Chapitre 14- Conseils
Le roi d'Aysya avait convoqué de nouveau son conseil de guerre, puisque dès le retour de son fils et la probable arrivée des troupes Pursiennes, il lancerait les premières offensives. Le moindre détail de leur stratégie et de leur organisation devait être vu et revu. Le souverain des terres du Nord savait intérieurement que Karnatia était dans la capacité de ne faire qu'une bouchée de son armée. Mais il avait un autre plan, qui selon lui, assurait à Aysya la victoire. Quant au peuple, il n'avait aucun doute et pensait fermement que leur nation gagnerait la guerre menée par la poigne de fer de Gorhic Solveig.
Quatre hommes l'attendaient autour d'une grande table rectangulaire en ébène. Cette lourde structure en bois était la pièce la plus importante de la salle du conseil, elle prenait quasiment toute la place. Elle était élégamment sculptée de frises ondulées qui entouraient tous ses bords. Au centre, se trouvait gravée la carte du monde connu, avec une telle précision qu'on aurait pu croire une oeuvre de la magie. Le reste de la salle était à l'image du roi, des rideaux gris et épais laissaient de minces rayons du soleil pénétrer dans le lieu, pour palier à ce manque de lumière on avait installé des candélabres sur des guéridons. Mais les bougies étaient déjà là depuis longtemps, comme le roi, leur cire étant quasiment entièrement consumée. La salle du conseille était le second endroit - après la salle du trône - dans lequel le monarque passait le plus de temps. Il se demandait parfois quelle était l'utilité de réunir un conseil, sachant que lui même trouvait toutes les idées quant aux problèmes du royaume. Ce conseil n'existait que parce qu'il s'agissait d'une tradition, de plus, il était nécessaire que ses enfants apprennent à maîtriser la politique. Le roi savait - même avec toute la meilleure volonté possible - qu'il n'arriverait pas à les éduquer seul. Il avait besoin de ses conseillers.
Gorhic Solveig passa le bas de porte et son entrée fit réagir immédiatement les quatre hommes. Tous se levèrent comme un seul homme, et à cause de cela ils faisaient penser à des soldats disciplinés. Mais dans ce cas, c'était une preuve de leur allégeance au roi qui aimait l'ordre et l'unicité. Parmi ces hommes, il y avait Seris Parseman, un ancien Kartien naturalisé Aysyan par le père de Gorhic Solveig, pour avoir lutté avec sa famille dans la libération des terres du Nord. À côté de ce petit conseiller, se tenait le fervent général de guerre, vétéran de la guerre de libération, Erland Kriger. Il était également connu pour avoir partagé l'enfance de l'actuel roi, par conséquent les deux hommes étaient tous les deux au même stade de sénescence et avaient des cheveux gris et un visage ridé. Puis, de l'autre côté de l'imposante table, était debout Volusien Svend, le jeune trésorier du royaume, présent pour s'assurer que le coût de la guerre ne dépasserait pas les fonds d'Aysya. Enfin, un homme en robe de mage pourpre, contrastant avec la couleur noire de ses cheveux que faisait légèrement ressortir la lumière éthérée, attira l'attention du roi.
- Tu es là, Theobald Droef.
Personne ne dit un mot de plus. Les autres conseillers ne savaient pas quelle était la raison de la présence du mage. Toutefois, il était en Aysya depuis plusieurs mois, silencieux et étudiant dans la bibliothèque privée du royaume. Mais sa présence parmi un tel conseil ne semblait pas déranger le roi, toujours stoïque.
Ses pas résonnèrent dans l'ensemble de la pièce lorsqu'il s'avança vers son siège de bois gris en bout de table. Son lourd manteau en peau d'ours ajouté à sa posture de conquérant - les deux mains fermement posées sur accoudoirs - amplifiaient sa carrure d'homme puissant. Si bien qu'un regard vers un des quatre conseillers leurs fit baisser les yeux. Hormis ceux du mage, qu'il gardait bien droit en direction du roi.
- Votre fils, Wille, ne vient pas ?
- Sachez vous tenir correctement, mage. En ces lieux, je suis le seul à pouvoir prendre la parole en premier. Estimez-vous heureux de pouvoir vous asseoir sur cette chaise Aysyanne, à cette table sculptée selon la tradition de nos ébénistes, parmi des hommes de sang pur des terres du Nord. Tonna le roi d'une voix qui résonna dans toute la salle.
Le mage, déjà irrité par ces paroles, ne voulait pas aggraver la situation et baissa la tête comme les autres conseillers. Le monarque continuait de le toiser, mais il devait traiter les affaires du royaume avant tout. Il se pencha en avant afin de mieux observer la carte du monde qui couvrait la table et annonça d'une voix forte.
- Conseillers, nous pouvons enfin commencer.
Un page vint apporter des statuettes, semblables à des pions d'échec, en forme d'ours, de mouflon et d'aigle. Le roi lui indiqua où les disposer d'un signe de tête.
- Mon fils, Lothaire, obtiendra bientôt une réponse quant à l'armée pursiennes. Nous recevrons une missive par communication intermage, qui sera également envoyées en Pursie, ainsi les offensives pourrons être déclenchées le plus vite possible. Il ne fait aucun doute qu'ils nous céderons la moitié de leur armée.
Le page déplaça deux statuettes de mouflon de la Pursie aux frontières Sud Aysyannes.
- Cent-mille Hommes arriveront par navires de guerre, sûrement cinquante, ce qui deviendra très rapidement un autre avantage pour nous. Nous pourrons prendre Karnatia par les flancs maritimes et par la frontière que nous partageons avec eux.
- Mon seigneur, j'ai peur que le royaume ne possède pas assez de richesses afin de mettre en place et maintenir des campements pour plus de vingt mille Hommes. Le coupa le trésorier. Sauf si la Pursie prend en charge tous ses frais.
- La prochaine fois que vous avez quelque chose à dire, Svend, levez la main. Ordonna le roi mécontent. Mais nous n'avons rien à craindre pour les frais, une fois victorieux de cette guerre toute la richesse Karnatienne nous reviendra. Seris, à combien s'élève le trésor de ton ancienne nation?
Le petit homme surpris par l'attention que lui porta le roi, se leva.
- Quatre-vingt-mille pièces d'or, mon seigneur. Deux fois la richesse d'Aysya.
- Cette somme et aussi une de raisons bénéfique de cette guerre, elle nous permettra de payer tous les frais et de reconstruire les villages qu'ils ont pillés.
Le commandant de guerre, situé à la gauche du roi, leva une de ses mains pour demander la parole. Son visage perplexe scrutait la carte gravée au centre de la table.
- Je vous écoute commandant Kriger. Céda le monarque.
- Il est indéniable que votre fils arrivera avant les troupes Pursiennes. Et je pense qu'il est préférable que nous donnions aux soldat Karnatiens stationnant dans nos bourg l'image d'une Aysya puissante et qui ne reculera pas. Je vous propose donc de m'envoyer avec une légion de six-mille Hommes reprendre le sud de notre nation. Demanda le conseiller d'une voix assurée.
- Vous me connaissez parfaitement Kriger. S'esclaffa le roi. J'allais l'aborder, je vous accorde une légion et vous partirez dès le retour de Lothaire. Page! Hurla le roi d'une voix rude.
Sur ces mots, le petit page posa les statuettes d'ours devant les mouflons. L'enfant semblait s'amuser à jouer comme cela avec ces objets de bois sur une vraie carte, ses yeux pétillaient. Le roi satisfait ébouriffa ses cheveux en signe de gratitude.
- Ensuite, une partie des Pursiens consolideront nos positions au Sud. L'autre partie naviguera sur les mers et prendra Karnatia par le flanc Ouest. En même temps deux de nos légions partiront vers Anitium, leur cher et tendre capitale, et nous les écraserons.
Chaque homme recula dans son siège, ils restaient pensifs et perplexes, doutant même que leur armée attendrait le Nord de l'Empire Karnatien. En effet, le royaume du Nord ne possédait pas la plupart des technologies de guerre d'Aysya, ils n'avaient que des chevaux, d'autres animaux sauvages qu'on lâchait lors de combats et de nombreuses armes blanches tel que des épée, des masses ou des haches. Alors que l'Empire possédait déjà des technologies bien plus sophistiquées que les autres royaumes n'avaient pas. Leurs machines de guerre, de grandes structures de bois nommées scorpion, capables de lancer des lances de fer à des dizaines de mètres, avaient déjà fait leur preuves lors de la conquête d'Aysya. Mais de nos jours, certaines rumeurs disaient qu'ils développaient des armes personnelles capables de tirer à distance grâce à une petite explosion. Cela effrayait les Aysyans, hormis le roi qui semblait être confiant en sa stratégie.
- Ne doutez pas, je suis votre roi, je sais ce qui est juste. Cette guerre et nécessaire et nous la gagnerons. Déclara le roi confiant. Pour le moment, nous avons besoin que notre commandant de guerre entraîne chaque jeune homme capable de se battre afin de devenir soldat, nos garnisons de soldats déjà bien formés et nos animaux de guerre les plus robustes. Je compte sur vous, Kriger.
- J'exécuterais vos ordres, mon roi. Répondit le haut gradé.
Le mage qui s'effaçait peu à peu de la salle, semblait de na pas se soucier de la discussion ni même du sort d'Aysya. Il était resté passif et silencieux. Pourtant, le regard du roi croisa le sien, cela fit changer son attitude et pendant un instant il sembla pressé.
- Il vous suffit uniquement de former nos troupes, ne pas vous souciez des coûts et de jamais faiblir. À présent, vous pouvez disposer. Affirma le roi.
Trois des conseillers se levèrent, le mystérieux mage resta assis, puis partirent en direction de la sortie sans dire un mot. Le petit page, perdu, ne savait pas où était sa place à ce moment précis. Il décida de retirer les statuettes de la table, les aigles de L'Empire, les ours du Nord et les mouflons de Pursie.
- Laisse-les. Sermonna le monarque. La guerre est pour bientôt, nous en aurons rapidement besoin. Va voir ma fille, elle t'en donnera d'autres, et attend moi devant mon trône.
Le petit lâcha le pion qu'il tenait et partit sans attendre.
Dans la salle du conseil il ne restait plus que le roi, debout, scrutant les fenêtres. Et le mage qui avait comme retiré de son manteau d'ombre. Ils restèrent un moment silencieux, éclairés par la faible lumière, mais le roi céda au calme pesant.
- Vous en avez terminé de votre côté? Questionna le roi.
- L'assassin a reçu son contrat, Morgan le lui a transmis.
- je ne saurais douter de son efficacité, nous aurons très prochainement les troupes Pursiennes, une semaine tout au plus. Votre maîtrise vous a t-elle tous réunis?
- Nous sommes tous réunis, oui. D'ailleurs, ils m'attendent pour notre propre conseil qui j'espère sera plus productif que le votre.
- Sachez être moins insolent envers un roi. S'écria Gorhic en se retournant. je ne suis peut être pas votre roi, mais je suis l'Homme qui offrira à votre maîtresse un nouveau règne. Sans moi, vous serez toujours à l'académie entrain de lire vos vieux documents poussiéreux sur une guerre damnée de toutes les mémoires.
Le roi s'approcha du mage, puis baissa sa tête pour être à la même hauteur que celle du mage. N'importe quel autre homme aurait été effrayé par le visage furieux du souverain, son regard froid semblable aux mers les plus profondes et sa mâchoire robuste. Pourtant, cela ne fit pas faiblir l'homme aux cheveux noirs.
- Sortez. Et menez votre mission à bien comme les autres. Ordonna le roi.
Le mage se leva, un léger rictus de colère au coin de ses lèvres, et sortit à son tour. Il n'aimait pas les remarques du roi, mais il était obligé de subir ces attaques incessantes, car le plan de sa maîtresse en dépendait.
Il se dirigea vers ses appartements, ceux que le roi avait daigné lui offrir. Il s'agissait d'une pièce de dix mètres carrés que le mage avait aménagé lui-même. Puisqu'il n'avait plus besoin de dormir ou même de ranger ses affaires, il avait brûlé les armoires et le lit, chose que le roi ne lui pardonnerait sûrement pas. Mais le monarque ne lui inspirait aucune crainte.
À peine eut-il poussé la porte qu'il remarqua quatre ombres sur chaque chaises disposées en cercle et un spectre au centre. inquiet qu'une servante puisse voir cela, le mage referma la porte rapidement derrière lui. Puis il alla s'asseoir sur un des sièges vacants.
- Nous vous attendions, Droef. Déclara une ombre d'une voix féminine.
Le mage, surpris de cette forme examina chaque ombre une à une. Elles étaient toutes indistinguables et ne ressemblait qu'à une forme humanoïde brumeuse.
- Tu apprendra à maîtriser cette forme, mon pouvoir n'est pas si facilement abordable. Dit le spectre qui flottait dans la pièce.
- Excusez moi pour mon retard, Gorhic Solveig m'a retenu un long moment pour me faire remarque qu'il était roi et moi non.
- Ne t'en fait pas, bientôt il aura de nombreuses dettes envers moi. D'ailleurs où en est l'actuelle?
- Sa guerre approche, plus de deux millions d'âmes fous seront offertes, tuées par leur propre vice. Nous devons simplement gorger les veines des Aysyans de votre corruption...
- Ils vous suffira donc, mes Arcyns, de semer le mal parmi eux. Le coupa la Corruption. Je sais déjà ce qu'il faut faire, j'étais déesse bien avant que vous ne naissiez tous. Hurla-t-elle mécontente.
- Ça ne saurait tarder à nouveau, nous reviendrons plus puissant que jamais. Dit à nouveau la voix féminine.
- Oui... Ces Hommes apprendront à reconnaître leurs vrais dieux (le spectre posa ses pieds translucides à terre et avança vers le mage inquiet). Eux qui m'ont damnée depuis trop longtemps, pour soit disant être la responsable de leur propre noirceur. Eux qui prient des dieux qui les ont abandonnés! Tout ce qu'ils ont fait pour eux depuis leur création, c'est de me bannir à jamais de leur paradis métaphysique, mais ils ont oublié que les Hommes m'avaient tous en eux, en vous. Je n'ai jamais arrêté d'exister et je compte bien reprendre ma place. Ainsi je ne serais plus la déesse déchue, mais à nouveau la Corruption. Pour cela, rien ne doit être omis, et vous devez tous respecter ce que je vous ordonne sans commettre d'erreurs. N'oubliez pas que vous m'appartenez, même toi Theobald Droef.
Aucune ombre n'avait bougé, excepté Droef qui avait été surpris par le soudain élan de colère de sa déesse. Mais il reprit rapidement ses esprits et baissa la tête afin de montrer qu'il exécuterait toutes ses volontés. Pour lui, tout ce qu'on lui avait demandé de faire avait été parfaitement accompli.
La corruption reprit sa position au centre des chaises, son corps commença à s'effacer en commençant par ses doigts et le bout de sa longue chevelure.
- Mon culte reviendra, et le votre aussi, à condition que vous exécutez mes ordres dans l'instant qui suit. Commanda la forme transparente d'une voix qui perdait en intensité au fur et à mesure qu'elle disparaissait.
Deux des ombres disparurent à leur tour, celle qui restait n'était autre que la voix féminine. Droef qui souhaitait être au calme pour réfléchir à un plan fut contrarié de remarquer qu'il n'était toujours pas seul.
- Droef, j'ai sentit étrangement ton odeur dans les bras du Saigneur à qui on m'a demandé d'envoyer une missive. Tu ne te serais pas rendu dans les bras d'un homme par hasard? Railla l'ombre, qui s'avérait être Morgan.
- Non... (Le mage se frotta nerveusement la nuque). Les assassins sont très souvent couvert de corruption jusqu'au plus profond de leur âme, c'est évident que tu ai sentit ça!
- Pas chez les Saigneurs comme lui, ils sont purgés malgré leur métier.
L'ombre se leva et approcha du mage qui recula peu à peu jusqu'à être bloqué contre un mur. Morgan posa une de ses mains ténébreuses sur la gorge de Theobald qui devint soudainement pâle.
- Je sais ce que tu n'as pas fais, je l'ai sentit dans le cœur de quatre villageois. Il manquait quelqu'un et elle est toujours en vie. Murmura l'ombre aux oreilles du mage.
- Non, je l'ai tuée , elle ne bougeait plus. Se défendit Theobald Droef.
- Je ne sais pas ce que tu as fais de cette jeune fille, mais je préfère te laisser l'annoncer à notre maîtresse adorée... Voir ton châtiment emplit mon cœur de joie.
- Pas si je retrouve cette fille et que...
L'ombre disparut avant que le mage ait terminé sa phrase. Son ultime gloussement hantait encore la pièce, cela rendit fou le mage qui ne comprenait pas comment il avait pu commettre une erreur aussi idiote. Il embrasa les chaise une à une - chose que le roi le lui reprocherais également - et enflamma le bois de la cheminée par la pensée. Il devait retrouver la jeune fille qu'il avait laissé inerte dans la forêt, mais il n'avait aucune idée d'où elle pouvait être, ses seuls indices étaient le Saigneur que le roi avait engagé, mais il ne connaissait ni son nom ni sa position. Heureusement que ses nouveaux pouvoirs lui permettrait de le retrouver. Il s'installa devant le feu, ferma les yeux et laissa aller et venir son esprit sur une carte mentale du monde faite de canaux magiques représentant l'essence de la corruption. Bien que ce soit disant assassin soit purgé de toute corruption, il devait empester l'odeur d'Arcyn de la jeune fille qui elle, était introuvable pour des raisons qui échappait au mage.
Des gouttes perlaient sur le front de Theobald s'inquiétant pour sa propre vie. À présent sa priorité était de retrouver la villageoise et de l'anéantir avant que la Corruption ne le découvre. Son affolement le fatiguait de plus en plus et il peinait à maintenir sa carte mentale. Une solution s'offrait à lui, il décida de se mettre en trans le temps de trouver un seul signe de vie de la jeune femme. Le mage s'exécuta dans la seconde avant de perdre toute son énergie. Il se mis en tailleur et plaqua ses main au sol, quant soudain un lourd manteau de roche, sortant de ses paumes, vint couvrir chaque parcelle de sa peau jusqu'à laisser un simple amas de pierre. Cette forme, qui ressemblait à un cocon, lui permettrait de se concentrer sur sa mission sans s'épuiser. Mais durant ce même laps de temps, il serait inactif dans le monde réel et risquerait de manquer aux ordres de sa déesse.
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