
Chapitre 33 - Marie 🌜 : La puce à l'oreille.
J’ouvre à peine les yeux le lendemain matin, et j’ai l’impression de n’avoir dormi que trois heures. Pourtant, je ne me suis pas réveillée de la nuit, mais une immense fatigue englobe mon corps. J’ai mal au bide.
— Allez, Marie, debout, commence Gaëlle derrière moi.
J’ai vraiment besoin de vomir, en fait. Je relève à peine le visage dans sa direction qu’une remontée vient liquéfier mon œsophage. Le sol en prend aussitôt un coup. C’est rien, ça arrive d’etre malade, ça ne m’était juste pas arrivé depuis des années. J’observe au pied de mon lit, et un bruit de dégout s’échappe de ma bouche au même moment que ma voisine s’exclame d’écœurement. D’emblée, elle lâche ses affaires, se jette sur son matelas afin d’attraper un paquet de mouchoirs derrière celui-ci avant de se redresser. Elle déballe son sachet plus vite que la lumière et ramasse elle-même ma connerie, sous mes yeux.
—T’es sûre que tu vas bien ? me demande-t-elle, le regard rivé au sol sur ses mouvements.
— J’ai du manger un truc bizarre hier, désolé.
Gênée, elle ne me laisse pourtant pas l’occasion de l’aider et rend le sol aussi propre qu’il y a dix minutes. Dix minutes… Ce n’est même pas le temps qu’il a fallu pour que je me réveille, que je me sente mal et que je gerbe mes tripes. Étrange. Lorsqu’elle part jeter ça dans la poubelle des douches collectives, je m’assieds sur le bord de mon lit.
Elle revient, et je me sens toujours autant dans le mal, pourtant, je n’ai pas d’autres choix que de me lever et de m’habiller, ce que je fais sous le regard gris perle et soucieux de Gaëlle. Je peine vraiment à rester debout et à passer mes affaires par-dessus mon corps, comme à moitié paralysée par mes mouvements. Anabella débarque dans la chambre sans même frapper à la porte. Je viens à peine de réussir à mettre ma robe. Noire, pour une fois. Elle nous reluque avant de voir ma mine de déterrer.
— Woaw, ça va pas fort, toi.
— Elle a vomi, lui avoue Gaëlle.
Elle cligne des yeux, surprise. Franchement, elle n’était pas dans l’obligation de le dire haut et fort, je m’en serais passé.
— T’as mangé du pangolin hier soir pour être malade comme ça ?
Gaëlle explose de rire, un rire doux, un rire presque automatique. Je ne ressens aucune once de moquerie là-dedans, mais j’aurais quand même apprécié de ne pas en parler. Sans s’attarder sur cette histoire, la blonde se calme avant de partir en direction de la salle commune. Vincent et Léo ne sont pas encore là lorsque nous arrivons devant notre table habituelle. C’est totalement devenu un rituel pour nous, la seule chose qui diffère des autres matins, c’est qu’aujourd’hui, l’odeur du petit déjeuner émanant de toutes les places se trouvant ici me donne la gerbe. Nous nous asseyons à peine que les présences du Carreau restant et de la Trèfle viennent se greffer à notre petit groupe.
Ils parlent et parle. Toujours. Actuellement, ce n’est plus le Mage Noir qui m’obsède, mais ces foutus problèmes de santé qui m’emmerde déjà. Dans ma tête, je cherche d’où cela peut bien provenir, mais je ne vois pas. Manger du pangolin la veille… N’importe quoi. Faut qu’elle arrête de dire des conneries à longueur de journée. Non, je ne vois toujours pas. J’ai bien envie de leur demander leurs avis, mais je n’ai pas envie que toute cette discussion ne tourne qu’autour de ça. Je verrais bien.
Je ne touche rien de mon petit déjeuner, absolument rien. L’idée même d’avaler quelque chose me donne des haut-le-cœur inimaginables. En dehors d’Ana et Gaëlle, personne ne fait attention à ce que je fais. Ironie du sort puisqu’au début de l’année, ils faisaient tous ça : me surveiller. J’ai l’impression d’etre une loque, mes yeux se ferment tout seuls alors que je me trouve assise, le dos droit. Je ne sais pas ce qui m’arrive. La montre me manque. Je l’ai écouté presque toute la soirée d’hier, j’ai observé les rouages défiler sous le cadran inférieur en verre. Cet objet me passionne à un point qui devient maladif. Je suis si fière d’avoir fabriqué ce mécanisme, d’y avoir ajouter une pointe de magie et d’en avoir fait quelque chose d’unique. Un sourire se dessine sur mon visage.
À nouveau, ce dernier me rappelle la colombe que j’ai couché sur le papier aux cotés du corbeau. Je n’avais jamais dessiné aussi bien qu’à cet instant. Je ne peux plus nier que cette histoire me rend dingue. Mon ventre ne gargouille même pas lorsque tout le monde termine, c’est dire si la nourriture ne me fait plus d’effet. Je les observe tous se lever avec un certain entrain avant que mon tour passe. Mes jambes se retrouvent à peine tendues que mon corps bascule en avant. Je n’ai plus de poids jusqu’à ce que quelqu’un vienne me rattraper : Eléonore.
— Il y a vraiment un truc qui cloche, fait remarquer Anabella, pensive.
Merci, Sherlock.
Non mais sérieux ? Une grippe ne ressemble pas à ça, c’est bien plus grave. Mon visage se redresse lentement lorsque les professeurs nous interpellent. Monsieur O’Brian, notre professeur de magnétisme s’approche de moi afin de s’assurer que tout va bien. Du coin de l’œil, j’aperçois le regard assassin de Kayn envers l’enseignant, mais aussi ses collègues. Je remercie le professeur avant de progresser avec les autres à travers la salle. En passant devant les Nécromanciens, je sens la présence du dhampire commencer à me coller à la peau. Il est juste derrière nous, et c’est loin d’etre discret. Ça m’étonnerait que son geste passe inaperçu la prochaine fois que nous passerons devant Monsieur Langford. Une fois cachés de tout regards indiscrets, le Pique se greffe à notre groupe, à présent à l’arrêt.
— Il y a un problème ? demande-t-il presque à tout le monde, sauf à moi, principale concernée.
Sa taille surplombe toutes celles des autres avec une facilité impressionnante. Il est ce que pourrait qualifier les autres, un géant, surtout aux cotés de Léo. La minuscule Léo.
— C’est pas un de tes effets du Calice, s’étonne soudainement Anabella, les poings posés sur les hanches.
Il fronce les sourcils avant de répondre le plus calmement possible :
— Uniquement les premiers jours, lors de la semaine de création du lien, précise-t-il. Ensuite, il n’y a plus de problème dans ce genre sauf si nous restons éloigner trop longtemps.
— Ok, donc ça vient d’autre chose, renchérit Vincent à droite d’Anabela, dos au hall.
— Vous occupez pas, pour l’instant, on verra ça après nos cours, annonce Kayn avant de m’offrir un furtif baiser sur le front et de s’éclipser aussi rapidement qu’il est arrivé.
— C’était rapide, ça, se marre Gaëlle.
— Il veut pas se faire griller par son prof’ bizarre parce qu’il sait que tout le monde va lui faire la peau, grogne à moitié Anabella avant de tourner les talons.
Je sais très bien qu’elle n’est pas toujours au fait que nous soyons presque ensemble en permanence. Elle dit que ça ne va pas durer, parce que nous sommes trop différents. Ok, et alors ? Les opposés s’attirent, tout le monde le sait. Non, c’est une phrase clichée, en fait. Mieux vaut me taire, finalement.
En montant les escaliers jusqu’à notre première salle, une bouffée de chaleur me prend tout le corps, comme si j’avais couru un marathon, que j’avais fait du sport pendant des heures. Je m’arrête, puis reprends, plusieurs fois. Inspire, expire, Marie.
Vincent s’arrête, derrière tout le monde. Il se retourne et perd Léo de vue lorsqu’elle tourne dans la direction opposée de nous : à l’étage d’au-dessus. Il marche à reculons, m’attrape le poignet et m’aide silencieusement à grimper les dernières marches.
— Tu vas avoir du mal à suivre, toi.
Vraiment. Je crois que je ne vais pas suivre du tout, même. J’ai juste envie de dormir, de finir ma nuit déjà finie. J’ai toujours aussi chaud, mais j’ai toujours aussi froid. Les bouffées de chaleur me montent à la tête alors que les frissons sur le reste de mon corps persistent.
Décidément, rien ne manque, et c’est l’apocalypse dans mon corps. Durant les cours qui suivent, j’ai parfois des moments de surdité, ou alors j’entends, mais faiblement, comme si j’avais un casque isolé sonoriquement. La sensation est horrible, j’avais l’impression d'être sous l’eau, de ne pas pouvoir communiquer avec le reste du monde. La migraine, c’est ce qui suit le midi, lorsque nous revenons au réfectoire. Par-dessus-ça, je me force à prendre quatre ou cinq bouchées, même si je ne le sens pas du tout. Du poisson et du riz, génial, tout ce que j’aime mais qui paradoxalement ne me donne aucune envie aujourd’hui. D’habitude, je me jette dessus. J’évite tout regard, comme depuis ce matin. J’ai une tête de déterrée, je fais probablement peur et de toute façon, j’ai de plus en plus mal au bide. Je n’ai jamais été aussi mal de ma vie. Mon corps se décompose comme un papier posé dans un feu, et je ne sais toujours pas pourquoi.
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