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Chapitre 2 - Catrina

Mais lorsque le vieillard ouvrit la bouche pour commencer son récit, aucun son n'en sortit, tandis qu'une grosse larme roula sur sa joue. Je n'osai parler durant cet instant qui me sembla durer une éternité, je restai coi et attendis. Enfin le vieil homme s'essuya la joue d'un geste bourru et me regarda en esquissant un sourire.

« Vois-tu, c'est difficile pour moi de parler de cela. Je ne l'ai encore jamais dit à personne. J'ai besoin de temps pour me faire à l'idée que mon passé va ressurgir d'entre mes lèvres, déferler dans mon esprit, comme les vagues déferlent sur la jetée du port. C'est parfois triste d'avoir à regarder derrière soi. Surtout quand la vie est en train de courir plus vite que toi... »

« Elle court vite la vie monsieur Erwan ? » lui demandai-je, étonné. 

« Oh... très très vite, quand on est jeune on ne s'en rend pas vraiment compte, parce qu'on a l'illusion d'aller comme elle. »

Le bonhomme baissa les yeux au sol et ne les releva vers moi qu'après un long moment. Moi, je restai là à le regarder penser. Cet homme me fascinait.

« Mais je ne peux pas te laisser repartir chez toi sans t'avoir donné ce que tu es venu chercher. » fit-il en souriant pour de bon. « Je ne te raconterai pas mon histoire aujourd'hui, mais je traîne dans ce port depuis un bon bout de temps. Je connais plein d'autres récits qui te feront voir du pays, et peut-être même devancer un peu ce satané temps qui court si vite ! »

À ces mots, je m'assis sur le pavé juste en face de la chaise du vieil homme, et attendis de pouvoir boire goulûment ses paroles.

« Alors par qui commencer... » dit-il en se grattant la barbe. Soudain, ses yeux qui balayaient le port derrière moi semblèrent s'arrêter sur quelque chose.
« Ah ! Mais oui, Catrina ! »

« Catrina ? » répétai-je, légèrement décontenancé par ce début de récit.

« Oui mon garçon, tais-toi et écoute. Il y a de cela quelques années, je travaillais dans le port comme docker. Tu sais mon petit, certains bateaux transportent... comment dire... une marchandise très étrange, on appelle ces bateaux des négriers. Dans ces navires, on arrache des gens à leur terre natale sous prétexte qu'ils ne sont pas de vrais hommes, pour les emmener loin de chez eux. Ils vont souvent travailler en Amérique où on les vend comme de vulgaires meubles.

Mais moi j'ai vu une fois un navire qui revenait des Antilles, avec à son bord une poignée d'esclaves, qui devaient être vendus à une riche famille de planteurs de tabac des îles de l'océan Indien. Tu sais les voyages en navire sont déjà éprouvants pour les matelots, mais pour les esclaves c'est un enfer, certains meurent avant même d'avoir atteint la destination. Cette poignée-là, qui avait survécu jusqu'ici, jusqu'en France, était miraculée... imagine-toi passer des mois sans bouger, dans la pénombre d'une cale, avec ces odeurs... Je n'ai jamais vraiment aimé ce commerce-là mon garçon.

Toujours est-il qu'il est très rare que des esclaves fassent un tel trajet et arrivent en France. Leur bateau devait donc les emmener à terre pour qu'ils puissent reprendre des forces avant de partir. Et, alors que j'aidais à décharger les autres marchandises, je vis un jeune matelot aux cheveux blonds relever une esclave qui avait trébuché sur le pavé du port. Je continuai de suivre le convoi de marchandises et d'esclaves jusqu'à l'entrepôt réservé au navire, tandis que le jeune matelot blond restait toujours à côté de la pauvre condamnée.

Lorsque nous eûmes fini d'entreposer, il était très tard et je fus le dernier à quitter le lieu. Du moins c'etait ce que je pensais. Tandis que je passais la lourde porte de la grange, j'entendis un bruit dans mon dos et vis le blondinet courir vers l'enclos des nègres, une lanterne à la main. Je me mêlai peut-être d'une chose qui ne me regardait pas, mais je me postai tout de même dans un coin de l'entrepôt pour pouvoir apercevoir la scène qui suivit : le blond siffla trois fois et la jeune négresse apparut aux barreaux de l'enclos. Il lui tendit un bout de pain et ils parlèrent un court instant, puis le matelot tourna les talons, non sans avoir laissé sur la joue de la jeune femme un tendre baiser. Ce dont je me doutais déjà était maintenant avéré. Nos deux inséparables étaient amoureux.

Le lendemain, alors que je me trouvais encore une fois dans la baraque à finir seul l'inventaire des marchandises, le jeune matelot revint une nouvelle fois donner à manger aux esclaves et embrasser sa bien-aimée. Ce manège dura tout le temps que le navire fût à quai, mais vint le jour du départ.

C'était un soir de pluie comme il y en a beaucoup ici.

Nous chargions le navire de vivres avec mes collègues, tandis qu'un groupe d'hommes armés encadraient les esclaves. Le blond était parmi eux. Le chargement était presque terminé, quand soudain, un cri retentit dans notre dos suivi d'un coup de feu. Je me retournai et vis le matelot et la jeune esclave courir vers les baraques du port, un des hommes qui gardaient les esclaves gisait à terre, un couteau planté entre les omoplates, un autre avait déchargé son fusil sur les fugitifs mais avait visiblement manqué sa cible. Les autres se lancèrent à la poursuite des fuyards en nous laissant les esclaves.
Ils furent de retour quelques instants plus tard, traînant le corps inanimé du matelot. Mais aucune trace de la femme. Le navire leva l'ancre pour l'océan Indien quelques heures plus tard, abandonnant les recherches. 

La chose fit peu de bruit, étouffée dans la presse par la compagnie négrière. Cependant cette histoire me trottait dans la tête, j'avais vu les amants pendant toute leur idylle à terre, et la mort de cet homme ne m'avait pas laissé de marbre. Une question me revenait souvent à l'esprit : où donc était la jeune femme ? Ma question resta longtemps sans réponse, jusqu'à cette chaude journée d'été.

Alors que je me promenais dans Camaret, je vis une jeune femme à la peau noire sortir de la taverne. Je ne la reconnus pas tout de suite, mais alors qu'elle s'éloignait, l'histoire des deux amants se rappela à mon souvenir. Je rattrapai la femme et l'interpellai. Elle me répondit alors dans un Breton assez approximatif mais que je réussis à comprendre. Elle se faisait appeler Catrina et avait été caché par des amis de feu son amant. Après plusieurs mois de cavale, les hommes à sa poursuite avaient abandonné toutes recherches et l'avaient déclarée comme morte auprès des registres du port. Elle vivait maintenant dans une petite mansarde à l'étage de l'auberge. Elle la louait en vendant la seule chose qu'elle possédait aux berniques de comptoir que sont les marins en escale. » À ces mots, mon conteur se renfrogna un peu.

« Comment ça, la seule chose qu'elle possédait ? Si elle n'avait qu'une seule chose, comment a-t-elle pu la vendre à plusieurs matelots ? » demandai-je innocemment.

« Tu découvrira bien assez tôt, mon petit, que la vie n'est pas un conte de fée pour tout le monde, certaines personnes ont parfois besoin de se livrer à des actes qui les répugnent pour pouvoir survire. Catrina est l'une d'entre elles, et c'est l'une des femmes les plus fortes que j'ai connues. Elle a beaucoup pleuré son amant, qui s'appelait Jacques, mais elle a tenu le coup. Nous sommes devenus très amis, je l'ai aidée avec une partie de ma paie pendant un moment, cela lui évitait quelques efforts de plus. Maintenant elle est serveuse à la taverne et gagne sa vie autrement. » Tandis qu'il parlait, Erwan avait gardé les yeux fixés sur un point par-dessus mon épaule, je me retournai et vis au loin une jeune femme noire assise au bord d'un ponton, elle regardait tendrement l'eau et en caressait la surface du bout des doigts.

« C'est elle ? c'est Catrina ? » m'écriai-je, les yeux écarquillés.

« Oui mon petit Loïc, mais c'est plus que ça, c'est une femme belle et digne qui, même dans la misère et le malheur, a su garder la tête hors des flots qui la tiraient vers le fond, une femme qui a tenu bon mais a fini par échouer dans ce port, parce que des hommes ont décidé de ses rêves à sa place. Elle n'a jamais voulu aimer à nouveau, et n'aimera probablement plus jamais. Elle rêvait de Jacques, qui voulait la sauver. Mais le temps et la vie lui ont pris son rêve. C'est pour cela que tu dois tout faire pour réaliser le tien, quoi qu'il t'en coûte. Ne rien tenter, ce serait faire honte à ceux qui n'ont pas réussi, à ceux que la vie s'est amusée à tourmenter, à ceux qui tiennent bon, pour ne pas pourrir sur la plage des rêves brisés.»

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