Chapitre 31 - Marie 🌜: La montre à musique, la boîte à dessin.
Plusieurs semaines passent, et ce n'est pas toujours facile. Quatre, pour être plus précise, quatre semaines à se cacher des professeurs, bien que Rubis, Anabella et les autres nous aient surpris à plusieurs reprises sans trop oser rien dire. C'était presque parfait. Gaëlle et moi passions les plus clairs de nos week-end à retourner sur Terre pour faire les magasins. Que dis-je, pour dévaliser les magasins. Les boutiques de Diamantica ne sont décidément pas assez pour nous. La plupart du temps, nous passions dans les librairies après avoir blindés nos sacs, mais c'était toujours Vincent qui nous offrait des livres d'ici de d'ailleurs. Après les fringues, il ne nous restait quasiment rien, alors il se dévouait pour nous fournir bibliothèquement parlant. Léo préfère largement s'occuper de nous aider sur nos devoirs, mais aussi de nous conseiller en toute situation. Elle sait être une bonne oreille, encore plus depuis le premier jour où elle m'a trouvé là, au beau milieu de la salle commune. Anabella, quant à elle, a finit par arrêter de me réprimander à tout bout de champ, voyant que cela ne servait strictement à rien. Finalement, elle a commencé à trainer avec notre chère Rubis, pensant que parler de nous discrètement soulagera leur peine. Quel triste sort. Rien que d'y penser ça me donne le sourire, de voir que les uns s'ouvrent aux autres grâce à nous malgré les prises de bec souvent explosives, surtout devant les professeurs afin de bien exacerber la chose et de montrer à l'école entière que nous ne pouvons pas nous saquer. Les seuls moment où nous sommes plus ou moins tranquille pour se retrouver reste l'extérieur, surtout le mercredi après-midi.
Ça fait des jours que je tente de me renseigner le plus possible sur les mécanismes de boites à musique, mais aussi celui des montres. Aujourd'hui, nous sommes samedi, et je me trouve exceptionnellement dans ma chambre. Gaëlle n'est pas là, mais j'ai dû supplier Léo de rester pour le week-end pour un service. Il faut die que je sais être convaincante lorsqu'il s'agit de Léo. Elle cède très facilement. Avec un ou deux tours de passe-passe, je réussis à monter mon chef-d'œuvre ambulant. Il ne reste plus qu'à dessiné quelque chose que j'ai en tete depuis un moment, à le placer dans le cadran circulaire, rajouter les aiguilles, puis la protection en verre, et tout sera parfait. J'attrape une feuille et un stylo que j'avais laissé sur le bord de mon bureau la veille. J'y griffonne un symbole que j'ai appris à connaitre au fil des années lorsque je n'étais pas encore ici : celui du Yin et du Yang. Dans la partie noire, j'y dessine un soleil, et dans la blanche une lune. Le Yin représenté en noir évoque le principe de féminité, la lune, les ténèbres, la fraîcheur et la réceptivité. Le Yang représenté en blanc évoque le principe de masculinité, le soleil, la lumière, la chaleur et l'action. C'est ce que j'ai appris dans les livres. Je suis la lune... C'est ce que j'avais dit une fois, à Kayn. Cette phrase m'était sortie de la tête pour je ne sais quelle raison encore. Une fois cela fait, je me lève et attrape la paire de ciseaux posée sur mon lit avant de revenir à ma position initiale et de former un cercle à l'intérieur de la feuille.
Je l'intègre au fond du cadran supérieur de la montre argentée avant de clipser les deux aiguilles noires par-dessus. Sans attendre, c'est le bout de verre poli que j'attrape en haut à gauche de mon visage, les yeux rivés sur l'objet. Un cliquetis émet de ce dernier lorsque je l'intègre au reste Je ferme la montre, attends quelques secondes, puis la rouvre. Elle produit un son mélodieux, enivrant. Ces quelques notes représentent celles du chant de la mort. C'est de cette manière que je l'ai entendu, l'autre fois. Si déroutante et fascinante. Il m'a dit que l'efficacité de ce champ n'était provoquée que grâce aux cordes vocales nécromanciennes, ce qui veut dire qu'elle n'aura aucun effet secondaire sur lui.
- Parfait.
Je souris comme une demeurée avant de refermer le clapet et de bondir de ma chaise. Je sors de la pièce et traverse le couloir des Carreaux en trottinant, le sourire collé au visage et la montre dans ma main droite. Il y a toujours aussi peu de monde, le week-end, c'est impressionnant, même après plusieurs semaines passées ici. Je rejoints le hall en descendant les dernières marches. Il est là, éternellement là, plaqué contre la façade extérieure du château. J'aperçois vaguement le coté droit de son corps amaigri. Il me sent arriver et se tourne dans ma direction, les jambes repliées sur son buste et les bras posés dessus.
- J'ai un truc à te donner, je lui annonce comme une gosse, les yeux pétillants.
- Pourquoi t'as l'air d'avoir cinq ans, d'un coup ? me demande-t-il lorsque ses sourcils se froncent.
Il a toujours cette mèche noire et bouclée qui pend sur son front, elle lui donne une aura qu'on pourrait qualifier de ténébreuse. Ça lui va bien, son aura ténébreuse. J'enfile la chaine en argent de l'objet sur mon poignet avant de lui tendre. Il semble encore plus perplexe qu'il y a trente secondes.
- Une montre ?
- Pas n'importe laquelle ! Regarde, elle fait de la musique, dis-je, le sourire aux lèvres en ouvrant le clapet.
La mélodie s'en échappe aussitôt mais il semble peu convaincu, voire même carrément gêné, en fait.
- Ça fait de la musique, fait-il remarquer avec beaucoup trop de sérieux.
Merci, Sherlock.
- Tu sais d'où ça vient ?
Il relève un peu plus le visage vers le mien, comme s'il réfléchissait profondément, ou qu'il essayait de lire mes pensées. Il ne peut pas, je le sais.
- Non, je ne sais pas d'où ça vient, ajoute-t-il après avoir écouté quelques notes défilantes.
- C'est le chant de la mort.
Il devient complètement rigide. Zéro filtre, Marie, bien joué. Léo arrive derrière moi, presque aussi enthousiaste que moi. Elle nous salue tous les deux avant d'attraper ma babiole et de refermer le clapet. Kayn l'observe avec attention lorsque la Trèfle commence son sort. Elle duplique la boite à musique sous nos yeux, provoquant une lumière éblouissante entre ses mains. Elle a les yeux plongés dans ses mouvements, rien ne pourra la perturber.
C'est lorsque je vois un sourire fleurer sur son visage de petite blonde que je me dis qu'elle a terminé. Le point lumineux disparait et laisse place à la montre originelle dans sa main droite, et la copie dans la gauche.
- Et voilà ! se réjouit-elle. Je m'éclipse, conclut-elle avant de me donner les deux babioles et de passer son bras devant son visage et sa gorge. Je l'observe s'en aller en sautillant.
- Pourquoi le chant de la mort ? m'interroge-t-il lorsqu'elle disparait dans l'aile Est.
- Parce que tu ne peux ni le chanter ni l'écouter. Je me suis dis que ça pouvait être intéressant de retranscrire les notes dans une boite à musique. Il fait partie de ce que tu es, ce chant, ne laisse pas ta condition t'empêcher de vivre.
Il est encore beaucoup trop pensif pour moi. Je n'arriverai jamais à m'y faire. Je lui tends celle que j'ai fait ce matin et garde le duplicata pour moi. Il l'ouvre à nouveau, observe attentivement le dessin que j'ai posé derrière les trois aiguilles.
- Pourquoi il y a ce dessin ?
- Avant de venir ici, je passais mes journées à me renseigner sur les différentes cultures dans le monde. Ce symbole fait partie de celle de la Chine. Le Yin représenté en noir évoque le principe de féminité, la lune, les ténèbres, la fraîcheur et la réceptivité. Le Yang représenté en blanc évoque le principe de masculinité, le soleil, la lumière, la chaleur et l'action. Il est étonnant de constater que tu représentes le blanc en tant que Mage Noir, et moi le noir en tant que Mage Blanche.
Un rictus lui échappe.
- Parce que personne n'est jamais entièrement bon, ni entièrement mauvais, ajoute-t-il faiblement.
Il referme la montre, la met dans sa poche droite et me sourit avant de se relever. À cela s'en suit un cheminement pas très discret vers l'arrière du château. Dans la chapelle, plus précisément, comme un endroit secret dans lequel personne ne peut nous trouver. Nous nous enfonçons dans le couloir sombre avant d'atterrir dans le sous-sol lumineux. Pas besoin de tenter de deviner ce qui arrivera ensuite, mais je suis déjà satisfaite.
Nous restons là une bonne heure, sur ses genoux, face à face.
- Il faudrait que j'aille récupérer quelque chose chez Dorian, m'annonce-t-il, le front posé sur le mien. Et je pense également qu'il est temps qu'il sache ce que nous faisons dans son dos, dit-il avec nervosité.
C'est vrai. J'avais presque oublié ce détail. Il n'a jamais été au courant. Je crois qu'il a peur de sa réaction, il a vraiment peur. Il me laisse descendre de ses jambes avant de rebrousser chemin vers la sortie. Alors que tout était très silencieux dehors, il attrape mes deux mains et prononce :
- Ianuae Magicae Glasgow.
En une fraction de seconde, je retrouve le décor que j'ai aperçu pour la première fois en venant ici : une forêt et un manoir au bout du chemin tracé de feuilles mortes. Nous progressons à nouveau, jusqu'au terrain un peu plus vert entourant la construction. Je ralentis le pas, de peur de vivre encore ce qu'il s'est passé la dernière fois. Lorsque le Pique s'aperçoit que je m'arrête presque, il se tourne vers moi, me forçant à moitié à avancer avec lui. Je n'aperçois personne à travers la fenêtre, ce qui nous laisse le temps d'entrer à l'intérieur. Mon cœur bat à tout rompre, je fonds comme neige au soleil. Lorsqu'il ferme la porte derrière lui, une présence écrasante vient s'immiscer dans la pièce.
- Demi-tour, prononce-t-il froidement.
Habillé tout de noir, j'ai l'impression de voir Kayn, en moins mince, la mâchoire beaucoup plus carrée, les épaules plus large. Tout est plus large, chez lui.
- Trop tard, je suis à l'intérieur, se marre le Mage Noir en faisait volte-face vers lui. On va refaire les présentations, hein ? Dorian, voici Marie, mon Calice.
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