Dans le chaos de la bataille, Fernand vit sortir de derrière un navire un groupe d'adversaire non encore identifiés. Il était clair qu'il s'agissait de Silridriss, leurs morphologies ne sauraient mentir. Ils portaient de lourdes armures faites d'opales. Ils se déplaçaient sur d'étranges dragons caparaçonnés.

- Fernand, fit l'Ours de cristal d'une voix à la fois calme et grave. Noral a fini ses calculs sur le système pour changer de monde. Je l'intègre.

« - Doux-Dingue ! Ici Twister, je crois que les mages sont là ! Ils arrivent par l'ouest et... qu'est-ce que c'est que ce binz ? »

Sortant d'un nuage, un immense disque de métal gravé de partout dévoila son inquiétante présence. Fernand n'eut pas le temps de s'interroger sur ce que cette chose était censé faire : les mages ouvrirent sur lui un feu nourri. Contrairement aux tirs de sarbacks ou des pièces d'artilleries ennemies, le trait de lumière était d'un blanc éblouissant. Bien plus précises que les autres, les trajectoires des projectiles quittaient leurs mains en salves de trois à cinq.

Les trois pilotes esquivèrent comme ils purent et la machine rouge de Fernand riposta. Nemaya reçu un projectile sur l'une de ses ailes. Ce dernier n'avait pas été conçu pour détruire, mais pour neutraliser. L'énergie blanche se répandit rapidement sur l'aile, et la rendit inutilisable. Dans une manœuvre qui aurait valu à la combattante l'admiration d'acrobates, elle réussi à se poser sur le pont d'envol des chasseurs de l'un des navires. Les techniciens médusés ne purent rien faire face à la lourde machine de guerre.

Face à la riposte de la machine rouge, les mages activèrent des boucliers, ce qui fit que la réplique eut moins d'effets qu'escompté.

« - Ça se corse ! Commenta-t-il, je me focalise sur nos nouveaux copains !

- Prends pas de risques ! » Répondit Manuel en arrachant des pierres d'un chasseur Silridriss.

Sans vraiment comprendre ce qui se passait, ce dernier sentit sa machine attirée vers l'arrière. Il tournoya pour contrôler sa trajectoire et comprendre se qui lui arrivait. L'impact sur la coque de l'immense blindé ennemi fut violent. Celle-ci se déforma de plusieurs centimètres lorsque ses pieds la touchèrent sur le tiers avant du bâtiment, Le jeune homme ne savait absolument pas ce qui se passait : plus personne ne le prenait pour cible et son vol venait d'être neutralisée.

- Ego ! Qu'est-ce qui se passe ? Je ne contrôlais plus ma trajectoire !

- Je sais pas ! Répondit le loup paniqué, Quelque chose t'attire, et c'est suffisamment chargé en Erapha pour modifier la gravité. Autant dire que c'est énorme !

- La favorite ?

- J'en ai peur.

Un coup d'œil de droite à gauche confirma la crainte de Manuel. Descendant lentement le long de l'arête du navire, la Silridriss avait revêtu la même armure d'opale que les mages. Les quelques écailles qui dépassaient de la protection brillaient faiblement d'une couleur dorée. Dans les ténèbres de l'orage, la vision du saurien brillant de mille feux paraissait véritablement celle d'une créature divine. Cependant, les lueurs de colère et de rage aurait plus été liée à celle d'un démon. Plus elle avançait, plus sa taille grandissait, jusqu'à atteindre celle de l'armure de Manuel.

- Je sais pas pourquoi... mais je sens qu'on va en chier...

- C'est vraiment pas le moment Ego.

« - Nemaya, ici Doux-dingue ! J'ai la favorite en visuel ! Twister est occupé ! J'ai besoin d'un coup de main !

- Je ne peux pas : un des mages m'a atteint ! Les impacts désactivent les systèmes à Erapha ! Je suis bloquée sur un autre navire le temps des réparations. Faites gaffe à vous deux ! »

Tandis qu'elle avançait avec un sourire sadique, la favorite ouvrit les paumes de ses mains. Deux épées de lumières aussi brillante que dangereuses y apparurent. Manuel reconnu sans difficultés le style légèrement courbé des lames Silridriss.

- Encore de l'Erapha..., pensa-t-il

- Elle est chargée à bloc. Son armure stoppera toute tentative de dégâts physique. Et ses lames sont aussi tranchante que la tienne.

- Quelle est la quantité d'Erapha nécessaire pour passer une telle barrière ?

- Énorme. Répondit le loup tandis que la Favorite, représentante de la Déesse-Impératrice Silridriss se stoppait à cinq pas d'armures de lui.

« - Repends-toi de tes crimes, annonça-t-elle gravement. Demande le pardon de la Déesse-Impératrice à genoux. En son nom, je pourrai te l'accorder hérétique.

- Vous pouvez préciser ? Je ne suis pas très au courant question théologie... » Répondit Manuel en cherchant à gagner du temps.

- Ego ! Analyse-là ! Vite !! trouve une faille !

- C'est en cours, répondit le loup. Soit extrêmement prudent : elle n'est pas normale.

« - Je t'accorderais une mort rapide et sans douleurs.

- Je suppose que si je refuse, ce sera l'inverse ?

- Oui.

- Y'a pas d'autres options ?

- Pas pour les hérétiques. Il fallait y penser avant d'attaquer la flotte de notre Déesse-Impératrice.

- En tant que soldat, on se contente de suivre les ordres. On n'est pas très ''réflexion'', mentit-il.

- Grouille Ego ! Ça urge !

- Oulla... Ça ne va pas te plaire : Noral ne détecte aucune faille.

- Ct'un gag ?

- Non, on manque d'informations et l'imbrication des énergies et de l'armure qui la compose la rend invincible face à une simple commande. Il va falloir l'affronter à l'ancienne le temps d'avoir suffisamment d'informations pour refaire une passe.

- L'armure... est-ce que l'armure est chargée d'Erapha ? Dans l'esprit du jeune homme, une stratégie se mettait lentement en place.

« - As-tu fait ton choix ?

- Ouais... Mais la réponse ne va pas te plaire.

- Je m'en doutais. » Fit la favorite en se jetant sur lui.

- Oui, répondit le loup tandis que le jeune homme bloquait la lame ennemie avec la sienne d'un coté, et avec le bouclier de l'autre. Elle frappa alors d'un violent coup de tête. Elle voulut en mettre un second, mais ne trouva que la garde de la Schiavone : Manuel avait glissé la lame pour placer un uppercut. Plus par surprise que par réelle blessure, cela la repoussa de plusieurs pas. Le regard du pilote s'attarda sur l'armure.

- J'ai trouvé.

- Quoi ? ...Non !

- Si !

La Favorite leva le poing gauche, serrant sa lame en face de son visage. L'AMC du loup blanc fut projetée à l'horizontale contre elle. Dans un même mouvement, elle esquiva et trancha la machine à la hanche. Du moins le cru-t-elle : Manuel, sentant le danger, s'était servi de ses queues comme d'une ancre et son épée bloqua celle de la Silridriss. Le choc le propulsa quand même contre la coque du navire avec violence. Sa machine fut déformée et le loup blanc l'informa de l'inutilité des ailes.

- Putain ! Elle tape fort ! Pesta le jeune homme tandis que la douleur parcourait son corps.

- Manuel ! Pas de bêtises ! Si tu te loupes on est mort ! Objecta Ego tandis que le jeune homme roulait sur lui-même pour échapper à la favorite

- C'est tout ce que j'ai... accroche-toi !

- Arrête tes connerie putain, c'est une Favorite !

Manuel se releva, échangea quelques passes d'armes avec la Silridriss. Puis, soudain, à la vitesse de l'éclair, ses queues s'enroulèrent autour des poignets de son adversaire. Cette dernière eut un instant d'incompréhension à la vue d'une telle manœuvre. Elle releva la tête à temps pour recevoir le pied gauche de la machine se placer sur son visage. Ainsi arc-bouté sur la terrible combattante, les mains de la machine de guerre se saisirent du plastron et tirèrent dessus avec force.

Les fixations lâchèrent d'un coup sec après avoir tenu un bref instant. L'effort sur le visage la repoussa un peu plus loin, et Manuel, déséquilibré tomba de l'autre coté. Le jeune homme se releva rapidement, la protection entre les mains, s'attendant à une réponse immédiate de son adversaire.

Mais il n'en fut rien. Dans le chaos de la bataille, quelques chasseurs passèrent près de lui, mais ne tentèrent rien.

- Je sais pas comment je dois te qualifier : un con ou un génie ? Commenta le loup blanc.

Le pilote ne répondit pas. Il se doutait que quelque chose ne tournait pas rond. Puis, il l'entendit... doucement pour commencer, puis de plus en plus fort. Un rire sadique résonnait dans l'atmosphère électrique. Le sourire aux lèvres, la favorite se redressa sans quitter des yeux le combattant.

« - Depuis des centaines d'années, je n'ai jamais trouvé qui que ce soit qui ai été capable de ce que tu viens de réaliser. J'ai changé d'avis, je vais te garder en vie, nous jouerons ensemble. »

Le pilote de Berserker ne répondit pas : sur la poitrine de la favorite, luisait un symbole changeant. Il tournoyait comme un mécanisme de rouages vu du dessus. Parfois, un morceau changeait de position et sautait de cercle. Le loup blanc envoya immédiatement l'information à Noral.

« - Intéressé ? Je ne fais pas ce genre de propositions tout les jours.

- Non, je suis déjà marié... et vous êtes trop vielle pour moi. »

- Manuel ! C'est... commença le loup

- Mécanique, je sais. J'ai reconnu les mouvements : les internes sont ceux d'un train épicycloïdal. Et j'ai aussi des relations sur de petit mobiles externes, de l'ordre de deux ou trois pour le premier. Et l'inverse pour le seconds... Questions : où est passé la 3e roue du train épicycloïdal ? Elle est manquante...Et à quoi ça sert ? C'est la première fois que je vois un de leurs symboles mobiles...

- Manuel ! C'est le Klastlabad ! Noral est formel !

- Merde !

D'un mouvement sec, la Favorite attira son plastron pour le remettre en place. Mais le jeune homme le tint fermement. De nouveau, elle rit avant de simplement claquer des doigts. L'onde de choc fut terrible. La coque du navire de guerre se déchira sur toute sa longueur. Une cinquantaines de chasseurs, trop près de la déflagration furent vaporisés. D'autres navires aux alentours subirent eux aussi quelques dégâts mineurs. Le bras droit et l'aile droite de la machine blanche explosèrent en petits morceaux, l'engin s 'écroula à genoux.

- Ego ! Qu'est-ce qui s'est passé ? Paniqua Manuel

- La puissance du Klastlabad est sans commune mesure avec la nôtre. Nous sommes un feu de paille à coté d'un soleil ! Elle a vaporisé nos boucliers et une partie de notre machine d'une simple onde de choc !

- Merde ! Répare !

- Tu dois rester immobile le temps que je récupère les matériaux du navire ennemi.

- Tu plaisantes ?

- J'aimerais !

Le jeune homme releva les yeux pour voir la Silridriss remettre son plastron en place d'un élégant mouvement de la main avant de lui adresser la parole :

« - Ce n'étais une question que pour la forme... Bien entendu, tu n'as pas le choix.

- Doux-dingue, ici Twister, intègre les modifications pour changer de monde ! Tires-toi vite ! Résonna la voix de Fernand dans son casque. »

Comme pour appuyer ses dires une volée de tirs virent frapper l'emplacement de la Favorite Silridriss. La fumée retombée, elle était toujours là, calme, un sourire sadique sur le visage reptilien.

« - Toi, tu ne m'intéresses pas.

- Si je me tapes la fille après la mère, on va m'accuser d'inceste, alors c'est pas plus mal. » cracha la machine rouge.

Sous la surprise, la guerrière se figea tandis que le soldat qui n'avait jamais eu la langue dans sa poche continuait :

« - D'ailleurs, elle ma raconté ton accident, t'as pas eu trop peur ce jours-là ?

- De quoi ? Grogna-t-elle avec une colère sourde liée à la compréhension de la première insulte.

- Twister, non ! Cria Manuel

- Du jour où il a eut un incendie dans ton berceau, et que tes parents ont dû l'éteindre à coups de pelle ! »

Dans sa colère, la Favorite ne contrôla plus sa puissance. Le rayon lumineux qui jaillit de ses mains fut énorme et destructeur. Deux autres navires furent endommagés, un troisième disparut littéralement.

Fernand également.

Plus de contact, plus d'écho sur le radar, plus de lien radio.

Un portail s'ouvrit juste devant la favorite de grande taille. Immédiatement après, une lourde AMC grise avec des enluminures orthodoxes en sorti, la lame en avant.

Nemaya frappa de manière transversale.

D'un saut, la Favorite esquiva avant de contre-attaquer d'un rayon mortel. Mais, d'un pas en arrière, la combattante traversa derechef le mur de lumière, esquivant en partie le tir. Des morceaux d'épaulettes rebondirent sur le coque en quelques tintements aigus.

- Ego ! Intègre aussi le changement de monde dans les systèmes: J'ai une idée !

- Je vais aussi vite que je peux !

Devant les yeux médusés du jeune homme, l'armure grise sortit de nouveau d'un passage interdimensionnel. Face à elle, la favorite riait à gorge déployée en se battant. Lors d'une passe d'armes, la Silridriss désarma la guerrière, la lame s'envola dans le ciel. De la main gauche, Nemaya attrapa le plastron à l'emplacement de la gorge. La droite fit un aller-retour sur le visage saurien pour l'empêcher de frapper. La manœuvre réussit presque, la lame silridriss s'abattit sur le poignet, tranchant net le métal nano-construit. D'un coup de pied, Nemaya se dégagea avant d'ouvrir le feu avec le laser et l'arme de poing. Manuel savait que la douleur à la main gauche devait être terrible. Son bras et son dos lui rappelèrent à cette occasion qu'ils étaient eux aussi en mauvais état.

Contre toute attente, le rayon lumineux fut déformé et dirigé ailleurs. Les décharges de l'autre arme furent absorbées. Devant eux, la Favorite se stoppa et rit derechef : aucune des armes disponible ne semblaient l'atteindre. Quand à la blessure que Nemaya lui avait infligé au visage, elle se refermait à vue d'œil.

Manuel avait tout vu, l'ensemble du combat, et rien ne semblait la stopper. La Favorite était légèrement plus rapide qu'eux, et son système de protection dépassait tout ce qu'il avait rencontré.

- Il y a une faille, fit Ego. Minime et dangereuse.

- Laquelle ?

- Utiliser un passage dimensionnel pour la tuer : la faire traverser en partie, puis couper l'alimentation... Expliqua le loup blanc. L'utilisation de passages coûte très cher Erapha, mais je n'ai rien d'autre en magasin.

La Favorite se précipita sur la guerrière et fut stoppée par une nouvelle volée de projectiles venus du haut. Fernand, dans l'armure rouge gravement abîmée, se posa sur le carlingue du navire de guerre Silridriss.

« - Qu'est-ce qui se passe ? Demanda-t-il. T 'as survécu que je sache ! Oui, bon, je sais, depuis, avec ta gueule, c'est pas forcément facile pour draguer ensuite...

- Mais tu la fermes jamais ? Demanda la favorite, outrée de le savoir vivant.

- Je voulais juste que tu saches que je compatissais à ta peine. Baiser avec un sac sur la gueule à chaque fois, ça doit pas être pratique ...»

Désormais alignés, Manuel à la proue, sa machine endommagée, puis Nemaya, sans son épée, la Favorite, et enfin Fernand juste à coté de l'arme de la guerrière Russe. Ce dernier la ramassa avant de la jeter à la combattante. La Favorite ne regarda même pas la lame passer au-dessus d'elle. La colère à l'encontre du pilote de l'armure rouge avait dépassé les bornes. Pourtant, elle savait qu'il avait déjà réussi à s'esquiver une fois, et il le referait certainement si besoin était. Autour d'eux, la flotte Silridriss, privée d'un cinquième de ses troupes se positionnait pour leur empêcher toute retraite. Les chasseurs noirs, tournoyaient tels des vautours, attendant patiemment la mise à mort. Les mages survivants étaient là eux aussi, spectateurs silencieux et inactifs de ce terrible combat entre des entités défiant la normalité. Aucun de ces spectateurs ne doutait de la supériorité de la Favorite.

- J'ai fini les réparations. Tu es de nouveau opérationnel... J'ai aussi intégré le générateur de portail vers d'autres mondes.

- Ça marche

Les multiples explosions brillèrent dans le ciel noir, les missiles de croisières américains frappèrent un immense bouclier d'Erapha. Nemaya identifia immédiatement l'origine du champ comme étant l'immense disque.

« - Je vais devoir vous laisser... fit-elle mentalement.

- Pas de problèmes, répondit Fernand par radio.

- Nan, tu vas avec elle, couvre-la, elle a raison sur ce point : faut bousiller ce truc. Moi, je m'occupe d'elle, déclara Manuel en se relevant en posant les yeux sur la combattante.

- T'es sûr ? tu vas en chier...

- Pour changer... »

Sans crier gare, la Silridriss de grande taille se jeta sur Nemaya avant son décollage. Manuel l'intercepta en bloquant ses bras, puis, d'un coup de tête, il la fit reculer. Il sentit derrière lui la lourde machine grise s'envoler vers l'immense disque. De rage, la favorite fit un simple mouvement de la main qui repoussa également le loup blanc tatoué. Le Berserker de Fernand ouvrit le feu pour dégager un passage à la russe. Perspicace, l'immense et terrible guerrière s'envola à la poursuite de la fuyarde. Le grappin de Manuel la ramena immédiatement sur la carlingue. Elle se jeta sur lui comme une furie. Ce simple mouvement fait avec précipitation suffit pour que le pilote la blesse gravement.

Elle frappa. Manuel ouvrit un portail qu'il referma une fois que son bras y fut entré.

La coupure fut nette et sans bavures.

La favorite hurla de douleur et se déconcentra un court instant. Le temps pour le jeune pilote d'ouvrir un autre portail, après un rapide échange de coups, il l'attrapa par la gorge et força la tête de la guerrière à y entrer. Seul le front pénétra le mur de lumière, mais il coupa tout de même l'alimentation. Le crâne fut tranché à l'horizontale.

Le corps mutilé s'écroula sur la coque, inerte.