Chapitre 9 : Mettons les choses au clair
Lorsque j'ouvris les yeux et aperçus la lumière du soleil traverser mes rideaux, je constatai que j'avais réussi à dormir, sûrement très peu, mais c'était mieux que rien, toujours plus que ces derniers jours. Pour une fois, ça avait été plus calme... Et puis je repensais à hier, à ce baiser... au contact de ses lèvres contre les miennes... J'avais l'impression d'avoir fait une connerie, mais une connerie plutôt plaisante. Jamais je n'avais été vraiment attirée par lui. Aux premiers abords, ce n'était pas mon genre d'homme, mais sa personnalité, c'était tout autre chose... Il était compréhensif, attentif et je n'avais croisé que peu de fois d'hommes dans son genre.
D'un bond, je quittai mon lit et m'habillai en vitesse. Une soudaine envie de voir Merle me prenait, j'étais complètement euphorique. J'avais beau me dire que ce n'était qu'un baiser, et pourtant, c'était vraiment plus. D'ailleurs, depuis qu'il avait commencé à m'écouter, à chercher à me comprendre, nos rapports s'étaient de plus en plus amplifiés... et désormais, qu'étions-nous ? Des amis, un couple ou complètement autre chose ? J'avais besoin de le voir, au moins pour m'éclairer. Je préparai rapidement deux tasses de café et vins frapper à sa porte en posant une tasse par terre. Il me fallut de nombreux coups jusqu'à ce qu'il daigne arriver. Il portait un peignoir et se frottait les yeux. Je repris ma tasse posée au sol.
— Bonjour, lançai-je, souriante.
— Dis donc, tu t'es levée assez tôt, me fit-il remarquer.
— Il n'est que midi, rétorquai-je tout en lui tendant une tasse qu'il prit aussitôt.
Il me fit entrer et on s'installa dans son salon. Comme toujours, son chat nous regardait depuis un lieu sûr, c'est-à-dire derrière l'étagère où se trouvait sa collection de films, livres et musiques.
— Ça va ? s'enquit-il.
— Oui, répliquai-je, toute joviale. Pourquoi ça n'irait pas ?
— Je n'aurais pas voulu être trop brusque hier...
— Arrête avec ça ! Il n'y avait pas de mal ! Et c'était très mignon !
Je lui adressai un sourire réconfortant. Il me le rendit et but une rapide gorgée avant de me répondre.
— Anna avait transgressé cette limite, expliqua-t-il d'un ton on ne peut plus sérieux. Je n'avais jamais été d'accord pour qu'elle m'embrasse, malgré mes sentiments. Elle l'a toujours fait en espérant quelque chose en retour... Ce n'était pas quelque chose de partagé, quelque chose de sincère... Et je ne voulais pas te faire ressentir quoi que ce soit qui puisse y ressembler...
— En tout cas, je peux t'assurer que j'ai beaucoup aimé, avouai-je.
Il baissa un instant son regard, souriant, et c'était suffisant pour lui faire oublier quelques démons du passé.
— Ça n'avait rien à voir avec mon ex, ajoutai-je. J'ai l'impression que ce que tu décris avec Anna, c'est un peu ce que j'ai ressenti des fois avec Mason... Je n'étais pas toujours d'accord pour un baiser ou plus, mais il faisait toujours tout pour me persuader du contraire...
Sa main vint se poser sur la mienne, la caressant sensuellement. Puis je m'en détachai pour poser mon index sur sa lèvre inférieure, titillant quelques fois son piercing. Je commençais déjà à devenir accro à la sensation de l'acier sur ma peau.
— Est-ce que ça fait mal un piercing ? demandai-je, bêtement.
On avait dû lui poser cette question des milliers de fois, tout comme à propos de ses tatouages. Il allait forcément me répondre que c'était comme une petite piqûre et je regrettais déjà ma question. M'étant déjà fait tatouer, j'avais eu un aperçu, mais ce n'était qu'un petit tatouage et la douleur n'était pas comparable. En réalité, je n'avais même pas eu mal, ce n'était qu'une désagréable sensation.
— Moins que d'avoir le cœur brisé, répondit-il assez naturellement.
Ma main se stoppa subitement à l'entente de ses mots. Il prit alors ma main pour y déposer un doux baiser sur le dos.
— Je l'ai fait peu de temps après la mort d'Anna, poursuivit-il. J'espérais avoir un peu mal... mais je n'ai rien senti.
— J'ai fait mon tatouage peu de temps après avoir rompu avec mon ex, lui annonçai-je avec un brin de mélancolie.
— Je m'en serais douté. La plupart des personnes que j'ai croisées et qui s'étaient fait tatouer un oiseau l'avaient tous fait pour la même raison. Ils le faisaient tous après une douloureuse expérience, contents de s'en être enfin libérés...
— Merde, je fais vraiment partie de ces personnes qui pensent avoir une signification originale et qu'en fait, pas du tout, lâchai-je d'un air amusé.
— C'est peut-être pour ça que je me tatoue juste parce que je trouve ça joli.
Son visage se rapprocha délicatement du mien et ma respiration s'emballait déjà. Je voulais revivre les mêmes moments qu'hier, à la même intensité. Et sans hésiter, nos lèvres se rejoignirent. Il y avait toujours une petite gêne entre nous, étant tous les deux assez réservés, rien de mauvais. Jamais je n'avais autant apprécié un baiser, c'était si doux et si déstabilisant à la fois. Je redécouvrais cette sensation, les frissons d'une première fois et de partager réellement quelque chose.
— Tu veux manger ici ? me proposa-t-il dans un murmure alors que nos visages étaient encore assez proches.
— Pourquoi pas...
— Je vais commander quelque chose, annonça-t-il en reculant de quelques centimètres et en s'emparant de son portable.
— Tu ne sais pas cuisiner ? m'enquis-je en arquant un sourcil.
— Hum... Le nécessaire... Mais je n'ai pas trop envie de me tracasser aujourd'hui.
— D'accord... Je vais chercher mon courrier pendant que tu passes commande, lançai-je en me levant du canapé.
— Je te commande quoi ? me demanda-t-il, presque perdu.
— Comme toi, répondis-je.
Je lui adressai un bref sourire, quittai son appartement et descendis les marches à toute vitesse pour rejoindre ma boîte. À l'intérieur s'y trouvaient de nombreuses pubs, comme toujours, et déjà les premières factures qui n'allaient pas m'aider.
Quelqu'un s'approcha de moi et à cette démarche rapide, je compris rapidement qu'il ne pouvait que s'agir de Jian et lorsque je me tournai vers elle, mon hypothèse se confirma. Je ne pus m'empêcher de sourire quand je vis son visage rayonnant et j'avais l'impression que ça faisait bien trop longtemps que je n'avais pas croisé ce petit soleil sur mon chemin.
— Hey ! J'ai vu que tu traînais de plus en plus ensemble avec Merle, alors il se passe quelque chose ? m'interrogea-t-elle d'un air charmeur pour que je lui avoue tout.
— On peut dire ça comme ça.
— Oh ce sourire ! Je connais ce genre de sourire ! s'exclama-t-elle en pointant du doigt mes lèvres.
Je constatai alors que, en effet, j'étais bel et bien en train de sourire. C'était si naturel...
— D'une certaine façon, on peut dire qu'on est ensemble, finis-je par avouer avec une pointe de timidité.
— Oh ! Je suis trop contente ! lança-t-elle en se jetant dans mes bras.
Sa réaction me paraissait quelque peu exagérée, mais si elle était contente pour nous, tant mieux. Je n'allais certainement pas lui en vouloir pour ne pas cacher sa joie, surtout pas à elle, c'était ce qui la caractérisait le mieux.
— Ça me fait tellement plaisir d'entendre ça, ajouta-t-elle en me relâchant. Et ça date de quand ?
— Très très récemment, répondis-je pour ne pas dire à peine un jour.
Notre discussion s'arrêta brusquement lorsque des cris retentirent chez les Flanagan entre le père et sa fille. Ni Jian ni moi n'étions étonnées. Malheureusement, leur quotidien semblait assez mouvementé malgré la bonne image qu'ils voulaient se donner. Pourtant, leur fermeture d'esprit n'allait certainement pas magnifier les apparences. Il fallait bien admettre qu'ils étaient pourris de l'intérieur.
Soudainement, Nina quitta l'appartement en claquant la porte derrière elle en ne se gênant pas pour dire à quel point elle détestait son père. Celui-ci lui sommait de revenir en criant de sa voix puissante. Il la poursuivit jusqu'à l'entrée puis abandonna quand il remarqua qu'elle était déjà loin. Puis son regard méprisant se tourna vers nous. Il ne dit rien, mais le silence qu'il imposait était suffisant pour nous faire comprendre qu'il nous jugeait. Finalement, il porta toute son attention sur Merle qui venait d'arriver.
— C'est de ta faute ! vociféra-t-il en le pointant du doigt. Je l'ai vu parler avec toi ! Qu'est-ce que tu lui as fait ?
Il se dirigea dangereusement de Merle, furieux, et j'eus un pincement au cœur quand il le plaqua contre le mur, posant fermement sa main sur son cou. Étais-je en train d'halluciner ou s'en prenait-il vraiment physiquement à lui ? En tout cas, j'étais incapable de bouger d'un pouce, complètement paralysée.
— Pourquoi je lui aurais fait quelque chose ? tenta-t-il de se défendre avec quelques difficultés pour articuler.
— Ne fais pas l'innocent ! Je sais très bien ce que tu fais chaque soir et pourquoi elle est venue te voir ! Qu'est-ce que tu lui as donné ?
— Absolument rien !
— Relâchez-le ! finis-je par articuler en m'approchant d'eux. Si vous ne le faites pas, j'appellerai la police !
Il me lança un regard noir, mais ce fut suffisant pour qu'il le lâche. Merle posa aussitôt sa main sur son cou, même si ça avait été plutôt court, la douleur semblait avoir été assez intense.
— Exactement, défends cette pourriture ! Vivement que je me barre de cet endroit de fous ! grogna-t-il, les poings serrés.
Il avait beau de ne plus agresser Merle, je craignais quand même qu'il ne recommence. Je ne comprenais pas son comportement... Pourquoi agissait-il de cette manière à notre égard ?
— Darcy, je ne vends pas de drogue, annonça Merle en détachant chacun de ses mots et d'un air grave. Je travaille de nuit dans un hôpital et si j'ai eu quelques différents avec Nina, c'était uniquement parce qu'elle ne cessait de vouloir sortir avec moi. Bien évidemment, j'ai toujours refusé parce qu'elle n'a que quinze ans. J'ignore pourquoi elle s'acharne à ce point, mais je pense que vous devriez revoir votre éducation.
Et merde ! Pourquoi avait-il dit ça ? Déjà qu'il refusait de tout avouer à ses parents parce qu'il était persuadé qu'ils ne le croiraient pas, voilà qu'il provoquait Darcy. Mais pourquoi bordel de merde ? Darcy allait forcément perdre le contrôle et le frapper violemment – déjà qu'il l'avait déjà plus ou moins étranglé. Pourtant, Merle restait de marbre et ne craignait pas la moindre contre-attaque.
— Je m'en fiche. Ne t'approche plus jamais de ma fille, le menaça Darcy en faisant quelques pas vers son opposant.
J'espérais vraiment que Merle ne soit pas suffisamment stupide pour répondre à cette attaque. Heureusement, il ne dit rien et se contenta de le défier du regard tout en ne prenant pas ses menaces au sérieux. Chaque seconde qui passait était un battement de plus de mon cœur qui allait déchirer ma cage thoracique. Je craignais la moindre réaction de Darcy, je craignais que Merle ne s'en sorte pas indemne... et jamais je n'avais été aussi effrayée pour quelqu'un... J'avais littéralement peur pour Merle, peur qu'il souffre, peur qu'il ne s'en sorte indemne... Et même si je savais que cette peur était irraisonnée, j'étais incapable d'expliquer pourquoi c'était ainsi...
L'altercation n'était pas allée plus loin et Darcy avait rejoint sa demeure, toujours empreint de haine. Mon regard inquiet se dirigea vers Merle qui m'adressa aussitôt un sourire comme pour me rassurer.
*
De retour chez Merle, nous avions reçu notre plat et je découvris alors que nous allions manger chinois ce midi. De simples boîtes avec des nouilles, des légumes croquants et quelques bouts de poulets. Nous étions calmement installés sur le canapé de son salon et nous nous dévorions du regard autant que nos boîtes.
— Darcy ne t'a pas fait trop mal ? m'inquiétai-je.
— Au pire j'aurais un bleu, ce n'est pas ça qui va me tuer, répondit-il en haussant des épaules. Je suis plus inquiet pour Nina qui est en fugue actuellement...
— En effet, soupirai-je. J'espère qu'il ne lui arrivera rien...
Nina avait pris l'habitude de fuir, mais d'habitude, c'était en soirée sans que personne le sache. Sauf que cette fois-ci, elle l'avait fait en pleine journée, sous les yeux de son père. Pourtant, j'étais persuadée qu'elle finirait par revenir...
— Au fait, j'ai parlé avec Jian tout à l'heure, annonçai-je pour parler d'un sujet un tant soit peu plus joyeux. Elle m'a demandé des nouvelles... et je lui ai dit qu'on est ensemble.
— Ce qui est le cas, je suppose, rétorqua-t-il en enroulant quelques nouilles sur ses baguettes.
— On s'est embrassés... mais il n'y avait pas de demande vraiment... officielle...
— En effet, approuva-t-il en arrêtant le chemin de ses baguettes vers sa bouche. Ce n'était peut-être pas clair avant que tu lui dises et que peut-être j'aurais pu m'y opposer... Mais je suis complètement d'accord.
— On peut aussi faire ça dans les règles. Est-ce que tu veux sortir avec moi ?
— Eh bien... Laisse-moi un peu réfléchir...
— Non ! Me fais pas ce coup-là ! l'interrompis-je tout en riant.
— Je rigole. Bien sûr que j'accepte.
Il rit légèrement, ce qui dessina un adorable sourire sur son visage, et je ne pus m'empêcher de lui donner une gentille tape sur l'épaule pour cette taquinerie plus que lamentable. Son rire s'amplifia et rejoignit alors le mien.
Maintenant, c'était officiel et clair, nous étions ensemble. Cette sensation était à la fois déstabilisante et si satisfaisante...
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