflits entre paysans. Il savait prendre les bonnes décisions même si cela devait lui coûter beaucoup, à lui comme au peuple. C'est pour cela qu'on craignait le roi tout autant qu'on l'appréciait. Le Karnatien arriva devant le monarque et baissa la tête en signe de soumission, non par respect du protocole.
- Excusez moi votre majesté, je vérifiais que les domestiques avaient bien préparé la salle du trône pour recevoir les émissaires de Karnatia.
- Qu'en est-il ? Les étendards d'Aysya sont-ils bien accrochés aux murs ? Ces envahisseurs doivent bien comprendre qu'Aysya appartient au peuple du Nord.
- Tout est prêt, il ne manque plus que vous.
Le conseiller tendit le bras pour laisser le roi le précéder. À son grand étonnement, sa majesté ne s'empressa pas d'y pénétrer, mais resta immobile, le regard perdu dans le lointain. Pris d'une soudaine inquiétude, il ordonna d'une voix ferme au Karnatien :
- Va chercher mon fils Lothaire, il doit être présent pour continuer son apprentissage.
- Très bien votre majesté, j'y vais de ce pas.
Le petit homme s'en alla vers l'aile du château où se trouvaient les chambres. Le roi, lui, accéda à la salle du trône, où il s'assit sur son siège de métal décoré selon l'histoire du peuple du nord et attendit son second fils ainsi que les émissaires de Karnatia.
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Le prince Lothaire Solveig regardait l'horizon depuis le balcon de sa chambre. C'était un jeune homme de dix-neuf ans. On remarquait à travers ses vêtements une musculature bien développée car il s'était beaucoup entraîné au maniement de l'épée, enfant. Il était le portrait de sa mère défunte, les cheveux blonds comme les blés et les yeux bleu océan. Cependant son visage carré rappelait celui de son père et des héros sculptés dans du marbre. Le noble scrutait le ciel en quête d'une quelconque distraction. Soudain, il entendit quelqu'un ouvrir sa porte.
- Prince Lothaire, votre père m'envoie vous chercher pour la rencontre avec les émissaires de Karnatia.
- J'arrive Seris.
Le jeune homme avança vers la sortie et vit le petit conseiller sourire.
- Je suis heureux que pour une fois je n'ai pas à demander à votre père de vous chercher en personne jeune prince.
- Je te comprends, c'est après toi qu'il en a quand je ne viens pas. Comment vas-tu mon ami ?
- Votre père à l'air furieux comme à chaque fois que des émissaires de mon peuple viennent, j'ai très peur pour mon postérieur, gloussa le petit homme. Vous devriez y aller mon prince.
Les deux hommes atteignirent la salle royale et observèrent le roi pensif, assis sur son siège imposant en argent. Les murs étaient richement décorés de symboles du peuple du nord, comme sa bannière ornée d'un ours en argent la gueule grande ouverte. Le petit homme s'avança devant le trône et baissa la tête.
- Mon roi, votre fils. Venu sans contester vos ordres, ajouta-t-il.
- Merci Karnatien, il tourna la tête vers Lothaire, à présent, fils, tu vas devoir t'instruire sur la politique internationale, c'est un devoir important pour un futur bon roi.
- Père, ce n'est pas moi qui suis destiné à être roi. Cela doit être Wille, on l'a éduqué en vue de son accession au trône et il a montré une intelligence incroyable pour l'établissement de stratégie militaire et de diplomatie. Je ne souhaite pas voler sa couronne.
- Ton frère est atteint d'une maladie qui l'empêche de combattre, la moindre blessure peut lui être fatale. Le royaume à besoin d'un souverain fort sur tous les plans et c'est pour cela que nous allons t'apprendre tout ce qu'il faut savoir sur la manière de gouverner. Tu es un jeune homme fort et bon Lothaire. Ton frère ne t'en voudra pas, il sera au contraire impressionné par ce que tu peux accomplir.
- Cessez de gaspiller votre temps pour m'apprendre à devenir roi et trouvez-lui un remède.
Les sourcils froncés, le roi se leva de son trône et aboya de colère :
- Assieds-toi à ma droite et écoute bien tout ce qu'il se passera, c'est ton devoir de futur roi et ne conteste plus mes ordres !
- Très bien, père.
Lothaire obtempéra. Le siège sur lequel il s'installa était bien moins imposant que celui de son père. Lui aussi connaissait la colère du monarque et s'abstint de le contredire.
Les clairons annoncèrent l'arrivée des émissaires. Il s'agissait de deux hommes aux cheveux bruns bouclés et à la peau mat, habillés d'une tunique brodée de fil d'or et incrustées de pierres précieuses, une tenue typiquement Karnatienne. Le petit conseiller Seris se rappelant de nombreux souvenirs de ces hommes dédaigneux fut pris de dégoût pour ses origines. Sa famille venait de Karnatia, mais une fois Aysya conquise , ils s'y étaient exilés, faute d'argent. Seris aimait ces terres du Nord qui lui avaient offert un nouveaux foyer et un avenir et voulait se rendre utile du mieux que possible. Mais sa tâche était difficile puisque il essayait d'obtenir les grâces du roi, en vain. Or, Lothaire, exprimait un profond respect pour ce petit homme chauve et cela lui remplissait le cœur de joie. Une fois revenu à lui, Seris annonça les émissaires avec un peu de haine dans sa voix.
- Lapretis Achio et Aufilis Caby, émissaires de Kanartia.
Ces derniers s'avancèrent vers le trône imposant et s'y arrêtèrent quelques mètres devant. Ils firent une révérence avec un sourire carnassier aux lèvres , l'un d'eux regarda le roi dans les yeux et dit:
- Parlons d'affaires, cher roi d'Aysya. Vous avez sûrement remarqué que nous avons conquis de nombreux bourgs de votre humble royaume au cours du mois dernier.
- Notre armée est bien plus importante que la vôtre et d'ici un an Aysya sera encore aux mains de l'Empire Karnatien, ajouta le second émissaire. Soumettez votre royaume à notre empereur et il saura vous rendre clémence et épargner vos enfants. Oménie, Wille et votre cher héritier Lothaire, il me semble.
- Les terres du Nord n'ont jamais appartenu aux Karnatiens, et elles resteront notre propriété, répondit le roi en haussant le ton.
- L'empire a apporté à votre peuple de nombreuses technologies sur l'art de construire des maisons à étage plutôt qu'en pierre et avec un toit de chaume, sur la médecine et la magie. Ces terres ont été colonisées par l'empire et nous appartiennent. Sans cette rébellion du peuple nordique et la prise du pouvoir de votre père en tant que roi du nord vous ne seriez qu'un esclave parmi d'autres. Vous devez tout à l'Empire.
- Non, le peuple du nord et moi même ne devons rien aux carnassiers que vous êtes. Étendez vous ailleurs que sur nos terres, car nous n'avons pas besoin d'une grande armée pour vous battre. Nos hommes sont forts et robustes. Ne comptez pas sur vos machines de combats, les roues se bloquent dans la neige, répondit le roi.
- Vous n'avez donc pas peur de faire couler le sang du peuple du nord et celui de vos enfants ?
- La guerre ne fait pas peur aux Aysyans. Nous récupérerons nos bourgs et nous vengerons du mal subi.
Le roi se leva et prit une hache accrochée au mur de la salle du trône, son fils se leva et lui dit avec inquiétude.
- Père ...
- Lothaire ! Le coupa le roi d'un ton agressif. Tu n'es pas roi, tu apprend à l'être. Maintenant plus un mot et contente toi de regarder, autrement je t'apprendrais ce que cela fait quand on coupe la parole d'un souverain.
Le roi lança la hache aux pieds des émissaires. Les deux hommes aux cheveux bouclés reculèrent un peu, une légère expression de satisfaction passa sur leur visage. Il était inévitable pour leur empereur que Karnatia gagnerait une nouvelle guerre. Le royaume d'Aysya ne leur inspirait aucune crainte. Puis ils ordonnèrent d'un signe de tête à Seris de ramasser la hache. Le petit homme savait qu'une partie de sa famille vivait encore à Karnatia, et il craignait des représailles de l'Empire, puisque la plupart des Kanartiens qu'il rencontrait le nommaient Le Traitre. Il s'empressa de rapporter l'arme aux émissaires mais ne montra aucun autre signe de soumission.
- L'empereur sera averti, vous déclarez une guerre qui causera votre perte à tous, répondit Lapretio avec dédain.
Les deux émissaires sortirent de la pièce avec un regard noir en direction du roi. Il ne restait plus que Seris, Lothaire et le monarque.
- Seris ! Convoque le conseil de guerre en mon nom ! Nous devons nous préparer sans plus attendre, ordonna le vieil homme.
- Très bien messires, sur ces mots le petit homme partit.
- Mon fils, ces prochains jours vont être éprouvants, tu vas devoir apprendre vite, mais une fois cette guerre gagnée, tu pourras diriger un royaume sereinement. C'est l'héritage que je veux te laisser. Tu vas devoir assister à chaque conseil. Assumeras-tu ton devoir ?
- Je l'assumerais, répondit le prince hésitant, avant d'assister au conseil puis-je aller faire mon rapport quotidien à mon frère ?
- Vas-y.
Lothaire sortit de la salle du trône toujours subjugué par la tournure des événements.
Le roi resta pensif, la tête posée dans le creux de sa main, seul sur son trône.
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