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2 : Désenchantée

Alicia fit défiler les pages de son carnet fétiche. Chaque jour, elle remplissait ses pages de morceaux d'histoires, de rêves... C'étaient souvent des gribouillages inaboutis, des idées un peu maladroites et futiles, mais elle ressentait un besoin incontrôlable de les exprimer. On pouvait y voir beaucoup d'esquisses au crayon ou à l'encre qui représentaient des bêtes imaginaires, des personnages fantomatiques et des forêts lugubres. Une ironie bizarre embaumait cette farandole macabre à la Edward Gorey ascendant Tim Burton. Pourtant, page après page, les dessins se raréfiaient, les traits devenaient plus brouillons, inachevés, maladroits. Chaque tentative se dissolvait dans un tourbillon noir furieux. Gommés, raturés, lacérés. Ses personnages n'étaient plus que des poupées aux yeux crevés, aux bouches cousues de barbelés. Puis, à la fin, le vide. Les pages blanches datées scrupuleusement, jour par jour, se succédaient. Des semaines et des semaines de néant.

Elle n'y arrivait plus. Pourquoi ? Pourquoi ?! Dessiner était son plus grand plaisir, son unique moment de répit, son meilleur plan d'évasion. Quand elle laissait la mine vagabonder sur le papier, elle oubliait tout, elle lâchait prise et rentrait en une sorte de transe primitive. Par moment, elle revenait sur terre, ouvrait les yeux et contemplait sa création. Oui. Elle créait. Une joie paisible et enfantine berçait son cœur. Elle créait. Avant, il n'y avait rien, et puis, ABRACADABRA ! elle sortait une image de son crâne et la rendait visible dans l'espace. C'était ça, sa sorcellerie.

Maintenant, il ne lui restait plus que des souvenirs.

Terrée dans sa chambre, ou plutôt, dans son sanctuaire, Alicia se pencha sous son lit. Ce n'était pas pour vérifier si un monstre s'y était tapi, mais pour y trouver une grande boîte aux motifs bucoliques. Ses ongles tapotèrent avec impatience le couvercle surmonté d'un joli ruban. Elle avait été si longtemps oubliée qu'une couche de poussière la recouvrait comme un tapis de neige.

– À nous deux, lança-t-elle.

Elle l'ouvrit précautionneusement, tandis qu'un frisson superstitieux parcourait son dos.

D'abord, elle exhuma une sorte de grand livre fait de carton et de bouts de ficelles maintenus par du scotch intitulé très sobrement « Grimoire ». Elle le feuilleta. Sur les pages artificiellement jaunies, une écriture malhabile détaillait scrupuleusement des sortilèges vaudou.

Le fond de la boîte comportait un tas de bricoles brillantes et colorées, des livres, des peluches, des vieux dessins, un chapeau de fée écrasé ou encore un jeu de cartes incomplet : tout un trésor se déployait sous ses yeux. Ces objets qu'elle avait l'impression de réveiller la rendirent mélancolique.

Ses yeux furent aussitôt attirés par la fenêtre. Ce qu'elle y vit lui provoqua un pincement au cœur. Tout lui semblait laid, étranger : les toits gris, le ciel d'argile. C'était un malheureux ciel d'hiver, que le soleil tiède se dépêchait de fuir. Au loin, un orage muet. On voyait seulement des portions de nuages noirs clignoter à tour de rôle. Elle aurait tellement aimé l'entendre cet orage. Mais même la météo était insipide ici.

Alors, dans un effort prodigieux, une vision différente, une vision du passé remonta au bord de ses paupières. Lentement, comme un calque, les nouvelles couleurs prirent le dessus sur le paysage présent, le diluèrent, l'effacèrent.

Là-bas, par la fenêtre de ce qui avait été sa chambre, on pouvait voir un bois. Combien de journées avait-elle passé à l'explorer ! À cette époque, il lui apparaissait comme une forêt immense qui renfermait de passionnants secrets.

Quand elle était triste, elle s'y réfugiait, sans prévenir personne. Elle s'asseyait sous le plus grand des arbres, celui qui avait ses branches articulées comme des bras, puis elle lisait des histoires, des tas d'histoires. Mais la nuit, lorsque la lune mordait le ciel de son gigantesque sourire, le charmant bois se parait d'ombres et d'échos inquiétants qui lui donnaient l'air d'être hanté. Et la petite fille, tremblante, se retenait d'imaginer quelles sortes de monstres pouvaient bien surgir du sommeil de la forêt.

Comme les choses avaient changé depuis !

La maison avait été vendue. Maintenant, des inconnus dormaient dans sa chambre, cassaient des murs pour en faire d'autres, s'appropriaient les moindres recoins de son jardin, ajoutaient de nouveaux souvenirs par-dessus les siens.

Elle... elle s'était laissée déraciner sans réagir, pour se réveiller un beau matin dans ce grand lit, cette chambre trop petite, cet appartement sans âme. Le contreplaqué et l'inox y régnaient en maîtres, imposaient leurs couleurs froides tout comme leur régularité éblouissante. De fausses orchidées dispersées dans des vases rectangulaires couronnaient une décoration à la pointe de la mode. L'enfer.

Dehors : le centre-ville. Rien qui puisse faire rêver ou donner de l'espoir. Rien d'autre que des pavés boueux, des vitrines de magasin et des panneaux publicitaires. Les gens passaient, ou plutôt fuyaient, à travers le brouillard gris et malsain du matin : un mélange de pots d'échappement et d'exhalaisons de fumeurs stressés. Un peu partout, des platanes jaunâtres encore plus déprimants que les murs poisseux des immeubles abandonnaient leurs dernières feuilles cartonnées prêtes à partir en miettes.

Oui, elle s'était réveillée il y a peu. Un réveil pénible, difficile. Le genre de réveil qui vous laisse nauséeux pour la journée entière. Cela faisait bientôt un an qu'elle avait emménagé seule avec sa mère. Mais, en redécouvrant cette boîte, elle comprit qu'elle ne s'y était pas habituée. Elle ne pourrait jamais s'y habituer. Et maintenant, elle était là, par terre, à regarder tous ses rêves de petite fille en vrac. Qui sait s'ils ne la regardaient pas eux aussi ? Immobiles, poussiéreux, leur silence respirait la désapprobation.

– Je suis désolée, murmura-t-elle.

Elle sortit enfin le livre qu'elle était venue chercher puis referma le couvercle d'un geste brusque. Noir.

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LE PETIT MOT :

Hey ! J'espère que vous vous portez bien et que vous êtes dans un bien meilleur mood qu'Alicia ! C'est un réel défi de commencer son récit avec une héroïne qui traverse une période difficile (dépression?). Mais c'est un sujet qui me tient à coeur et je pense qu'on est tous plus ou moins concernés au fil de notre vie ☁️

Sinon, y en a-t-il parmi vous qui écrivent du fantastique ? Quel est l'état d'esprit de votre héros ou de votre héroïne avant d'être confronté.e à la magie ou au surnaturel ?

Macabrement vôtre,

A Gothgirl

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