— Je crois que tu te fous vraiment de ma gueule ! hurle Kayn, quelques mètres derrière moi.
Mes yeux deviennent globuleux lorsque je comprends qu’il s’adresse à moi. Mon buste fait volte-face vers le Nécromancien avançant à grandes enjambées vers moi. Il est rouge de colère, et moi je suis rouge de honte lorsqu’il s’arrête devant moi.
— Tu me fais la morale quand je couche avec Rubis mais pour te taper Simon, c’est une tout autre histoire !
Tout le monde nous regarde, y compris le corps enseignant se trouvant maintenant à ma droite. Je ne souhaite qu’une chose : me cacher derrière mes cheveux, mais au lieu de ça, il est planté là, devant moi, et je ne sais pas quoi dire. La bouche entrouverte, j’ose le regarder dans les yeux tout en me disant qu’à ce moment-là, lorsque je me tapais Simon comme il le dit si bien, j’aurais préféré que ce soit lui. Lui dire ne changera rien à ce que nous avons fait, à part à rendre Simon encore plus mal à l’aise Simon. Il n’a vraiment pas besoin de ça.
— J’espère que tu t’es éclatée avec le Mage Rouge, parce que tu peux déjà retourner avec et te le taper où bon te semble, même devant tout le monde, ça ne dérangera personne puisque justement, c’est un putain de Mage Rouge !
Du coin de l’œil, j’aperçois Cæsar s’ouvrir le bras gauche à l’aide d’un couteau de cuisine. Dès lors où le sang coule, les yeux du Pique prennent leur teinte rouge, mais il a à peine le temps de se retourner qu’il tombe à genoux, criant de douleur. Cela ne dure que quelques secondes, mais assez pour qu’il reste à terre. Choqué, Simon se lève et se rapproche de lui afin de l’aider à se relever, mais c’est loin d’être si simple, c’est presque trop beau pour être vrai lorsque je vois Kayn lui attraper la main. Une fois sur pied, une droite vole dans le visage de Simon et en fait sursauter quelques un de surprise. Durant cette scène, tout était calme, bien trop calme. Même les professeurs ont su garder leur sang-froid face à ce qu’il vient de se dérouler sous leurs yeux. Alors que Simon reste sonné par son coup, le professeur m’ayant adressé la parole s’avance, le regard noir de colère.
— Dans le bureau des professeurs, Kayn.
Celui-ci rigole avant de se tourner vers lui.
— Vous vous prenez pour le nouveau directeur, Monsieur Langford ?
— Justement, on en discute avec les enseignants depuis ce matin, et ironie du sort : il se pourrait que je sois votre nouveau directeur. Je te prie de venir avec nous dans la salle des professeurs. Maintenant ! lance-t-il enfin, presque hors de lui.
Il se tourne finalement vers moi tout en gardant la même froide expression sur son visage.
— Vous aussi.
Sans broncher, je me lève, dépasse le professeur tête haute mais Kayn tête basse. J’avance à pas lent malgré tout, parce que même si je suis rapide, mon sort ne changera pas. Il pourrait probablement être encore pire. Je sens la grande présence du Mage Noir avancer derrière moi, mais je n’ose pas me retourner pour regarder où en sont les enseignants, alors je me contente de regarder mes pieds, y compris lorsque nous traversons le hall d’entrée et que nous entrons enfin dans la tourelle Ouest, tout juste à moins d’une dizaine de mètres de la porte d’entrée. Paradoxalement, avec toute cette histoire, ma seule envie actuellement est qu’il me morde. Cette sensation me prend aux tripes depuis que nous sommes sortis de la chapelle. Le problème actuellement, c’est que j’ai toujours faim. Je n’ai pris que trois bouchées de ce qui se trouvait sur la table : une pomme, en plus d’autres accompagnements. Mon ventre fait des bruits de T-rex. Dans la tour lumineuse, je grimpe les marches, presque deux par deux pour éviter que l’aura de rage de Kayn me colle à la peau, mais c’est peine perdu. Une fois arrêtée, je ne peux plus reculer, bloquée entre la gigantesque porte surmontée d’un Trèfle, d’un Pique, d’un Cœur et d’un Carreau dans leurs couleurs respectives : rouge et noir et le Nécromancien. À notre gauche se trouve une porte condamnée, complètement dégarnie de toute décoration aux cotés de l’autre. À moitié tournée, j’observe Langford s’approcher de nous, passer devant moi et ouvrir silencieusement. Je ne suis même pas étonnée de découvrir cette pièce que maintenant, tout en sachant que je n’avais pas encore vu cette fameuse directrice avant qu’elle se fasse…
J’ai un frisson.
Nous entrons finalement à l’intérieur et je découvre un endroit bien sombre pour une salle des professeurs. La tapisserie est également composée de rouge et de noir. Des bandes épaisses alternes les couleurs, mais aucune fenêtre n’est là pour rendre l’endroit moins étouffant. Lorsque je tourne mon visage à gauche, une pièce annexe se trouve là, avec une grande ouverture de l’autre coté en plexiglas. Du plexiglas tellement net que je pourrais voir mon reflet dedans. Face à nous, des chaises, toujours portant les couleurs des symboles. Un seul est blanc parmi les cinq installés là. Je balaie le reste de la pièce du regard et détaille un open-space comme on en trouverait dans notre monde à ma droite.
— Dans la pièce annexe, Kayn, tu sais où elle se trouve, lui ordonne le professeur avant d’attendre que ses collègues silencieux arrivent.
Il soupire lourdement mais se dirige tout de même vers cette pièce suivit de ma minuscule présence. Une pièce tout en longueur s’offre à nous une fois la porte ouverte. Ses murs sont totalement rouges, quant à eux. Par politesse ou par lassitude, il me garde l’accès ouvert avant de venir s’asseoir à une table ovale prenant presque tout l’espace. J’ai envie de m’installer à l’autre bout de la tablette marron clair sur ses pieds de fer, mais mon cœur se résigne. Je me pose à sa droite, mais il m’évite du regard.
Tu m’étonnes, Marie…
Et pour couronner le tout, absolument tous les professeurs référents s’invitent dans la salle et s’installent à leur tour sur les places libres. C’est le silence complet jusqu’à ce que Langford débarque sans même poser les yeux sur son élève. Il s’assoit et nous dévisage chacun notre tour.
— Depuis combien de temps cette histoire dure ? nous demande-t-il, froidement.
Les bras le long de son corps, il reste impassible, mais la seule chose qu’il souhaite, c’est de nous afficher devant tous les professeurs présents dans cette pièce.
— Seulement quelques jours, avoue le Mage Noir tout en ayant l’audace de regarder son professeur droit dans les yeux contrairement à moi qui le fuit.
Sa phrase est glaciale, son visage complètement tendu, faisant naitre en moi ce sentiment si horrible de culpabilité. Mais également celui de honte lorsqu’il m’a pris en grippe devant tous les élèves de cette académie.
— Tant mieux, ricane l’enseignant. Ce n’était que de passage alors. J’aimerais que vous cessiez tout contact afin d’éviter d’engendrer un enfant hybride.
— De toute façon, je comptais mettre un terme à cette mascarade, prononce doucement Kayn en croisant les bras sur son thorax.
Cette mascarade ? D’accord. Je vois clair dans son jeu.
— J’ai couché avec Simon parce que tu venais de m’envoyer chier comme une malpropre, si tu veux tout savoir, j’ajoute brutalement en me tournant vers lui.
Je tente de capter son regard, de chercher cette étincelle qu’il a toujours lorsque ses yeux se posent sur moi. Il finit par quitter Langford des yeux pour se concentrer difficilement sur moi. Dans le coin de ma vision, j’observe le professeur vaciller entre Kayn et moi lorsque nous parlons.
— Ça ne te donnais pas le droit de te plaindre de mes affaires avec Rubis pour derrière faire la même chose avec mon pote.
— Bon, écoutez ce sont vos histoires, ça, pas les nôtres, grogne Langford.
C’est vrai qu’il n’y a pas de quoi étaler le beurre sur la tartine. Cependant, je cherche toujours ce qui poussent ces enseignants à nous ordonner d’en finir. Avoir un enfant n’est pas quelque chose d’obligatoire, c’est avant tout un choix. Ma pensée est vraiment déplacée en ce moment même sachant qu’il ne me regarde presque plus alors qu’il le faisait du matin au soir avant ça. Je m’enfonce un peu plus à chaque seconde qui passe dans ma chaise, toujours honteuse de ce qu’il s’est passé. De ces regards insistants, de la pression que j’ai ressenti dans mon dos quand je me suis retournée. C’était Anabella, en train de me dévisager comme si je venais d’une autre planète.
— Je crois qu’on a compris, Monsieur, braille à nouveau Le Corbeau. Si vous vouliez nous afficher devant tous les référents, c’est raté. Je me sens pas plus gêné qu’il y a trente minutes.
Moi, en revanche, c’est une tout autre histoire. Je me sens si oppressée avec toutes ces têtes qui me regardent.
— Qu’on ne vous reprennent pas tous les deux ensembles ou il y aura de réelles sanctions. Je laisse passer pour cette fois, les premières années sont turbulents, ils font des erreurs souvent pardonnables. Sachez, Mademoiselle, ajoute-t-il en se tournant vers moi. Cette relation ne mènera à rien.
Merci, mais je le sais.
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