Chapitre 15 : Une porte s'entrouvre
Quand je me rendis compte de quel jour on était, je fus immédiatement déstabilisée. La Saint-Valentin. J'avais complètement oublié ce détail dernièrement. Ma vie et toutes celles de mon entourage avaient été bien trop tourmentées pour que j'y prête attention. Du coup, je n'avais absolument rien prévu... En était-il de même pour Merle ? Avait-il eu une idée pour passer la soirée ? Après tout, aucun de nous deux travaillait ce soir-là. Et avant même que je puisse me poser d'autres questions, je le croisai en train de se vérifier son courrier.
On s'échangea un bref sourire et lorsque je fus à ses côtés, il déposa un doux baiser sur ma joue, un léger rire m'échappa.
— Bonne Saint-Valentin, lança-t-il assez amusé.
— Merci, toi aussi, répondis-je timidement.
Tandis que je prenais mon courrier, il me fixait attentivement, comme s'il me dévorait du regard et je ne pus m'empêcher de me sentir un peu gênée, même si la malice dans ses yeux était adorable.
— Tu as prévu quelque chose ? m'enquis-je. Parce que je n'ai vraiment rien prévu...
— Pas vraiment. Je dois t'avouer que je suis un peu largué quand il faut organiser quelque chose d'un tant soit peu romantique, avoua-t-il assez embarrassé.
— Au pire, on peut juste passer la soirée ensemble devant un film...
— Ou aller au cinéma, ajouta-t-il aussitôt.
— C'est une bonne idée ça... Ils doivent passer de bons films romantiques nuls...
— Je pense qu'on aura le choix, lâcha-t-il d'un air certain.
On décida donc rapidement de se retrouver aux alentours de dix-neuf heures et il partit en m'adressant un dernier sourire. Alors que j'étais sur le point de retourner chez moi, je fus interrompue par une voix familière.
— Dis donc, ça va bien les tourtereaux ?
En me tournant vers elle, mes doutes se confirmèrent. Ce ne pouvait être que Jian. Il n'y avait qu'elle qui était parfois aussi curieuse que moi.
— Je vous trouve tellement mignons tous les deux, affirma-t-elle en penchant la tête. Je suis vraiment contente. Merle est quelqu'un de bien et je pense que toi aussi, même si je ne te connais pas aussi bien que lui.
— Oui... C'est vraiment quelqu'un de bien... Je n'ai pas envie de le perdre...
— C'est normal, rétorqua-t-elle en posant sa main sur mon épaule. J'espère que ça va vraiment marcher entre vous. Vous méritez tous les deux d'être heureux.
Un timide sourire se dessina sur mon visage. Jian était toujours si adorable et elle avait ce côté empathique que j'avais trouvé chez si peu de personnes. Je n'aurais jamais cru tomber sur les meilleures personnes du monde en emménageant ici. Doucement, je la pris dans mes bras, un peu trop émue.
— Oh ! Qu'est-ce qu'il te prend ? me demanda-t-elle, prise en dépourvue.
— Je suis contente que tu sois là ! m'exclamai-je en la relâchant.
— Ça ne va pas ? s'inquiéta-t-elle en fronçant les sourcils.
— Si, au contraire, affirmai-je, un peu trop enthousiaste. Il y a quelques mois, ma vie était un désastre... et il y a toi, il y a Merle... J'ai l'impression d'être au paradis.
Jian laissa échapper un petit rire tout en me disant qu'elle me trouvait mignonne. C'était sorti assez naturellement, mais cette fois-ci, je refusai de revivre un tel enfer. Cette fois-ci, je voulais être heureuse. Cette fois-ci, plus rien ne devait se mettre dans mon chemin. Et cette fois-ci, je serais enfin bien accompagnée. Même si ça faisait un mois que j'étais ici, j'avais un très bon pressentiment. Je savais que je resterais ici pour un bon bout de temps.
— Et sinon, toi avec Clara ? J'espère que vous n'avez pas abandonné l'idée d'avoir un enfant, lançai-je assez maladroitement, persuadée d'avoir une réponse négative.
— Malheureusement... C'est un peu le cas. On préfère mettre ça un peu en suspens... On va peut-être envisager l'adoption, mais les procédures seront plus compliquées...
— J'espère tellement que vous y arriveriez, vous feriez d'excellentes mères.
— Merci, tu es trop mignonne, dit-elle d'un ton attendrissant.
— Bon, je vais te laisser. Je vais me préparer. Ce soir je vais au cinéma avec Merle.
— Ne faites pas trop de bêtises ! m'avertit-elle.
Sa remarque me fit aussitôt rire et je partis avant de me mettre à rougir. Voilà un point auquel je n'avais pas pensé. La Saint-Valentin pour la plupart des couples devait se conclure par du sexe. Mon ex ne se gênait pas pour me le rappeler chaque année et à quel point c'était important. Mais parfois, je me disais que je pouvais me passer du sexe avec Merle... Il fallait vraiment que j'arrête de me tracasser sur ce point. Ça viendrait quand ça viendrait...
*
Le soir venu, on s'était rendu au cinéma comme prévu. Des tas de films étaient à l'affiche, ce qui compliqua grandement notre choix.
— Quel genre de film préférerais-tu voir ? me demanda-t-il tout en regardant les différentes affiches.
— C'est bien la question que je me pose... Au pire, on peut laisser le hasard décider à notre place.
— Cette idée me plaît bien, ça pourrait être amusant, lâcha-t-il en faisant un pas vers la caisse.
Puis mon sourire s'estompa, mon cœur sauta un battement, mon souffle se coupa un instant et je fus incapable de bouger, totalement paralysée. Mason. Mon ex était là et seulement à quelques pas de moi. Il ne m'avait pas remarqué. Que faisait-il ? Et pire, que faisait-il avec toutes ces personnes que je considérais autrefois comme des amis ? Je sentis alors une pression se créer dans ma poitrine et je suffoquai silencieusement. Ma vision se troublait, je ne savais même plus où j'étais.
— Saoirse... Ça va ?
Merle prit mon bras et j'eus un vif geste de recul. Je me tournai vers lui, déboussolée, et reprenant tout juste conscience de la situation.
— Non... Ça ne va pas...
— Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiéta-t-il, un air triste dans ses yeux.
Mon regard se posa une nouvelle fois vers Mason, qui, cette fois-ci, constata ma présence et un vicieux sourire en coin se dessina sur son visage. Tout mon corps se mit à trembler et je me réfugiai dans les bras de Merle.
— Il ne te fera plus de mal, me murmura-t-il.
— Il existe encore, rétorquai-je dans un douloureux souffle.
Il échangea un regard avec mon ex et je craignais désormais que Mason s'en prenne à lui, cette panique fut assez forte pour que je resserre mon étreinte, tenant fermement le tissu de son manteau dans mes poings. Et maintenant j'avais envie de pleurer et de hurler. J'avais même envie de voir Mason, de lui dire à quel point je le détestais et je lui en voulais de m'avoir détruite à ce point. Et le pire, je savais que lui n'avait pas de problème pour dormir, que lui n'avait fait aucun sacrifice, qu'il continuerait à vivre comme si de rien n'était... La preuve, il traînait encore avec ceux que je considérais comme mes plus proches amis...
Il finit par partir avec le reste du groupe rejoindre la salle et je suivis Merle qui acheta nos places. Je n'avais pas fait attention à ce qu'il avait choisi et ça m'importait peu. J'avais juste envie de me blottir dans ses bras et me dire que tout ça était derrière moi.
— Un peu de pop-corn te ferait du bien ! annonça-t-il, souriant.
— Je n'ai vraiment pas faim, refusai-je poliment.
— Je vais en prendre pour moi et si jamais tu veux tout prendre, je ne vais pas te l'interdire.
Il essayait de me remonter le moral du mieux qu'il pouvait, mais rien ne pourrait me calmer. La preuve, j'avais été incapable de rester concentrée sur le film. Je voyais des personnages, des scènes, mais impossible de faire le lien entre eux. Tout ce que je voyais était un vieux film d'horreur en noir et blanc. Merle semblait bien s'amuser et j'en profitai pour rester dans ses bras, le seul lieu qui me paraissait sûr en ce moment.
En sortant de la salle, Merle n'hésita pas à parler du film et de ses moments préférés, mais je ne pouvais pas l'écouter, mon attention s'était encore posée sur Mason et le groupe qui l'entourait. Il était toujours aussi apprécié et c'était peut-être ce qui me faisait le plus mal. Moi, j'étais détestée alors que j'étais supposée être la victime. Désormais, c'était la rage qui prenait le dessus et j'ignorais ce qui me retenait de lui coller une bonne claque. Peut-être parce qu'il était bien plus baraqué que moi...
— Saoirse, tu ne pourras rien y faire, me conseilla Merle.
— Je suis sûre qu'il n'en souffre même pas...
— Il ne comprendrait pas, tenta-t-il de me rassurer.
— Je peux toujours essayer.
Brusquement, je me dirigeai d'un pas ferme et décidé vers Mason tandis que Merle voulut m'en empêcher. C'était peut-être stupide d'agir aussi impulsivement, mais je ne pourrais pas vivre calmement tant que je n'aurais pas dit ce que j'avais sur le cœur et tout ce que j'avais traversé ces dernières semaines.
Une fois face à lui, le reste du groupe sembla assez surpris de me voir et une forme de dégoût apparut sur leur visage, mais ce n'était pas à eux que je voulais parler.
— Saoirse, ça faisait longtemps. Je ne pensais pas te revoir après ce que tu as fait, lança-t-il d'un air odieux.
Je n'avais rien dit qu'il m'accusait déjà des pires maux et auprès de toutes ces personnes présentes, j'étais une traîtresse pour des raisons qui m'étaient totalement étrangères. Il avait sûrement dû raconter des tas de choses à mon sujet, ce qui n'avait rien d'étonnant.
— C'est plutôt l'inverse, c'est plutôt toi que je ne pensais pas revoir, rétorquai-je d'un ton accusateur. Tu m'accusais d'infidélité et de ne pas être assez bien pour toi, mais j'ai tout fait pour que tu m'acceptes... Et au lieu de ça...
Je perdis ma voix. Allais-je vraiment lui dire ce qu'il m'avait fait ? En avait-il au moins conscience ? Puis mon regard se tourna vers Merle qui redoutait sûrement mes futures paroles, peut-être même qu'il voulait que je me taise et fasse demi-tour, mais je ne le ferais certainement pas. Mason avait besoin de l'entendre. Dès que je partirais, il se pourrait qu'il oublie tout ce que je dirais, mais au moins, je l'aurais fait.
— Comme toujours. Tu avais toujours cette manie de te faire passer pour la victime, mais si tu savais tout ce que j'ai fait pour toi–
— Tu m'as violée ! m'écriai-je, l'interrompant sans la moindre honte.
Je repris une longue respiration et un silence venait de s'installer. Mes anciens amis me regardaient d'un air choqué tandis que Mason avait toujours la même allure, celle qui m'accusait.
— Je te disais non, mais ça ne te suffisait pas, poursuivis-je en tentant de retenir mes larmes. Tu me menaçais constamment de me tromper et à chaque fois, je priais pour que tu finisses le plus rapidement possible et j'en pleurais ! Et j'en pleure encore aujourd'hui. Et toi ? T'es avec mes amis, tu as une grande carrière devant toi... Tout te sourit, pas moi.
Son visage n'afficha même pas une once de regret. C'était comme s'il en était fier. Désormais, je voyais bel et bien à quel point j'avais été insignifiante à ses yeux. Il avait dû se dire que j'étais une fille comme une autre ou que nous étions le couple parfait au lycée, le quarterback et la cheerleader, tous les deux populaires. Tout le monde nous enviait, mais lui ne m'avait sûrement jamais aimé...
— Il faudrait que tu apprennes à arrêter de mentir, me sermonna-t-il comme si j'étais stupide puis il ajouta en se tournant vers Merle : Fais attention à toi, elle va te faire vivre un enfer.
Merle ne réagit pas à cette remarque, restant de marbre. Il ne se laissait pas atteindre par Mason, ce qui était tout à son honneur, mais j'en étais incapable. Je ne pouvais pas le laisser déblatérer de telles conneries et pire encore, que tout le monde le croie.
— J'aimerais que tu n'arrives pas à dormir comme moi, que tu souffres comme moi, mais je sais que jamais tu n'admettras ce que tu as fait et que je passerai pour une idiote... Peu importe...
Sans attendre une réponse de sa part, je m'éloignai de lui, les larmes coulant dans le coin des yeux. Merle marchait à mes côtés, silencieusement, et on rejoignit rapidement sa voiture. Une fois installés dans sa voiture, il hésita à la démarrer et me regarda d'un air inquiet.
— C'était très courageux de ta part, m'assura-t-il en posant une main dans mon dos.
— Non, c'était idiot, marmonnai-je. Je n'aurais pas dû faire ça. Il va sûrement me traiter de menteuse et se foutre de ma gueule...
— Tu ne l'as pas fait pour lui, mais pour toi. Tu avais besoin de lui dire et tout le monde ne l'aurait pas fait à ta place, et ça, c'est du courage.
Je me tournai vers lui, esquissant un sourire. Il savait trouver les mots justes pour me consoler et ne sachant plus quoi dire, je le pris dans mes bras. J'avais tellement de chance de l'avoir et qu'il ne soit pas comme Mason. J'aurais pu tomber sur tellement pire...
— Je t'aime, murmurai-je naturellement.
— Moi aussi je t'aime, répliqua-t-il en déposant un doux baiser dans mes cheveux.
Et sans même y réfléchir ou se tracasser pendant des semaines, on avait énoncé clairement nos sentiments. Jamais je n'aurais cru que ce soit aussi simple que ça, j'étais encore empreinte de l'influence de Mason, mais une chose était certaine, je n'avais plus le moindre sentiment pour cet homme. Désormais, je préférais ouvrir mon cœur à quelqu'un qui savait en faire de même... J'étais vraiment prête pour ce nouveau départ, quitte à ce que ce soit difficile, au moins, je n'étais plus seule...
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