Chapitre 13 : Comme des étoiles dans le noir
— T'es sûr que tu ne veux pas lui ramener un de mes cupcakes féministes ? me demanda Eloise depuis la cuisine.
Je la rejoignis tout en tentant de nouer ma cravate. Elle avait passé tout l'après-midi en ma compagnie, espérant m'aider un peu à mieux supporter l'idée que j'allais devoir endurer toute la soirée avec mon père et pire encore, dans un restaurant qu'il avait choisi. Bien évidemment, j'émettais déjà quelques hypothèses quant à ce lieu dont je n'avais que l'adresse et dont je n'avais même pas pris la peine de chercher sur internet. Ce ne pouvait être qu'un restaurant de luxe. Heureusement, il avait accepté de prendre tous les frais en charge.
— Ce serait le parfait cadeau pour énerver mon père sexiste et comme ça il pourrait m'insulter de gay ou trans, au choix, répondis-je, déjà agacé par cette idée.
De nouveau, je tentais de faire un nœud de cravate assez convenable, mais vainement. Je ne portais jamais de cravate, je détestais ça. La seule fois que j'en avais mise une était pour la remise de mon diplôme et ma mère s'était enthousiasmée à l'idée de m'aider à le faire, voulant que je sois parfait pour cette occasion.
— Je suppose que tu ne sais pas faire de nœud de cravate, lançai-je en abandonnant une énième fois ce foutu nœud.
— Non et jamais je n'apprendrai à faire ça. Alors tu fais comme les grandes personnes et tu vas chercher sur ton ami Google, lâcha-t-elle avec une pointe de fierté.
— D'accord maman, plaisantai-je.
Je m'emparai aussitôt de mon portable et rentrai une recherche assez simple "Comment faire un nœud de cravate". Au moins, je n'avais pas l'air d'être le seul paumé à qui on ne l'avait jamais appris. Je tombais sur de nombreuses images montrant étape par étape comment s'y prendre.
— Hé mais comment ça se fait qu'il y ait autant de types de nœuds différents ? m'étonnai-je en tentant de trouver une image appropriée.
— Mais pourquoi tu t'embêtes avec ça alors que tu vas à un repas que tu n'as pas envie d'aller pour voir quelqu'un que tu n'as pas envie de voir ? me demanda-t-elle sérieusement.
Mes yeux quittèrent un instant mon portable. Bordel... Elle avait raison. En fait, Eloise avait pratiquement toujours raison, ce qui pouvait être agaçant quelques fois.
— Eh bien... Je ne sais pas quoi te répondre à ça...
— Alors enlève cette cravate, me lança-t-elle comme un ordre.
Sans me poser de question, j'enlevai cette cravate. Après tout, je n'avais même pas besoin de chercher à faire bonne impression, ou au pire, cette chemise blanche ferait suffisamment l'affaire.
— Ça fait bizarre de te voir avec une chemise d'ailleurs, me fit-elle remarquer.
— Tu n'es pas la seule à avoir cet effet...
Je jetai alors un bref coup d'œil vers ces cupcakes joliment présentés sur le modeste plan de travail de ma cuisine. Tous avaient ce même message fort poétique "bois mes règles". Mais ces cupcakes n'allaient pas me faire oublier ce que je m'apprêtais à supporter et encore moins les derniers événements. Je ne pouvais m'empêcher de repenser à ce que j'avais dit à Saoirse, même si elle m'avait semblé compréhensive, quelque chose m'échappait et me troublait.
— Tu fais une drôle de tête, constata-t-elle, assez inquiète. Y a une mouche sur mes cupcakes ?
— Non, rien à voir avec tes cupcakes, je repensais juste à quelques trucs...
— Tu vas mettre les choses au clair avec ton père, c'est normal que ce soit compliqué en ce moment, tenta-t-elle de me rassurer.
— J'aime encore Anna, avouai-je tout en sachant qu'elle interpréterait mal et que je devrais lui expliquer.
— Cette fille t'a manipulé, elle a joué avec toi, ce n'étaient pas de vrais sentiments.
— Peu importe, le fait est que... je suis encore amoureux d'elle... et je suis aussi amoureux de Saoirse. Elle a l'air de bien le prendre... mais c'est bizarre...
J'entortillai la cravate entre mes doigts, détachant chacune de mes syllabes d'une voix hésitante à cause de la légère panique qui montait en moi.
— Ça n'a rien de bizarre, peut-être que tu es juste polyamoureux, déclara-t-elle assez naturellement.
— Poly-quoi ? D'où tu sors ce terme encore ? l'interrogeai-je, davantage perdu désormais.
— Polyamoureux. Le terme est assez équivoque. C'est juste que tu peux aimer plusieurs personnes à la fois. Beaucoup de personnes le sont sans le savoir, mais comme la société nous impose la monogamie, on n'y fait pas trop attention... Après, je te dis ça, mais tu ne l'es peut-être pas du tout...
— Je trouverais ça un peu bizarre d'utiliser un terme que je viens d'apprendre à l'instant pour me définir, rétorquai-je en haussant les épaules. En tout cas, j'irai me renseigner dessus...
— Mais ne te tracasse pas pour ça, c'est tout à fait normal de se questionner des fois, m'affirma-t-elle d'un ton bienveillant.
À chaque fois que j'avais eu des doutes, j'en avais toujours parlé avec elle, sachant qu'elle avait réponse à tout. Encore une fois, elle me le prouvait. C'était pourquoi je n'avais pas hésité non plus à lui annoncer ma bisexualité quelques jours auparavant au détour d'une simple conversation. L'idée d'un coming out nous gênait mutuellement, mais lorsqu'on nous imposait des étiquettes, nous n'avions pas d'autres choix. En revanche, contrairement à elle à propos de son asexualité, je ne pouvais m'empêcher de ne pas sortir de mon douillet placard.
Notre conversation fut alors interrompue par l'arrivée de Saoirse. Elle était méconnaissable. Elle avait arrangé les boucles de ses cheveux, les avait mieux structurés, ce qui accentuait les traits de son visage. Celui-ci était également embelli par son maquillage, en particulier son trait d'eye-liner qui pourrait paraître un peu trop épais pour certains. Le meilleur restait ses vêtements, une robe blanche en dentelle aux manches trois quarts et de simples escarpins noirs pour donner l'illusion qu'elle avait des jambes bien plus longues. Elle était irréprochable et je ne pouvais m'empêcher de la contempler. Comment pouvais-je sortir avec une femme aussi ravissante ?
— Merle, ferme ta bouche, tu vas baver, plaisanta Eloise.
— N'importe quoi...
Je laissai Eloise rire et je m'approchai de Saoirse, souriante.
— J'espère ne pas en avoir faire trop, lança-t-elle d'un air presque coupable.
— À ta place j'aurais mis du rouge à lèvres bien rouge et pas du nude, intervint Eloise.
— Là ça ferait vraiment trop, rétorqua ma copine, gênée.
— Tu vas voir son père. Au pire, ça ne changera pas grand-chose...
— Je préférerais éviter, refusa-t-elle poliment.
Eloise n'insista pas plus comprenant que Saoirse ne voulait pas tenter la moindre provocation, déjà qu'elle pensait l'avoir déjà fait. Après tout, je n'avais enfilé qu'une chemise que j'avais trouvée au fond d'un placard, le genre de chemise qu'on ne ressort que pour certaines occasions, et encore...
— Je crois que je vais vous laisser, annonça Eloise. Et je vous laisse les cupcakes pour vous détendre après la soirée, vous en aurez besoin.
Je la remerciai une dernière fois de sa venue et elle partit, ne traînant pas plus longuement. Saoirse était encore assez tendue, tout comme je devais l'être.
— Alors, tu vas vraiment le renier ? me demanda-t-elle en fronçant des sourcils.
— C'est ce que je devrais faire... Mais je n'ai aucune idée de comment cette soirée va se dérouler. En tout cas, je n'espère même pas que ça se passera bien, ça serait vain...
Sa mine s'attrista, mais je devais être réaliste. Je ne pouvais plus me permettre la moindre illusion à propos de mon père. Je ne pouvais plus me faire avoir aussi facilement...
*
Dès le moment où nous franchîmes le seuil du restaurant, ma gorge avait commencé à se serrer. Il était temps de mettre les choses au clair avec mon père, il fallait bien que ça arrive un jour ou l'autre, mais j'aurais préféré croire qu'un jour, nous perdrions simplement tout contact l'un pour l'autre. Malheureusement, une confrontation était nécessaire pour lui faire comprendre que je ne serais jamais à son image, ce qu'il n'avait pas compris après tant d'années.
Saoirse tenait délicatement mon bras pour me rassurer alors que nous marchions l'un à côté de l'autre. Rapidement, un serveur nous interpella et après lui avoir donné mon nom, il nous conduisit jusqu'à une table où se trouvait mon père en compagnie d'une femme qui m'était totalement inconnue. Sûrement cette femme avec qui il voulait m'obliger à collaborer, cette femme qu'il était prêt à considérer comme sa future belle-fille.
Dès notre arrivée, mon père se leva ainsi que la grande brune à la longue chevelure et au teint basané. Il y avait comme une pointe de gêne dans son attitude. Elle ne venait certainement pas par envie, mais par obligation. Parfait, nous étions trois désormais.
— Merle, je te présente Fran Hudson, lança-t-il d'un air très diplomate. Elle travaille à mes côtés et elle est très douée.
Elle avança sa main que je serrai par pure politesse. Puis mon père se tourna vers Saoirse, cachant à peine son dédain à son égard. Elle avait beau être ce qu'il espérait physiquement, ce n'était pas assez. Ce qu'il voulait, c'était me dicter tous les choix de ma vie.
En silence, nous nous installâmes. La situation devenait de plus en plus gênante et fuir était encore une fois une option intéressante. Cependant, j'étais venu avec pour objectif de faire cesser tout ça, je n'allais pas abandonner aussi facilement et lui laisser une nouvelle chance d'abuser de moi.
— J'ai déjà commandé pour vous, je connais très bien ce restaurant, annonça mon père sans la moindre gêne.
Et voilà qu'il en remettait une couche. Il ne pouvait vraiment s'empêcher d'agir comme si j'étais quelqu'un d'immature incapable de faire ses propres choix. J'avais envie de lui déballer ce que je pensais réellement, devais-je vraiment me retenir ? Mon regard parcourut la salle et toutes les personnes présentes me faisaient clairement comprendre que je n'étais pas le bienvenu dans un tel lieu. Après tout, quoi que je dise, je passerais pour la mauvaise personne, mais les apparences m'importaient peu...
— Comme c'est dommage, j'aurais bien voulu connaître les plats qu'ils proposaient. En tout cas, j'espère que tu n'as rien pris dont je suis allergique.
Je détestais adopter un tel ton mesquin, sauf que je n'avais pas d'autres choix. À contrecœur, j'allais jouer au même jeu que lui. Cependant, je savais qu'à la fin de la soirée, ce jeu serait définitivement fini.
— Tu n'as pas d'allergie, répondit-il assez incertain.
— Ne prétends pas que tu me connais, rétorquai-je avec amertume. Tu ne t'es jamais intéressé à moi...
Saoirse eut un léger geste de recul, elle était totalement mal à l'aise. J'aurais tellement voulu qu'elle n'ait pas à subir ça. Heureusement qu'elle était suffisamment forte pour m'adresser un regard compatissant.
— Je suis ton père quand même.
— Oui, c'est vrai, ironisai-je. Biologiquement seulement.
Vraiment, je détestais agir ainsi, agir comme il l'avait fait durant tant d'années, mais ça avait l'air d'être assez pour l'énerver, à croire qu'on détestait toujours voir son reflet en dehors d'un miroir...
Ses doigts tapotaient nerveusement la table, cherchant quoi répondre à ma provocation. Alors qu'il aurait pu continuer ce lancer de piques, il préféra détourner le sujet et me présenta alors Fran de manière bien plus détaillée, accentuant son discours sur ses compétences professionnelles et qu'elle pourrait m'aider.
— Je t'ai déjà dit que je n'étais pas intéressé par ce milieu, soupirai-je en espérant que nos plats arrivent vite.
— Tu ne vas quand même pas soigner éternellement les petits bobos des gens toute ta vie, répliqua-t-il, dénigrant une nouvelle fois mon travail.
Peu importe que je lui dise à quel point je n'avais pas besoin de plus, il ne comprendrait jamais que je ne voulais pas faire partie de ces personnes qui se tuait au travail sans jamais profiter un instant de leur vie et de ce qui les entourait. En fait, ce sentiment était assez simple à résumer : je ne voulais pas être comme mon père.
Celui-ci se tourna alors vers Saoirse, ne pouvant s'empêcher de lancer quelques regards libidineux vers sa poitrine, ce qui m'agaçait un peu quand même.
— Et toi Saoirse, dans quoi tu travailles ? demanda-t-il en croisant ses mains.
— Je travaille dans un restaurant, répondit-elle poliment.
Elle avait réussi à ne pas dire qu'elle était serveuse, ce qui serait sûrement très mal passé auprès de mon père. Il avait toujours dénigré les serveurs, en particulier lorsqu'ils n'étaient pas d'un restaurant prestigieux.
La conversation se poursuivit et j'étais incapable de me concentrer sur ce qu'ils disaient. Comme des échos dans mon esprit indiscernables. Tout se mélangeait, se brouillait, et j'avais comme l'impression de ne plus être vraiment là. Même quand mon père me parlait, je répondais par des banalités, toujours incapable de me concentrer. Je n'arrivais pas à agir autrement que passivement. Mon état passa assez inaperçu une grande partie de la soirée ou peut-être était-ce parce que je me conduisais souvent ainsi en sa présence ? Pourtant, jusqu'alors, je n'avais jamais remarqué ça. Même le plat m'avait semblé quelconque et je l'avais mangé machinalement.
De nouveau, il tenta de me présenter le projet sur lequel était en train de travailler Fran. Apparemment, il avait un but humanitaire, mais je connaissais suffisamment mon père pour comprendre ses réelles intentions. Il voulait jouer avec ce qui me plaisait tout en profitant pour se faire encore et toujours de l'argent. Cependant, je n'étais pas assez attentif pour refuser fermement cette maudite offre pour laquelle il me forçait la main.
J'avais l'impression de perdre la raison et le contrôle, ce qui était une réaction assez déstabilisante. J'aurais pu oublier ce pourquoi j'avais – à contrecœur – accepté de venir, mais lorsque je remarquai le regard insistant de mon père sur la poitrine de ma copine, je repris enfin le dessus, parce que maintenant, j'avais peur pour elle.
— Tu peux arrêter de considérer ma copine comme un objet sexuel ? lançai-je d'un ton sec à mon père alors qu'il s'apprêtait à reprendre une gorgée de son verre de vin.
— Cesse de m'accuser de n'importe quoi, rétorqua-t-il comme si je n'étais qu'un enfant.
— Je ne suis pas aveugle. Je te connais toi et ton manque de respect envers les femmes.
— Écoute, si je ne sais rien sur toi, alors tu ne sais rien sur moi non plus, m'assena-t-il en rapport avec ce que je lui avais précédemment dit.
Désormais, la guerre avait repris de plus belle et me mettait vraiment mal à l'aise. J'étais en plein de champ de bataille et je ne pouvais certainement plus me défiler, je devais affronter la bête.
— En effet, je ne sais rien de toi, tu étais toujours en train de travailler... Et je ne veux plus jamais rien savoir de toi, annonçai-je tout en tentant de contenir mon angoisse.
— Serais-tu en train de sous-entendre que tu ne veux plus me voir ? demanda-t-il d'un air accusateur.
— Exactement, affirmai-je avec insolence. Parce qu'à chaque fois, tu ne vas pas te gêner pour critiquer le moindre choix de ma vie et parce que je ne suis pas ta copie conforme. Alors désolé, mais jamais je ne travaillerai au point d'abandonner mes proches, de blesser ma famille... et jamais je ne me comporterais avec mes gosses, si j'en ai, comme tu l'as fait avec moi.
Sans même chercher à attendre sa réponse, je me levai de ma chaise et m'emparai de mon manteau posé sur le dossier. Saoirse fit de même malgré sa gêne.
— Merle ! Rassois-toi ! On n'a pas fini de parler ! vociféra-t-il.
Nous avions attiré l'attention d'une majorité du restaurant depuis un bon bout de temps et désormais, pratiquement tout le monde nous regardait. Ce genre de scandale ne devait se produire qu'occasionnellement, ce n'était pas le genre de lieu pour agir ainsi.
— Non, je ne me rassirai pas et je ne répondrai plus jamais à tes appels. Considère que je suis mort tant que tu voudras contrôler ma vie.
Sa haine était perceptible sur son visage et j'allais vraiment trop loin dans mes propos. Cette fois-ci, je perdais encore le contrôle, mais d'une différente manière.
Je m'appuyai sur le dossier de ma chaise et me penchai vers lui avec l'envie de le provoquer une énième fois.
— Au fait, tu peux me détester pour mon travail, mes cheveux, mes piercings et mes tatouages, mais tu peux aussi me détester pour ma bisexualité si ça te chante.
La tête qu'il fit à ce moment était assez mémorable et rien que pour ça, je ne regrettais pas de l'avoir dit aussi bêtement. Il affichait une forme de dégoût et de rage en simultané tandis que sa bouche s'ouvrait, prête à sortir la première atrocité qu'il trouverait, mais il se tut, se contentant de me fixer d'un air ahuri. C'était une magnifique manière de conclure cette discussion, ou plutôt ce règlement de compte.
Immédiatement, Saoirse et moi rejoignîmes ma voiture en silence et une fois installés, je restai figé, incapable de démarrer le moteur. J'avais une étrange sensation dans la poitrine complètement indescriptible. Une sorte de constriction assez douloureuse. Peut-être étais-je juste en train d'évacuer tout le stress que je venais d'accumuler en bien trop grande quantité.
— Ça va ? me demanda Saoirse en posant délicatement sa main sur mon épaule.
En me tournant vers elle, je perçus toute l'inquiétude dans son regard tandis que mes yeux s'humidifiaient. Désormais, ma gorge me serrait et j'avais envie de pleurer, pleurer de rage contre moi-même.
— Non... Je n'aurais pas dû agir ainsi...
— Tu ne voulais plus qu'il fasse partie de ta vie, tu avais raison de le faire, m'assura-t-elle.
— Rien n'excuse la manière dont je me suis comporté. J'ai été odieux... Je ne me reconnais même pas... Comment j'ai agi, c'était le comportement de mon père, pas le mien...
— Tu n'es pas comme ton père, déclara-t-elle en martelant chacune des syllabes.
— Qu'est-ce que tu en sais ? Qu'est-ce que j'en sais ? La personne que je suis d'habitude aurait trouvé un moyen de repousser ce moment, de littéralement fuir... Au lieu de ça, je l'ai provoqué, je l'ai insulté et je lui ai même balancé mon orientation sexuelle en pleine gueule comme un gros con. Je ne contrôlais plus rien...
Elle me prit dans ses bras, comprenant que rien ne pourrait me calmer et que mes nerfs étaient bien trop à vif pour une calme discussion. Vraiment, je m'en voulais.
— J'ai agi comme toutes ces personnes que je déteste, lâchai-je en sanglotant.
Saoirse se recula et prit mon visage entre ses mains. Son regard était doux et bienveillant tandis que je devais avoir une mine affreuse.
— Tu es quelqu'un de bien Merle et il faut que tu arrêtes de culpabiliser pour toutes ces personnes. Peut-être qu'ils ne s'en rendent pas compte, peut-être même qu'ils ne s'en rendront jamais compte... mais moi je sais. Ça peut être compliqué d'abandonner son père ainsi... je l'ai moi-même vécu avec mes parents. Ils voulaient que je finisse avec Mason, c'était leur choix. Nos parents veulent toujours faire des choix à notre place... Mais on fera les nôtres et on les blessera quoi qu'il arrive. On ne peut pas évoluer sinon.
— Et si, par hasard, j'ai encore un tel comportement ? Et si, c'est contre toi ? Tu ne peux pas m'assurer que ça n'arrivera jamais...
— On ne finit pas forcément comme ses parents, me contredit-elle.
— Saoirse, j'ai peur, avouai-je dans un faible murmure.
— C'est normal... On a tous peur. Tu as peur de commettre les mêmes erreurs que ton père. Moi j'ai peur de retomber sur quelqu'un comme Mason. J'ai peur de devoir commencer une nouvelle vie encore une fois. Et comme toi, j'ai peur qu'on abuse de moi. J'ai peur de tomber sur quelqu'un qui profitera de moi sans prendre en compte mes sentiments. Personne ne peut nous assurer que ça n'arrivera jamais... On courra toujours le risque...
Je pourrais l'écouter durant des heures. Elle divaguait, s'égarait sur de nombreux sujets, mais j'aimais ça. J'adorais entendre sa douce voix et sa main sur mon épaule était plus chaude à chaque fois que sa bouche émettait le moindre son.
— En tout cas, tu as dit clairement tout à l'heure que tu ne voudrais pas élever tes enfants comme ton père l'a fait avec toi, ajouta-t-elle, un sourire en coin.
— Oui... Hum... J'ai dit ça, comme ça. Ça sonnait bien, tentai-je de me justifier maladroitement.
Maintenant, je craignais qu'elle dérive sur le sujet des enfants, ce qui serait vraiment gênant. Comme tout le monde, je m'étais déjà imaginé avoir des enfants dans le futur, mais ça avait toujours été une vision assez floue.
— Ça montre que tu as conscience de son comportement et que tu as plus de chances de l'éviter...
Sa remarque était tout à fait pertinente et j'étais vraiment étonné qu'elle n'engage pas sur le sujet des enfants alors que c'était l'occasion rêvée.
— J'espère que ça sera suffisant, rétorquai-je en haussant mes épaules.
— Je suis sûre que tu seras un très bon père et que tu n'auras rien à voir avec ton père, poursuivit-elle, presque amusée.
— S'il te plaît, ne sors pas ce genre de trucs... C'est presque gênant.
— De parler d'enfants ? s'étonna-t-elle.
— Ça fait deux mois qu'on est ensemble, ce n'est pas quelque chose que je pensais aborder aussi tôt...
— En effet, c'est un peu tôt. Mason était prêt à faire des enfants assez rapidement avec moi... Alors même si j'en veux, j'attendrais. Ce n'est pas une priorité dans ma vie désormais.
Je soupirai de soulagement. Elle le remarqua aussitôt et ne put s'empêcher d'en rire.
— Tu ne voulais pas d'enfants ? me demanda-t-elle d'une voix hésitante.
— Si, j'en veux... mais pas tout de suite non plus. Pas au bout de deux mois de relation... Et pas avec tout ce qui se passe en ce moment...
— Au moins, ça, c'est clair, annonça-t-elle, elle aussi apaisée.
— On pourra en reparler dans au moins un an...
— Peut-être qu'on sera marié ou sur le point de se marier, plaisanta-t-elle.
— Et notre mariage serait une catastrophe, poursuivis-je la plaisanterie. Je vois déjà Tracy sautiller de partout et insister pour prendre des tas de photos.
— Sans compter les enterrements de vie de jeune fille et de jeune garçon, répliqua-t-elle, fière d'y avoir pensé.
— Oh mon Dieu... J'avais oublié ces trucs...
Soudainement, nous nous rîmes en cœur, omettant tout ce qui avait bien pu se passer à cette soirée. Comme toujours, nous ne gardions que l'essentiel, ces moments de complicité, de partage... Ce qui était assez rare dans ma vie. Heureusement, Saoirse était cette lumière dans ma vie, et parmi l'obscurité, elle brillait de mille feux. J'espérais qu'elle ne s'éloigne jamais, mais je savais que quoi qu'il arrive, elle brillerait toujours avec la même intensité...
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