Chapitre 36 - Kayn ☀️ : Un Mage Hybride divisé en deux.
« N'imaginez pas le jour sans ténèbres, ni la nuit sans lumière. »
- C'est toi le père, Kayn, souffle discrètement Simon.
- Deux mois de grossesse alors que cela fait à peine un mois et quelques jours que je fréquente la Carreau, évidemment que ça allait tomber sur moi.
- Le test, c'est juste pour le principe, les gens de cet hôpital m'aurait prise pour une dérangée en me ramenant avec vous deux sans explication, nous assure Marie.
Tu m'étonnes.
- Je ferais des recherches, j'annonce dans le vent alors que nous nous regardions déjà depuis cinq minutes. Je ferais des recherches sur ces stupides gosses.
Mon poing droit se serre, pris d'une rage folle de défoncer la porte se trouvant à ma droite. Oui, s'il le faut, je ferais des recherches. Et pas qu'un peu. Dans une telle situation, aussi merdique soit-elle, j'ai besoin de me rassurer, de voir écrit noir sur blanc que ce n'est pas possible, que ses enfants ne peuvent pas être les miens. J'en ai besoin. Sept jours minimum d'attente, sérieux ? Il ne manquait plus que ça, c'est la cerise sur le gâteau. Je crois qu'elle n'a pas bien saisit l'urgence de cette connerie. Cette connerie qui pousse plus vite que son ombre. Comment je peux oublier à ce point des détails si importants pour mon espèce ? Comment je peux etre un blaireau à ce point ? Une grossesse trois fois plus rapide que chez des humains, voilà ce qui arrive à une humaine qui se tape un dhampire. Deux mois de grossesse ? J'ai envie de rire, personne ne s'est dit qu'il y avait un problème. Ouais, pas besoin de ce fichu test, on sait déjà qui est le géniteur à ce stade-là. Bordel de merde.
- Nettoie cette cochonnerie sur ton ventre-montgolfière et on se casse.
Elle s'exécute aussitôt après m'avoir gratifié d'un sourire amusé. Elle a l'air bien détendue pour une nana enceinte de deux mois, qui plus est, de deux gamins. Et c'est loin d'etre le jackpot sur la liste des emmerdes qu'elle a obtenu en trainant avec quelqu'un comme moi. Une fois debout, son ventre gonfle légèrement sa robe, mais rien d'alarmant pour l'instant. Le problème, c'est que ça grandit vite, ces choses-là. Des demi-dhampires... Mes demi-dhampires. Je suis toujours sous le choc.
- La prochaine fois, par contre, range tes dents, grogne à moitié le Cœur à ma gauche.
- Elle met sa seringue de l'enfer sous mon nez, normal que j'avais du mal à me contrôler.
- Te trouves pas d'excuses, je te connais depuis des années, on me la fait pas, se marre-t-il.
Je ne relève pas et observe Marie se redresser et descendre sa robe le long de son corps avant de replacer son gilet rose cucu sur ses avant-bras. Allez, on se casse. Je sens que l'on va se faire remonter les bretelles comme jamais par les professeurs pour etre partis soudainement du cours. Je ne sais pas pour les autres, mais cela ne me fait ni chaud ni froid. Après avoir attrapé les mains du Mage Rouge et de la Mage Blanche, j'utilise la formule inverse de téléportation afin de nous ramener à Diamantica. Selon la position du soleil ici, nous avons perdu toute notre journée de cours. Nous arrivons sans aucune surprise au bout du long chemin plat de gravillons noirs et rouges menant à l'entrée de l'académie. Directement, c'est le visage de Rubis qui pénètre dans ma vision. Elle est posée là, juste devant nous, les bras croisés sous sa poitrine. Ses chaussures de sécurité claquent contre le sol, mécontente de notre absence totalement imprévue.
- On peut savoir ce que vous avez fait ?
- Et toi, à part mettre des doigts à Sindy, t'as foutu quoi ?
Elle devient blanche comme un cul.
- T'étais pas obligé, par contre, bafoue-t-elle.
- Si, tout le monde doit savoir que tu te tapes Sindy maintenant, je lui souris avant de lui offrir un baiser sur le front en guise de demande de pardon. D'ailleurs, en parlant de Sindy, j'ai une mission de la plus haute importance à lui demander. Il faut qu'elle fasse ça avec moi, tu sais où elle est ?
- Dans la bibliothèque.
- Parfait ! Je n'aurais pas besoin de la chercher pendant trois heures. Tu veux bien t'occuper de Marie et Simon et les empêcher de faire d'autres conneries ?
- D'autres conneries ? s'étonne Simon alors que La Colombe se contente de rire aux éclats, juste à ma droite.
Je commence à avancer sur le chemin alors que Rubis se met à gueuler haut et fort :
- Eh, ce ne sont pas des gosses !
Si, justement.
- Merci, Rubis !
Sans me retourner, j'avance jusqu'à l'intérieur de la bâtisse avant d'ouvrir la porte menant à la bibliothèque. Je progresse dans les escaliers en colimaçon avant de regagner la passerelle suspendue et de la traverser aussi silencieusement que possible. Par-dessus la balustrade, j'aperçois la silhouette voluptueuse de Sindy et de ses cheveux crépus montés en un chignon sur le haut de son crâne. Tout en descendant les escaliers à l'opposé de la pièce, j'observe l'environnement calme. Beaucoup trop calme. J'arrive à sa table, le visage plongé dans son bouquin. Je ne prends pas la peine de m'installer près d'elle et préfère poser ma main sur son épaule gauche. Elle relève lentement la tête, interloquée.
- Je te croyais mort, plaisante-t-elle.
Je sais que nos rapports n'ont pas toujours été bons, qu'elle est souvent chiante et vraiment insupportable, mais j'ai vraiment besoin d'elle, actuellement.
- J'ai besoin de ton aide, lui dis-je le plus gentiment possible. Tu sais où je pourrais trouver un bouquin sur les Mages Hybrides ?
- Probablement dans l'étagère des annuaires de créatures, dit-elle en se rendant compte finalement de mon interrogation. Pourquoi cette question ?
Dans ses yeux noisette, je vois de l'inquiétude. De la réelle inquiétude. Pourtant, ses iris brillent sous la lumière artificielle de la salle.
- Je t'expliquerai après.
Pour l'instant, je me contente de me diriger vers cette fameuse étagère où j'ai déjà eu l'occasion d'y mettre le nez. Je scrute chaque tranche de livres avant de tomber sur un ciblé tout particulièrement sur les Mages Hybrides : la préoccupation principale de mon petit esprit. Je l'arrache à sa rangée avant de tourner la première de couverture vers moi. Elle est semblable à une de ces illustrations sur les manuscrits en provenance de l'autre monde. Elle est simple, mais fluide. La couleur prédominante reste le noir, mais tout en bas, une essence lumineuse semble prendre du terrain. La lumière se dilue dans les ténèbres de bas en haut de l'image luisante. Le mystère du Mage Hybride. C'est ce qui est écrit au centre de l'ensemble.
Je reviens sur mes pas et m'installe face à la Mage Noire de troisième année, le regard replongé dans son bouquin. Dès les premières pages, j'ai déjà envie de jeter ce livre.
Un Mage Hybride est né de l'union d'un individu Mage Noire et d'un individu Mage Blanc... Aucun autre cas de ce type n'a été détecté concernant les Magies Rouges et Vertes... Blablabla. C'est bon, ça tout le monde le sait, pas besoin d'en parler durant trois siècles. Au moins les Trèfles et les Cœurs ont leur fout une paix royale concernant leurs relations amoureuses. Pas chez nous.
Je défile quelques pages et les survoler du regard avant de tomber sur celle qui m'intéresse le plus. Que se passe-t-il lorsque le supposé Mage Hybride se trouve être accompagné de son jumeau ? Très bonne question, Watson !
Que la mère soit Mage Noire ou Mage Blanche, il arrive qu'une grossesse gémellaire se déclare comme il en est pour les conceptions entre deux humains sans pouvoirs magiques. Dans ce cas-là, le supposé Mage Hybride ne l'est plus. Ses magies ont été séparées lors du dédoublement de l'œuf. Ce procédé s'appelle La Dissociation. Elle reste néanmoins plus rare que chez les humains car les individus dissociés représentent un grand rythme de fusion à l'âge adulte. La bénédiction de l'un deviendra le fardeau de l'autre et bien souvent, les enfants prennent le caractère de leur parent respectif. Le Mage Blanc sera calme, sage, porteur d'espoir et sociable. Quant au Mage Noir, il sera rongé par les cauchemars, la culpabilité d'exister, mais aussi l'audace, l'orgueil et la colère. Pourtant, n'allez pas imaginer le jour sans ténèbres et la nuit sans lumière, ces deux individus que tout oppose se superposent. Parfois un peu trop fusionnels aux yeux des autres, tantôt distants, tantôt proches, bien plus que des jumeaux humains, ils en déconcerteront plus d'un.
Je soupire de soulagement en lisant ces lignes posées noir sur blanc sous mon nez. Les yeux de Sindy se lèvent, mais son visage ne bouge pas d'un centimètre pour autant.
- Alors ?
- Je vais éviter de devoir tuer mes gamins, dis-je sans vraiment réfléchir.
Elle arque un sourcil et remonte le menton.
- Tuer tes gamins ?
Je ne dis rien, elle finira par comprendre d'elle-même. De toute façon, il n'y a rien à dire là-dessus, juste qu'on a du bol, pour une fois. Une chance comme celle-ci ne se reproduira pas par la suite. Pourquoi pas assumer deux bambins, ça ne peut pas me faire plus de mal que moi-même, mais n'allons pas tenter le diable en en refaisant un par la suite.
Assumer deux bambins... Je n'aurais jamais pensé ça possible jusqu'à aujourd'hui. Peut-etre qu'elle est là, ma chance d'etre heureux ? Je ne la sentais plus, la montre plongée dans ma poche. Lorsque j'aperçois sa forme cylindrique à travers mon jean noir, je la sors et la pose sur la table. Lorsque l'objet touche le plateau, Sindy pousse un long et lent soupire.
- Je ne vais rien dire mais je n'en pense pas moins.
C'est ça, ne dit rien, sage décision. Avec mon pouce et mon index, j'ouvre le clapet, et aussitôt, la petite mélodie se fait entendre à la table. Les traits du visage de Sindy deviennent moins tendus, presque doux, finalement.
- Le chant de la mort... murmure-t-elle.
- C'est Marie qu'il l'a faite, elle me l'a donné ce week-end.
Elle semble réfléchir, remontant ses coudes sur la table avant de poser ses mains sous son visage, comme pour le tenir.
- Même avec ça, tu n'arriveras jamais à convaincre Cæsar.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro